Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : QY c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 182

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Prorogation du délai et Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Demanderesse : Q. Y.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 28 septembre 2021 (GE-21-1672)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 16 mars 2022
Numéro de dossier : AD-22-90

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Décision

[1] La prorogation du délai pour demander la permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse, Q. Y. (prestataire), fait appel de la décision de la division générale. La division générale a conclu que la prestataire avait présenté en retard sa demande de prestations d’assurance-emploi en février 2021. La division générale a aussi conclu que la prestataire n’avait pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le fait de n’avoir pas présenté sa demande de prestations plus tôt, soit le 30 août 2020. La division générale a décidé de ne pas antidater la demande de la prestataire, c’est-à-dire de la traiter comme si elle avait été présentée plus tôt.

[3] La prestataire soutient que la division générale n’a pas respecté les règles d’équité procédurale.

[4] Avant que la prestataire puisse aller de l’avant avec son appel, je dois décider si l’appel a une chance raisonnable de succès. Il y a également la question de savoir si la prestataire a déposé sa demande à temps. Quoi qu’il en soit, la prestataire doit avoir une cause défendable pour que son appel soit accueilli.

[5] Je conclus que la prestataire n’a pas une cause défendable. Pour cette raison, je refuse de donner à la prestataire la permission d’aller de l’avant avec son appel.

Question préliminaire

[6] Il y a la question de savoir si la prestataire a reçu la décision de la division générale dont elle fait appel. Dans sa demande à la division d’appel, elle a écrit : « Je n’ai pas encore reçu et n’en sais rien ».

[7] Si la prestataire n’a pas reçu la décision de la division générale, le temps n’a pas commencé à s’écouler en ce qui concerne son délai pour déposer sa demande auprès de la division d’appel. Sa demande déposée auprès de la division d’appel le 3 février 2022 ne serait pas en retard.

[8] Pourtant, la prestataire explique pourquoi elle fait appel de la décision de la division générale. Pourquoi la prestataire expliquerait-elle pourquoi elle fait appel de la décision de la division générale si elle ne l’a pas reçue?

[9] La prestataire soutient que la division générale n’a pas suivi les règles d’équité procédurale. Elle a écrit ce qui suit [traduction] :

J’ai déposé ma décision « mon numéro de dossier au tribunal est GE-21-1672 » le 25 octobre 2021, après qu’elle n’ait pas pris en compte et ne m’ait pas envoyé une copie de la décision la première semaine de novembre, elle m’a dit au téléphone, Mais je ne peux pas recevoir cette décision, ensuite je vous ai appelé en décembre et en janvier pour la révision de ma demande, et ils ont dit « lors de l’appel téléphonique qu’ils m’envoient un courriel ou une lettre » pour déposer à nouveau les raisons du retard, mais ils n’ont rien envoyé par courriel ou par la poste jusqu’à temps que je rappelle plusieurs fois et maintenant une dame m’appelle aujourd’hui et m’envoie ensuite le formulaire par courriel, où je mets toutes mes informations pour la révision de mon cas encore une fois. [sic fautes d’orthographe corrigées]Note de bas de page 1

[10] La prestataire a répété ce passage lorsqu’elle expliquait pourquoi elle a déposé sa demande en retard. Elle a ajouté qu’elle a envoyé tous ses documents justificatifs avec sa demande précédente. Et « vous y avez accès dans l’IRCC où toutes mes informations sont là et je vous ai envoyé une copie de mes Documents précédents dans la décision précédente et mon bordereau de paye aussi, s’il vous plaît vérifiez et révisez mon dossier pour trouver une solution où tout le monde sera satisfait [sic]. »Note de bas de page 2

[11] Si la prestataire n’a pas reçu une copie de la décision de la division générale, pourquoi expliquerait-elle pourquoi elle était en retard pour déposer sa demande à la division d’appel? Et comment la prestataire aurait-elle pu savoir qu’elle était en retard en premier lieu, si elle n’avait pas reçu une copie de la décision de la division générale?

[12] Le Tribunal de la sécurité sociale indique généralement à une partie prestataire comment elle peut faire appel de la décision de la division générale une fois que celle-ci l’a reçue. Si la prestataire dans cette affaire n’a pas reçu une copie de la décision de la division générale, on ne sait pas non plus comment elle a pu connaître le processus d’appel et, à plus forte raison, pourquoi elle a déposé une demande auprès de la division d’appel.

[13] Des informations sur la procédure d’appel sont disponibles sur le site Web du Tribunal. Toutefois, on ne s’attendrait pas à ce qu’une partie prestataire accède à la demande à la division d’appel et la remplisse, à moins qu’elle se sente obligée de le faire.

[14] Le Tribunal a écrit à la prestataire le 24 février 2022 pour confirmer qu’elle avait reçu la décision de la division générale. Le Tribunal lui a également envoyé une copie de la décision de la division générale. Le Tribunal a posé les questions suivantes à la prestataire :

  1. Avez-vous reçu une copie de la décision de la division générale avant aujourd’hui?
  2. Si c’est le cas, quand avez-vous reçu une copie de la décision de la division générale?
  3. Pourquoi faites-vous appel de la décision de la division générale? Vous dites que la division générale n’a pas respecté les règles d’équité procédurale. Selon vous, la division générale a-t-elle commis d’autres erreurs, par exemple une erreur de droit ou de fait? Si c’est le cas, expliquez en détail quelles sont ces erreurs. Par exemple, si vous dites que la division générale a ignoré certains éléments de preuve, indiquez quels sont ces éléments de preuve et où ils se trouvent dans le dossier de la division générale en donnant les numéros de page.
  4. Vous dites que la division générale n’a pas suivi les règles d’équité procédurale. Expliquez comment la division générale n’a pas respecté les règles d’équité procédurale. Pourquoi dites-vous que la division générale n’a pas respecté les règles d’équité procédurale? Selon vous, quand cela s’est-il produit?

[15] Le Tribunal a dit que la prestataire devait répondre au plus tard le 4 mars 2022.

[16] Le Tribunal a téléphoné à la prestataire le 28 février et le 1er mars 2022. Le Tribunal a laissé un message vocal chaque fois avec le nom et les coordonnées de la personne qui appelait. La personne qui appelait a demandé à la prestataire de rappeler. Le 9 mars 2022, le Tribunal a envoyé un courriel à la prestataire lui demandant de contacter le Tribunal.

[17] La prestataire n’a toujours pas répondu.

[18] La prestataire laisse entendre dans sa demande à la division d’appel qu’elle n’a pas reçu la décision de la division générale. Mais, je suis prête à conclure que la prestataire l’a en fait reçue pour les raisons suivantes :

  • Le Tribunal a envoyé une copie de la décision de la division générale par courriel aux parties le 29 septembre 2021. En vertu de l’article 19(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, une telle décision est présumée avoir été communiquée aux parties le jour ouvrable suivant le jour de sa transmission, si elle est envoyée par courriel.
  • La lettre du Tribunal du 29 septembre 2021 était la première fois que le Tribunal indiquait aux parties comment elles pouvaient faire appel de la décision de la division générale. Habituellement, le Tribunal n’oriente pas les parties vers le processus d’appel avant de leur envoyer la décision de la division générale.
  • Le 18 octobre 2021, la prestataire a téléphoné au Tribunal. Elle avait de nouvelles informations qu’elle voulait faire examiner par la division générale. Elle voulait demander à la division générale d’annuler et de modifier sa décision. Elle voulait faire une demande d’annulation ou de modification. La prestataire n’aurait probablement demandé à la division générale de modifier sa décision que si elle savait ce que la division générale avait décidé.
  • Lors de l’audience du 27 septembre 2021, la membre de la division générale a dit à la prestataire quand elle pouvait s’attendre à recevoir sa décision. La membre lui a dit qu’elle pouvait s’attendre à recevoir une décision le jour suivant ou peut-être jusqu’à une semaine plus tard. Si la prestataire n’a pas reçu la décision peu de temps après l’audience, il est curieux qu’elle ne se soit pas renseignée au sujet de la décision lorsqu’elle a téléphoné au Tribunal le 18 octobre 2021Note de bas de page 3.
  • Dans sa demande à la division d’appel, la prestataire a soutenu que la division générale n’a pas suivi les règles d’équité procédurale.
  • Le Tribunal a écrit à la prestataire le 24 février et de nouveau le 9 mars 2022 au sujet de sa demande. Le Tribunal a également téléphoné à la prestataire à deux reprises. Celle-ci n’a pas répondu.

[19] Tenant compte aussi des dispositions déterminatives énoncées à l’article 19(1) du Règlement, ces considérations m’amènent à croire que la prestataire a effectivement obtenu une copie de la décision de la division générale le 30 septembre 2021. Elle semblait connaître le résultat de la décision de la division générale et elle connaissait le processus d’appel.

Question en litige

[20] Peut-on soutenir que la division générale a commis des erreurs de compétence, de procédure, de droit ou de fait?

Analyse

La demande a été présentée en retard

[21] La prestataire n’a pas déposé sa demande à temps. Elle avait 30 jours pour déposer sa demande après avoir reçu la décision de la division généraleNote de bas de page 4. En vertu de l’article 19(1) du Règlement, la prestataire est réputée avoir reçu la décision de la division générale le 30 septembre 2021.

[22] La prestataire a déposé sa demande le 3 février 2022. C’était plus de 30 jours après avoir reçu la décision de la division générale.

[23] Comme la prestataire n’a pas déposé sa demande à temps, elle doit obtenir une prorogation du délai. Si la division d’appel n’accorde pas de prorogation de délai, cela signifie que la division d’appel n’examinera pas la demande de permission d’en appel de la prestataire. Cela mettrait fin à l’appel de la décision de la division générale par la prestataire.

Je ne prolonge pas le délai pour le dépôt de la demande

[24] La division d’appel peut accorder une prorogation si la demande n’est pas en retard de plus d’un anNote de bas de page 5. Pour décider d’accorder ou non une prorogation, je dois tenir compte de certains facteursNote de bas de page 6. Ces facteurs sont notamment les suivants :

  • Il existe une cause défendable dans l’appel ou un certain mérite potentiel dans la demande;
  • Il existe des circonstances particulières ou une explication raisonnable justifiant le retard;
  • Le retard était excessif;
  • La partie intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, subira un préjudice si j’accorde une prorogation du délai;
  • La prestataire manifestait l’intention constante de poursuivre sa demandeNote de bas de page 7.

[25] Une partie prestataire n’a pas à satisfaire à tous ces facteurs. De plus, l’importance de chacun d’entre eux pourrait être différente, selon les faits de l’affaire. Mais la considération la plus importante est de savoir si les intérêts de la justice sont servis en accordant une prorogationNote de bas de page 8.

[26] Si la partie prestataire n’a pas une cause défendable, il est contraire aux intérêts de la justice d’accorder une prorogation. En effet, si la partie prestataire n’a pas de cause défendable, la division d’appel doit rejeter la permission d’en appeler. Une partie prestataire doit avoir une cause défendable pour pouvoir aller de l’avant avec son appel. Si elle n’a pas de cause défendable, ce qui est une autre façon de dire que son appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 9, son appel n’ira pas de l’avantNote de bas de page 10.

[27] Pour cette raison, je vais me concentrer sur la question de savoir si la prestataire a une cause défendable.

[28] La prestataire affirme que la division générale n’a pas suivi les règles d’équité procédurale. Cependant, elle n’a pas donné de détails ni expliqué comment la division générale n’a pas suivi les règles. Dans mon examen de cette affaire, je ne vois pas où la division générale (ou le Tribunal de la sécurité sociale) aurait omis de s’assurer que le processus était équitable :

  • La prestataire a reçu un avis d’audience. La prestataire a assisté à l’audience, accompagnée de son neveu. Il a expliqué qu’il l’aiderait et s’assurerait qu’elle comprenait ce qui se passait. Il a également témoigné au nom de la prestataire.
  • Bien que l’anglais ne soit pas la langue principale de la prestataire, cette dernière a été en mesure de comprendre ce qui se passait durant l’audience. La prestataire a également confirmé qu’elle parlait couramment l’anglais et qu’elle avait compris la membre de la division générale. La prestataire a bien répondu à toutes les questions.
  • La membre a également dit à la prestataire et à son neveu que si elle ne comprenait pas, ils devaient lui faire savoir. De cette façon, la membre pourrait essayer de reformuler ce qu’elle disait. La membre a aussi dit que si la prestataire ne comprenait toujours pas, elle ajournerait l’audience afin de trouver un interprète.
  • La prestataire a compris la cause qu’elle devait présenter. Elle voulait que sa demande soit antidatée. Elle a compris qu’elle a présenté sa demande de prestations d’assurance-emploi en retard. Elle a également compris qu’elle devait démontrer qu’elle avait un motif valable si elle voulait que la Commission antidate sa demande.
  • La membre de la division générale a donné à la prestataire tout le temps dont elle avait besoin pour présenter tous ses arguments de façon équitable. Le Tribunal a invité la prestataire à déposer des documents. La membre a laissé la prestataire et son neveu témoigner et expliquer la cause de la prestataire.

[29] La prestataire a déposé des documents après l’audience de la division générale. La membre de la division générale n’a pas tenu compte de ces documents, car elle avait déjà rendu une décision finaleNote de bas de page 11.

[30] Rien de tout cela n’indique que la prestataire n’a pas eu une audience équitable ou que le processus de la division générale était injuste.

[31] La prestataire demande également une révision de la décision de la division générale et une décision différente qui lui serait favorable. Cependant, la prestataire doit démontrer que l’appel a une chance raisonnable de succès ou qu’elle a une cause défendable. C’est différent d’obtenir un réexamen de l’affaire.

[32] J’ai examiné le dossier sous-jacent pour m’assurer que la division générale n’a pas mal interprété ou dénaturé des éléments de preuve importants. Les conclusions de la division générale sont conformes à la preuve.

[33] Je ne vois pas non plus que la division générale a commis des erreurs de droit. La division générale a reconnu qu’elle devait examiner si la prestataire avait agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblables. La division générale a décidé que la prestataire devait démontrer qu’elle avait tenté d’apprendre ses droits et responsabilités dès que possible et du mieux qu’elle pouvait.

[34] La prestataire laisse entendre maintenant que des problèmes médicaux ont affecté sa capacité de déposer une demande de prestations d’assurance-emploi à temps. Cependant, la division générale n’avait pas cette information à ce moment-là. La division d’appel ne tient pas compte de ce type de nouvelles preuves. Si la prestataire veut essayer de s’appuyer sur cette nouvelle information, elle devrait envisager de faire une demande d’annulation ou de modification, bien qu’elle doive satisfaire à certaines exigences pour pouvoir obtenir gain de cause.

[35] Puisque la prestataire n’a pas de cause défendable, je conclus que c’est contre l’intérêt de la justice d’accorder une prorogation.

Conclusion

[36] La prorogation du délai est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

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