Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KO c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 170

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, Section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. O.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (441556) datée du 2 décembre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Charlotte McQuade
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 31 janvier 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 13 février 2022
Numéro de dossier : GE-22-51

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada n’a pas prouvé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Cela signifie que la prestataire n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire travaillait comme commis dans un bureau provincial d’immatriculation et de permis de conduire depuis le 27 décembre 2018. Après avoir pris un congé de maladie, la prestataire est retournée au travail pendant deux jours et elle a été congédiée le 7 juillet 2021. L’employeur de la prestataire a dit qu’elle avait été congédiée parce qu’elle avait enfreint la politique de confidentialité de l’employeur et la loi provinciale sur la protection de la vie privée en prenant le permis de conduire d’un client et en l’apportant chez elle pour montrer la photo à sa famille.

[4] La Commission a accepté la raison du congédiement fournie par l’employeur. Elle a décidé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, la Commission a décidé que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[5] La prestataire ne nie pas avoir retiré des locaux de l’employeur le permis de conduire du client. Toutefois, elle affirme que ses gestes ne constituent pas une inconduite parce qu’ils n’étaient pas délibérés. Elle dit que l’incident s’est produit le deuxième jour après son retour d’un congé lié au stress. Elle affirme qu’elle prenait des médicaments, qu’elle était épuisée mentalement et qu’elle n’était pas prête à retourner au travail. Elle a dit que son jugement était altéré lorsqu’elle a pris le permis de conduire. Elle affirme qu’elle n’aurait jamais fait une chose pareille si elle avait été bien, parce qu’elle savait que ce n’était pas approprié.

[6] J’ai décidé, pour les raisons énoncées ci-dessous, que le fait que la prestataire a pris le permis de conduire n’était pas une inconduite.

Questions que je dois aborder en premier

Partie mise en cause potentielle

[7] Le Tribunal a établi que l’employeur de la prestataire pouvait être mis en cause dans l’appel. Une lettre a été envoyée à l’employeur pour lui demander s’il souhaitait être mis en cause. Pour être mis en cause, l’employeur doit prouver qu’il a un intérêt direct dans l’appel. L’employeur n’a pas répondu à la lettre du Tribunal. Puisque rien au dossier n’indique que l’employeur a un intérêt direct dans l’appel, j’ai décidé de ne pas le mettre en cause.

J’accepterai tout document présenté après l’audience

[8] La prestataire a déclaré à l’audience qu’elle avait un rapport médical et une liste de rendez-vous avec un thérapeute. Ces documents n’étaient pas au dossier. J’ai demandé à la prestataire de fournir cette information au Tribunal. La prestataire a demandé la permission d’obtenir d’autres documents médicaux de son médecin concernant son état de santé mental au moment de son congédiement. Compte tenu de la pertinence potentielle de cette information, j’ai donné à la prestataire jusqu’au 4 février 2022 pour me la fournir. La prestataire a présenté toute son information médicale le 31 janvier 2022Note de bas de page 2. L’information a été acheminée à la Commission et celle-ci a eu l’occasion d’y réagir. La Commission a présenté des observations supplémentaires le 2 février 2022Note de bas de page 3. J’ai accepté les documents présentés après l’audience ainsi que les observations de la Commission.

Question en litige

[9] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] Pour répondre à la question de savoir si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois établir deux choses. Je dois d’abord établir pourquoi la prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois vérifier si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[11] J’estime que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle a retiré des locaux de l’employeur le permis de conduire d’un client, et que cela enfreint la politique de confidentialité de l’employeur ainsi que la loi provinciale sur le respect de la vie privée.

[12] L’employeur a dit à la Commission que la prestataire avait perdu son emploi parce qu’elle avait retiré de ses locaux un permis de conduire, et que cela enfreignait la loi provinciale sur le respect de la vie privée et leur propre politique. La prestataire et la Commission conviennent que c’est la raison pour laquelle la prestataire a perdu son emploi.

[13] La prestataire ne conteste pas le fait qu’elle a retiré des locaux de l’employeur une copie du permis de conduire.

La raison du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[14] La raison du congédiement de la prestataire n’est pas une inconduite au titre de la loi.

[15] Pour être considérée comme une inconduite au titre de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 4. Une inconduite comprend aussi toute conduite qui est si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 5. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 6.

[16] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pourrait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’en conséquence, son congédiement était une possibilité bien réelleNote de bas de page 7.

[17] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 8.

[18] L’employeur a dit à la Commission que la prestataire avait retiré du lieu de travail une copie du permis de conduire d’un client pour le montrer à sa famille. L’employeur a expliqué que la prestataire s’occupait des permis de conduire. Lorsque les anciens permis de conduire étaient reçus, les employés étaient censés les déchiqueter devant le client. La prestataire n’a pas déchiqueté le permis, mais l’a mis de côté. Elle a dit à un collègue qu’elle apporterait le permis de conduire à la maison pour le montrer à sa famille parce que le client ressemblait à « Tupac ». L’employeur été en mesure de le vérifier en regardant la vidéo de surveillance. Le lendemain, la prestataire a confirmé qu’elle l’avait fait. Elle a dit à l’employeur qu’elle s’était rendu compte que c’était mal, et qu’elle l’avait donc ramené. L’employeur a dit que l’obligation de déchiqueter les permis de conduire fait partie de la loi de l’Alberta. Elle a dit que la violation de la politique du client avait été signalée au gouvernement et qu’une enquête de l’Unité des enquêtes spéciales (UES) était en cours et qu’elle pouvait mener à des accusations. L’employeur affirme que la prestataire a été congédiée verbalement parce que, dans des situations comme celle-ci, la politique veut que la personne en tort soit congédiée immédiatement pour une telle violationNote de bas de page 9.

[19] La prestataire a dit à la Commission qu’elle était retournée au travail après avoir été en congé de maladie. Elle a dit qu’elle ne raisonnait pas normalement et qu’elle n’aurait pas dû être de retour au travail. Elle a expliqué qu’elle avait [traduction] « fait quelque chose de vraiment stupide ». Elle a dit qu’elle n’était pas dans un bon état d’esprit. Elle a dit qu’elle avait mis de côté le permis de conduire d’un client vers 17 h et qu’elle n’y avait pas vraiment pensé pendant le reste de son quart de travail. À la fin de son quart de travail, elle a déchiqueté tous les permis de la journée, à l’exception de celui qu’elle a apporté à la maison parce que le client ressemblait à « Tupac ». La prestataire a déclaré qu’ils ne déchiquetaient pas les permis devant les clients. La plupart des employés le font à la fin de la journée parce qu’il y a seulement une déchiqueteuse. La prestataire a dit qu’elle s’est rendu compte qu’elle avait fait quelque chose de mal dès qu’elle a quitté le bureau. Elle n’est toutefois pas retournée immédiatement au bureau pour déchiqueter le permis parce que le bureau était verrouillé et que l’alarme avait été activée. La prestataire a expliqué qu’elle n’avait même pas sorti le permis de son sac à main parce qu’elle s’était rendu compte que ce qu’elle avait fait était mal. Elle a dit qu’elle avait l’intention de rentrer au bureau le lendemain et de le déchiqueter dès son arrivée. Cependant, lorsqu’elle est arrivée au travail, l’employeur lui a demandé de venir à son bureau parce qu’il le savait déjàNote de bas de page 10.

[20] La prestataire a dit à la Commission qu’elle savait que prendre le permis pourrait entraîner son congédiement. Elle a dit qu’on leur avait répété à maintes reprises qu’ils pouvaient être congédiés pour cela. Elle a dit qu’elle savait qu’elle n’avait pas suivi le protocole. Elle a dit qu’elle était atteinte d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT)Note de bas de page 11. Elle a dit qu’elle n’était pas dans un bon état d’esprit et qu’elle s’est seulement rendu compte qu’elle risquait de se faire congédier après être partie du travailNote de bas de page 12.

[21] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que les gestes de la prestataire étaient délibérés. La Commission dit que la prestataire savait ou aurait dû savoir que ses gestes entraîneraient son congédiement. La prestataire travaille avec les renseignements personnels des clients de son employeur. La Commission affirme que la prestataire a volontairement retiré de son lieu de travail une copie du permis de conduire d’un client pour son usage personnel, ce qui constitue une violation directe de la politique de confidentialité de l’employeur et de la loi provinciale sur la protection de la vie privée. La Commission affirme que la prestataire était au courant des politiques de l’employeur et qu’elle aurait su que le non-respect de cette politique pourrait mener à son congédiement.

[22] La Commission souligne que, bien qu’une enquête menée par l’UES ait conclu qu’aucune mesure d’application de la loi ne serait prise contre la prestataire, celle-ci a confirmé qu’elle avait retiré le permis de conduire de son lieu de travail.

[23] La Commission soutient qu’aucun document médical n’appuie la position de la prestataire selon laquelle elle n’était pas en mesure de prendre des décisions morales au travail. La Commission affirme que les rapports médicaux mentionnent seulement les opinions de la prestataire au sujet de son jugement et non celles du médecin.

[24] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que ses gestes n’étaient pas délibérés. Elle affirme que son état de santé a nui à son jugement au moment où elle a pris le permis de conduire.

[25] La prestataire a expliqué dans son avis d’appel que le 7 mai 2021, elle a été mise en congé de maladie pour cause de stress et qu’elle a depuis reçu un diagnostic de TSPT. Elle est retournée au travail les 5 et 6 juillet 2021 et a été congédiée le 7 juillet 2021. Elle dit qu’elle n’était pas prête à retourner au travail, car elle était encore très stressée et qu’elle n’allait pas bien. Elle dit qu’après avoir été absente de son travail pendant des semaines et en raison de l’état dans lequel elle se trouvait, elle ne réfléchissait pas clairement. Elle dit que si elle avait su qu’elle faisait quelque chose de mal, qui compromettrait son emploi et la seule source de revenu de sa famille, elle ne l’aurait pas fait. La prestataire souligne qu’elle a fait l’objet d’une enquête de l’UES et qu’aucune mesure d’application de la loi n’a été prise contre elle.

[26] La prestataire a déclaré qu’elle n’avait jamais eu de problème pendant tout le temps qu’elle avait travaillé comme commis au bureau d’immatriculation. Elle a reçu de nombreuses lettres de la clientèle au sujet de son service exceptionnel. La prestataire a expliqué qu’elle est une mère monoparentale et qu’elle n’aurait jamais fait quoi que ce soit pour compromettre son emploi. Après avoir été en congé de maladie, elle voulait faire de son mieux pour nourrir sa famille.

[27] La prestataire a expliqué comment l’incident s’est produit. Elle a dit que le 6 juillet 2021, à la fin de la journée, un homme s’est présenté à son poste. Elle dit qu’elle a plaisanté avec lui et lui a dit qu’il ressemblait à « Tupac », quelqu’un qui était censé être décédé. Elle l’a servi et n’y a plus repensé. Elle n’a pas gardé le permis de conduire à ce moment-là. Elle l’a mis dans un tiroir avec tous les autres permis à déchiqueter à la fin de la journée. Elle dit que contrairement à ce que l’employeur a dit à la Commission, les permis n’étaient pas déchiquetés immédiatement parce qu’il y avait seulement une déchiqueteuse. Les permis étaient conservés dans un tiroir et le déchiquetage se faisait à la fin de la journée.

[28] La prestataire a dit que pendant qu’elle déchiquetait des permis juste avant de partir, elle a vu le permis de l’homme qui ressemblait à « Tupac ». La prestataire dit qu’elle pensait le montrer à quelqu’un. Elle a ensuite montré le permis à son collègue. Le collègue a fait un commentaire à savoir que « Tupac » était toujours en vie. Elle a ensuite mis le permis dans sa poche latérale. Elle dit qu’à ce moment-là, elle ne pensait pas avoir fait quelque chose de mal. Elle dit que le collègue ne l’a pas arrêtée. La prestataire affirme que si cela ne s’était pas produit en fin de journée, elle aurait eu le temps d’y réfléchir, de se rendre compte qu’elle ne devrait pas prendre le permis, et de le remettre. Cependant, après l’avoir mis dans sa poche, elle et son collègue sont partis et l’alarme a été activée. Elle s’est rendu compte de ce qu’elle avait fait une fois rendue dans son camion, mais elle ne pouvait pas retourner le permis parce que l’immeuble était verrouillé et l’alarme était activée. Elle a gardé le permis dans son sac à main toute la nuit avec l’intention de le retourner le lendemain matin et de le déchiqueter. Cependant, lorsqu’elle est arrivée au travail le lendemain matin, on lui a demandé de remettre le permis ainsi que ses clés.

[29] La prestataire a dit qu’elle savait qu’elle n’était pas censée prendre des permis. Elle a reçu une formation à ce sujet. Elle a dit qu’elle n’avait jamais rien fait de tel auparavant. Cependant, à ce moment-là, elle ne pensait pas. Elle dit que si cela avait été l’heure du dîner, elle aurait pu le remettre.

[30] La prestataire a déclaré que l’UES avait mené une enquête à son sujet, mais qu’après qu’elle ait expliqué la situation, l’enquête a été clôturée et il n’y a eu aucune conséquence. Elle a fourni une lettre datée du 7 décembre 2021 de l’UES disant que l’enquête était terminée et qu’aucune mesure d’application de la loi ne serait prise contre la prestataireNote de bas de page 13.

[31] La prestataire a témoigné au sujet de son congé de maladie. Elle a expliqué qu’elle avait été en congé pour cause de stress. Elle avait beaucoup de problèmes. Elle avait travaillé dans les conditions liées à COVID-19. Elle a trois enfants. Sa fille aînée a des problèmes de toxicomanie. Son plus jeune enfant est autiste. Elle dit que lorsqu’elle est retournée au travail, elle prenait des médicaments pour l’anxiété. Elle faisait aussi du counseling en ligne et a fourni une liste de ses rendez-vous. Après avoir été absente du travail pendant quelques mois, elle a constaté que certaines choses avaient changé. L’employeur ne lui a pas demandé si elle se sentait bien à son retour ni examiné quoi que ce soit avec elle. Elle n’a pas eu le temps de lire toute la documentation. Elle a dit qu’elle avait dû se remettre rapidement au travail en revenant et qu’elle avait trouvé cela difficile. Elle a dit qu’elle était épuisée mentalement. La prestataire a expliqué qu’elle ne voulait pas retourner au travail, mais qu’elle se sentait obligée de le faire. Elle était très stressée et ne pensait pas normalement. Elle dit qu’avec le recul, elle n’aurait pas dû retourner au travail. Après sa cessation d’emploi, elle a reçu un diagnostic de TSPT. Elle dit qu’elle avait des problèmes de santé mentale depuis un certain nombre d’années, mais que la situation s’est aggravée au cours des dernières années. La prestataire affirme qu’elle n’aurait jamais fait quoi que ce soit du genre qui pourrait compromettre son revenu si elle avait été dans son état d’esprit normal.  

[32] La prestataire a fourni un rapport médical de son médecin de famille daté du 20 janvier 2022Note de bas de page 14. Il précise que la prestataire [traduction] « a récemment éprouvé des problèmes de santé mentale et qu’elle estime que cela a eu une incidence sur son jugement. On lui a demandé de rembourser l’assurance-emploi, ce qu’elle me dit ne pas pouvoir se permettre en ce moment ». La lettre poursuit en disant que cela cause beaucoup de stress et d’anxiété à la prestataire et que, par conséquent, elle apprécierait toute clémence ou tout sursis qui pourrait lui être offert. Le rapport mentionne que la prestataire a un rendez-vous avec un travailleur social pour obtenir du soutien supplémentaire.

[33] La prestataire a fourni un deuxième rapport médical de son médecin de famille daté du 31 janvier 2022Note de bas de page 15. La lettre notait que la prestataire avait des problèmes de santé mentale et que, par conséquent, elle s’était vue accorder un congé de maladie du 7 mai 2021 au 3 juillet 2021. Le rapport dit que la prestataire n’a pas été réévaluée à la fin de son congé de maladie. Le rapport dit que la prestataire est retournée au travail peu après l’expiration de son congé de maladie, car elle espérait être en mesure de retourner au travail avec succès, mais que son employeur l’a libérée de ses fonctions le 7 juillet 2021. Le rapport poursuit en disant que la prestataire a l’impression, avec le recul, qu’elle est retournée au travail plus tôt qu’elle ne l’aurait dû parce que ses problèmes de santé mentale ont nui à son jugement. Le médecin demande que la prestataire reçoive le soutien ou la clémence dont elle a besoin, dans la mesure du possible, étant donné qu’elle éprouve actuellement une détresse mentale et des difficultés financières importantes.

[34] La prestataire a également fourni une lettre d’une agence de santé mentale confirmant les rendez-vous auxquels elle a assisté du 10 juin 2021 au 4 janvier 2022Note de bas de page 16.

[35] Je conclus que la commission n’a pas prouvé qu’il y avait eu inconduite.

[36] Je conviens avec la Commission que les conclusions de l’UES ne sont pas pertinentes pour établir s’il y a inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[37] La Cour d’appel fédérale a examiné le type d’éléments de preuve pouvant appuyer la conclusion selon laquelle une action n’est pas délibérée. La Cour a déclaré qu’il doit y avoir suffisamment d’éléments de preuve concernant l’incapacité d’une partie prestataire de prendre une décision consciente ou délibérée, lesquels éléments de preuve comprendraient probablement des éléments de preuve d’ordre médicalNote de bas de page 17.

[38] Je suis également d’accord avec la Commission pour dire que les rapports médicaux ne fournissent pas l’opinion du médecin selon laquelle le jugement de la prestataire était affaibli, mais seulement l’opinion de la prestataire selon laquelle son état de santé mentale nuisait à son jugement. Toutefois, les rapports médicaux confirment bel et bien que la prestataire avait des problèmes de santé mentale et que par conséquent, elle a été en congé de maladie du 7 mai 2021 au 3 juillet 2021.

[39] J’ai jugé la prestataire crédible. Son témoignage correspondait à ce qu’elle avait dit à la Commission. J’accepte le témoignage de la prestataire selon lequel elle éprouvait des difficultés à retourner au travail et qu’elle était épuisée mentalement.

[40] J’accepte également l’explication de la prestataire selon laquelle, au moment où elle a pris le permis, elle ne pensait pas assez clairement pour savoir que sa conduite pouvait entraîner son congédiement. L’incident s’est produit à peine deux jours après qu’elle soit revenue au travail après un long congé de maladie.

[41] J’estime que les gestes de la prestataire s’expliquent par la combinaison du stress du retour au travail et du fait qu’elle ne s’était pas complètement rétablie de ses problèmes de santé. À cet égard, la prestataire faisait toujours du counseling avec l’agence de santé mentale et elle continuait de prendre des médicaments. Je remarque qu’elle a eu trois rendez-vous en juin 2021 avant son retour, et qu’elle a continué d’en avoir après son retour. Je remarque également que les gestes de la prestataire sont incompatibles avec le fait qu’elle avait travaillé sans problème pour cet organisme depuis décembre 2018.

[42] Bien que le médecin de la prestataire ne donne pas d’opinion sur sa capacité de porter un jugement à ce moment-là, le médecin n’a pas vu la prestataire à son retour au travail. Je ne tire donc pas de conclusion négative du fait que le médecin n’a pas fourni d’opinion à ce sujet. J’estime qu’il y a suffisamment d’éléments de preuve médicale au dossier pour conclure que les gestes de la prestataire n’étaient pas délibérés au moment où elle a pris le permis de conduire. En particulier, j’accorde beaucoup de poids au fait que la prestataire a été en congé de maladie autorisé jusqu’au 3 juillet 2021 parce qu’elle ne pouvait pas travailler. Donc, seulement trois jours avant l’incident, elle était incapable de travailler pour des raisons médicales. De plus, la preuve médicale confirme que la prestataire avait un problème de santé mentale et qu’elle faisait du counseling de façon régulière avant et après son retour au travail. Compte tenu de l’ensemble de la preuve médicale, dans le contexte du moment où l’incident s’est produit, je suis convaincue que les gestes de la prestataire n’étaient pas délibérés.   

[43] La prestataire a déclaré que si elle avait pensé clairement, elle n’aurait pas pris le permis, car elle avait compris, alors qu’elle pensait clairement, qu’un tel geste pourrait entraîner le congédiement. J’estime qu’il est peu probable que la prestataire s’engage volontairement à prendre un permis si elle était au courant des conséquences, puisqu’elle venait de retourner au travail après un congé de maladie et qu’elle devait subvenir aux besoins de sa famille. 

[44] Il est vrai que peu après l’incident, la prestataire a réalisé ce qu’elle avait fait une fois rendue dans son camion. Cependant, la question en litige est celle de sa volonté au moment où elle a pris le permis, et non après. Le fait qu’elle se soit rendu compte des répercussions possibles de ses gestes peu après l’incident ne signifie pas nécessairement qu’au moment où elle s’est livrée à ce comportement, il était délibéré.

[45] Il ne fait aucun doute que si la prestataire avait agi de façon consciente, voulue ou intentionnelle, ou même d’une manière si insouciante que cela équivaudrait à avoir pris le permis de façon délibérée, ses gestes constitueraient une inconduite. Toutefois, pour les motifs exposés ci-dessus, je ne suis pas convaincue que la Commission a prouvé qu’il est plus probable qu’improbable que les gestes de la prestataire aient été délibérés. Je ne suis pas convaincue qu’elle a agi de façon consciente, voulue ou intentionnelle lorsqu’elle a pris le permis, ou que ses gestes étaient insouciants au point d’être délibérés.

Alors, la prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[46] Selon mes conclusions précédentes, j’estime que la prestataire n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[47] La Commission n’a pas prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi la prestataire n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[48] Cela signifie que l’appel est accueilli.

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