Assurance-emploi (AE)

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Citation : CD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 39

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. D.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (435128) datée du 7 octobre 2021 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 12 janvier 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Témoin
Date de la décision : Le 12 janvier 2022
Numéro de dossier : GE-21-2472

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelante n’a pas quitté volontairement son emploi. Par conséquent, elle n’est pas exclue du bénéfice des prestations.

Aperçu

[3] Le 26 décembre 2020, l’appelante a été mise à pied par son employeur en raison de la fermeture des commerces pendant pandémie de la Covid-19. Elle a été rappelée pour travailler en juillet 2021.

[4] Cependant, parce qu’elle n’avait pas reçu le vaccin la protégeant de la maladie de la Covid-19, le 17 décembre 2020, l’appelante a indiqué à sa superviseure qu’elle ne pouvait plus travailler tant qu’elle n’aurait pas reçu sa première dose du vaccin. L’appelante a mentionné qu’elle demeurait disponible pour travailler sur appel, mais la superviseure aurait exigé qu’elle signe un formulaire confirmant qu’elle quittait volontairement son emploi pendant la période où elle n’était pas vaccinée. L’employeur a donc indiqué sur le relevé d’emploi que l’appelante avait cessé d’occuper son emploi en raison d’un départ volontaire alors qu’elle a continué à travailler jusqu’au 23 décembre 2020 avant d’être mise à pied en raison de la fermeture des commerces.

[5] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a examiné les raisons de l’appelante pour avoir quitté son emploi. Elle a conclu que cette dernière a quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il a choisi de quitter son emploi) sans justification prévue par la loi. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations à compter du 30 janvier 2021.

[6] L’appelante n’est pas d’accord. Elle explique qu’elle a signé un formulaire de cessation d’emploi seulement parce que l’employeur l’a exigé et qu’elle est toujours restée disponible pour travailler chez l’employeur.

[7] Je dois déterminer si l’appelante a volontairement quitté son emploi et, dans l’affirmative, si elle était fondée à le faire.

Questions en litige

[8] L’appelante a-t-elle quitté volontairement son emploi ?

[9] L’appelante est-elle exclue du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification ?

[10] Pour répondre à cette dernière question, je devrai déterminer si l’appelante avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait.

Analyse

Les parties ne sont d’accord sur le fait que l’appelante a quitté volontairement son emploi

[11] Pour déterminer si l’appelante a quitté volontairement son emploi, je dois répondre à la question suivante : Est-ce que l’appelante avait le choix de rester ou de quitter son emploi ?Note de bas de page 1

[12] Il y a plusieurs déclarations contradictoires au dossier entre la version de l’appelante et celle de l’employeur.

[13] D’abord, un formulaire, daté du 26 décembre 2020, démontre que l’appelante quitte son emploi le 30 janvier 2021.

[14] Celle-ci a déclaré à la Commission qu’elle cherchait un autre emploi parce qu’elle travaillait à la boutique X environ 15 heures par semaine depuis le mois d’août 2020 et qu’elle souhaitait travailler dans son domaine comme intervenante en santé mentale pendant la pandémie de la Covid-19.

[15] L’appelante a expliqué à la Commission qu’elle cherchait des solutions parce qu’elle avait peur de contracter la maladie de la Covid-19 alors qu’elle n’était pas vaccinée et qu’elle était plus vulnérable à contracter la maladie en raison de son âge et sa condition de santé. Cependant, dans l’attente de recevoir son vaccin, elle a indiqué à l’employeur qu’elle était disponible pour travailler sur appel.

[16] L’appelante explique que l’employeur a exigé qu’elle fournisse une date à ce qu’il a considéré comme un départ volontaire et c’est pourquoi elle a indiqué le 30 janvier 2021, date qu’elle a choisie au hasard.

[17] Elle indique également qu’elle a reçu la première dose de son vaccin Covid-19 le 22 mars 2021 et elle a alors immédiatement contacté l’employeur pour lui dire qu’elle était disponible pour travailler.

[18] L’appelante a confirmé chacun de ces motifs lors de l’audience et elle en a fourni une explication. Elle a d’abord expliqué qu’en raison de son âge, les mesures sanitaires imposées par la santé publique exigeaient qu’elle reste confinée pendant cette période et qu’elle avait indiqué à son employeur qu’il était préférable qu’elle soit vaccinée pour continuer à travailler.

[19] Cependant, les faits démontrent que l’appelante hésitait puisqu’elle a discuté de cette situation avec l’employeur le 17 décembre 2021, qu’elle a continué à travailler jusqu’au 23 décembre 2021, date à laquelle elle a été mise à pied, et que malgré qu’elle ait indiqué la date du 30 janvier 2021 comme date de son départ volontaire sur un formulaire préétabli et fourni par l’employeur, elle demeurait disponible pour travailler sur appel jusqu’à ce qu’elle ait reçu la première dose de son vaccin. L’appelante a fait des suivis auprès de l’employeur dès qu’elle a été vaccinée et elle a repris son emploi en juillet 2021.

[20] La Commission fait valoir que l’appelante a modifié sa version des faits. Elle soutient qu’une solution aurait été de demander congé à son employeur, le temps d’être vaccinée, ou d’avoir l’assurance d’un autre emploi dans son domaine d’expertise avant de quitter celui qu’elle occupait.

[21] Il est vrai que dans la plupart des cas, le prestataire a l’obligation de démontrer qu’il a fait des efforts pour trouver un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter celui qu’il occupait.Note de bas de page 2

[22] Cependant, dans ce cas-ci j’estime que l’appelante n’a pas pris la décision unilatérale de quitter l’emploi qu’elle occupait. Je suis plutôt convaincue que l’appelante souhaitait conserver son emploi. L’appelante n’a pas quitté volontairement son emploi le 30 janvier 2021. Elle a signé un formulaire que l’employeur lui a fourni et elle l’a fait parce qu’elle devait rester confinée afin de respecter les mesures sanitaires recommandées pour son âge.

[23] Je dois rendre la décision suivant la balance des probabilités et, étant donné les faits présentés au dossier de la Commission et lors de l’audience par l’appelante, je donne une préférence au témoignage de l’appelante parce que sa version est plausible et cohérente.

[24] Les faits démontrent que l’appelante n’avait pas le choix de rester à l’emploi; elle n’a pas eu le choix de signer le document indiquant un départ volontaire que lui a fourni l’employeur alors que dans les faits, il était recommandé par la santé publique qu’elle reste confinée et qu’elle a repris son poste une fois vaccinée.

[25] Entre le 26 décembre 2020 et le 8 février 2021, la Boutique était fermée en raison des mesures sanitaires imposées pendant la pandémie de la Covid-19. Cependant, l’employeur n’a pas indiqué la mention « manque de travail » sur le relevé d’emploi alors que le formulaire qu’il a fourni à l’appelante indiquait le 30 janvier 2021 comme date de fin d’emploi.

[26] Le 8 février 2021, l’employeur a rappelé quelques employés, mais l’appelante n’a pas été rappelée. Elle a alors contacté l’employeur par téléphone le 16 mars 2021 pour prendre des nouvelles et indiquer qu’elle était disponible pour travailler. L’employeur lui a dit que son statut était inactif et que dès qu’il aurait des heures à lui offrir, il la rappellerait de nouveau.

[27] Le 23 mars 2021, l’appelante s’est rendue à la Boutique. Elle a alors mentionné à la superviseure qu’elle avait reçu sa première dose du vaccin le 22 mars 2021 et qu’elle était disponible pour travailler.

[28] En juillet 2021, l’employeur a rappelé l’appelante pour travailler. Celle-ci, qui avait transmis sa candidature pour travailler auprès de quelques CIUSSS en raison de la pandémie, avait trouvé un emploi auprès x. Elle a quand même accepté le retour à l’emploi à x tout en combinant son emploi comme intervenante. Elle a travaillé entre 30 et 38 heures par semaine pendant les mois de juillet et d’août 2021. Ainsi, même si les faits démontrent que l’appelante cherchait à occuper un autre emploi pour aider en raison de la situation de la Covid-19, elle ne voulait pas quitter son emploi X pour autant.

[29] Les faits démontrent que l’appelante n’a pas quitté son emploi. Même si l’employeur a demandé qu’elle signe un formulaire préétabli indiquant qu’elle quittait volontairement son emploi le 30 janvier 2021, ce n’est pas ce que les faits et le témoignage de l’appelante démontrent. D’ailleurs, malgré qu’elle ait présenté quelques motifs expliquant la situation survenue le 17 décembre 2020, les déclarations de l’appelante sont constantes. Je remarque que ce sont surtout les déclarations de l’employeur qui ne sont pas constantes.

[30] En ce sens, une déclaration de l’employeur à la Commission fournie le 27 avril 2021 indique que l’appelante aurait quitté volontairement son emploi pour prendre sa retraite. L’employeur n’était pas présent lors de l’audience pour expliquer sa version des faits, mais l’appelante a expliqué que la personne responsable des ressources humaines avait quitté son emploi en mars 2021 et qu’une nouvelle personne l’a remplacée, ce qui expliquerait certaines contradictions dans les déclarations de l’employeur pour les événements survenus pendant cette période.

[31] Cependant, une déclaration constante entre l’employeur et l’appelante démontre que celle-ci est demeurée disponible pour travailler sur appel jusqu’à ce qu’elle soit rappelée par l’employeur en juillet 2021 après certaines périodes de fermeture des commerces.Note de bas de page 3

[32] Le 17 décembre 2020, lorsque l’appelante a avisé l’employeur qu’elle devait se faire vacciner pour continuer à travailler, celle-ci réagissait aux propos entendus après une conférence de presse tenue par le gouvernement du Québec demandant aux personnes âgées de 70 ans et plus de rester confinés. L’appelante ne voulait pas perdre son emploi, mais elle voulait respecter les règles et elle ne voulait pas contracter la maladie à coronavirus.

[33] Même si l’employeur a exigé qu’elle précise une date sur le formulaire de départ volontaire et qu’elle a inscrit le 30 janvier 2021, dans les faits, l’appelante a indiqué à l’employeur que dans l’attente d’être vaccinée, elle demeurait disponible pour travailler sur appel, ce que l’employeur a confirmé.

[34] La sœur de l’appelante, présente lors de l’audience, a témoigné qu’elle accompagnait l’appelante le 23 mars 2021 lorsqu’elle s’est présentée à la Boutique et qu’elle a entendu l’appelante dire à la superviseure de la Boutique qu’elle était vaccinée et disponible pour travailler.

[35] Malgré la présence d’un document signé par l’appelante indiquant qu’elle quittait volontairement son emploi le 30 janvier 2021, les faits démontrent qu’elle n’a jamais quitté son emploi et qu’elle a signé ce document à la demande de l’employeur qui l’exigeait. L’appelante a accepté de signer ce document parce qu’elle n’était pas vaccinée, mais elle n’a pas coupé le lien avec l’employeur lui mentionnant qu’elle demeurait disponible pour travailler sur appel jusqu’à ce qu’elle soit vaccinée.

[36] De plus, comme mentionné, dans les faits, la Boutique était fermée du 26 décembre 2020 au 8 février 2021. L’appelante a persévéré dans les suivis auprès de son employeur, elle a été vaccinée et elle a contacté l’employeur par téléphone et en se déplaçant à la Boutique pour l’informer de sa disponibilité à travailler.

[37] Que l’employeur ait exigé que l’appelante signe un document indiquant son départ volontaire démontre que l’appelante n’avait pas le choix de rester à l’emploi. L’appelante a expliqué qu’elle avait reçu un avis disciplinaire en 2019 parce qu’elle utilisait un banc pour s’asseoir à la caisse en raison de son état de santé. Cependant, ses services comme vendeuse étaient appréciés et malgré cette mésentente avec sa superviseure, elle avait continué à occuper son emploi.

[38] Même si l’appelante n’avait pas le choix de rester à l’emploi lorsqu’elle a signé le formulaire de départ volontaire que l’employeur lui a présenté, dans les faits, elle n’a ni quitté son emploi et elle n’a ni été congédiée. Le 16 mars 2021, l’employeur a confirmé à l’appelante que son statut d’employé était inactif et qu’il l’a rappellerait dès qu’il aurait de nouveau besoin de personnel. L’employeur l’a effectivement rappelé pour continuer à travailler à la Boutique en juillet 2021.

[39] Étant donné les circonstances entourant la mise à pied de l’appelante et la signature de ce document exigé par l’employeur auquel l’appelante a consenti parce qu’elle n’était pas encore vaccinée, je suis d’avis que l’appelante n’a pas quitté volontairement son emploi.

[40] Au contraire, l’appelante souhaitait respecter les mesures sanitaires qui lui étaient imposées et elle voulait être vaccinée, mais je suis convaincue qu’elle ne voulait pas quitter son emploi.

[41] Comme mentionné, l’appelante a indiqué à l’employeur qu’elle demeurait disponible pour travailler sur appel et elle a contacté l’employeur le 16 mars 2021 pour faire un suivi avant de se présenter à la Boutique le 23 mars 2021. D’ailleurs, l’employeur est d’accord que l’appelante était toujours employée sur appel pendant cette période et les faits démontrent qu’elle a été mise à pied en raison d’une baisse dans les besoins d’effectifs par l’employeur.

[42] Je n’ai pas à déterminer si l’appelante présente une condition personnelle qui limite indûment ses chances de retourner travailler. Je dois déterminer si elle a quitté volontairement son emploi et je conclus qu’elle n’a pas quitté volontairement son emploi le 30 janvier 2021.

[43] Puisque l’appelante n’a pas quitté volontairement son emploi, elle n’a pas à démontrer qu’elle était fondée à le quitter.Note de bas de page 4

Conclusion

[44] Je conclus que l’appelante n’est pas exclue du bénéfice des prestations.

[45] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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