Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : PK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 131

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : P. K.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (444431) rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada le 20 décembre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Paul Dusome
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 16 février 2022
Personne présente à l’audience : Appelant

Date de la décision : Le 18 février 2022
Numéro de dossier : GE-22-120

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire sur les deux questions en litige dans le présent appel.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il avait accumulé assez d’heures de travail pour avoir droit aux prestations d’assurance-emploi.

[3] Il n’a pas démontré qu’il y avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations. En d’autres mots, il n’a pas fourni une explication acceptable selon la loi. Par conséquent, sa demande ne peut pas être traitée comme s’il l’avait présentée plus tôtNote de bas de page 1.

Aperçu

Nombre d’heures nécessaire pour avoir droit aux prestations

[4] Le prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a toutefois décidé qu’il n’avait pas accumulé assez d’heures de travail pour recevoir des prestationsNote de bas de page 2.

[5] Je dois décider si le prestataire a travaillé pendant assez d’heures pour pouvoir recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[6] Selon la Commission, le prestataire n’a pas accumulé un nombre d’heures suffisant parce qu’il a besoin de 420 heures, mais il n’en a accumulé aucune durant la période normale de référence, soit les 52 semaines qui précèdent la date à laquelle il a présenté sa demande de prestations d’assurance-emploi. Il ne répondait pas aux critères pour faire passer sa période de référence à 104 semaines.

[7] Le prestataire n’est pas d’accord. Il croit répondre aux critères de la période de référence de 104 semaines. Il a accumulé suffisamment d’heures de travail pendant cette période pour pouvoir toucher des prestations.

Antidatation

[8] Le prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi le 4 novembre 2021. Il veut maintenant que la demande soit traitée comme s’il l’avait présentée plus tôt, soit le 30 août 2020. La Commission a déjà rejeté sa requête.

[9] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il avait un motif valable de ne pas demander des prestations plus tôt.

[10] Selon la Commission, le prestataire n’avait aucun motif valable parce qu’il n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans sa situation. Il ne s’est pas assez renseigné sur son droit aux prestations d’assurance-emploi, il n’a pas parlé au personnel de la Commission et il a attendu 14 mois après la fin de son emploi avant de demander des prestations.

[11] Le prestataire n’est pas d’accord. Il affirme avoir agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans sa situation. Il a immigré au Canada récemment et doit composer avec un système qu’il ne connaît pas. Il est en voie d’obtenir sa résidence permanente. Il a consulté le site Web de la Commission à plusieurs reprises, mais n’a pas trouvé que l’information était transparente. Il n’a pas pu joindre la Commission par téléphone.

Questions en litige

[12] Le prestataire a-t-il accumulé assez d’heures de travail pour avoir droit aux prestations d’assurance-emploi?

[13] La demande de prestations peut-elle être traitée comme si le prestataire l’avait présentée le 30 août 2020? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande (en faire devancer la date).

Analyse

Nombre d’heures nécessaire pour avoir droit aux prestations

Comment remplir les conditions requises pour recevoir des prestations

[14] Quand on cesse de travailler, on ne reçoit pas nécessairement des prestations d’assurance-emploi. Il faut prouver qu’on remplit les conditions requises pour recevoir des prestationsNote de bas de page 3. Il faut établir sa preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire que le prestataire doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’il remplit les conditions requises.

[15] Pour remplir les conditions requises, il faut avoir travaillé pendant un nombre d’heures suffisant au cours d’une certaine période. Cette période s’appelle la « période de référenceNote de bas de page 4 ».

[16] Le nombre d’heures dépend du taux de chômage dans sa régionNote de bas de page 5.

Région du prestataire et taux de chômage régional

[17] La Commission a établi que la région du prestataire était Vancouver et que le taux de chômage régional au moment où son emploi a pris fin (le 30 août 2020) s’élevait à 13,1 %.

[18] Par conséquent, il faut que le prestataire ait travaillé pendant au moins 420 heures durant sa période de référence pour avoir droit aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 6.

[19] Le prestataire est d’accord avec les décisions de la Commission sur la région et le taux de chômage régional qui s’appliquent à lui.

[20] Aucune preuve ne m’amène à douter de ces décisions. J’accepte donc le fait que le prestataire doit avoir accumulé 420 heures pour pouvoir recevoir des prestations.

Période de référence du prestataire

[21] Comme je l’ai mentionné plus haut, les heures prises en compte sont les heures de travail que le prestataire a accumulées pendant sa période de référence. En général, c’est la période de 52 semaines qui précède le début de la période de prestationsNote de bas de page 7. La période de référence peut remonter jusqu’à un maximum de 104 semaines avant le début de la période de prestationsNote de bas de page 8.

[22] La période de prestations est différente de la période de référence. Elles n’ont pas lieu en même temps. La période de prestations est la période durant laquelle on peut recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[23] Le prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi le 4 novembre 2021. La Commission a décidé que sa période de référence était la période habituelle de 52 semaines. Elle a établi que la période de référence s’étendait du 1er novembre 2020 au 31 octobre 2021.

[24] La Commission a aussi souligné que si le prestataire avait demandé des prestations à la fin du mois d’août 2020, sa période de référence aurait été du 1er septembre 2019 au 29 août 2020.

Le prestataire n’est pas d’accord avec la Commission

[25] Le prestataire n’est pas d’accord avec la Commission au sujet de sa période de référence. Selon lui, sa période de référence devrait être plus longue parce qu’il s’est fié à un énoncé figurant sur le site Web de la Commission. L’énoncé faisait partie d’une section portant sur la période normale de référence. Il était rédigé ainsi : [traduction] « Exception : Dans certains cas, la période de référence peut être prolongée jusqu’à un maximum de 104 semaines si vous n’occupiez pas d’emploi assurable ou que vous ne receviez pas de prestations d’assurance-emploi. » Le prestataire affirme que, comme il n’avait pas d’emploi assurable et ne recevait pas de prestations d’assurance-emploi du 30 août 2020 au 4 novembre 2021, il remplit les conditions requises pour que sa période de référence comprenne 104 semaines.

[26] Je juge que le prestataire ne remplit aucune des conditions requises pour faire ajouter des semaines à sa période de référence de 52 semaines.

[27] Il y a quatre conditions qui peuvent permettre à une période de référence de dépasser 52 semaines. Il faut en remplir au moins une. La période est prolongée pour chaque semaine où l’on remplit ces conditions. Elle peut compter un maximum de 104 semaines. La première condition est d’être incapable de travailler à la suite d’une maladie, d’une blessure, d’une quarantaine ou d’une grossesse qui sont reconnues. La deuxième condition est d’être en prison sans avoir été déclaré coupable de l’infraction dont on est accusé. La troisième est de recevoir de l’aide sous forme de prestations d’emploi. La quatrième vise les personnes qui touchent des indemnités en vertu d’une loi provinciale après avoir cessé de travailler parce que le travail mettait en danger la personne, son enfant à naître ou l’enfant qu’elle allaite. Voilà les seules conditions qui permettent d’augmenter le nombre de semaines comprises dans la période de référence.

[28] La Commission a examiné ces quatre conditions avec le prestataire. Il a témoigné au sujet des quatre conditions. Ses propos étaient cohérents les deux fois. Il ne remplit aucune des quatre conditions. Dans son témoignage, il a expliqué qu’il se trouvait dans une sorte de prison parce qu’il a dû attendre six mois pour renouveler son permis de travail. Une telle situation n’équivaut pas à la détention dans une vraie prison après avoir été accusé d’une infraction criminelle. D’après la preuve, le prestataire ne remplit aucune des quatre conditions durant toute la période du 30 août 2020 au 4 novembre 2021. Par conséquent, il n’a pas droit à une période de référence de plus de 52 semaines.

[29] Le prestataire a déclaré que l’énoncé du site Web lui donne droit à des prestations d’assurance-emploi. C’est faux. Ni la Commission, ni ses agentes et agents n’ont le pouvoir de modifier la loi. Leur interprétation de la loi n’a pas force de loi. Leur engagement à agir autrement que ce que prescrit la loi est absolument nulNote de bas de page 9. L’énoncé publié sur le site Web n’accorde aucun droit au prestataire. Ses droits se trouvent dans la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi ainsi que dans l’interprétation de ces lois par le Tribunal et les cours. La Commission, le Tribunal et les cours n’ont pas l’autorisation de réécrire la loi ou de l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaireNote de bas de page 10.

[30] Le prestataire a également mal compris l’exception figurant sur le site Web. L’énoncé comprenait les mots [traduction] « Dans certains cas », et non « dans tous les cas ». Il disait [traduction] « peut être prolongée », et non « doit être prolongée ». L’énoncé publié sur le site Web et la mauvaise compréhension qu’en avait le prestataire ne lui donnent aucun droit. Ses droits découlent de la Loi sur l’assurance-emploi, du Règlement sur l’assurance-emploi ainsi que des interprétations du Tribunal et des cours. Comme je l’ai mentionné dans les paragraphes précédents, le prestataire ne remplit pas les exigences pour faire prolonger sa période de référence.

Nombre d’heures de travail du prestataire

Le prestataire est d’accord avec la Commission

[31] La Commission a décidé que le prestataire n’avait accumulé aucune heure de travail pendant sa période de référence, soit du 1er novembre 2020 au 31 octobre 2021.

[32] Le prestataire ne conteste pas cette conclusion et aucune preuve ne m’amène à en douter. Par conséquent, je l’accepte.

[33] L’argument du prestataire était que sa période de référence comptait 104 semaines et qu’il avait accumulé assez d’heures pendant ces 104 semaines pour pouvoir recevoir des prestations d’assurance-emploi. Il n’a pas accumulé un nombre d’heures suffisant pendant les 104 semaines. Dans ses observations, la Commission a fait remarquer que le prestataire avait accumulé 461 heures du 1er septembre 2019 au 30 avril 2020, soit son dernier jour d’emploi assurable. L’emploi qu’il a occupé de cette date jusqu’au 30 août 2020 n’était pas assurable. Le prestataire en convient. Il ne conteste pas ce nombre d’heures. Même si la période de référence du prestataire avait duré 104 semaines, son nombre d’heures serait insuffisant. La période de référence de 104 semaines aurait commencé le 1er novembre 2019 et se serait terminée le 31 octobre 2021. La perte des heures en septembre et en octobre 2019 fait passer leur nombre sous les 420 heures requises pour pouvoir recevoir des prestations d’assurance-emploi.

Somme toute, le prestataire a-t-il accumulé assez d’heures de travail pour avoir droit aux prestations?

[34] Je conclus que le prestataire n’a pas prouvé qu’il a accumulé un nombre d’heures suffisant pour recevoir des prestations parce qu’il a besoin de 420 heures dans sa période de référence de 52 semaines, mais il n’en a aucune.

[35] Le programme d’assurance-emploi est un régime d’assurance et, comme pour tout autre régime d’assurance, il faut remplir certaines conditions pour pouvoir recevoir des prestations.

[36] Dans la présente affaire, le prestataire ne remplit pas les conditions. Il n’a donc pas droit aux prestations. Je suis sensible à la situation du prestataire, mais je ne peux pas changer la loiNote de bas de page 11.

Antidatation

[37] Pour faire devancer la date d’une demande de prestations, il faut prouver les deux choses suivantesNote de bas de page 12 :

  1. a) Un motif valable justifiait son retard durant toute la période du retard. Autrement dit, il y a une explication qui est acceptable selon la loi.
  2. b) À la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle on veut faire antidater la demande), on remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations.

[38] Dans la présente affaire, les principaux arguments portent sur la question de savoir si le prestataire avait un motif valable. Je vais donc commencer par là.

[39] Pour démontrer l’existence d’un motif valable, le prestataire doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 13. Autrement dit, il doit démontrer qu’il s’est comporté de façon prudente et raisonnable, comme n’importe quelle autre personne l’aurait fait dans une situation semblable.

[40] Il doit prouver qu’il a agi de la sorte pendant toute la durée du retardNote de bas de page 14. Le retard commence le jour auquel le prestataire veut faire devancer sa demande jusqu’au jour où il a présenté sa demande de prestations. Dans le cas du prestataire, le retard va donc du 30 août 2020 au 4 novembre 2021.

[41] Le prestataire doit aussi démontrer qu’il a vérifié assez rapidement son droit aux prestations et les obligations que lui impose la loiNote de bas de page 15. En d’autres mots, il doit prouver qu’il a fait de son mieux pour essayer de s’informer dès que possible de ses droits et responsabilités. S’il ne s’est pas renseigné, il doit démontrer que des circonstances exceptionnelles expliquent pourquoi il ne l’a pas faitNote de bas de page 16.

[42] Il doit établir sa preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’un motif valable justifiait son retard.

[43] Le prestataire affirme qu’il avait un motif valable pour le retard parce qu’il a agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans sa situation. Selon lui, la norme de la personne raisonnable doit être interprétée à la lumière de sa situation, de ses circonstances personnelles. La personne raisonnable est une citoyenne ou un citoyen, et non un immigrant comme lui. Il n’est pas raisonnable d’appliquer la norme de la personne raisonnable aux personnes qui ont immigré, alors que le programme d’assurance-emploi vise tout le monde. Il vient d’immigrer au Canada et il doit subvenir aux besoins de sa famille. Il doit composer avec un système qu’il ne connaît pas. D’après son expérience dans son pays d’origine, il doit faire preuve de prudence dans ses rapports avec le gouvernement. À l’automne 2020, il était en train d’obtenir sa résidence permanente et de renouveler un permis de travail. Il ne voulait pas compromettre cela. Il a consulté le site Web de la Commission à plusieurs reprises, mais il n’a pas trouvé l’information transparente. Le site ne mentionne pas les personnes aux études, mais il parle de celles qui travaillent dans l’agriculture, la pêche et d’autres secteurs. Il n’a pas pu joindre la Commission par téléphone. Il n’était pas raisonnable que la Commission demande à tout le monde de lui téléphoner ou de demander des prestations. Ce serait trop si 20 millions de personnes lui téléphonaient. Il a tenté à maintes reprises de téléphoner à la Commission, mais sans succès. La Commission aurait dû clarifier les choses sur son site Web. Elle ne l’a pas fait. Le site Web n’était pas transparent.

[44] La Commission affirme que le prestataire n’a pas démontré qu’un motif valable justifiait son retard parce que, comme il ne pouvait trouver aucune information précise concernant les diplômées et diplômés universitaires sur le site Web, il a supposé qu’il n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi. Il n’a pas communiqué avec la Commission pour s’informer de ses droits. Il n’a présenté aucune demande pour que la Commission puisse décider s’il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations. Il n’a pas démontré l’existence de circonstances exceptionnelles qui l’auraient empêché de demander des prestations plus tôt.

[45] Je conclus que le prestataire n’a pas prouvé qu’un motif valable justifiait le retard de sa demande de prestations parce qu’il n’a pas démontré qu’il a agi comme une personne prudente et raisonnable l’aurait fait dans des circonstances semblables pendant toute la période du retard, à savoir du 30 août 2020 (dès la fin de son emploi) jusqu’au 4 novembre 2021 (le jour où il demande des prestations d’assurance-emploi). Il n’a pas démontré que des circonstances exceptionnelles auraient expliqué pourquoi il n’a pas présenté sa demande plus tôt.

[46] Le prestataire était un étudiant de deuxième cycle à l’université. Pendant ses études, il a travaillé comme assistant d’enseignement (jusqu’au 30 avril 2020), puis comme adjoint à la recherche (jusqu’au 30 août 2020). Il a convenu que ce dernier poste n’était pas un emploi assurable aux fins de l’assurance-emploi. Il a ensuite obtenu son diplôme universitaire. Il a fait deux maîtrises. Il cherche du travail depuis qu’il a obtenu ses diplômes, mais sans succès. Il subissait beaucoup de stress avec sa jeune famille malade, car il a perdu son logement d’étudiant lorsqu’il a terminé ses études. Il lui a fallu deux mois pour trouver un nouveau logement. Dans son pays d’origine, ses parents étaient sur le point de mourir, mais il ne pouvait pas aller les rejoindre.

[47] Le prestataire a consulté le site Web de la Commission à de nombreuses reprises avant de demander des prestations. Il vérifiait souvent le site Web parce qu’il était mis à jour. Il affirme avoir présenté sa demande de prestations en retard parce que le site Web ne l’a pas bien informé sur ce qu’il devait faire. Il a interprété la phrase disant que les prestations étaient pour les personnes sans emploi comme une indication qu’il n’avait pas droit aux prestations parce qu’il avait compris que l’obtention d’un diplôme n’était pas comme la fin d’un emploi. Le site Web ne mentionnait pas les personnes aux études, mais il aurait dû le faire. S’il avait vu les mots « étudiants » ou « université », il aurait su qu’il pouvait demander des prestations. Le site Web lui recommandait de présenter une demande de prestations pour que la Commission puisse décider s’il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations. Il ne l’a pas fait parce qu’il n’a rien vu sur les personnes aux études ou sur les universités et parce qu’il pensait que sa demande de prestations aurait des répercussions sur sa demande de résidence permanente.

[48] Il a essayé de téléphoner à la Commission, mais il n’a pas réussi à avoir la ligne. Au fil du temps, il appelait moins souvent parce que le site Web était mis à jour. C’est seulement en novembre 2021 qu’il a posé des questions sur les prestations d’assurance-emploi à quelqu’un d’autre. Ce mois-là, une connaissance l’a dirigé vers une autre personne qui était dans la même situation que lui. Cette personne avait fait sa demande huit mois en retard et elle avait reçu des prestations. Elle a dit au prestataire de demander des prestations. Il a fait une demande le lendemain.

[49] Compte tenu de ces faits, je dois évaluer si le prestataire a démontré qu’un motif valable justifiait le retard de sa demande.

[50] Je ne peux pas retenir l’argument du prestataire selon lequel il faut adapter la norme de la personne raisonnable à la situation des personnes qui ont immigré, car leur situation est différente de celle des citoyennes et citoyens. La norme veut que les prestataires prouvent qu’elles et ils ont agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblables pendant toute la période du retardNote de bas de page 17. Le critère est en partie subjectif et repose sur une appréciation des faits propres à chaque affaireNote de bas de page 18. Le critère est celui du caractère raisonnable, éclairé par l’appréciation subjective de la situation par les prestataires et évalué selon une norme objectiveNote de bas de page 19. La norme de la personne raisonnable est la même pour l’ensemble des prestataires. Il n’y a pas une norme différente pour divers groupes. Voilà le volet objectif de la norme. Elle a une portée assez grande pour respecter les différences entre les prestataires, peu importe leur citoyenneté ou leur statut d’immigration, en tenant compte de leur situation personnelle. Voilà le volet subjectif de la norme. Ainsi, il est possible d’évaluer la situation personnelle du prestataire et de décider s’il répond aux deux volets de la norme.

[51] Le volet objectif de la norme impose les obligations suivantes aux prestataires. Il leur faut vérifier assez rapidement leur droit aux prestations et s’informer de leurs droits et obligations aux termes de la LoiNote de bas de page 20. Il a été confirmé que l’ignorance de la loi et la bonne foi ne sont pas des motifs valablesNote de bas de page 21. Une personne raisonnable ne remplit pas son obligation de déterminer ses droits et obligations simplement en consultant le site Web de la CommissionNote de bas de page 22. Si le prestataire ne s’est pas renseigné, il doit démontrer que des circonstances exceptionnelles expliquent pourquoi il ne l’a pas faitNote de bas de page 23.

[52] L’idée, sur laquelle insiste le prestataire, que la norme de la personne raisonnable doit être axée sur sa situation individuelle aurait pour effet de modifier la norme. Cela voudrait dire que la loi énoncée au paragraphe précédent ne s’applique pas à sa situation. Cela voudrait dire que, comme le prestataire a mal compris le contenu du site Web et qu’il n’a pas jugé raisonnable d’exiger que tout le monde téléphone à la Commission ou présente une demande de prestations, les obligations mentionnées au paragraphe précédent ne s’appliquent pas à lui. Le volet objectif de la norme serait ainsi éliminé. Et la norme deviendrait complètement subjective. Cela modifierait la loi, qui a été interprétée à maintes reprises par la Cour d’appel fédérale. Je n’ai pas le pouvoir d’apporter un tel changement.

[53] Le prestataire n’a pas satisfait à la norme de la personne raisonnable parce qu’il n’a rien fait pour vérifier ses droits et ses obligations à part consulter le site Web de la Commission. Il a supposé qu’il n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi parce qu’il a mal compris l’information publiée sur le site Web. Il n’a rien fait pour vérifier son interprétation. Il n’a pas communiqué avec la Commission ni présenté de demande, même s’il a vu la phrase sur le site Web lui recommandant de présenter une demande pour que la Commission puisse déterminer son droit aux prestations. Il a attendu du 30 août 2020 au 3 novembre 2021, date à laquelle il a parlé à une autre personne de la possibilité de demander des prestations. Le lendemain, il a rapidement présenté sa demande.

[54] Comme le prestataire n’a pas fait ce qu’il devait faire pour répondre à la norme de la personne raisonnable, je dois voir s’il y a des circonstances exceptionnelles qui expliquent pourquoi. Le fait de ne pas vérifier les renseignements sur l’admissibilité, les droits et les obligations des prestataires ne constitue pas des circonstances exceptionnellesNote de bas de page 24. La situation personnelle du prestataire ne permet pas de conclure qu’il y avait des circonstances exceptionnelles. Sa situation familiale était stressante à l’automne 2020. Il a parlé de dépression. Cela n’a pas empêché le prestataire de consulter souvent le site Web de la Commission ni de chercher du travail. Le prestataire détient deux maîtrises, ce qui indique un niveau d’instruction élevé. Il craignait que sa demande de prestations d’assurance-emploi nuise à sa demande de résidence permanente et au renouvellement de son permis de travail. Il n’a rien fait pour savoir si ses inquiétudes étaient réalistes.

[55] Je n’ai pas besoin de vérifier si le prestataire remplissait les conditions requises à la date antérieure pour recevoir des prestations. Sans motif valable, la demande du prestataire ne peut pas être traitée comme s’il l’avait présentée plus tôt.

Conclusion

[56] Le prestataire n’a pas accumulé un nombre d’heures suffisant pour pouvoir recevoir des prestations.

[57] Il n’a pas prouvé qu’un motif valable justifiait le retard de sa demande de prestations pendant toute la durée du retard.

[58] L’appel est rejeté.

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