Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

La prestataire a demandé et reçu des prestations de maternité et des prestations parentales de l’assurance-emploi. Dans sa demande de prestations, elle a choisi l’option standard, qui est l’option dont le taux de prestations est le plus élevé sur une période plus courte. La prestataire a inscrit sur son formulaire de demande qu’elle voulait recevoir 35 semaines de prestations. Elle a reçu son premier versement de prestations parentales, mais plus tard, elle a communiqué avec la Commission pour lui demander de passer à l’option prolongée. La Commission a rejeté la demande au motif qu’il était trop tard pour changer d’option après le versement des prestations parentales. La Commission a maintenu sa décision après révision.

La prestataire a fait appel de la décision auprès de la division générale (DG). La DG a accueilli l’appel et a conclu que la prestataire avait choisi les prestations prolongées même si elle avait sélectionné l’option standard dans son formulaire de demande. La DG a conclu que la prestataire avait choisi l’option standard uniquement à titre provisoire et qu’elle avait fait son véritable choix six mois plus tard en optant pour l’option prolongée. La Commission a fait appel de la décision de la DG devant la division d’appel (DA). Elle a fait valoir que la décision de la DG contenait des erreurs de droit et qu’elle était fondée sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

La DA a conclu que la DG avait fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait choisi l’option prolongée. La DA a également conclu que la loi ne prévoit pas de choix « provisoires » et « véritables ». La DA a décidé de rendre la décision que la DG aurait dû rendre. Elle a conclu que la prestataire avait clairement choisi l’option standard dans son formulaire de demande. Cependant, la DA a conclu que la Commission a fourni à la prestataire des renseignements trompeurs. Elle a constaté qu’un agent de Service Canada avait dit à la prestataire qu’elle était libre de changer d’option à tout moment. Puisque la prestataire a fondé son choix sur ce conseil trompeur, la DA a jugé que son choix était invalide. Pour compléter la demande, la DA a laissé la prestataire choisir entre les deux options. La DA a conclu que la prestataire avait choisi l’option prolongée. La DA a rejeté l’appel compte tenu de ce fait.

Contenu de la décision

Citation: Canada Employment Insurance Commission v JJ, 2022 SST 202

Social Security Tribunal of Canada
Appeal Division

Decision

Appellant: Canada Employment Insurance Commission
Representative: J. Villeneuve
Respondent: J. J.

Decision under appeal: General Division decision dated December 10, 2021 (GE-21-1994)

Tribunal member: Jude Samson
Type of hearing: Teleconference
Hearing date: Le 23 mars 2022
Hearing participants: Représentante de l’appelante
Intimée
Decision date: Le 25 mars 2022
File number: AD-21-437

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Bien que j’aie conclu que la division générale a commis une erreur dans cette affaire, je suis d’accord avec le résultat auquel elle est parvenue : J. J. a le droit de toucher des prestations parentales prolongées.

Aperçu

[2] J. J. est la prestataire dans la présente affaire. Elle a demandé des prestations de maternité et des prestations parentales de l’assurance-emploi. Dans son formulaire de demande, elle devait choisir entre deux options de prestations parentales : l’option standard et l’option prolongéeNote de bas de page 1.

[3] L’option standard offre un taux de prestations parentales plus élevé pendant un maximum de 35 semaines. L’option prolongée propose un taux moins élevé pendant un maximum de 61 semaines. Combinée aux 15 semaines de prestations de maternité, l’option standard permet d’obtenir des prestations d’assurance-emploi pendant environ 1 an, tandis que l’option prolongée permet d’en recevoir pendant environ 18 mois.

[4] Dans sa demande, la prestataire a indiqué qu’elle demandait 35 semaines de prestations parentales standards. Elle a cependant plus tard appelé la Commission de l’assurance-emploi du Canada pour demander de passer à l’option prolongéeNote de bas de page 2.

[5] La Commission a rejeté la demande de la prestataire. Elle lui a expliqué qu’il était trop tard pour modifier son choix parce qu’elle avait déjà reçu des prestations parentales.

[6] La décision de la Commission a surpris la prestataire parce qu’elle avait parlé à l’un de ses agents juste avant de présenter sa demande de prestations. Selon la prestataire, cet agent l’avait rassurée en lui disant qu’elle pouvait changer d’option à tout moment.

[7] La prestataire a porté la décision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal. Son appel a été accueilli. Selon la division générale, la prestataire avait choisi l’option standard « uniquement à titre provisoire », alors que l’option prolongée était son « véritable choixNote de bas de page 3 ».

[8] La Commission porte maintenant la décision de la division générale en appel à la division d’appel du TribunalNote de bas de page 4. Elle soutient que la décision de la division générale contient des erreurs de droit et qu’elle a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

[9] Je rejette l’appel de la Commission. Bien que j’aie conclu que la division générale a commis une erreur dans cette affaire, je suis d’accord avec la conclusion à laquelle elle est parvenue.

[10] Je juge que la prestataire a choisi l’option standard dans son formulaire de demande. Toutefois, elle a fondé son choix sur des renseignements trompeurs que la Commission lui a fournis. Par conséquent, son choix initial était invalide. J’annule donc la décision de la Commission de lui verser des prestations parentales standards. La prestataire a plutôt choisi l’option prolongée.

[11] Dans les circonstances, je rejette l’appel de la Commission.

Questions en litige

[12] Ma décision porte sur les questions suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait choisi de recevoir des prestations parentales prolongées?
  2. b) Si oui, quelle est la meilleure façon de corriger l’erreur de la division générale?
  3. c) La prestataire a-t-elle fait un choix valide entre les options standard et prolongée?

Analyse

[13] Je peux seulement intervenir dans la présente affaire si la division générale a commis une erreur pertinenteNote de bas de page 5. Dans cette décision, j’ai cherché à savoir si la division générale avait fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

La division générale a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire

[14] Lorsqu’une personne remplit une demande de prestations parentales, elle doit choisir entre l’option standard et l’option prolongéeNote de bas de page 6. Elle ne peut pas changer d’option après avoir reçu des prestations parentales de la CommissionNote de bas de page 7.

[15] La prestataire a choisi l’option standard dans sa demande de prestationsNote de bas de page 8. Elle a sélectionné « 35 » en réponse à la question « Combien de semaines de prestations souhaitez-vous demander? » Il s’agit du nombre maximal de semaines offertes dans le cadre de l’option standard.

[16] D’après le témoignage de la prestataire à l’audience de la division générale, il est clair qu’elle a fait ce choix intentionnellement. Elle savait qu’elle demandait en tout environ un an de prestations d’assurance-emploi.

[17] Quoi qu’il en soit, la division générale a conclu que la prestataire avait en fait choisi l’option prolongée.

[18] La division générale a établi que la question en litige dans la présente affaire était de savoir quel type de prestations parentales la prestataire voulait réellement recevoir quand elle a rempli son formulaire de demande. La division générale a cependant jugé que le choix délibéré que la prestataire av fait en avril 2021 n’était que provisoire. Elle avait plutôt fait son véritable choix en octobre 2021, lorsqu’elle a finalement décidé de prendre un congé prolongé et a appelé la Commission pour changer d’option.

[19] La loi dit qu’une personne qui demande des prestations parentales doit choisir entre les options standard et prolongéeNote de bas de page 9. La loi ne prévoit pas de choix « provisoires » et « véritables ».

[20] La division générale a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait choisi l’option prolongée. Les faits indiquent clairement le contraire. La prestataire a communiqué un choix clair à la Commission : elle a choisi l’option standard. De plus, elle a confirmé dans son témoignage à l’audience de la division générale qu’elle avait fait ce choix délibérément.

[21] Je peux intervenir dans la présente affaire parce que la division générale a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

Je vais corriger l’erreur de la division générale en rendant la décision qu’elle aurait dû rendre

[22] Lors de l’audience que j’ai présidée, les parties ont convenu que si la division générale avait commis une erreur, je devais rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 10.

[23] Je suis d’accord. Les parties ne font pas valoir que la division générale les a empêchées de présenter tous leurs arguments. En réalité, la plupart des faits importants ne sont pas contestés.

[24] Par conséquent, je peux décider si la prestataire a le droit de toucher des prestations parentales standards ou prolongées.

La prestataire a le droit de toucher des prestations parentales prolongées

[25] J’adopte une approche en deux étapes pour trancher les affaires comme celle‑ci :

  1. a) Quelle option la prestataire a-t-elle choisie dans son formulaire de demande? Le choix doit être clairNote de bas de page 11.
  2. b) Le choix de la prestataire était-il valide? Dans plusieurs affaires, le Tribunal a jugé que le choix des prestataires était invalide parce qu’il reposait sur des renseignements trompeurs fournis par la CommissionNote de bas de page 12. Dans de telles circonstances, les prestataires doivent refaire un choix.

La prestataire a choisi l’option standard dans son formulaire de demande

[26] Dans la présente affaire, le formulaire de demande de la prestataire indique clairement à la Commission qu’elle a choisi l’option standard. Il ne comporte aucune contradiction flagrante. Bien que le relevé d’emploi de la prestataire indique qu’elle prévoyait prendre un congé prolongé, toutes les réponses qu’elle a fournies à la Commission correspondent à l’option standardNote de bas de page 13.

Le choix de la prestataire est invalide parce que la Commission lui a fourni des renseignements trompeurs

[27] La prestataire a le sens de la planification. Elle a fourni des éléments de preuve montrant qu’elle est une personne prudente qui a bien réfléchi aux choix qu’elle faisait.

[28] La prestataire a pris beaucoup de temps pour décider de la durée du congé qu’elle prendrait après la naissance de son enfant. Par exemple, elle essayait de trouver un équilibre entre les services de garde et les considérations financières, tout cela dans le contexte d’une pandémie mondiale.

[29] L’employeur de la prestataire a fait preuve d’une grande souplesse quant à la durée de son congé et lui a offert un supplément de salaire pendant qu’elle recevait des prestations d’assurance-emploi.

[30] Comme pour d’autres choses dans sa vie, la prestataire a fait preuve de prudence lorsqu’elle a demandé des prestations d’assurance-emploi. Elle a appelé Service Canada et a compris la différence entre les options standard et prolongée. Elle a été cohérente au sujet des conseils qu’elle a reçus au cours de cet appel : l’agent l’a rassurée en lui disant qu’elle pouvait changer d’option à tout moment. Rien ne contredit ce témoignage.

[31] La prestataire a rempli sa demande de prestations d’assurance-emploi peu après cet appel.

[32] Je reconnais que le formulaire de demande de la prestataire précise qu’elle ne pouvait pas changer d’option après qu’un parent ait reçu des prestations parentalesNote de bas de page 14. Cependant, l’agent à qui la prestataire venait de parler lui avait fourni des renseignements contradictoires. La prestataire s’est clairement appuyée sur les conseils de l’agent à son détriment. Plus précisément, elle risque de perdre la totalité du supplément que lui offre son employeur.

[33] En raison des conseils de l’agent, la Commission a induit la prestataire en erreur en lui faisant croire que son choix entre les options standard et prolongée était de peu d’importance et qu’elle pouvait changer d’option à tout moment. Si l’agent avait donné les bons renseignements à la prestataire, celle-ci aurait été plus prudente quant à son choix ou l’aurait modifié en temps opportun.

[34] La prestataire a fondé son choix entre les options standard et prolongée sur des renseignements trompeurs que la Commission lui a fournis. Par conséquent, son choix est invalide. La prestataire a clairement indiqué qu’elle choisirait l’option prolongée si on lui permettait de refaire son choix.

Je rejette les arguments de la Commission

[35] La Commission a souligné que les personnes qui demandent des prestations parentales « doivent » choisir entre les options standard et prolongéeNote de bas de page 15. De plus, la loi prévoit qu’une personne ne peut changer d’option une fois que des prestations sont verséesNote de bas de page 16. Par conséquent, la Commission soutient qu’elle n’a aucun pouvoir discrétionnaire dans des cas comme celui-ci. De plus, la décision du Tribunal permet indirectement à la prestataire de changer d’option, même si la loi l’interdit expressément.

[36] La Commission fait également valoir que la seule décision qu’elle doit rendre concerne la question de savoir si la prestataire a le droit de toucher des prestations. Selon la Commission, les personnes qui demandent des prestations doivent choisir entre les deux options et elle n’a pas le pouvoir d’interpréter ou d’évaluer la validité de leur choix.

[37] Enfin, la Commission soutient que le formulaire de demande de prestations parentales est clair et que toute information erronée que la Commission aurait pu fournir ne permet pas au Tribunal d’ignorer la loiNote de bas de page 17.

[38] Je ne suis pas d’accord avec les arguments de la Commission pour les raisons suivantes :

  • La loi ne précise nulle part comment le choix d’une personne doit être fait ni qu’il doit toujours être déterminé en fonction d’une seule case cochée dans un formulaire de demande.
  • La Commission examine chaque formulaire de demande pour évaluer le choix de la personne et établir son taux de prestations. La Commission prend ces décisions, implicitement ou explicitement, chaque fois qu’elle verse des prestations à une personneNote de bas de page 18.
  • La prestataire a-t-elle fait un choix clair? Était-il valide? Ce sont des questions de droit et de fait que le Tribunal a le pouvoir de trancherNote de bas de page 19.
  • Bien que je reconnaisse que les agents de la Commission ne peuvent pas modifier la loi et que la Commission n’est pas liée par des renseignements inexacts fournis par un agent, il y a une différence entre cette situation et l’évaluation de la validité du choix de la prestataire. Le Tribunal fait cette distinction depuis un certain temps et les tribunaux ont reconnu qu’il est possible que des réparations soient accordées dans cette situationNote de bas de page 20.
  • Le Tribunal ne modifie pas le choix de la prestataire après qu’elle a commencé à recevoir des prestations. Il évalue plutôt si son choix était valide dès le départ. Si ce n’est pas le cas, la prestataire doit choisir de nouveau. Le Tribunal ne fait pas le choix pour elle.

[39] Il est important de noter que le Tribunal tranche chaque affaire en fonction de ses faits. De toute évidence, la loi interdit aux prestataires de changer d’option en raison d’un changement de circonstances. Toutefois, certaines réparations peuvent être accordées à des personnes, comme la prestataire, qui peuvent établir qu’elles ont reçu des renseignements trompeurs de la Commission et qu’elles se sont fiées à ces renseignements.

Conclusion

[40] La division générale a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire. Cette erreur me permet d’intervenir dans la présente affaire et de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[41] Bien que je sois en désaccord avec une partie du raisonnement de la division générale, je suis arrivé au même résultat en adoptant une approche différente. La prestataire a démontré que la Commission l’avait induite en erreur en lui faisant croire que son choix était sans importance parce qu’il pouvait être modifié à tout moment. Par conséquent, le choix que la prestataire a fait entre les options standard et prolongée est invalide. J’annule la décision de la Commission de lui verser des prestations parentales standards.

[42] Pour compléter sa demande, la prestataire doit choisir entre les options standard et prolongée. Tout au long de la présente instance, la prestataire a clairement indiqué qu’elle choisissait l’option prolongée.

[43] Dans les circonstances, je rejette l’appel de la Commission.

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