Assurance-emploi (AE)

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Citation : RT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 119

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. T.
Représentante ou représentant : Johanne Giroux
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (433347) datée du 22 septembre 2021 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Manon Sauvé
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 23 novembre 2021
Personnes présentes à l’audience : L’appelante
La représentante
Date de la décision : Le 11 janvier 2022
Numéro de dossier : GE-21-1993

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, lorsqu’elle a refusé la demande de prolongation de délai.

[2] La prestataire a démontré qu’elle avait une explication raisonnable, l’intention constante de demander la révision de la décision, la cause est défendable et cela ne cause pas de préjudice à la Commission.

Aperçu

[3] La Commission a décidé que la prestataire a quitté volontairement son emploi sans justification à la X, le 26 octobre 2017.

[4] Le 13 juillet 2019, la Commission transmet un avis de dette à la prestataire. Elle lui réclame la somme de 10 897 $, soit les prestations d’assurance-emploi versées en trop en raison de son départ volontaire.

[5] Le 19 décembre 2020, la Commission transmet un nouvel avis de dette. Le relevé de compte indique un solde de 0 $. La prestataire croit que son dossier est réglé et qu’elle n’a pas à rembourser la dette.

[6] Le 24 février 2021, elle est informée de la raison de la réclamation de la Commission. Le 28 août 2021, la prestataire demande à la Commission de réviser la décision.

[7] La Commission refuse de réviser la décision. La prestataire avait 30 jours pour demander la révision de sa décision. Elle a présenté sa demande 439 plus tard. Elle n’a pas démontré qu’elle avait une explication raisonnable et une intention constante de demander la révision de la décision.

[8] Selon la Commission, elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en rejetant la demande de la prestataire de prolonger la période de 30 jours pour présenter une demande de révision.

Questions en litige

  1. La demande de révision a-t-elle été présentée en retard ?
  2. La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en rejetant la demande de la prestataire de prolonger la période de 30 jours pour présenter une demande de révision ?     

Analyse

[9] Toute personne qui fait l’objet d’une décision de la Commission peut demander la révision de cette décision dans les 30 jours suivant la date où elle en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorderNote de bas de page 1.

[10] La décision de la Commission d’accorder un délai supplémentaire pour présenter une demande de révision est un pouvoir discrétionnaireNote de bas de page 2. Le pouvoir discrétionnaire de la Commission doit être exercé selon les critères du Règlement sur les demandes de révision. La Commission peut accorder plus de temps à une partie prestataire pour la présentation d’une demande de révision si elle est convaincue qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et si la partie prestataire a manifesté l’intention constante de demander la révisionNote de bas de page 3.

[11] De plus, lorsque la demande est présentée plus d’un an après, la Commission doit être convaincue que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et ne lui porte pas préjudiceNote de bas de page 4.

[12] Je dois décider si, en rejetant la demande de prolongation du délai pour présenter une demande de révision, la Commission a agi de bonne foi, à des fins et pour des motifs légitimes, qu’elle a pris en compte tous les facteurs pertinents, ignorant tout facteur non pertinent, et qu’elle a agi de manière non discriminatoireNote de bas de page 5.

[13] Je peux intervenir seulement si je détermine que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Si je conclus qu’elle n’a pas exercé son

[14] pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, alors je rendrai la décision que la Commission aurait dû rendre.

Question en litige no 1 : La demande de révision a-t-elle été présentée en retard ?

[15] Je retiens du témoignage de la prestataire qu’elle a reçu un avis de trop payé en juillet 2019. Il n’y avait pas de lettre explicative avec la réclamation.

[16] Elle ne conteste pas que la demande a été présentée en retard. Cependant, elle n’a jamais été informée qu’elle avait un délai de 30 jours. Elle ne pouvait pas deviner les délais.

[17] Quelques mois auparavant, elle aurait pu être victime d’une fraude. Elle a menacé la personne de communiquer avec un service de police.

[18] Elle croyait qu’il s’agissait d’un nouveau cas de fraude. Elle a communiqué avec le Service de recouvrement qui n’était pas en mesure de répondre à ses questions. Il ne pouvait que confirmer qu’elle devait cette somme d’argent. Ce n’est qu’en mai 2020 qu’elle est informée des détails de la réclamation.

[19] La comptable de la prestataire déclare qu’elle lui a demandé de l’aide pour comprendre la réclamation. Elle a fait le lien entre les prestations reçues en 2017 et 2018. Elle confirme que la prestataire a communiqué avec le Service de recouvrement qui a reporté sa dette. Elle a finalement présenté sa demande de révision le 28 août 2021.

[20] Je suis d’avis que la prestataire a présenté sa demande de révision plus d’un an après la décision de la Commission.

Question en litige no 2 : La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en rejetant la demande du prestataire de prolonger la période de 30 jours pour présenter une demande de révision ?

[21] Je suis d’avis que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en rejetant la demande du prestataire de prolonger la période de 30 jours pour présenter sa demande de révision.

[22] Je retiens que la Commission s’est prononcée uniquement sur les deux premiers critères pour déterminer si elle pouvait prolonger la période de 30 jours. Elle a expliqué qu’il n’y avait aucune des circonstances énoncées aux alinéas 1 (2) a) b) ou c).Note de bas de page 6

[23] La demande de la prestataire a été présentée après l’expiration du délai de 365 jours suivants le jour où l’intéressé a reçu la communication de la décisionNote de bas de page 7.

[24] Comme je l’ai déterminé, la demande de révision a été présentée plus d’un an après la communication de la décision. Par conséquent, la Commission se devait d’appliquer les quatre (4) critères pour justifier sa décision. Ce qu’elle n’a pas fait.

[25] Je vais donc procéder à l’analyse de la demande de la prestataire, parce que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire en ne tenant pas compte de tous les critères qui s’appliquent à la situation du prestataire.

Explication raisonnable et intention constante de poursuivre sa demande de révision

[26] Je retiens que la prestataire a été la cible d’une fraude quelques mois avant la réclamation de la Commission. Elle a déclaré cette situation au Tribunal, parce qu’on lui a demandé de raconter son histoire.

[27] Elle a cru qu’il s’agissait d’une autre tentative de fraude. Surtout que quelques mois plus tard, elle a reçu un nouvel avis de dette qui indiquait qu’elle ne devait plus rien. Cependant, les réclamations se sont poursuivies. Elle a demandé de l’aide à sa comptable. Elle a communiqué avec le service de réclamation qui lui accordait à chaque fois un mois supplémentaire pour payer sa dette.

[28] Parallèlement, elle a communiqué avec ses anciens employeurs, afin que les relevés d’emploi soient corrigés.

[29] Elle a également demandé l’aide de sa comptable pour traiter son dossier. Elle ne savait pas qu’elle avait 30 jours pour contester la réclamation de la Commission. Elle déclare ne pas avoir reçu la décision de la Commission. De plus, elle a reçu un avis qui indiquait qu’elle n’avait plus de dettes. Elle était confuse et méfiante en raison d’une tentative de fraude récente.

[30] Selon la Commission, la prestataire avait connaissance de la décision depuis le 20 mai 2020. Elle a tardé au 1er septembre 2021 pour présenter sa demande de révision. La prestataire affirme ne pas avoir reçu la décision, mais elle n’a pas changé d’adresse et elle n’a pas d’information que la lettre n’a pas été livrée.

[31] La Commission n’a pas de communication de la part de prestataire entre le 20 mai 2020 et le 1er septembre 2021. De plus, elle a communiqué avec le service de recouvrement le 24 février 2021, elle savait qu’elle avait une dette, mais elle n’a pas communiqué avec la Commission.

[32] Même si elle faisait des démarches auprès de son employeur, elle pouvait s’informer auprès de la Commission. Elle n’a pas démontré de circonstances exceptionnelles qui l’empêchaient de le faire.

[33] Je suis d’avis que la prestataire a démontré qu’elle avait une explication et l’intention constante de demander la révision de la décision. Pour y arriver, j’ai tenu compte de son témoignage crédible et de ses explications plausibles.

[34] Elle ne s’est pas contredite lors de son témoignage. Je considère ses explications crédibles concernant la fraude dont elle aurait pu être victime et la confusion générée par les deux avis de dettes. Elle a tout de même fait des démarches pendant cette période.

[35] Par ailleurs, la Commission voudrait que la prestataire ait contesté la décision dès le mois dès le mois de mai 2020. Si tel était le cas, il n’aurait pas eu à fournir des explications pour justifier son retard.

[36] Je constate également que les communications ont été difficiles pour la prestataire en raison de la pandémie de la COVID-19.

[37] Par conséquent, en tenant compte des communications avec les instances gouvernementales, la pandémie, la tentative de fraude, les deux avis de dette, dont le deuxième, avec un solde de 0 $, j’en arrive à la conclusion qu’elle a fourni une explication raisonnable et démontré son intention constante de demander la révision de la décision.

Les chances raisonnables de succès

[38] À la lecture du dossier, je ne peux pas conclure que la demande de révision de la prestataire est vouée à l’échec. La question en litige concerne un départ volontaire d’une clinique dentaire, alors qu’elle travaillait pour une agence.

[39] La Commission a rendu une décision le 20 mai 2020 concernant le départ volontaire de son emploi à la clinique dentaire en 2017 et des revenus qu’elle a omis de déclarer. Je suis d’avis que la prestataire a des explications à donner concernant ce départ. De plus, la Commission semble avoir procédé à un réexamen.

Préjudice

[40] Je constate que la Commission n’a pas présenté une preuve concernant le préjudice possible, si j’accorde l’appel du prestataire.

[41] Je suis plutôt d’avis que si la prestataire n’a pas l’occasion, dans le cadre de sa demande de révision, de fournir des explications concernant son départ volontaire, il risque d’y avoir un préjudice. Entre autres, parce que la Commission semble avoir réexaminé la demande de prestations.

Conclusion

[42] Je conclus que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire et j’accorde à la prestataire un délai supplémentaire pour présenter sa demande de révision.

[43] L’appel est accueilli.

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