Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Assurance-emploi – disponibilité pour travailler –pendant des études ou une formation – division d’appel – erreur de droit – loi non appliquée ou mal interprétée – réparation

La division générale (DG) a conclu que la prestataire était disponible pour travailler tout en étant aux études. Ainsi, elle pouvait être admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi (AE). La Commission a fait appel de cette décision à la division d’appel (DA), soutenant que la DG n’avait pas tenu compte de l’article 153.161 et avait mal interprété l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). En particulier, elle a affirmé que la DG avait mal interprété la signification de « disponibilité ». La DA a accueilli l’appel de la Commission et a conclu que la DG avait commis une erreur de droit lorsqu’elle a établi que la prestataire était disponible pour travailler et qu’elle n’était pas exclue du bénéfice des prestations de l’AE.

Il ressort clairement des décisions rendues par la Cour d’appel fédérale que le fait de limiter la disponibilité à certaines heures de certains jours, y compris les soirs et les fins de semaine, constitue établir des conditions personnelles qui pourraient limiter indûment les chances de retourner sur le marché du travail. De plus, un prestataire doit être disponible pendant les heures normales de travail pour chaque jour ouvrable. Autrement dit, un prestataire ne peut pas restreindre sa disponibilité à des heures irrégulières.

L’article 153.161 de la Loi sur l’AE exige que les étudiants prouvent qu’ils sont capables de travailler et disponibles pour le faire. En obligeant les étudiants à prouver leur disponibilité, l’article fixe la présomption générale selon laquelle les étudiants à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler. Plus important encore, l’article a pour effet pratique d’annuler la capacité de réfuter la présomption générale. Réfuter la présomption générale, par exemple en montrant des antécédents de travail à temps plein, devient non pertinent si les étudiants à temps plein doivent prouver qu’elles sont capables de travailler et disponibles pour le faire. Puisque la prestataire avait un mélange de cours synchrones et asynchrones, elle avait plus d’heures disponibles pour travailler. Durant les sessions d’automne et d’hiver, la prestataire avait plusieurs jours pendant la semaine où elle était disponible. Elle était aussi disponible les fins de semaine. Par conséquent, la DA a conclu que la disponibilité de la prestataire montrait qu’elle n’était pas disponible pendant les heures normales de travail pour chaque jour ouvrable. En conséquence, la prestataire n’était pas admissible aux prestations d’AE pendant la période pertinente.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c RJ, 2022 TSS 212

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Tiffany Glover
Partie intimée : R. J.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du14 décembre 2021 (GE-21-2217)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 mars 2022
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Intimée
Date de la décision : Le 5 avril 2022
Numéro de dossier : AD-21-455

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La prestataire n’était pas disponible pour travailler. Elle n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[2] L’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, fait appel de la décision de la division générale.

[3] La division générale a conclu que l’intimée, R. J. (prestataire), était disponible pour travailler pendant ses études. Elle a conclu que la prestataire n’était donc pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Cela signifiait qu’elle pouvait avoir droit à des prestations.

[4] La Commission soutient que la division générale n’a pas tenu compte de l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission soutient également que la division générale a mal interprété l’article 18(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi. En particulier, elle affirme que la division générale a mal interprété la signification de « disponibilité ».

[5] La prestataire nie que la division générale ait commis des erreurs. Elle demande à la division d’appel de rejeter l’appel. La Commission soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et de fait. La Commission demande à la division d’appel d’accueillir l’appel et de conclure que la prestataire n’était pas disponible pour travailler.

Questions préliminaires

[6] En règle générale, les nouveaux éléments de preuve sont inadmissibles dans les instances devant la division d’appel. Il peut toutefois y avoir certaines exceptions.

[7] La Commission propose de déposer une déclaration, assermentée le 4 février 2022 par George RaeNote de bas page 1.M. Rae est directeur de la Direction de la politique sur l'assurance-emploi à la Direction générale des compétences et de l’emploi d’Emploi et Développement social Canada.

[8] La Commission reconnaît qu’en général, la division d’appel n’examine pas de nouveaux éléments de preuve. Toutefois, la Commission soutient que je devrais accepter la preuve assermentée. La Commission affirme que la preuve sous forme de déclaration sous serment ne contient que des renseignements généraux. Elle souligne que la déclaration sous serment ne contient aucun renseignement sur la situation personnelle de la prestataire.

[9] La Commission explique que la preuve est essentielle à la compréhension de ses arguments concernant certains des objectifs législatifs que le législateur a adoptés pour lutter contre la pandémie.

[10] La prestataire ne s’oppose pas à l’admissibilité de la déclaration sous serment.

[11] La déclaration sous serment comprend une copie de l’arrêté provisoire no 10 modifiant la Loi sur l’assurance-emploi. Les modifications comprennent l’ajout des articles 153.161(1) et (2). Une note explicative suit l’arrêt, bien qu’elle ne fasse pas partie de celui-ci.

[12] La Commission s’appuie en grande partie sur la déclaration sous serment pour attirer l’attention sur les mesures temporaires aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi mises en œuvre en réponse à la pandémie de COVID-19.

[13] Il n’est pas nécessaire de déposer une déclaration sous serment pour montrer les articles 153.161(1) et (2) de la Loi sur l’assurance-emploi, mais la déclaration sous serment comprend aussi des renseignements généraux sur le régime d’assurance-emploi. M. Rae explique l’incidence que les mesures temporaires ont eue sur le processus habituel d’établissement de la disponibilité d’une partie prestataire.

[14] J’accepte la déclaration sous serment de M. Rae. Les renseignements contenus dans la déclaration sous serment ne sont pas déterminants pour l’issue de l’appel. La déclaration sous serment fournit des renseignements généraux sur certaines des questions dont je suis saisie. [sic] Questions en litige

[15] Les questions à trancher dans cette affaire sont les suivantes :

  1. (a) La division générale a-t-elle omis de prendre en considération l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi?
  2. (b) La division générale a-t-elle mal interprété ce que signifie être disponible pour travailler au titre de la Loi sur l’assurance-emploi?
  3. (c) La division générale a-t-elle fait abstraction de certains éléments de preuve lorsqu’elle a examiné si la prestataire était disponible pour travailler?

Analyse

[16] La division d’appel peut modifier les décisions de la division générale si elles contiennent des erreurs de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de faitNote de bas page 2.

La division générale a-t-elle omis de prendre en considération l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi?

[17] La Commission soutient que la division générale n’a pas pris en considération l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi dans le cas de la prestataire. La Commission soutient que si elle l’avait fait, la division générale aurait conclu que la prestataire ne pouvait pas citer la pandémie comme circonstance exceptionnelle.

[18] De plus, la Commission soutient que si la prestataire n’avait pas de circonstances exceptionnelles, elle serait présumée non disponible pour travailler. Cela aurait mis fin à la question sur sa disponibilité. Cela aurait également empêché toute enquête visant à déterminer, par exemple, si les démarches de recherche d’emploi de la prestataire étaient raisonnables et habituelles, ou si elle avait établi des conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[19] L’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi précise ce qui suit :

Disponibilité

Cours ou programme d’instruction ou formation non dirigé

153.161(1) Pour l’application de l’alinéa 18(1)a), le prestataire qui suit un cours ou programme d’instruction ou de formation pour lequel il n’a pas été dirigé conformément aux alinéas 25(1)a) ou b) n’est pas admissible au versement des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là, capable de travailler et disponible à cette fin.

Vérification

(2) La Commission peut vérifier, à tout moment après le versement des prestations, que le prestataire visé au paragraphe (1) est admissible aux prestations en exigeant la preuve qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin pour tout jour ouvrable de sa période de prestations.

[20] L’article décrit la situation de la prestataire. C’était une étudiante qui suivait un cours, un programme d’instruction ou de formation pour lequel elle n’avait pas été dirigée. L’article était pertinent à la prestataire.

[21] La division générale n’a fait référence à aucun aspect particulier de l’article, et elle n’en a pas non plus discuté. Il est évident qu’elle n’a pas tenu compte de l’article ni vérifié s’il s’appliquait dans le cas de la prestataire.

[22] Bien que la Commission n’ait pas soulevé l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi, la division générale aurait dû examiner cet article et établi comment il s’appliquait dans le cas de la prestataire.

La division générale a-t-elle mal interprété ce que signifie être disponible au titre de la Loi sur l’assurance-emploi?

[23] Ayant déterminé que l’erreur de la division générale justifie l’intervention de la division d’appel, je n’ai pas à vérifier si la division générale a commis d’autres erreurs. Cependant, j’examinerai si la division générale a mal interprété ce que signifie être disponible au titre de la Loi sur l’assurance-emploi parce que cette question aura une incidence importante sur l’issue de cette instance.

[24] La Commission soutient que la division générale a mal interprété ce que signifie être disponible au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. Si la prestataire n’était pas disponible pour travailler, elle serait exclue du bénéfice des prestations.

Décision de la division générale

[25] La division générale a conclu que la prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin. Elle a donc conclu qu’elle n’était pas exclue du bénéfice des prestations.

[26] Pour établir si la prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin, la division générale a examiné si la prestataire satisfaisait à trois exigences pour prouver sa disponibilité :

  1. a) elle voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable était disponible;
  2. b) elle a fait des démarches pour trouver un emploi convenable;
  3. c) elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler.

[27] La division générale a conclu que la prestataire satisfaisait à chacune de ces trois exigences. En ce qui concerne la troisième exigence, la division générale a écrit ce qui suit :

La prestataire a perdu son emploi en raison de la pandémie et a peut-être eu plus de difficulté à trouver un autre emploi pour la même raison. J’ai déjà conclu que le fait de pouvoir travailler alors qu’elle aurait autrement dû suivre des cours constitue une circonstance exceptionnelle qui réfute la présomption de non-disponibilité. J’estime que, dans ces circonstances particulières, le fait que la prestataire ait dit qu’elle travaillerait selon son horaire de cours ne limitait pas indûment ses chances de retourner au travailNote de bas page 3.

Arguments de la Commission

[28] La Commission soutient que si une partie prestataire impose toute restriction à sa disponibilité, elle n’est pas disponible pour travailler et n’a donc pas droit aux prestations. Dans la présente affaire, la Commission soutient que la prestataire n’était pas prête à chercher ou à accepter un travail qui entrait en conflit avec son horaire de cours. La Commission soutient qu’il s’agissait d’une restriction indue qui la rendait indisponible pour travailler.

[29] La Commission note que la prestataire a déclaré qu’elle accepterait seulement un emploi à temps plein si l’horaire lui convenaitNote de bas page 4. Je remarque que la prestataire aurait dit à la Commission qu’elle ne voulait pas modifier son horaire de cours pour accepter un emploi convenable, mais qu’elle était prête à travailler de longues heures en dehors de ses heures de coursNote de bas page 5.

[30] La Commission soutient qu’une partie prestataire doit démontrer sa disponibilité pendant les heures normales de travail pour chaque jour ouvrable, et qu’elle ne peut limiter sa disponibilité à des heures irrégulières en raison d’un horaire de coursNote de bas page 6.

Décisions de la Cour d’appel fédérale sur la question de la disponibilité

[31] La Commission s’appuie sur plusieurs décisions de la Cour d’appel fédérale. Ces décisions sont contraignantes. La Commission s’appuie également sur des décisions de l’ancien juge-arbitre. Ces décisions ne sont pas contraignantes. Je vais me concentrer sur les décisions de la Cour d’appel.

[32] Dans l’affaire GagnonNote de bas page 7, le prestataire avait réduit sa disponibilité aux vendredis et aux fins de semaine. La Cour d’appel a conclu qu’au titre de l’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploi, Gagnon n’était pas disponible les jours ouvrables d’une période de prestations.

[33] La Cour en est arrivée à cette conclusion en raison de l’article 32 du Règlement sur l’assurance-emploi. L’article définit chaque jour de la semaine, sauf le samedi et le dimanche, comme un jour ouvrable :

32. Pour l’application des articles 18 et 152.19 de la Loi, est un jour ouvrable chaque jour de la semaine sauf le samedi et le dimanche.

[34] La Cour a également conclu que Gagnon n’était pas prêt à modifier son horaire de cours pour accepter un emploi. Pour ces motifs ainsi que d’autres, la Cour a conclu qu’il n’était pas admissible aux prestations parce qu’il n’était pas disponible au sens de l’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploi et de l’article 32 du Règlement sur l’assurance-emploi.

[35] Dans une autre affaire appelée PrimardNote de bas page 8, la preuve a démontré que la disponibilité de la prestataire était limitée aux soirs et aux fins de semaine en raison de son horaire de cours. La Cour d’appel a conclu que cela montrait que Primard établissait des conditions personnelles qui pourraient limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[36] De nouveaux faits ont par la suite fait ressortir la possibilité que Primard puisse suivre ses cours à temps partiel, le soir, trois soirs par semaine, si elle se trouvait un emploi. Toutefois, la Cour a conclu qu’il s’agissait, au mieux, d’une disponibilité potentielle, qui était également conditionnelle à ce qu’elle trouve un emploi. Elle a conclu qu’elle n’était pas disponible autrement.

[37] Dans l’affaire DuquetNote de bas page 9, le juge-arbitre avait conclu que le prestataire n’avait pas démontré qu’il était disponible pour travailler. La Cour d’appel a conclu que, en raison de ses cours universitaires, le prestataire (Duquet) était seulement disponible certains jours, ce qui limitait sa disponibilité et, par conséquent, ses chances de trouver un emploi.

[38] La Commission s’appuie également sur BertrandNote de bas page 10. La décision ne concerne pas une étudiante. Cependant, la prestataire (Bertrand) était seulement disponible cinq jours par semaine, de 16 heures à 22 heures, ou minuit. Elle avait été incapable de trouver une gardienne fiable pendant le jour.

[39] La Cour d’appel a conclu que, même si Bertrand était disponible pour travailler de 30 à 40 heures par semaine le soir, elle n’était pas disponible pour travailler aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi.

[40] Il ressort clairement de cette série de décisions de la Cour d’appel que le fait de limiter la disponibilité à certaines heures de certains jours, y compris les soirs et les fins de semaine, constitue établir des conditions personnelles qui pourraient limiter indûment les chances de retourner sur le marché du travail.

[41] Il est particulièrement évident, à la lecture de Bertrand, qu’une partie prestataire doit être disponible pendant les heures normales de travail pour chaque jour ouvrable. Autrement dit, une partie prestataire ne peut pas restreindre sa disponibilité à des heures irrégulières, que ce soit parce qu’elle est incapable de trouver une gardienne fiable, comme dans l’affaire Bertrand, ou en raison d’un horaire de cours ou d’école contraignant.

JD c Commission de l’assurance-emploi du Canada

[42] Une affaire relativement récente de la division d’appel, appelée JDNote de bas page 11, concernait une prestataire qui cherchait seulement un travail à temps partiel qui n’interférait pas avec son horaire d’études à temps plein. La division d’appel a reconnu que le fait de seulement chercher un travail à temps partiel signifiait probablement l’exclusion d’emplois qui pourraient autrement être disponibles.

[43] Cependant, la division d’appel a accepté qu’une partie prestataire puisse toujours être disponible pour travailler aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi, même si elle y avait des restrictions quant à sa disponibilité. La division d’appel a décidé qu’elle pouvait être disponible pour travailler, pourvu que les restrictions ne soient pas [traduction] « indûment restrictives ».

[44] La division d’appel a conclu que J. D. n’avait pas indûment limité ses chances de retourner sur le marché du travail. Cela est dû au fait qu’elle est demeurée disponible pour travailler dans la même mesure qu’auparavant. Le membre a conclu que les études de J. D. ne limitaient pas plus ses perspectives d’emploi qu’elles ne le faisaient avant sa perte d’emploi. Par conséquent, la division d’appel a conclu que J. D. était disponible pour travailler.

[45] La division d’appel a fait remarquer que la division générale avait fait référence à RideoutNote de bas page 12. Cette affaire concerne un étudiant à temps plein qui était disponible pour travailler deux jours par semaine plus les fins de semaine. La Cour d’appel a conclu qu’il s’agissait d’une limitation de sa disponibilité pour un travail à temps plein. Elle a conclu qu’il n’était pas disponible pour travailler au sens de l’article 18(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[46] La division d’appel n’a pas traité de cette conclusion particulière dans Rideout. Elle a limité son analyse de Rideout à la question de savoir si cela signifiait que l’emploi à temps plein était le seul facteur pertinent lorsqu’il s’agissait de déterminer s’il y avait des circonstances exceptionnelles pouvant réfuter la présomption de non-disponibilité.

[47] La Commission soutient que JD est d’une utilité limitée. Elle reconnaît que les déclarations de la division d’appel ne sont pas fausses [traduction] « de façon généraleNote de bas page 13 ». Toutefois, la Commission affirme que la division d’appel n’a pas fourni de détails importants sur la disponibilité de J. D. Celui-ci était disponible de 16 à 20 heures par semaine, mais la division d’appel n’a pas précisé quels jours de la semaine ces heures tombaient.

[48] Comme la division d’appel dans l’affaire JD n’a pas abordé Bertrand, ni aucune des autres décisions de la Cour d’appel qui traitaient de la question de savoir si une partie prestataire est disponible, elle a une utilité limitée lorsqu’une affaire comporte des faits très précis.

[49] Dans l’affaire qui nous concerne, la prestataire a décrit sa disponibilité comme suitNote de bas page 14 :

Session d’automne :
Lundis Disponible toute la journée
Mardis Disponible à partir de midi
Mercredis Disponible après 13 h
Jeudis Disponible après 14 h
Vendredis Deux cours en ligne, mais disponible toute la journée. Les dossiers de la Commission indiquent que la prestataire n’était pas disponible les vendredis, de 11 h à midi et de 17 h à 18 hNote de bas page 15.
Session d’hiver :
Lundis Disponible après 15 h
Mardis Disponible après 13 h
Mercredis Les dossiers de la Commission indiquent que la prestataire n’était pas disponible de 13 h à 14 h et de 16 h à 19 hNote de bas page 16. À l’audience devant la division générale, la prestataire n’était pas disponible les mercredis, « à moins qu’elle travaille de 8 h à midi quelque partNote de bas page 17 ».
Jeudis Disponible jusqu’à 14 h 30
Vendredis Disponible après 16 h

[50] La prestataire était disponible pour travailler les fins de semaine pendant les deux sessions.

[51] La division générale a reconnu que la prestataire avait des classes synchrones et asynchrones. La division générale a noté les heures et les jours où la prestataire était disponible pour travailler.

[52] Toutefois, la division générale n’a pas tenu compte de la façon dont les principes énoncés dans Gagnon, Primard, Duquet, Rideout et Bertrand s’appliquaient dans le cas de la prestataire sur la question de la disponibilité. En ne suivant pas cette série de décisions, la division générale a mal interprété ce que signifie être disponible.

Réparation

[53] La division générale a omis de tenir compte de l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[54] La division générale a également omis de tenir compte des principes énoncés dans Gagnon, Primard, Duquet et Bertrand lorsqu’elle a décidé si la prestataire était disponible pour travailler. Cela a amené la division générale à mal interpréter ce que signifie être disponible dans le contexte de l’affaire de la prestataire.

[55] Comment puis-je réparer les erreurs de la division générale? Deux options s’offrent à moiNote de bas page 18. Je peux remplacer la décision de la division générale par ma propre décision ou renvoyer l’affaire à la division générale pour un réexamen. Si je choisis la première option, je peux tirer des conclusions de faitNote de bas page 19.

[56] Aucune des parties n’a demandé de renvoyer cette affaire à la division générale. Les parties ont eu une audience équitable à la division générale. Les parties étaient au courant de l’affaire qu’elles devaient régler. Elles ont eu l’occasion de produire des témoignages et des dossiers. Rien n’indique qu’il y ait des lacunes importantes dans la preuve ou qu’il soit nécessaire de la clarifier. Les parties ont produit tous les documents pertinents.

[57] Compte tenu de ces considérations, j’estime qu’il convient d’examiner la question et de rendre ma propre décision.

Article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi

[58] La Commission soutient que l’existence de l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi signifie que le législateur a tenu compte des conséquences de la pandémie. La Commission soutient que, par conséquent, une partie prestataire ne peut pas invoquer la pandémie comme circonstance exceptionnelle aux fins de réfuter la présomption générale de non-disponibilité.

[59] Si, comme le soutient la Commission, la prestataire n’avait pas de circonstances exceptionnelles (ou n’avait pas d’antécédents d’emploi à temps plein pendant ses études), elle n’aurait pas réfuté la présomption générale. Dans ce cas, on présume qu’elle n’était pas disponible pour travailler.

[60] La Commission affirme que le législateur a adopté l’article en réponse à la pandémie de COVID-19. La Commission affirme que, pour cette raison, les personnes aux études ne peuvent pas utiliser la pandémie comme circonstance exceptionnelle pour surmonter la présomption générale selon laquelle les personnes aux études à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler. (La présomption générale peut être réfutée par la preuve d’antécédents d’emploi à temps plein pendant les études, ou dans des circonstances exceptionnelles.)

[61] La division générale a conclu que la présomption s’appliquait à la prestataire, mais qu’elle l’avait réfutée en raison de circonstances exceptionnelles.

[62] La prestataire avait des cours asynchrones dans son horaire de cours. Elle pouvait assister à ces cours au moment où cela lui convenait. Cela l’a rendait plus disponible pour travailler. La division générale a écrit qu’elle avait conclu que « le fait de pouvoir travailler alors qu’elle aurait autrement dû suivre des cours constitue une circonstance exceptionnelleNote de bas page 20 ».

[63] La note explicative qui accompagne l’arrêté provisoire no 10 modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (prestation d’assurance-emploi d’urgence) : DORS/2020-208 stipule que l’arrêté provisoire permet une : « approche opérationnelle modifiée pour déterminer la disponibilité à travailler des prestataires qui sont en formationNote de bas page 21 ». La note explicative concerne seulement l’article 153.161(2) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[64] La note explicative ne dit rien de plus au sujet de l’article 153.161. Elle ne traite pas de l’objet de l’article 153.161(1) de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle ne précise pas qu’une partie prestataire ne peut pas invoquer la pandémie comme circonstance exceptionnelle pour réfuter la présomption générale.

[65] Cependant, l’article exige que les personnes aux études prouvent qu’elles sont capables de travailler et disponibles à cette fin. En obligeant les personnes aux études à prouver leur disponibilité, l’article enchâsse la présomption générale selon laquelle les personnes aux études à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler. Plus important encore, l’article a pour effet pratique d’annuler la capacité de réfuter la présomption générale. Réfuter la présomption générale, par exemple en montrant des antécédents de travail à temps plein, devient non pertinent si les personnes aux études à temps plein doivent prouver qu’elles sont capables de travailler et disponibles à cette fin.

Disponibilité au titre de la Loi sur l’assurance-emploi

[66] Puisque la prestataire avait un mélange de cours synchrones et asynchrones, elle avait plus d’heures disponibles pour travailler. Durant les sessions d’automne et d’hiver, la prestataire avait plusieurs jours pendant la semaine où elle était disponible. Elle était aussi disponible les fins de semaine.

[67] En effet, la preuve indiquait qu’elle était [traduction] « prête à travailler de nombreuses heures en fonction de son horaire de cours synchrones, sans se limiter à seulement 20 heures par semaineNote de bas page 22 ». La prestataire a déclaré que ses cours étaient [traduction] « presque tous en ligneNote de bas page 23 ».

[68] La prestataire a déclaré qu’elle pensait pouvoir travailler l’équivalent d’heures à temps plein, en dehors des heures de travail de 9 h à 17 hNote de bas page 24. Par le passé, la prestataire travaillait en moyenne entre 25 et 30 heures par semaine, sauf à la mi-session ou en période d’examenNote de bas page 25.

[69] Toutefois, comme je l’ai mentionné ci-dessus, la Cour d’appel a conclu que le fait de limiter la disponibilité à certaines heures de certains jours, y compris les soirs et les fins de semaine, constitue l’établissement de conditions personnelles qui pourraient limiter indûment les chances de retourner sur le marché du travail.

[70] La Cour d’appel a également déclaré qu’une partie prestataire doit être disponible pendant les heures normales de travail pour chaque jour ouvrableNote de bas page 26. Autrement dit, une partie prestataire ne peut pas limiter sa disponibilité à des heures irrégulières, pour quelque raison que ce soit.

[71] La disponibilité de la prestataire (résumée au paragraphe 49 ci-dessus) montre qu’elle n’était pas disponible pendant les heures normales de travail pour chaque jour ouvrable. Sa situation ressemblait quelque peu à celle décrite par la Cour, particulièrement dans les affaires Duquet et Rideout. Cependant, contrairement à ces parties prestataires, la prestataire était disponible la plupart du temps en après-midi, plutôt que seulement en soirée. Malgré cela, elle était seulement disponible à certains moments de certains jours, ce qui limitait sa disponibilité.

[72] Les principes énoncés dans Bertrand, ainsi que d’autres décisions de la Cour d’appel, s’appliquent directement au cas de la prestataire. Même si la prestataire pouvait travailler plusieurs après-midi et la majorité des soirs et fins de semaine, elle n’était pas disponible pour travailler aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi.

Options de la prestataire

[73] La prestataire soutient qu’elle ne devrait assumer aucune responsabilité pour tout trop-payé qui a eu lieu lorsque la Commission lui a versé des prestations d’assurance-emploi avant de vérifier son admissibilité. Elle a agi avec diligence raisonnable en communiquant avec la Commission (par l’entremise de Service Canada) avant de demander des prestations. Elle s’est fiée à l’avis de la Commission selon lequel elle avait droit à des prestations. Elle éprouve des difficultés financières.

[74] Service Canada aurait dû dire de façon claire à la prestataire que la Commission accepterait provisoirement sa demande de prestations d’assurance-emploi. Autrement dit, que la Commission lui verserait des prestations jusqu’à ce qu’elle puisse vérifier si elle avait droit à ces prestations.

[75] Même si la prestataire a reçu un avis erroné de la Commission et des prestations auxquelles elle n’avait pas droit, la Loi sur l’assurance-emploi exige tout de même qu’elle rembourse ces prestations.

[76] La division d’appel n’a pas le pouvoir d’accorder quelque mesure de redressement que ce soit à la prestataire. En ce qui concerne ce type de mesure, la prestataire a deux options :

  1. Elle peut demander à la Commission d’envisager de radier la dette en raison de préjudice injustifié. Si la prestataire n’est pas satisfaite de la réponse de la Commission, elle peut ensuite faire appel à la Cour fédérale.
  2. Elle peut communiquer avec le Centre d’appels de la gestion des créances de l’Agence du revenu du Canada au 1-866-864-5823 pour lui demander de radier la dette ou pour convenir d’un calendrier de remboursement.

[77] Souvent, la Commission renvoie les parties prestataires au Centre d’appels de la gestion des créances pour aider à établir si elles éprouvent des difficultés financières.

Conclusion

[78] J’accueille l’appel de la Commission. La division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a établi que la prestataire était disponible pour travailler et qu’elle n’était pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. La preuve démontre que la prestataire n’était pas disponible pour travailler aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle n’a donc pas droit aux prestations d’assurance-emploi pendant la période pertinente.

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