Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Assurance-emploi – période de prestations – prolongations – division d’appel – erreur de droit – omission de tenir compte de la preuve – appels fondés sur la Charte – réparation

La division générale (DG) a établi qu’elle ne pouvait pas prolonger la période de référence de la prestataire au-delà de 104 semaines. Pour cette raison, la prestataire n’avait pas accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable au cours de sa période de référence pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi. La prestataire a fait appel de cette décision à la division d’appel (DA), soutenant que la prolongation maximale de la période de référence prévue à l’article 8(7) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) est discriminatoire et porte atteinte à ses droits à l’égalité en tant que personne invalide au titre de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte). La prestataire a fait valoir que la DG n’avait pas tenu compte de cet argument particulier.

La DA a conclu que la DG n’avait pas abordé le fond de l’argument de la prestataire selon lequel la Loi sur l’AE porte atteinte à ses droits à l’égalité garantis par la Charte. Il se peut que la membre de la DG ait jugé qu’il n’était pas nécessaire de le faire, car la prestataire n’avait soulevé aucune question particulière liée à la Charte. En plus de cela, la prestataire n’avait pas satisfait aux exigences relatives à l’avis prévues à l’article 20(1)(a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. Malgré cela, la DG aurait dû donner des conseils à la prestataire sur la façon de faire une contestation fondée sur la Charte. Ainsi, si la prestataire avait satisfait aux exigences procédurales, la DG aurait pu traiter comme il se doit du fond de son argument relatif à la Charte.

La DA a accueilli l’appel et a renvoyé l’affaire à la DG aux fins de réexamen sur la question relative à la Charte.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : AR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 223

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : A. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Angèle Fricker

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 28 avril 2021 (GE-21-324)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Sur la foi du dossier
Date de la décision : Le 6 avril 2022
Numéro de dossier : AD-21-196

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Je renvoie cette affaire à la division générale pour un nouvel examen de la question relative à la Charte.

Aperçu

[2] Il s’agit d’un appel de la décision de la division générale. La division générale a établi qu’elle ne pouvait pas prolonger la période de référence de l’appelante, A. R. (prestataire), au-delà de 104 semaines. Pour cette raison, la prestataire n’avait pas accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable au cours de sa période de référence pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[3] La période de référence est la période pendant laquelle une partie prestataire doit accumuler suffisamment d’heures d’emploi assurable pour faire une demande de prestations d’assurance-emploi. L’article 8(2) de la Loi sur l’assurance-emploi permet une prolongation de la période de référence dans certaines circonstances. Cela comprend les situations où une personne est incapable de travailler en raison d’une maladie ou d’une blessure prévue par les règlements.

[4] Au titre de l’article 8(7) de la Loi sur l’assurance-emploi, la durée maximale de la période de référence est de 104 semaines.

[5] La prestataire cherche à prolonger la période de référence au-delà de 104 semaines. De cette façon, elle aurait des heures d’emploi assurable supplémentaires pendant sa période de référence. Elle soutient que la prolongation maximale de la période de référence prévue à l’article 8(7) de la Loi sur l’assurance-emploi est discriminatoire et porte atteinte à ses droits à l’égalité en tant que personne invalide au titre de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

[6] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, fait remarquer que la division générale a reconnu l’argument de la prestataire au sujet de la Charte, [traduction] « mais qu’elle n’a pas fourni de conseils à la prestataire sur la façon de faire une contestation fondée sur la Charte des droits et libertésNote de bas de page 1 ».

[7] La Commission ne s’oppose pas à ce que cette affaire soit renvoyée à la division générale pour un nouvel examen de la question relative à la Charte, si la prestataire est déterminée à poursuivre son argument fondé sur la Charte.

Question en litige

[8] La question à trancher dans la présente affaire consiste à établir si la division générale a omis de tenir compte de l’argument de la prestataire selon lequel la Loi sur l’assurance-emploi est discriminatoire et porte atteinte à ses droits à l’égalité garantis par la Charte.

Analyse

[9] La division d’appel peut modifier les décisions de la division générale si elles contiennent des erreurs de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 2.

La division générale a-t-elle omis de tenir compte de l’argument de la prestataire selon lequel la Loi sur l’assurance-emploi est discriminatoire et porte atteinte à ses droits à l’égalité garantis par la Charte?

[10] La prestataire soutient que la prolongation maximale de la période de référence prévue à l’article 8(7) de la Loi sur l’assurance-emploi est discriminatoire et porte atteinte à ses droits à l’égalité en tant que personne invalide au titre de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. La prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte de cet argument particulier.

[11] Dans son avis d’appel à la division générale, la prestataire a fait valoir qu’il fallait tenir compte du [traduction] « traitement différentiel voulu ou accompli de personnes ou de groupes sociaux qui présentent certaines caractéristiques généralisées qui comprennent des différences ou des limitations physiquesNote de bas de page 3 ». Ce libellé imite celui utilisé dans des analyses de questions constitutionnelles.

[12] La division générale a reconnu l’argument de la prestataire fondé sur la discrimination. La division générale a reconnu l’argument de la prestataire selon lequel elle estimait que la Commission faisait preuve de discrimination à son égard. La membre de la division générale a toutefois écrit qu’elle « ne [pouvait] pas réécrire la loi ou l’interpréter de façon contraire à son sens ordinaireNote de bas de page 4 ».

[13] À part cela, la division générale n’a pas abordé le fond de l’argument de la prestataire selon lequel la Loi sur l’assurance-emploi porte atteinte à ses droits à l’égalité garantis par la Charte. Il se peut que la membre de la division générale ait jugé qu’il n’était pas nécessaire de le faire, car la prestataire n’avait soulevé aucune question particulière liée à la Charte. De plus, la prestataire n’avait pas satisfait aux exigences relatives à l’avis prévues à l’article 20(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

[14] Malgré cela, la division générale aurait dû fournir des conseils à la prestataire sur la façon de faire une contestation fondée sur la Charte. De cette façon, si la prestataire avait satisfait aux exigences procédurales, la division générale aurait pu traiter comme il se doit du fond de l’argument de la prestataire relative à la Charte.

Réparation

[15] La division générale aurait dû examiner l’argument de la prestataire concernant la Charte.

[16] Comment puis-je réparer l’erreur de la division générale? Deux options s’offrent à moiNote de bas de page 5. Je peux remplacer la décision de la division générale par ma propre décision ou renvoyer l’affaire à la division générale pour un réexamen. Si je choisis la première option, je peux tirer des conclusions de faitNote de bas de page 6.

[17] Je dispose d’un certain pouvoir discrétionnaire pour trancher les questions constitutionnelles pour la première fois en appel devant la division d’appel. Toutefois, compte tenu de l’état du dossier, de l’équité envers toutes les parties, de l’importance de régler la question, du fait que l’affaire se prête ou non à une décision et des intérêts généraux de l’administration de la justiceNote de bas de page 7, je ne vois aucun fondement pour le faire. Rien ne justifie la tenue d’une audience du présent appel à la division d’appel, car il est plus approprié de traiter les questions pour la première fois à la division générale.

[18] Dans l’intérêt de la justice naturelle, la Commission ne s’oppose pas à ce que la question soit renvoyée à la division générale pour un nouvel examen de la question relative à la Charte, si la prestataire est déterminée à poursuivre son argument constitutionnel.

[19] Il ressort clairement des observations récentes de la prestataireNote de bas de page 8 qu’elle souhaite continuer de soutenir que l’article 8(7) de la Loi sur l’assurance-emploi est discriminatoire et porte atteinte à ses droits à l’égalité en tant que personne invalide au titre de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

[20] Je suis convaincue qu’il est dans l’intérêt de la justice de renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen. Toutefois, la prestataire devra présenter des arguments plus complets. De plus, elle devra signifier un avis aux personnes visées à l’article 57(1) de la Loi sur les Cours fédérales et déposer une copie de l’avis de preuve de signification auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

Conclusion

[21] L’appel est accueilli. Je renvoie cette affaire à la division générale pour un nouvel examen de la question relative à la Charte. La division générale pourrait devoir guider la prestataire et lui fournir des directives procédurales.

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