Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c AG, 2022 TSS 226

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Angèle Fricker
Partie intimée : A. G.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 10 décembre 2021 (GE-21-1994)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 10 mars 2022
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Partie intimée
Date de la décision : Le 6 avril 2022
Numéro de dossier : AD-21-454

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie. La division générale a commis une erreur en omettant d’évaluer l’urgence de l’état de santé de l’intimée, A. G. (prestataire), était urgent lorsqu’elle a vérifié si le traitement médical qu’elle cherchait à recevoir était immédiatement ou promptement disponible où elle réside au Canada. Toutefois, l’erreur de la division générale ne change pas le résultat. La prestataire n’était pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du 24 mai au 15 juillet 2021, pendant qu’elle était à l’étranger.

Aperçu

[2] L’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, fait appel de la décision de la division générale. La division générale a décidé que la prestataire avait droit à des prestations d’assurance-emploi du 24 mai au 15 juillet 2021, pendant qu’elle était à l’étranger. Elle a conclu qu’elle satisfaisait à une des exceptions à la règle générale selon laquelle une partie prestataire ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi pendant qu’elle est à l’étranger.

[3] La Commission soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et de fait. La Commission me demande d’accueillir l’appel et de rendre la décision que, selon elle, la division générale aurait dû rendre. Elle dit que la division générale aurait dû décider que la prestataire ne satisfaisait à aucune des exceptions à la règle générale interdisant de recevoir des prestations pendant qu’elle était à l’étranger.

[4] La prestataire soutient que sa situation particulière correspond à l’une des exceptions et qu’elle avait donc droit à des prestations d’assurance-emploi pendant qu’elle était à l’étranger. En particulier, elle soutient qu’elle était à l’étranger pour recevoir un traitement médical qui n’était pas immédiatement ou promptement disponible là où elle réside au Canada.

[5] La division générale a commis une erreur en omettant d’évaluer l’urgence de l’état de santé de la prestataire lorsqu’elle a vérifié si le traitement médical était immédiatement ou promptement disponible là où elle vit au Canada.

[6] Des éléments de preuve montraient que l’état de santé de la prestataire faisait en sorte qu’elle nécessitait un traitement urgent. Dans ce contexte, le traitement médical n’était pas immédiatement ou promptement disponible où elle réside. La prestataire n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du fait qu’elle était à l’étranger.

Question en litige

[7] La question à trancher dans cette affaire est la suivante :

La division générale a-t-elle mal interprété ce que signifie « immédiatement ou promptement disponible » au titre de l’article 55(1)a) du Règlement sur l’assurance-emploi?  

Analyse

[8] La division d’appel peut modifier les décisions de la division générale si elles contiennent des erreurs de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 1.

La division générale a-t-elle mal interprété ce que signifie « immédiatement ou promptement disponible » au titre de l’article 55(1)a) du Règlement sur l’assurance-emploi?

[9] La Commission soutient que la division générale a mal interprété ce que signifie « immédiatement ou promptement disponible » au titre de l’article 55(1)a) du Règlement sur l’assurance-emploi. La Commission soutient que la prestataire ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 55(1)a) du Règlement sur l’assurance-emploi. Elle affirme qu’elle était donc inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[10] L’article 55(1) du Règlement sur l’assurance-emploi prévoit des exceptions à la règle générale selon laquelle une partie prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations pendant qu’elle est à l’étranger. Une de ces exceptions est la suivante : a) si  une partie prestataire subit, dans un hôpital, une clinique médicale ou un établissement du même genre situés à l’étranger, un traitement médical « qui n’est pas immédiatement ou promptement disponible dans la région où [elle] réside au CanadaNote de bas de page 2 ».

[11] Ni la Loi sur l’assurance-emploi ni le Règlement sur l’assurance-emploi ne définissent « immédiatement ou promptement disponible ».

Décision de la division générale

[12] La division générale a conclu que le traitement médical que la prestataire avait reçu à l’étranger n’était pas immédiatement ou promptement disponible au Canada, pour les raisons suivantes :

  • Le 15 mai 2021, la prestataire a obtenu un rendez-vous pour une imagerie par résonance magnétique (IRM) le 5 août 2021. Elle n’a pu obtenir un rendez-vous plus tôt ailleurs. Il aurait fallu que la prestataire attende au moins deux mois et demi avant de faire une IRM au Canada.
  • De plus, le formulaire de rendez-vous pour l’IRM précisait qu’il arrivait souvent que des circonstances imprévues retardent les rendez-vous. La division générale a compris que cela signifiait qu’il y avait un risque que l’IRM ne soit pas faite le 5 août 2021.
  • Lorsque la prestataire a communiqué avec un spécialiste, elle a obtenu un rendez-vous pour la fin de juillet 2021.

[13] La division générale a conclu que la prestataire n’avait pas à prouver que quelqu’un l’avait dirigée vers un traitement à l’étranger ou qu’il fallait qu’elle reçoive le traitement immédiatement. La division générale a jugé qu’il s’agissait de considérations non pertinentes.

Les arguments de la Commission

[14] La Commission soutient que, comme ni la Loi sur l’assurance-emploi ni le Règlement sur l’assurance-emploi ne définissent « immédiatement ou promptement disponible », l’expression doit être évaluée au cas par cas.

[15] La Commission soutient qu’au moment d’établir si le traitement médical était immédiatement ou promptement disponible où résidait la prestataire au Canada, la division générale n’a pas tenu compte de ce qui suit :

  • les réalités du système médical au Canada;
  • si le traitement médical comportait un élément d’urgence.

[16] La Commission soutient que, bien que la prestataire ait été en mesure d’obtenir un rendez-vous pour une IRM à l’étranger en quelques semaines, cela ne signifiait pas que le même traitement n’était pas immédiatement ou promptement disponible au Canada, même si elle devait attendre deux mois et demi. La Commission affirme que ce qui est immédiatement ou promptement disponible doit refléter les réalités du système médical canadien. De plus, la Commission soutient que l’attente de deux mois et demi pour une IRM est, dans l’ensemble, considérée comme « immédiatement ou promptement disponible » au Canada.

[17] La Commission soutient également qu’il y a un élément d’urgence lorsqu’il faut établir si un traitement médical est « immédiatement ou promptement disponible ». La prestataire convient qu’il doit y avoir un élément d’urgence. Toutefois, elles ne s’entendent pas sur la question de savoir si le problème de santé de la prestataire était urgent.

L’élément d’urgence

[18] Les parties conviennent qu’il existe un élément d’urgence lié au fait d’évaluer si le traitement médical est immédiatement ou promptement disponible. Je dois toutefois quand même établir si c’est bien ce que la loi exige.

[19] La Commission soutient que la question de savoir si un traitement médical est « immédiatement ou promptement disponible » peut varier, selon l’urgence du traitement qu’une partie prestataire cherche à recevoir. Par exemple, une partie prestataire dont l’état de santé se détériore rapidement et qui pourrait avoir des conséquences fatales si elle n’est pas traitée aurait besoin d’un traitement médical plus rapidement qu’une partie prestataire dont le problème de santé est stable et relativement mineur. Ainsi, « immédiatement ou promptement disponible » prend un sens très différent selon les circonstances auxquelles fait face la partie prestataire.

Décisions de la division d’appel portant sur « immédiatement ou promptement disponible » : CP et ML

[20] La Commission s’appuie sur deux décisions du Tribunal de la sécurité sociale : CPNote de bas de page 3et MLNote de bas de page 4.

[21] Dans l’affaire CP, le membre de la division d’appel a reconnu qu’il est impossible de prévoir une « règle absolue » quant au sens des mots « immédiatement disponible » dans tous les cas. Le membre a conclu que les mots signifiaient plus que « dans un délai raisonnable ». Il a conclu qu’ils signifiaient « agir rapidement ».

[22] À première vue, l’affaire ML ne semble pas aider la Commission à établir qu’il y a un élément d’urgence au moment d’établir si un traitement médical est immédiatement ou promptement disponible.

[23] Dans ML, la division d’appel a rejeté l’urgence du problème de santé d’une partie prestataire comme facteur pour décider si un traitement médical est immédiatement ou promptement disponible. La division d’appel a écrit ce qui suit : « l’urgence du problème de santé [d’une partie] prestataire n’est pas pertinente au critère de l’article 55(1)(a) Note de bas de page 5 ».

[24] La division générale a eu raison de signaler que l’article 55(1)a) du Règlement sur l’assurance-emploi ne précise pas explicitement si une partie prestataire doit avoir besoin d’un traitement médical immédiat. En effet, un traitement médical peut être immédiatement ou promptement disponible, qu’une partie prestataire ait besoin de soins médicaux d’urgence ou non.

[25] Il n’y a pas de paramètres autres que le temps nécessaire pour évaluer si un traitement médical est immédiatement ou promptement disponible. Par contre, le Règlement sur l’assurance-emploi avait sûrement envisagé que ce qui serait immédiatement ou promptement disponible engloberait quelque chose de plus qu’une durée ou un délai avant la disponibilité du traitement.

[26] Autrement, si la durée avait été la seule mesure, comme le laisse entendre ML, il aurait été assez facile d’inclure dans le Règlement sur l’assurance-emploi une période, comme un certain nombre de jours, de semaines ou peut-être de mois, au cours de laquelle un traitement médical devrait être disponible.

[27] L’absence de mesures, de balises ou de contexte pourrait mener à des résultats arbitraires et contradictoires quant à ce qui est considéré comme étant immédiatement ou promptement disponible.

[28] Par exemple, dans CP, une attente de quatre mois pour une IRM et une attente de cinq mois et demi pour voir un spécialiste au Canada était considérée comme étant immédiatement ou promptement disponible, alors que dans la présente affaire, le délai était d’environ la moitié de cela. Pourtant, la division générale a jugé que le délai plus court ne correspondait pas à être immédiatement ou promptement disponible.

[29] Dans la décision CP, selon sa propre définition, le membre a déterminé que le traitement disponible était disponible rapidement. Pourtant, pourquoi quatre et cinq mois et demi sont-ils considérés comme étant immédiatement ou promptement disponible dans un cas, et deux mois et demi ne le sont-ils pas dans un autre cas?

[30] Il serait raisonnable de s’attendre à ce qu’il y ait des considérations autres que le délai pour établir si un traitement médical est immédiatement ou promptement disponible. Après tout, l’expression « immédiatement ou promptement disponibles » n’est pas précise ou sans équivoque.

[31] Comme le fait valoir la Commission, pour décider si un traitement est immédiatement ou promptement disponible, on peut tenir compte de la situation et du point de vue de la partie prestataire. Par exemple, une partie prestataire avec problème de santé qui pourrait mettre sa vie en danger peut ne pas considérer un traitement comme étant immédiatement ou promptement disponible s’il doit attendre un mois. Toutefois, pour une autre partie prestataire qui a un problème de santé mineur qui ne met pas sa vie en danger, cette même période peut être acceptable comme étant immédiatement ou promptement disponible.

[32] Dans l’affaire ML,le membre a fait une mise en garde contre l’adoption de cette approche. Le membre a écrit que la division générale ne devrait pas porter de jugement de valeur sur l’urgence de l’affection d’une partie prestataire pour établir si, dans les circonstances, le traitement est immédiatement disponibleNote de bas de page 6.

[33] Je suis d’accord avec mon collègue pour dire que la division générale ne devrait pas « porter de jugement de valeur ». Toutefois, à mon avis, cela se produirait seulement lorsqu’il n’y a pas de dossier médical ou d’autres documents à l’appui pour démontrer l’urgence.

[34] Le décideur doit examiner tous les dossiers médicaux disponibles afin d’évaluer les besoins d’une partie prestataire en matière de soins médicaux d’urgence. C’est ce qui permettra d’établir si un traitement médical est immédiatement ou promptement disponible.

[35] En fin de compte, la division d’appel dans l’affaire ML a conclu que la prestataire n’avait pas établi que le traitement médical qu’elle avait reçu à l’étranger n’était pas immédiatement ou promptement disponible au Canada. Ses preuves sur les temps d’attente pour une opération étaient désuètes et liées à un problème de santé qui ne nécessitait pas un traitement d’urgence à ce moment‑là.

[36] Pourtant, même si le membre a jugé dès le début que l’urgence était un facteur pertinent pour établir si un traitement est immédiatement ou promptement disponible, il a examiné les preuves médicales.

[37] Si l’urgence n’avait pas été une considération, le membre n’aurait pas eu besoin d’examiner les preuves médicales. Le membre a conclu que les preuves médicales n’abordaient pas l’urgence du besoin de M. L. de subir une opération ni de la disponibilité de celle-ci au Canada. Autrement dit, le membre semblait reconnaître que le besoin urgent de soins médicaux est un facteur qui entre en ligne de compte lorsqu’il faut établir si un traitement est immédiatement ou promptement disponible.

[38] Dans l’affaire CP, la prestataire avait des vertiges et des étourdissements graves. Son médecin de famille a demandé une IRM en juillet 2017. La date la plus rapprochée pour une IRM était le 15 novembre 2017. Un rendez-vous avec un spécialiste du vertige a été fixé pour le 12 janvier 2018. C. P. n’a pas pu obtenir de rendez-vous plus tôt. Elle considérait que son problème de santé était trop grave pour attendre. Elle a quitté le Canada au début d’octobre 2017 et s’est rendue à l’étranger où elle a pu faire une IRM le 10 octobre 2017.

[39] La division d’appel a établi que l’IRM et le rendez-vous avec un spécialiste étaient immédiatement ou promptement disponibles au Canada. La division d’appel a conclu qu’une note médicale datée du 3 octobre 2017 n’appuyait pas la position de C. P. selon laquelle elle devait quitter le pays pour un traitement immédiat et qu’elle ne pouvait pas attendre l’IRM prévue en novembre. La note précisait simplement que les symptômes de C. P. étaient persistants et que, même si elle avait un rendez-vous pour une IRM, elle partait à l’étranger immédiatement pour aller subir des tests et se faire traiter.

[40] Dans l’affaire CP, la division d’appel a évalué si l’état de santé de C.P. nécessitait des soins d’urgence lorsqu’elle a décidé si le traitement médical était immédiatement ou promptement disponible.

Réalités du système médical au Canada

[41] Ni CP ni ML ne portent sur la question de savoir s’il faut également tenir compte des réalités du système médical au Canada pour établir si un traitement médical est « immédiatement ou promptement disponible ». La Commission n’a fait référence à aucune autorité qui laisse entendre que « immédiatement ou promptement disponible » doit tenir compte des réalités du système médical au Canada.

[42] De toute évidence, la Commission soutient qu’il y a des retards liés aux traitements dans le système médical au Canada. Pour cette raison, elle soutient que « immédiatement ou promptement disponible » devrait refléter cette réalité.

[43] Cependant, on ne peut dire avec certitude jusqu’à quel point les [traduction] « réalités du système médical au Canada » devraient s’étendre. Par exemple, dans certaines collectivités, il est courant que les gens attendent longtemps pour recevoir certains traitements médicaux. Il s’agit peut-être d’une réalité du système médical au Canada. Cependant, est-ce que cela signifie que le traitement est immédiatement ou promptement disponible?

[44] Qu’en est-il du cas d’une personne qui obtient un traitement dans la moitié du temps habituel pour une intervention médicale? Le traitement est encore loin dans l’avenir, mais puisqu’il s’agit de la moitié du temps d’attente habituel, serait-il alors considéré comme étant immédiatement ou promptement disponible?

[45] Dans l’affaire dont je suis saisie, je ne vois aucune preuve à la division générale concernant l’état du système médical où réside la prestataire. Si un décideur devait tenir compte des [traduction] « réalités du système médical », il semblerait qu’il devrait y avoir des preuves de l’état du système médical, autres que des preuves anecdotiques. Après tout, la disponibilité des traitements médicaux peut varier d’une collectivité à l’autre au Canada.

[46] Comme cette preuve n’était pas devant la division générale, je ne peux conclure que celle-ci a nécessairement commis une erreur de droit en omettant de tenir compte des réalités médicales du système de santé au Canada, en supposant que les réalités médicales font partie des considérations.

[47] Je ne suis pas en train de conclure que ce qui est immédiatement ou promptement disponible doit tenir compte des réalités médicales au Canada. Je n’ai pas à me pencher sur cette question, compte tenu du manque de preuves.

Conclusions relatives à « immédiatement ou promptement disponible »

[48] À la lecture simple de l’article, l’interprétation de la division générale est juste. Toutefois, comme je l’ai fait remarquer, cette approche entraîne des résultats inégaux et souvent arbitraires, comme je l’ai souligné.

[49] Pour cette raison, je suis d’accord avec mes collègues de la division d’appel pour dire qu’il doit y avoir un élément d’urgence lorsqu’on décide si un traitement médical est « immédiatement ou promptement disponible ». Il faut examiner les preuves médicales et établir si, d’un point de vue médical, une partie prestataire devrait recevoir un traitement sans retard indu.

[50] Toutefois, s’il faut tenir compte de l’urgence pour établir si un traitement est immédiatement ou promptement disponible, cela pourrait poser problème dans une situation où une partie prestataire n’a accès à aucun traitement médical où elle réside. Si les besoins médicaux d’une partie prestataire doivent toujours être urgents, cela pourrait exclure les personnes qui n’ont pas de besoin urgent, mais qui n’ont pas accès à des traitements médicaux dans leur région.

[51] Par conséquent, il faut que l’élément d’urgence se manifeste seulement lorsque le traitement médical est disponible, mais qu’il faut vérifier s’il est immédiatement ou promptement disponible.

[52] Cela signifie que la division générale aurait dû évaluer si les besoins médicaux de la prestataire étaient urgents au moment de décider si son traitement médical était immédiatement ou promptement disponible.

Réparation

[53] La division générale a évité de prendre en considération l’urgence du besoin de traitement médical de la prestataire.

[54] Comment puis-je corriger cette erreur? Deux options s’offrent à moiNote de bas de page 7. Je peux remplacer la décision de la division générale par ma propre décision ou renvoyer l’affaire à la division générale pour un réexamen. Si je choisis la première option, je peux tirer des conclusions de faitNote de bas de page 8.

[55] Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je dispose de l’information nécessaire pour rendre une décision. Les parties s’entendent sur les faits de base, bien qu’elles ne s’entendent pas sur la façon dont je devrais les interpréter. Ni la prestataire ni la Commission n’a demandé que l’affaire soit renvoyée à la division générale pour un réexamen.

[56] La Commission rejette les affirmations de la prestataire selon lesquelles son problème de santé était si urgent qu’elle ne pouvait pas attendre jusqu’en juillet 2021 pour son IRM.

[57] La Commission affirme que les documents médicaux ne montrent pas que les problèmes de santé de la prestataire étaient urgents ou qu’ils mettaient sa vie en danger. La Commission cite certains des documents médicaux :

[traduction]

  • deux lésions kystiques […] « sans signes suspectsNote de bas de page 9 »;
  • « […] avec l’apparition d’un pseudo-kyste de 9 mm, sans symptômes ni répercussions, sans nécrose ou lésions focalesNote de bas de page 10 »;
  • « les néoplasmes mucineux situés dans la tête du pancréas […] sans signes inquiétants ou suspects de carcinome invasif sans dilatation du conduit pancréatique principal, un suivi annuel est recommandé pendant cinq ans initialement, s’ils demeurent stables, la période de suivi peut être prolongéeNote de bas de page 11;
  • kyste simple contre le conduit biliaire […] du foie, résultats bénins, aucun suivi n’est nécessaireNote de bas de page 12 »;
  • « (deux lésions […] par rapport aux néoplasmes intracanalaires papillaires mucineux du conduit secondaire sans signes inquiétants ni carcinome invasifNote de bas de page 13 ».

[58] La prestataire affirme que la preuve médicale montre que sa situation était critique et qu’elle exigeait qu’elle fasse des tests et qu’elle soit traitée en temps opportun. Elle s’appuie sur la lettre du chirurgien hépato-biliaire du 5 novembre 2021. Celui-ci a écrit ce qui suit :

[traduction]
étant donné que les tumeurs du pancréas ont un comportement biologique incertain, ces cas sont certainement une priorité élevée à évaluer au moyen de différents types d’examens en temps opportun, car les tumeurs du pancréas ont souvent une forte néoprolifération maligne, et c’est pourquoi j’ai dit « le plus tôt possible » dans la première évaluation. À ce moment-là, seule une échographie abdominale avait été effectuée, et elle montrait la lésion pancréatique. Toutefois, une image plus détaillée et précise ainsi qu’une évaluation histologique étaient nécessaires pour obtenir un diagnostic définitif. En plus de la lésion pancréatique, un tomodensitogramme du thorax a également révélé un nodule pulmonaire, qui a fait que l’on a soupçonné davantage la malignité des tumeurs du pancréas. Par conséquent, d’autres tests visant à déterminer l’extension extra-abdominale probable sont devenus cruciaux. Au cours de son séjour en Colombie, plusieurs examens ont été nécessaires et réalisés, ce qui, comme tout autre centre médical, a nécessité qu’elle ait suffisamment de temps pour prendre des rendez-vous afin d’être évaluée par différents spécialistes, comme un radiologue, un gastroentérologue, un chirurgien endoscopique, un pathologiste et moi en tant que chirurgien hépato-biliaireNote de bas de page 14.

[59] La Commission soutient que ce rapport n’établit pas que l’état de santé de la prestataire était si urgent qu’elle n’aurait pas pu attendre jusqu’en août 2021 pour faire une IRM. La Commission affirme que l’opinion du spécialiste concorde avec ses arguments selon lesquels l’état de santé de la prestataire, bien que grave, n’était pas à ce point urgent qu’elle n’aurait pas pu attendre jusqu’en août 2021 pour faire une IRM.

[60] La Commission et la prestataire s’appuient sur les dossiers qui ont été préparés après le départ à l’étranger de la prestataire pour aller recevoir un traitement médical.

[61] Toutefois, l’accent devrait être mis sur l’information médicale qui existait avant que la prestataire quitte le Canada. De cette façon, on peut décider si la prestataire avait un besoin urgent de traitement médical et si le traitement médical au Canada était immédiatement ou promptement disponible. Toutefois, des dossiers ou des rapports subséquents peuvent être requis pour clarifier des renseignements ambigus ou incomplets, pourvu qu’ils soient conformes aux dossiers initiaux.

[62] La prestataire a quitté le Canada le 21 mai 2021. Les renseignements médicaux qui existaient avant son départ à l’étranger sont les suivants :

  • Tomodensitogramme daté du 29 avril 2021Note de bas de page 15 – l’examen a permis de repérer un nodule dans la tête du pancréas. Le radiologue a recommandé une évaluation plus poussée à l’aide d’une IRM.
  • Rapport médical daté du 18 mai 2021, d’un chirurgien hépato-biliaire et d’un hépatologue cliniqueNote de bas de page 16

[63] Le rapport du spécialiste du 18 mai 2021 se lit en partie comme suit :

[traduction]
[La prestataire] doit subir d’autres tests d’imagerie […] En outre, il est nécessaire d’effectuer une évaluation histopathologique par biopsie de la masse pancréatique à l’aide d’une échographie endoscopique. Cela sera utile comme confirmation histologique préopératoire de ce diagnostic présumé en cas de malignité. Il faudra aussi prendre des biomarqueurs de la tumeur […] La patiente se plaint de coliques abdominales épigastriques et mésogastriques sans symptômes constitutionnels. De plus, [la prestataire] doit être transférée à la surspécialité hépatobiliaire le plus tôt possible pour commencer le traitement approprié. Le traitement chirurgical sera déterminé en fonction de la classification histologique de la tumeur du pancréas. […] il est nécessaire pour évaluer l’extension extra-abdominale. Le tomodensitogramme abdominal signale un nodule pulmonaire solide solitaire calcifié dans le lobe inférieur du poumon droit, selon ce rapport; elle est suspectée d’une métastase calcifiée. Par conséquent, pour mieux caractériser cette lésion, il est nécessaire d’effectuer un examen approfondi spécifique des nodules pulmonaires au moyen d’un tomodensitogramme avec agent de contraste multidétecteur de nodules pulmonaires solitaires. [sic dans l’ensemble] (Mis en évidence par la soussignée)

[64] Le spécialiste précise que le problème de santé de la prestataire était relativement urgent. La prestataire s’est plainte de douleurs abdominales épigastriques et mésogastriques. Le spécialiste a écrit que la prestataire devait être transférée [traduction] « le plus tôt possible pour commencer le traitement approprié », même si le spécialiste n’avait pas encore déterminé quel serait ce traitement, car d’autres tests, y compris une IRM et une biopsie, étaient nécessaires.

[65] La médecin de famille de la prestataire a d’abord décrit la décision de celle-ci de quitter le pays comme une « décision personnelleNote de bas de page 17 ». La Commission soutient que, si la médecin de famille croyait que la prestataire risquait d’avoir des conséquences fatales en attendant pour son IRM, elle l’aurait déclaré.

[66] La prestataire a par la suite produit la note modifiée de sa médecin de famille. La médecin a ajouté que [traduction] « l’hépatologue de la prestataire en Colombie lui avait dit de prendre des mesures immédiatesNote de bas de page 18 ».

[67] J’accorde peu de poids aux notes de la médecin de famille. La médecin a préparé les notes longtemps après le retour de la prestataire au Canada. De plus, l’urgence décrite par la médecin de famille est fondée sur ce que lui a dit la prestataire.  La médecin n’a pas donné son avis sur l’urgence de la situation de la prestataire.

[68] Aucun avis médical ne réfute l’avis du chirurgien hépato-biliaire selon lequel la prestataire avait besoin de subir des tests de façon urgente en lien avec ses problèmes de santé.

[69] Compte tenu de l’avis du spécialiste du 18 mai 2021, je suis convaincue que la prestataire avait besoin d’une IRM urgente pour vérifier si les lésions étaient malignes. Comme le spécialiste l’a par la suite écrit dans sa lettre du 5 novembre 2021, il considérait le type de cas de la prestataire comme une [traduction] « priorité élevée » puisque [traduction] « les tumeurs du pancréas ont souvent une forte néoprolifération maligne ».

[70] Je suis convaincue que la prestataire est allée à l’étranger pour recevoir un traitement médical qui n’était pas immédiatement ou promptement disponible là où elle résidait au Canada.

[71] Je suis convaincue que la preuve établit que la prestataire a satisfait aux exigences de l’article 55(1)a) du Règlement sur l’assurance-emploi en ce qui concerne l’IRM que le prestataire a faite à l’étranger le 26 mai 2021Note de bas de page 19.

[72] Il y a aussi la question des traitements médicaux supplémentaires que la prestataire a reçus à l’étranger. Ces traitements ont retardé le retour de la prestataire au Canada. Celle-ci est revenue au Canada le 16 juillet 2021.

[73] Cependant, la Commission reconnaît qu’il n’était [traduction] « pas déraisonnable que la division générale tienne compte de l’ensemble des consultations, des examens et des traitements obtenus par la prestataire dans les circonstances particulières de la prestataireNote de bas de page 20 ».

[74] La Commission explique en outre qu’il semble improbable que la prestataire ait pu obtenir des consultations de suivi, des examens et un traitement au Canada simplement en fournissant les résultats de l’IRM qu’elle avait faits en Colombie.

[75] Si cela n’avait été de la concession de la Commission sur ce point, j’aurais pu examiner si les traitements médicaux supplémentaires que la prestataire a reçus après avoir fait l’IRM étaient de nature urgente, et s’ils avaient pu être immédiatement ou promptement disponibles là où la prestataire réside au Canada.

Conclusion

[76] L’appel est accueilli en partie. La division générale n’a pas évalué si la prestataire avait besoin d’un traitement médical d’urgence. Cependant, le résultat demeure le même.

[77] La preuve montre que la prestataire avait besoin d’un traitement médical urgent. Le rendez-vous qu’elle avait obtenu le 5 août 2021 pour une IRM n’était pas immédiatement ou promptement disponible. La prestataire est partie à l’étranger pour recevoir un traitement médical dans un hôpital qui n’était pas immédiatement ou promptement disponible où elle résidait au Canada.

[78] La prestataire n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du fait qu’elle était à l’étranger.

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