Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 68

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. N.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (437141) datée du 29 octobre 2021 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 30 décembre 2021
Personne présente à l’audience : L’appelante
Date de la décision : Le 19 janvier 2022
Numéro de dossier : GE-21-2397

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Je conclus qu’une antidate de la demande de prestations d’assurance-emploi de l’appelante doit lui être accordéeNote de bas de page 1. L’appelante démontre qu’elle avait un motif valable pour justifier son retard à demander des prestations. Cela signifie que sa demande de prestations peut être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

Aperçu

[2] Le 7 avril 2020, l’appelante présente une demande initiale de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 2. Une période de prestations de la Prestation d’assurance-emploi d’urgence (PAEU) a été établie à compter du 22 mars 2020. L’appelante a reçu ce type de prestations jusqu’au début du mois d’octobre 2020. Une période de prestations régulières d’assurance-emploi a ensuite été établie à compter du 4 octobre 2020 lorsque les prestations de la PAEU n’étaient plus disponiblesNote de bas de page 3.

[3] Le 10 mai 2021, l’appelante présente une demande d’antidate à la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) afin que ses déclarations du prestataire soient traitées à compter du 15 novembre 2020 et qu’elle puisse recevoir des prestationsNote de bas de page 4.

[4] La Commission indique que le renouvellement de la période de prestations de l’appelante a été établi le 27 juin 2021, après que celle-ci en ait fait la demande le 1er septembre 2021Note de bas de page 5.

[5] Le 16 septembre 2021, l’appelante présente de nouveau une demande d’antidate afin que ses déclarations du prestataire soient traitées à compter du 15 novembre 2020Note de bas de page 6.

[6] Le 21 septembre 2021, la Commission l’informe qu’elle n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploi du 15 novembre 2020 au 26 juin 2021 parce qu’elle n’a pas produit sa déclaration ou ses déclarations dans les délais prévus et qu’elle n’a pas démontré qu’un motif valable justifiait ce retardNote de bas de page 7.

[7] Le 29 octobre 2021, à la suite d’une demande de révision, la Commission informe l’appelante qu’elle maintient la décision rendue à son endroit, en date du 21 septembre 2021, concernant sa demande d’antidate (procédure de présentation de la demande)Note de bas de page 8.

[8] L’appelante explique avoir recommencé à travailler à temps partiel à compter du 30 octobre 2020. Elle indique avoir cessé de remplir ses déclarations du prestataire, après avoir rempli celles couvrant la période du 4 octobre 2020 au 14 novembre 2020, car elle voulait d’abord se renseigner auprès de la Commission au sujet de sa période de prestations, étant donné qu’elle avait recommencé à travailler. L’appelante explique avoir tenté à plusieurs reprises de communiquer avec la Commission après avoir cessé de remplir ses déclarations en novembre 2020. Le 5 janvier 2021, elle tente de remplir ses déclarations, mais sans succès, et communique de nouveau avec la Commission. Le 8 janvier 2021, elle reçoit un appel de la Commission qu’elle a enregistrée afin de se rappeler correctement ce qu’elle allait devoir faire en fonction des renseignements qui lui seraient donnés. L’appelante explique que selon les renseignements qu’elle a obtenus à ce moment, elle a compris qu’elle pouvait attendre que son contrat de travail prenne fin avant de réactiver sa demande de prestations et de recommencer à remplir ses déclarations. Ce qui explique pourquoi elle a attendu au 10 mai 2021, à l’approche de la fin de son contrat de travail venant à échéance le 31 mai 2021, avant de demander une antidate au 15 novembre 2020. Après avoir attendu plusieurs semaines pour obtenir une réponse de la part de la Commission, elle a de nouveau communiqué avec elle à plusieurs reprises au cours du mois de juin 2021 pour expliquer de nouveau son cas. Lors de sa demande de révision en octobre 2021, après avoir expliqué son cas et malgré le fait qu’elle ait indiqué qu’elle détenait un enregistrement de la conversation qu’elle avait eue avec une agente le 8 janvier 2021, la Commission lui a indiqué qu’elle n’avait aucune trace de cette conversation. Le 29 novembre 2021, l’appelante conteste la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet du présent recours devant le Tribunal.

Question en litige

[9] Je dois déterminer si une antidate de la demande de prestations de l’appelante doit lui être accordéeNote de bas de page 9.

[10] Pour cela, je dois répondre à la question suivante :

  • Est-ce que l’appelante avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations d’assurance‑emploi et pouvant ainsi justifier sa demande d’antidate?

Analyse

[11] En général, pour recevoir des prestations d’assurance-emploi, il faut présenter une demande pour chaque semaine durant laquelle on n’a pas travaillé et pour laquelle on souhaite recevoir des prestationsNote de bas de page 10. Pour cela, il faut présenter des déclarations à la Commission toutes les deux semaines. Les déclarations sont habituellement faites en ligne. Il y a des délais à respecterNote de bas de page 11.

[12] Une demande de renouvellement de prestations est présentée par un prestataire qui cherche à réactiver une période de prestations établie antérieurement par une demande initiale mise en veilleuse pendant quatre semaines consécutives ou plus. Une demande de renouvellement doit être présentée dans la semaine qui suit la semaine de chômageNote de bas de page 12.

[13] L’antidate d’une demande de prestations d’assurance-emploi permet qu’une demande de prestations présentée en retard soit considérée comme ayant été formulée à une date antérieure à celle à laquelle elle a été déposée dans les faits.

[14] Pour qu’une demande de prestations soit antidatée, le prestataire doit démontrer qu’il avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période écoulée, soit la période entre la date antérieure à laquelle il veut que sa demande soit considérée et la date à laquelle il présente sa demandeNote de bas de page 13.

[15] Un motif valable est une raison acceptable selon la Loi pour expliquer le retard. La présentation d’un motif valable signifie qu’une demande de prestations peut être traitée comme ayant été présentée plus tôt.

[16] La Cour d’appel fédérale (la Cour) a établi qu’un prestataire qui ne présente pas sa demande dans les délais prévus doit démontrer qu’il avait un motif valable pour justifier son retard à le faire et qu’il a agi comme une personne raisonnablement prudente l’aurait fait dans la même situationNote de bas de page 14.

[17] Le prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant son retard.

[18] Selon la Cour, avoir un motif valable, c’est avoir agi comme l’aurait fait une « personne raisonnable », soucieuse de s’enquérir de ses droits et de ses obligations, en vertu de la LoiNote de bas de page 15.

[19] Le prestataire doit aussi démontrer qu’il a vérifié assez rapidement s’il avait droit à des prestations et quelles obligations la Loi lui imposaitNote de bas de page 16. Cela signifie que le prestataire doit démontrer qu’il a fait de son mieux pour essayer de s’informer de ses droits et responsabilités dès que possible. Si le prestataire ne l’a pas fait, il doit alors démontrer que des circonstances exceptionnelles l’ont empêché de le faireNote de bas de page 17.

Question no 1 : Est-ce que l’appelante avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations d’assurance‑emploi et pouvant ainsi justifier sa demande d’antidate?

[20] J’estime que les raisons invoquées par l’appelante de ne pas avoir demandé des prestations d’assurance‑emploi dans le délai prévu constituent un motif valable pouvant justifier un tel retard, au sens de la Loi.

[21] J’estime le témoignage de l’appelante crédible. Elle dresse un portrait complet et détaillé des circonstances l’ayant amenée à attendre avant de demander des prestations et avant de recommencer à remplir ses déclarations du prestataire, après l’avoir fait pour plusieurs semaines de déclarations. Son témoignage est précis et sans contradictions. Son témoignage est soutenu par l’enregistrement d’une conversation tenue au début de janvier 2021 avec une personne qui lui a, entre autres, donné des explications sur le moment où elle pourrait demander un renouvellement de sa période de prestations. De plus, l’appelante fournit des explications détaillées sur ses démarches auprès de la Commission avant et après sa conversation de janvier 2021 pour expliquer son cas.

[22] Dans le présent dossier, la preuve indique qu’après qu’une période de prestations ait été établie au profit de l’appelante à compter du 4 octobre 2020, celle-ci a rempli ses déclarations du prestataire pour la période du 4 octobre 2020 au 14 novembre 2020Note de bas de page 18.

[23] Le 5 janvier 2021, elle tente de remplir ses déclarations du prestataire pour la période du 15 novembre 2020 au 21 novembre 2020, mais ses déclarations ont été refusées par le système de déclarations de la CommissionNote de bas de page 19.

[24] L’appelante fait valoir qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations. Son témoignage et ses déclarations à la Commission indiquent les éléments suivants :

  1. a) Après avoir rempli ses déclarations du prestataire pour la période du 4 octobre 2020 au 14 novembre 2020, l’appelante a ensuite cessé de les remplir, car elle avait recommencé à travailler à temps partiel comme enseignante, à compter de la fin du mois d’octobre 2020. Étant donné cette situation, elle ne savait pas si elle devait continuer de remplir ses déclarations ou non. L’appelante préférait attendre de communiquer d’abord avec la Commission (Service Canada) pour obtenir des conseils à ce sujet au lieu de faire des déclarations pouvant entraîner des pénalités à son endroitNote de bas de page 20 ;
  2. b) À compter du mois de novembre 2020 et vers la fin de l’année 2020, l’appelante a tenté de communiquer avec la Commission à plusieurs reprises afin de parler avec un agent. L’appelante dit qu’elle ne manquait pas de faire au moins un appel chaque semaine. Toutes ses tentatives ont été infructueuses. Elle fait valoir que même si la Commission lui a reproché de ne pas s’être présentée en personne dans un bureau de Service CanadaNote de bas de page 21, ses journées de travail se déroulaient du lundi au vendredi, de 8 h 00 à 16 h 00. De plus, il y a eu des périodes où l’appelante était en confinement en raison de la pandémie de COVID-19Note de bas de page 22 ;
  3. c) Le 5 janvier 2021, avant le retour en classe des élèves et la reprise de son travail, l’appelante a tenté de communiquer avec la Commission par téléphone, de même que par le biais du site Internet de Service Canada en présentant une demande et en laissant ses coordonnées. C’est également le 5 janvier 2021 que l’appelante a tenté de remplir ses déclarations du prestataire pour la période de déclaration du 15 au 28 novembre 2020Note de bas de page 23 ;
  4. d) Le 8 janvier 2021, l’appelante tente de nouveau de communiquer avec la Commission. Le même jour, la Commission communique avec elle. Elle peut alors parler avec une agenteNote de bas de page 24. L’appelante précise que c’est bien le 8 janvier 2021 qu’elle a eu une conversation avec une agente de la Commission, et non à une autre date (ex. : 15 novembre 2020 ou 10 janvier 2021), comme cela est indiqué dans certaines de ses déclarationsNote de bas de page 25. L’appelante a enregistré cette conversation pour s’assurer de bien comprendre les explications données et y référer au besoin, car il y avait des choses qui pouvaient lui échapper ;
  5. e) L’appelante fait entendre, lors de l’audience, l’enregistrement de la conversation qu’elle a eue, le 8 janvier 2021, avec une personne qu’elle identifie comme une agente de la Commission. Cet enregistrement, d’une durée d’une trentaine de minutes, fournit les renseignements suivants : Nombre d’heures effectuées par l’appelante chaque semaine, salaire horaire, montants reçus par l’appelante pour les semaines ayant commencé les 15, 22 et 29 novembre 2020 et pour la semaine en cours (3 au 9 janvier 2021), nombre de semaines payées en prestations (cinq semaines), nombre de semaines restant à la période de prestations (40 semaines), montant brut que l’appelante pourrait recevoir en prestations chaque semaine selon le salaire déclaré (taux réduit de prestations à 80,00 $), à compter de la semaine du 15 novembre 2020 (sept semaines à 80,00 $ chacune, soit un montant brut de 560,00 $). Lors de cette conversation, la personne dit à l’appelante qu’elle peut faire « passer » une « antidatation » (antidate) en expliquant pourquoi celle-ci n’avait pas rempli ses déclarations plus tôt. La personne demande à l’appelante si elle veut qu’une « antidatation » soit faite pour « reculer » à la semaine ayant commencé le 15 novembre 2020 avec un taux réduit de prestations ou laisser les choses comme elles le sont pour avoir un taux complet, mais en perdant peut-être quelques semaines. L’appelante dit d’abord qu’elle préfère qu’on fasse la « dilatation », un terme qu’elle confond alors avec le mot « antidatation ». L’appelante explique que lorsqu’elle a recommencé à travailler, elle a tenté à maintes reprises de communiquer avec la Commission (assurance-emploi) pour le déclarer. La personne résume les explications de l’appelante selon lesquelles, depuis le 15 novembre 2020, soit après que celle-ci soit retournée au travail, elle a tenté de joindre la Commission pour être en mesure de parler avec un agent au téléphone et a ensuite fait une demande par Internet. La personne indique qu’elle va remplir les « cartes » (déclarations du prestataire) jusqu’à la semaine ayant précédé la conversation (jusqu’à la semaine s’étant terminée le 2 janvier 2021) et dit à l’appelante que ses « cartes » vont avoir été faites jusqu’à la semaine suivante (semaine ayant commencé le 3 janvier 2021). La personne indique que les chèques allaient « rentrer » à partir de la période concernée du mois de novembre 2020 (semaine ayant commencé le 15 novembre 2020). La personne indique qu’elle allait expliquer que l’appelante avait effectué un retour au travail à temps partiel, mais qu’elle n’était pas certaine de ce qu’elle devait faire concernant ses déclarations du prestataire et que c’est pour cette raison qu’elle a tenté de communiquer plusieurs fois avec la Commission, étant donné qu’elle n’était pas certaine si elle était « payable » ou non. La personne dit à l’appelante de s’assurer de continuer de remplir ses déclarations et d’avoir son numéro de confirmation ;
  6. f) Durant la même conversation, l’appelante demande ensuite si elle peut « mettre en sommeil », pendant un certain temps, les semaines de prestations qui restent à recevoir et les utiliser plus tard en cas de besoin, étant donné qu’elle est retournée travailler à temps partiel et qu’elle peut se débrouiller avec le revenu qu’elle reçoit. La personne lui explique qu’elle a deux choix : le premier consiste à remplir ses « cartes » du prestataire (déclarations du prestataire) et à faire un renouvellement de dossier, ce qui lui permettra de recevoir de l’argent partiellement en même temps que son travail, selon les heures travaillées. Dans ce cas, après 45 semaines, le dossier sera finalisé puisque l’appelante peut recevoir des prestations pendant une période maximale de 45 semaines et qu’il lui reste 40 semaines pour en recevoir. L’autre possibilité est de ne faire absolument rien et de laisser les choses comme elles le sont. Il n’y a alors pas de renouvellement de dossier, pas de déclarations du prestataire et pas d’« antidatation ». La personne explique à l’appelante que lorsqu’il y a aura une « pénurie au travail » (manque de travail), elle pourra alors faire une demande de renouvellement et à ce moment, on (la Commission) va la payer. La personne lui explique que si elle n’a pas besoin du montant de 80,00 $ par semaine (taux réduit de prestations), il n’y a pas d’« antidatation » et que les choses vont demeurer comme elles le sont puisqu’elle a déjà un dossier inactif. La personne explique à l’appelante qu’à la fin de mai 2021 ou au début de juin 2021, si elle n’a pas de nouveau contrat à remplir ou qui débute à ce moment, elle va faire ouvrir de nouveau son dossier à ce moment, étant donné qu’il n’y aura pas d’entrée d’argent. L’appelante dit alors que c’est ce qu’elle allait faire et qu’elle recevra la somme de 80,00 $ par semaine jusqu’en mai 2021. La personne lui indique qu’on « peut toujours essayer cela », soit d’étaler le montant de 80,00 $ par semaine à compter de novembre 2020. La personne lui dit aussi qu’en juin 2021, elle va pouvoir recevoir le montant total en prestations (taux complet de prestations). La personne demande à l’appelante si elle va réactiver son dossier et celle-ci répond qu’elle ne le fera pas. La personne explique à l’appelante que la dernière semaine qui lui est « payable » est la semaine du 26 septembre 2021 (fin de la période de prestations de l’appelante) et qu’après ce moment, il s’agira d’un nouveau dossier. L’appelante explique aussi qu’elle sera en vacances à l’extérieur du Canada au cours de l’été 2021. Elle est alors informée que durant son absence du Canada, elle ne pourra recevoir de prestations. Des renseignements sont également donnés à l’appelante concernant l’établissement d’une nouvelle demande de prestations et les heures assurables qui seront considérées pour établir cette demande ;
  7. g) L’appelante explique que lors de sa conversation du 8 janvier 2021, l’agente de la Commission lui dit qu’elle avait les deux choix suivants : débloquer son compte et continuer de remplir ses déclarations chaque deux semaines pour recevoir une somme brute de 80,00 $ par semaine en prestations ou encore, laisser la situation telle qu’elle l’était et ne rien faire si elle considérait que son revenu était suffisant, mais que lorsqu’il y aurait une cessation d’emploi, elle allait pouvoir réactiver sa demande de prestations à partir du moment où elle avait cessé de remplir ses déclarationsNote de bas de page 26 ;
  8. h) L’appelante explique que le 8 janvier 2021, lorsque l’agente lui a dit qu’elle pouvait laisser la situation telle quelle, si elle pensait que son salaire pour son travail à temps partiel lui permettait de subvenir à ses besoins, cela signifiait ne plus faire de déclarations jusqu’au moment où son contrat allait prendre fin à la fin de mai 2021. Elle pourrait à ce moment faire une demande d’« antidatation » (andidate). C’est ce que l’appelante a choisi de faire à partir des renseignements reçus lors de cette conversation. L’appelante explique que puisqu’elle avait un voyage en vue (été 2021), c’était une petite réserve qu’elle allait pouvoir faire au moment où elle allait entreprendre son voyage. Elle s’est dit que c’était mieux de laisser son argent dans la caisse de l’assurance-emploi et que le moment venu pour l’obtenir, cela allait la soulager financièrement. L’appelante a donc fait le choix d’attendre, car c’était le choix le plus utile pour elleNote de bas de page 27 ;
  9. i) L’appelante fait valoir qu’elle n’aurait pas pris la décision d’attendre avant de remplir ses déclarations, si elle n’avait pas parlé avec une agente de la Commission. Elle souligne qu’elle n’aurait jamais su qu’elle avait deux choix si elle n’avait pas parlé avec l’agente en question. Autrement, elle aurait opté pour recevoir le montant d’environ 80,00 $ par semaine en prestations (montant brut) en remplissant ses déclarations ;
  10. j) L’appelante explique que bien qu’il soit rapporté dans l’une de ses déclarations qu’elle a dit qu’une agente de la Commission ne lui avait pas donné les « bonnes explications » ou l’avait mal conseilléeNote de bas de page 28, elle ne peut dire que cela avait été le cas. Elle précise qu’elle n’a peut-être pas bien compris ou bien interprété ce que l’agente lui a dit. L’appelante souligne avoir communiqué avec une agente de la Commission parce que celle-ci sait ce qu’elle a à faire ;
  11. k) L’appelante mentionne que c’est lors de sa conversation du 8 janvier 2021 que l’agente lui a parlé d’une « antidatation » (antidate), un terme qu’elle a confondu avec le mot « dilatation ». L’appelante souligne que dans son avis d’appel, elle a utilisé le mot « dilatation »Note de bas de page 29, bien que ce terme n’entrait pas dans le jargon de la Commission, comme celle-ci l’a indiqué dans son argumentationNote de bas de page 30. L’appelante ne connaissait pas le mot « antidatation » ni le sens que ce mot pouvait avoir avec l’assurance-emploi ;
  12. l) Le 10 mai 2021, l’appelante communique de nouveau avec la Commission, étant donné la fin prochaine de son contrat de travail, soit le 31 mai 2021Note de bas de page 31. Elle voulait « préparer le terrain » et savoir ce qu’il y avait lieu de faire concernant sa période de prestations. L’appelante n’a pas tenté de communiquer avec la Commission entre janvier 2021 et le 10 mai 2021. Elle fait valoir que bien que la Commission lui reproche de ne pas avoir rempli de déclarations jusqu’au 10 mai 2021, elle n’avait pas à communiquer avec elle, chaque jour durant cette période, pour savoir ce qu’elle devait faire, étant donné que le 8 janvier 2021, une agente lui avait de le faire lorsqu’elle aurait une cessation d’emploi ;
  13. m) Le 10 mai 2021, lors de sa demande d’antidate, l’appelante explique à une agente ce qu’elle souhaite. Elle croyait que le problème pour débloquer son compte allait être résolu ou qu’une antidate lui serait accordée. L’agente lui a dit que ce n’était pas possible d’avoir une antidate ou de « retourner en arrière » à compter de la mi-novembre 2020Note de bas de page 32. L’appelante lui a parlé de sa conversation avec une agente le 8 janvier 2021. L’agente lui a dit que tout ce qu’elle pouvait faire était d’inscrire sa demande dans son dossier ou d’amorcer le processus pour que sa demande de prestations soit réactivée au 10 mai 2021 et qu’elle allait obtenir une réponse dans deux ou trois semaines, ce qui signifiait pour elle oublier tout ce qui s’était passé depuis le 15 novembre 2020. L’appelante a dit à l’agente que ce n’était pas ce qu’elle voulait, même si à partir de ce moment, soit le 10 mai 2021, elle voulait obtenir des prestations, mais a dit souhaiter qu’on revienne sur sa période de prestations à compter du 15 novembre 2020. À la suite de cet appel, l’appelante n’a donc pas appelé la Commission dans les deux ou trois semaines qui ont suivi puisqu’elle attendait une réponse de sa part. Après le 10 mai 2021, l’appelante n’a pas essayé de remplir ses déclarations parce qu’elle savait que son compte était bloqué. Bien que son contrat se soit terminé le 31 mai 2021, l’employeur lui en a offert un autre qui allait se terminer le 25 juin 2021 et elle l’a acceptéNote de bas de page 33 ;
  14. n) Au début de juin 2021, et ce, jusqu’au moment de son départ du Canada le 5 juillet 2021, l’appelante a de nouveau communiqué avec la Commission à plusieurs reprises, soit au moins une dizaine de foisNote de bas de page 34. Elle a pu parler avec un agent une première fois au début de juin 2021 et lui a de nouveau expliqué son cas. L’appelante précise qu’à chacun de ses appels, on lui a dit que la Commission allait la rappeler et que lors de l’un de ceux-ci, elle a été informée que son dossier allait être transmis à un « niveau supérieur » ;
  15. o) Le 27 octobre 2021, au moment de la révision de son dossier, lorsqu’elle a parlé avec un agent de la CommissionNote de bas de page 35, l’appelante a relaté toutes ses tentatives pour communiquer avec la Commission (Service Canada). L’agent lui a dit qu’il n’avait aucune trace de la conversation téléphonique qu’elle avait eue avec une agente de la Commission le 8 janvier 2021 ni de ses conversations avec d’autres agents en juin 2021Note de bas de page 36. L’appelante n’avait pas la preuve de son enregistrement du 8 janvier 2021 lors de sa conversation du 27 octobre 2021, car elle se trouvait à son lieu de travail, mais en a fait un résumé à l’agent. Lorsque l’agent lui a dit qu’il n’avait pas de trace de la conversation qu’elle avait eue avec une agente de l’assurance-emploi le 8 janvier 2021, cela l’a un peu perturbée, car c’était un peu comme la dernière carte qu’elle avait pour se défendre ;
  16. p) L’appelante dit avoir fait vraiment tout ce qu’il fallait pour informer la Commission (Service Canada).

[25] Dans le présent dossier, je considère qu’en tenant compte de l’ensemble des circonstances propres à son cas, l’appelante démontre qu’elle avait un motif valable d’avoir tardé à demander des prestations d’assurance‑emploi, et ce, pour toute la période de retard écoulée, soit du 15 novembre 2020 au 26 juin 2021.

[26] J’estime que les gestes de l’appelante représentent ceux qu’une « personne raisonnable » aurait posés, si elle avait été placée dans des circonstances similaires aux siennes.

[27] Dans le cas présent, je considère qu’il est plus probable qu’improbable que l’enregistrement de la conversation que l’appelante fait entendre lors de l’audience soit une conversation que celle-ci a eue avec une agente de la Commission. J’accorde une valeur prépondérante à cet élément de preuve. Il contient plusieurs renseignements spécifiques au dossier d’assurance-emploi de l’appelante. En raison de la teneur des renseignements qui sont donnés à l’appelante durant cette conversation, il y a tout lieu de croire qu’il s’agit d’une conversation avec une agente de la Commission qui s’est déroulée le ou vers le 8 janvier 2021.

[28] Je ne retiens donc pas l’argument de la Commission selon lequel le dossier de l’appelante « ne prouve aucune communication » avec elle avant le 10 mai 2021Note de bas de page 37.

[29] En plus de soutenir les déclarations et le témoignage de l’appelante au sujet de ses nombreuses démarches auprès de la Commission depuis janvier 2021, l’enregistrement qu’elle fait entendre fournit un éclairage sur les possibilités qu’elle avait de réactiver sa demande de prestations ou d’attendre le moment où il serait le plus avantageux pour elle de le faire.

[30] Je n’ai aucune raison de remettre en question le témoignage et les déclarations de l’appelante relativement à sa conversation téléphonique de janvier 2021. L’appelante a toujours été constante dans son témoignage et dans ses déclarations en indiquant qu’elle avait obtenu des renseignements de la Commission selon lesquels elle avait la possibilité de choisir de renouveler sa demande de prestations ou d’attendre pour le faire.

[31] Je considère que les renseignements que l’appelante a reçus en janvier 2021 laissaient place à interprétation. Ces renseignements pouvaient lui laisser croire qu’elle pouvait attendre avant de demander le renouvellement de sa demande de prestations et de recommencer à remplir ses déclarations, sans craindre de perdre les prestations auxquelles elle avait droit. J’estime que les renseignements qu’elle a reçus à cet égard manquaient de clarté.

[32] Bien que lors de sa conversation téléphonique du début de janvier 2021, l’appelante était déjà en retard de quelques semaines pour réactiver sa demande de prestations, je considère qu’elle avait un motif valable expliquant ce retard. Les raisons données par l’appelante réfèrent au fait qu’elle avait recommencé à travailler à temps partiel depuis la fin du mois d’octobre 2020 et qu’elle avait tenté à plusieurs reprises de communiquer avec la Commission entre le 15 novembre 2020 et le moment de sa conversation de janvier 2021, car elle voulait d’abord obtenir des renseignements avant de continuer de remplir ses déclarations ou de réactiver sa demande de prestations.

[33] Je souligne que ce retard n’a pas posé de problème particulier pour qu’elle puisse recevoir ses prestations pour ses périodes de déclarations ayant commencé à compter de la mi-novembre 2020, selon les renseignements qui lui ont été donnés lors de sa conversation de janvier 2021. En effet, des indications ont alors été données à l’appelante selon lesquelles elle allait être en mesure de recevoir des prestations pour la période au cours de laquelle elle n’avait pas rempli ses déclarations, étant donné les raisons qu’elle avait fournies.

[34] Je souligne également que la Commission ne présente pas d’argument sur les raisons que lui avait déjà données l’appelante dans sa déclaration du 16 septembre 2021Note de bas de page 38 selon lesquelles elle l’avait contactée, car elle ne savait pas si elle devait continuer de remplir ses déclarations du prestataire, étant donné qu’elle travaillait à temps partiel.

[35] J’accepte les explications de l’appelante voulant qu’à la suite de sa conversation du début de janvier 2021, elle a conclu qu’elle pouvait attendre la fin prévue de son contrat, à la fin du mois de mai 2021, pour renouveler sa demande de prestations et que celle-ci allait être traitée rétroactivement à compter de la mi-novembre 2020.

[36] Je considère qu’avec les nombreux renseignements donnés à l’appelante durant cette conversation, celle-ci pouvait raisonnablement croire, même à tort, qu’elle pouvait attendre que son contrat de travail se termine à la fin de mai 2021 pour réactiver sa demande de prestations et continuer de remplir ses déclarations, sans que ce ne soit désavantageux pour elle.

[37] J’accepte ainsi les raisons de l’appelante expliquant pourquoi elle n’a pas communiqué avec la Commission entre le moment de sa conversation de janvier 2021 et le 10 mai 2021, à l’approche de la fin de son contrat de travail, pour demander une antidate.

[38] J’accepte également les explications de l’appelante selon lesquelles, lorsqu’elle a de nouveau communiqué avec la Commission, le 10 mai 2021, pour demander qu’une antidate à sa demande de prestations lui soit accordée rétroactivement au 15 novembre 2020, elle s’est appuyée sur les renseignements qu’elle avait reçus en janvier 2021 en précisant qu’elle ne voulait pas renoncer aux prestations qui pouvaient lui être versées pour la période antérieure au 10 mai 2021.

[39] Je considère également comme plausibles les explications de l’appelante voulant que lorsqu’elle a communiqué avec la Commission le 10 mai 2021, elle a été informée qu’elle obtiendrait une réponse à sa demande dans deux ou trois semaines suivant son appel.

[40] La Commission fait valoir que l’appelante n’a pas présenté de demande de renouvellement de sa demande de prestations à compter du 10 mai 2021 après avoir présenté sa demande d’antidate cette journée-làNote de bas de page 39. La Commission indique aussi que l’appelante n’a pas non plus fait de demande de renouvellement après avoir communiqué avec cette dernière le 24 juin 2021Note de bas de page 40. La Commission souligne que c’est seulement le 1er septembre 2021 que l’appelante lui a demandé de renouveler sa demande à compter du 27 juin 2021 et que cette demande a été acceptéeNote de bas de page 41.

[41] Sur ce point, je considère que lorsque l’appelante a communiqué avec la Commission, le 10 mai 2021, c’était avant tout pour que sa demande de prestations puisse être traitée à compter du 15 novembre 2020. Malgré les explications qu’elle a données à ce moment concernant les renseignements qu’elle avait auparavant obtenus en janvier 2021, l’appelante n’a pas reçu une réponse positive à sa demande, mais a été informée que cette demande allait être analysée et qu’une réponse allait lui être donnée dans les semaines qui allaient suivre. Rien dans la preuve au dossier n’indique que le 10 mai 2021, la Commission a avisé l’appelante qu’elle devait faire sa demande de renouvellement et que, ce faisant, elle allait pouvoir recevoir des prestations pour la période précédant cette date.

[42] Je suis d’avis que les raisons mentionnées par l’appelante de ne pas avoir réactivé sa demande de prestations ni d’avoir recommencé à remplir ses déclarations après sa demande d’antidate du 10 mai 2021 ont continué de prévaloir à la suite de cette demande.

[43] Je considère aussi comme véridiques les affirmations de l’appelante selon lesquelles, à la suite de son appel du 10 mai 2021, après quelques semaines d’attente, elle a de nouveau communiqué à plusieurs reprises avec la Commission à compter du mois de juin 2021, et ce, jusqu’au moment de son départ du Canada en juillet 2021, pour expliquer de nouveau son cas à des agents. Les affirmations de l’appelante indiquent aussi que lors de l’un de ses appels, elle a été informée que son dossier allait être transmis à un autre niveau.

[44] Je souligne que dans son argumentation, la Commission mentionne qu’au cours de la période du 5 janvier 2021 au 2 juillet 2021, l’appelante a tenté une dizaine de fois de remplir ses déclarations pour la période du 15 au 28 novembre 2020, soit par téléphone ou par le biais à de son service InternetNote de bas de page 42.

[45] La Commission indique aussi que le 24 juin 2021, à la suite d’une demande de rappel de l’appelante, celle-ci a été informée par un agent du Centre d’appel, qu’elle devait faire sa demande de renouvellement en attendant la décision concernant le retard à présenter ses déclarationsNote de bas de page 43.

[46] Sur ce point, selon les renseignements que donne la Commission, je considère que ce n’est que le 24 juin 2021 qu’elle a informé l’appelante de ce qu’elle devait faire à la suite de sa demande d’antidate présentée le 10 mai 2021.

[47] Bien que la Commission explique que l’appelante n’a pas fait de demande de renouvellement à sa demande de prestations après le 10 mai 2021 et qu’elle ne l’avait fait que le 1er septembre 2021Note de bas de page 44, il demeure que cette dernière avait présenté une demande d’antidate le 10 mai 2021 pour laquelle elle attendait toujours une réponse, de même qu’une réponse aux motifs qu’elle avait alors fournis pour ne pas avoir recommencé à remplir ses déclarations.

[48] Je souligne que ce n’est que le 21 septembre 2021 que la Commission a rendu sa décision sur la demande d’antidate de l’appelante après que celle-ci eut présenté une deuxième demande à cet effet le 16 septembre 2021Note de bas de page 45.

[49] Je considère que les nombreuses démarches effectuées par l’appelante pour expliquer son cas à la Commission, avant et après avoir obtenu, en janvier 2021, des renseignements au sujet de sa demande de prestations, démontrent que pendant toute la durée de la période de retard, elle s’est conduite comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait pour s’assurer des droits et obligations que lui impose la Loi.

[50] Je considère que l’appelante s’est renseignée adéquatement au sujet de ses obligations en suivant les recommandations qu’elle a reçues lors de sa conversation téléphonique de janvier 2021.

[51] Je suis d’avis que l’ensemble des circonstances évoquées par l’appelante permettent de conclure qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations.

[52] La Cour nous indique qu’avoir un motif valable, c’est simplement avoir agi comme l’aurait fait une « personne raisonnable », soucieuse de s’enquérir de ses droits et de ses obligations, en vertu de la LoiNote de bas de page 46.

[53] Je suis d’avis que l’appelante démontre qu’elle s’est conduite comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances similaires aux siennes pour s’assurer de ses droits et de ses obligations.

Conclusion

[54] Je conclus que l’appelante démontre qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations.

[55] En conséquence, une antidate de la demande de prestations de l’appelante doit lui être accordée à compter du 15 novembre 2020.

[56] L’appel est accueilli.

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