Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c SS, 2022 TSS 283

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Partie intimée : S. S.
Représentant : E. A.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 25 octobre 2021 (GE-21-1532)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 8 février 2022
Personnes présentes à l’audience : Représentante de la partie appelante
Partie intimée
Représentant de la partie intimée
Date de la décision : Le 14 avril 2022
Numéro de dossier : AD-21-383

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] La partie intimée (la prestataire) a demandé des prestations d’assurance-emploi et on a débuté une demande de prestations d’assurance-emploi d’urgence (PAEU). Ensuite, la demande de PAEU de la prestataire a fait la transition vers les prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 4 octobre 2020.

[3] Des modifications ont été apportées à la Loi sur l’assurance-emploi à titre de mesures temporaires. La Loi prévoit une augmentation unique du nombre d’heures d’emploi assurable. La partie appelante (la Commission) a appliqué ces heures à la demande de prestations régulières de la prestataire à compter du 4 octobre 2020. La prestataire a touché ces prestations jusqu’en avril 2021, date à laquelle elle a été embauchée ailleurs et a cessé de toucher des prestations.

[4] Le 4 juin 2021, la prestataire a demandé des prestations parentales et de maternité. Avant cela, elle avait demandé à la Commission d’annuler son ancienne période de prestations puisqu’elle voulait débuter une nouvelle demande de prestations parentales et de maternité.

[5] La Commission a dit à la prestataire qu’elle n’avait pas suffisamment d’heures d’emploi assurable pour débuter une nouvelle demande de prestations parentales et de maternité. La Commission a donc réactivé l’ancienne demande de la prestataire du 4 octobre 2020. Toutefois, cela ne lui permettrait pas de toucher le montant maximal de prestations parentales et de maternité. La prestataire a demandé une révision de la décision.

[6] La prestataire voulait qu’on applique le crédit unique à une nouvelle demande de prestations parentales et de maternité. Elle n’avait pas besoin du crédit unique pour la demande de prestations régulières puisqu’elle avait suffisamment d’heures d’emploi assurable dans sa période de référence.

[7] La Commission a maintenu sa décision initiale après révision. La prestataire a fait appel de la décision découlant de la révision auprès de la division générale.

[8] La division générale a conclu que le crédit unique n’aurait pas dû être appliqué à la période de référence qui débutait le 4 octobre 2020, afin que ces heures soient disponibles pour être appliquées à une période de prestations subséquente au besoin.

[9] Maintenant, la Commission fait appel de la décision de la division générale. Elle soutient que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a interprété l’article 153.17 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[10] J’accueille l’appel de la Commission.

Questions en litige

[11] Les questions en litige dans cet appel sont les suivantes :

  1. a) Est-ce que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a interprété l’article 153.17 de la Loi sur l’assurance-emploi
  2. b) Si c’est le cas, comment l’erreur devrait-elle être corrigée?

Analyse

[12] Je peux intervenir dans la présente affaire seulement si la division générale a commis une des erreurs pertinentes, aussi appelées « moyens d’appelNote de bas page 1 ». L’un de ces moyens d’appel est que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a rendu sa décision. L’interprétation de la législation constitue une question de droitNote de bas page 2.

La décision de la division générale

[13] La division générale a conclu que le crédit unique n’aurait pas dû être appliqué à la demande de la prestataire du 4 octobre 2020. Elle a décidé que la législation ne dit pas explicitement qu’elle doit l’appliquer à la première demande présentée après le 27 septembre 2020Note de bas page 3. La division générale a conclu que le fait d’automatiquement appliquer le crédit à la première demande entraînerait un résultat absurde qui contredit l’intention de la législationNote de bas page 4.

[14] Dans son analyse, la division générale a examiné le libellé de l’article 153.17(1)(a) et (b) de la Loi sur l’assurance-emploi. Voici ce que l’article énonce :

153.17 (1) Le prestataire qui présente une demande initiale de prestations à l’égard de prestations visées à la partie I le 27 septembre 2020 ou après cette date, ou à l’égard d’un arrêt de rémunération qui survient à cette date ou par la suite, est réputé avoir, au cours de sa période de référence :

(a) si la demande initiale de prestations est présentée à l’égard de prestations visées à l’un des articles 21 à 23.3, 480 heures additionnelles d’emploi assurable;

(b) dans les autres cas, 300 heures additionnelles d’emploi assurable.

[15] La division générale a tenu compte des trois décisions de la division générale que la Commission a citéesNote de bas page 5. Les trois décisions ont conclu que le crédit unique doit être appliqué à la première demande présentée le 27 septembre 2020 ou après cette date.

[16] La division générale a conclu que ces décisions se concentraient sur le mot « réputé » et elle a rejeté le raisonnement de ces décisions selon lequel ce libellé indiquait que le crédit unique doit être appliqué à la première demandeNote de bas page 6. La division générale a conclu que l’article 153.17(1) ne dit pas explicitement que le crédit unique doit être appliqué à la première demande, de sorte que le libellé de l’article n’est pas clair.

[17] Ayant conclu que le libellé de l’article n’est pas clair, la division générale a décidé que l’article devait être interprété de manière à répondre au mieux à l’objectif principal de la loiNote de bas page 7. Elle a estimé qu’il était absurde d’appliquer le crédit unique à la première demande, lorsque les heures ne sont pas nécessaires, et de refuser ces heures à une demande ultérieure lorsqu’elles sont nécessairesNote de bas page 8.

La division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a interprété l’article 153.17

[18] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que le crédit unique devrait être différé et appliqué à la nouvelle demande de la prestataire, soit en juin 2021.

[19] La Commission soutient que la loi énonce clairement qu’une partie prestataire est réputée avoir des heures additionnelles si elle a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi le 27 septembre 2020 ou après cette date. La Commission indique qu’il n’existe aucune latitude pour l’exercice de la discrétion et aucun mécanisme permettant à la Commission ou à une partie prestataire de renoncer à l’application des heures additionnelles si elles ne sont pas nécessaires. L’objectif est d’augmenter les heures d’emploi assurable d’une partie prestataire au cours de sa période de référence lors de sa première demande de prestations d’assurance-emploi le 27 septembre 2020 ou après.

[20] La prestataire soutient que l’interprétation de la division générale était correcte. La prestataire affirme que l’interprétation qu’endosse la Commission contrarie l’intention de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle soutient que la disposition déterminative crée une présomption réfutable, mais que cela ne signifie pas que les heures additionnelles doivent s’appliquer à la première demande.

[21] La prestataire soutient que l’interprétation de la Commission de cet article nuit aux femmes et qu’il faudrait plutôt adopter une interprétation large et équitableNote de bas page 9. Elle dit que la législation n’est pas claire et que l’interprétation de la division générale ne constituait pas une erreur de droit.

[22] L’analyse de la division générale n’a examiné que le libellé de l’article 153.17(1) de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle ne fait pas référence au reste de cet article, à savoir la restriction de l’article 153.17(2). J’estime que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé que le libellé de l’article est ambigu.

[23] La division générale a rejeté le raisonnement d’autres décisions, en concluant que ces décisions se concentraient sur le mot « réputéNote de bas page 10 ». Elle a déclaré qu’elle n’estimait pas que le raisonnement était convaincant; toutefois, la division générale n’a pas fourni une autre interprétation du mot « réputé ».

[24] Depuis la décision de la division générale, la division d’appel a aussi examiné le libellé de l’article 153.17 de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 11. Voici les points clés des conclusions de ces décisions :

  • Le libellé de l’article n’est pas ambigu.
  • Le terme « réputé » de l’article 153.17 enlève tout pouvoir discrétionnaire à la Commission.
  • La loi ne prévoit pas la possibilité d’appliquer les heures additionnelles à une demande ultérieure.

[25] Lorsqu’une partie prestataire présente une demande initiale de prestations le 27 septembre 2020 ou après, elle est réputée avoir 300 ou 480 heures additionnelles d’emploi assurable au cours de sa période de référence. Le sens ordinaire de cet article est clair et il n’est pas ambigu.

[26] La division générale a conclu que l’article n’énonce pas explicitement qu’une partie prestataire est réputée avoir les heures additionnelles pour sa première demande initiale. Toutefois, le libellé dit clairement que les heures additionnelles seront appliquées lorsqu’une demande initiale est présentée. La Commission n’a aucun pouvoir discrétionnaire d’exclure les heures additionnelles lorsque la première demande initiale est présentée.

[27] Si on lit l’article 153.17(1) à l’extérieur de son contexte, il pourrait laisser entendre qu’une partie prestataire est réputée avoir les heures additionnelles qui s’appliquent à toute demande initiale présentée le 27 septembre 2020 ou après cette date. La restriction de l’article 153.17(2) précise ensuite que le crédit ne s’applique qu’à la première demande initiale. Cet article indique ce qui suit :

Restriction

(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas au prestataire dont le nombre d’heures d’emploi assurable exercé au cours de sa période de référence a déjà été majoré au titre de ce paragraphe ou au titre du présent article dans sa version au 26 septembre 2020, si une période de prestations a été établie à l’égard de cette période de référence.

[28] Lorsqu’on lit l’ensemble de l’article, il est clair que les heures additionnelles ne s’appliquent qu’à la première demande.

[29] Je suis d’accord avec la Commission et les décisions de la division d’appel. L’article 153.17(1) exige que les heures additionnelles s’appliquent à la période de référence de la première demande initiale présentée après le 27 septembre 2020. La restriction de l’article 153.17(2) signifie que les heures additionnelles ne peuvent pas aussi être appliquées à une période de référence subséquente.

[30] L’article doit aider les prestataires qui n’ont pas suffisamment d’heures d’emploi assurable pour établir une période de prestations. Il n’est pas censé aider les prestataires qui ont suffisamment d’heures d’emploi assurable lorsqu’ils présentent une demande (le 27 septembre 2020 ou après) à établir une période de prestations subséquenteNote de bas page 12.

[31] La division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a interprété l’article 153.17 de la Loi sur l’assurance-emploi. Cet article n’est pas ambigu et ne peut pas être interprété comme s’il énonce que les heures additionnelles ne sont réputées être appliquées à la période de référence que si elles sont nécessaires.

Réparation

[32] Lors de l’audience, la Commission et la prestataire ont dit que je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, si je conclus qu’il y a une erreur. Les deux parties ont eu la chance de présenter leur cas devant la division générale et le dossier est complet. Je suis d’accord qu’il convient que je rende une décision.

[33] La prestataire soutient que la division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance à l’égard de la division générale. Elle soutient également que la norme de contrôle judiciaire de la décision de la division générale devrait être fondée sur la question de savoir si elle est « raisonnable ». La prestataire affirme que la décision de la division générale était raisonnable.

[34] Lorsqu’un tribunal examine une décision qui interprète une loi, il décide si la décision est raisonnable (et non si elle est correcte) et demande si elle est transparente, intelligible et justifiéeNote de bas page 13. Un appel devant la division d’appel n’est pas un contrôle judiciaire. La division d’appel a autant d’expertise que la division générale et n’est pas tenue de faire preuve de déférence envers la division généraleNote de bas page 14.

[35] Je suis sensible à la situation de la prestataire et je comprends sa frustration. Étant donné les motifs mentionnés ci-dessus, toutefois, je conclus que la législation est claire. On a correctement appliqué le crédit unique à la période de référence de la demande de la prestataire du 4 octobre 2020. Les heures additionnelles n’étaient pas disponibles; on ne pouvait pas les appliquer à une période de référence d’une demande subséquente.

Conclusion

[36] L’appel est accueilli.

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