Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c RB, 2022 TSS 260

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentants : Jessica Grant et Ian McRobbie
Partie intimée : R. B.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 8 novembre 2021 (GE-21-1921)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 3 février 2022
Personnes présentes à l’audience : Représentant de l’appelante
Intimé

Date de la décision : Le 14 avril 2022
Numéro de dossier : AD-21-414

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le prestataire n’est pas admissible à des prestations parentales en dehors de sa période de prestations parentales.

Aperçu

[2] Le présent appel porte sur la période pendant laquelle des prestataires qui se partagent des prestations parentales peuvent recevoir ces prestations. Peut-on recevoir des semaines de prestations parentales partagées en dehors de la période de prestations parentales prévue par la Loi sur l’assurance-emploi?

[3] L’intimé, R. B. (prestataire), a demandé à recevoir 7 semaines de prestations parentales standards partagées à compter du 8 août 2021. Il a affirmé dans sa demande que son enfant était né le 25 août 2020. Le prestataire et sa conjointe avaient décidé de partager le nombre maximal de semaines de prestations parentales standards permis par la Loi sur l’assurance-emploi, soit 40 semaines.

[4] L’appelante (Commission) a dit au prestataire qu’il ne pouvait pas recevoir toutes les 7 semaines de prestations qu’il avait demandées parce que sa période de prestations parentales se terminait 52 semaines après la naissance de son enfant. Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision, mais cette dernière a maintenu sa décision.

[5] Le prestataire a porté la décision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal. La division générale a accueilli son appel. Elle a décidé que la période de prestations parentales n’empêchait pas les prestataires de recevoir les semaines supplémentaires de prestations. Le prestataire pouvait recevoir des prestations plus de 52 semaines après la naissance de son enfant.

[6] La division générale a jugé qu’il y a un conflit entre la période de prestations parentales prévue par la Loi sur l’assurance-emploi et les articles de la Loi qui permettent aux prestataires de recevoir des semaines supplémentaires de prestations parentales partagées. Elle a conclu que la Loi n’était pas claire et que son ambiguïté devait être résolue en faveur du prestataire.

[7] La Commission veut maintenant porter la décision de la division générale en appel à la division d’appel du Tribunal. Elle soutient que la division générale a commis une erreur de droit.

[8] Je suis d’accord. La division générale a mal interprété la Loi sur l’assurance‑emploi lorsqu’elle a décidé que la période de prestations parentales ne s’applique pas aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagées.

[9] Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre : le prestataire n’est pas admissible à des prestations parentales en dehors de sa période de prestations parentales.

Questions en litige

[10] Les questions en litige dans cet appel sont les suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit dans son interprétation des dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi relatives aux prestations parentales partagées?
  2. b) Dans l’affirmative, comment l’erreur devrait-elle être corrigée?
  3. c) Le prestataire est-il admissible à des prestations parentales en dehors de sa période de prestations parentales?

Analyse

[11] Je peux seulement intervenir dans la présente affaire si la division générale a commis une erreur pertinente, que l’on appelle officiellement un « moyen d’appelNote de bas de page 1 ». L’un des moyens d’appel est que la division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision. L’interprétation d’une loiest une question de droitNote de bas de page 2.

Contexte

Les prestations de grossesse et les prestations parentales

[12] La Loi sur l’assurance-emploi offre des prestations de grossesse aux prestataires admissibles qui font la preuve de leur grossesseNote de bas de page 3. Les prestations parentales sont versées aux prestataires admissibles pendant qu’ils prennent soin d’un nouveau-né ou d’un enfant adoptéNote de bas de page 4. Les prestations parentales sont distinctes des prestations de grossesse. Ces prestations font partie des prestations spéciales offertes au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[13] Les prestataires peuvent recevoir jusqu’à 15 semaines de prestations de grossesseNote de bas de page 5. Les prestations de grossesse sont payables aux prestataires pendant la période qui commence 12 semaines avant la semaine présumée de leur accouchement ou la semaine de leur accouchement, et se termine 17 semaines plus tardNote de bas de page 6.

[14] Les prestataires qui demandent des prestations de grossesse peuvent également demander des prestations parentales, qu’elles recevront après leurs 15 semaines de prestations de grossesse. Les prestataires doivent choisir entre deux types de prestations parentales :

  • les prestations parentales standards, qui leur permettent de recevoir jusqu’à 35 semaines de prestations à un taux de 55 % de leur rémunération hebdomadaire assurable, jusqu’à concurrence d’un montant maximal;
  • les prestations parentales prolongées, qui leur permettent de recevoir jusqu’à 61 semaines de prestations à un taux de 33 % de leur rémunération hebdomadaire assurable, jusqu’à concurrence d’un montant maximal.

[15] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit également que deux prestataires qui demandent des prestations parentales relativement au même enfant peuvent se partager des semaines supplémentaires de prestationsNote de bas de page 7. Je les appellerai les « prestations parentales partagées ». Lorsque deux prestataires choisissent de se partager les prestations parentales, le nombre maximal de semaines qui peut être divisé entre eux est de 40 semaines de prestations standards ou de 69 semaines de prestations prolongées.

[16] Aucun des deux parents ne peut recevoir plus de 35 semaines de prestations standards ou de 61 semaines de prestations prolongées lorsqu’elles sont partagéesNote de bas de page 8. Cela signifie que deux parents qui se partagent les prestations parentales peuvent recevoir 5 semaines supplémentaires de prestations standards ou 8 semaines supplémentaires de prestations prolongées.

La période de prestations parentales

[17] L’article de la Loi sur l’assurance-emploi qui prévoit le versement de prestations parentales précise la période pendant laquelle celles-ci peuvent être verséesNote de bas de page 9. Cette période est souvent appelée la « période de prestations parentales », bien que cette expression ne figure pas dans la Loi sur l’assurance-emploi. Dans les présents motifs, j’appellerai cette période la « période de prestations parentales ».

[18] Le point de départ de la Loi sur l’assurance-emploi est que la période de prestations parentales se termine 52 semaines après la semaine de la naissance de l’enfant ou celle de son placement chez le parent en vue de son adoptionNote de bas de page 10. Cette période peut être prolongée dans certaines circonstancesNote de bas de page 11. Lorsque des prestataires choisissent de recevoir des prestations parentales prolongées, leur période de prestations parentales est prolongée de 26 semaines, pour un total de 78 semaines.

La décision de la division générale

[19] L’enfant du prestataire est né le 25 août 2020. Sa conjointe et lui ont décidé de se partager 40 semaines de prestations parentales standards. Sa conjointe a reçu 15 semaines de prestations de grossesse, suivies de 33 semaines de prestations parentales standards. La Commission a décidé que le prestataire ne pouvait pas recevoir toutes les 7 semaines de prestations qu’il avait demandées parce que sa période de prestations parentales se terminait le 28 août 2021.

[20] La division générale a accueilli l’appel du prestataire, concluant qu’il avait droit aux 7 semaines de prestations parentales partagées. Elle a décidé qu’il pouvait recevoir ces prestations en dehors de sa période de prestations parentales.

[21] La division générale a examiné les modifications apportées à la Loi sur l’assurance-emploi en 2018 visant à offrir des semaines supplémentaires de prestations parentales partagées (les modifications pertinentes)Note de bas de page 12. Ces modifications permettent aux parents qui choisissent de partager les prestations parentales de recevoir 5 semaines supplémentaires de prestations standards ou 8 semaines supplémentaires de prestations prolongées. La division générale a conclu que la Loi sur l’assurance‑emploi n’était pas claire quant à savoir si la période de prestations parentales s’appliquait aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagéesNote de bas de page 13.

[22] La division générale a donné trois raisons pour lesquelles elle a conclu que la Loi sur l’assurance-emploi n’était pas claire :

  • Il y a un conflit entre la période de prestations parentales et la disposition visant à offrir des semaines supplémentaires de prestations parentales partagées.
  • Les dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi relatives à la période de prestations parentales ne font pas référence aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagées.
  • Les modifications pertinentes visant à offrir les semaines supplémentaires de prestations contiennent des précisions importantes, mais ne font pas référence à la période de prestations parentales.

[23] Ayant estimé qu’il y avait une ambiguïté dans la Loi sur l’assurance-emploi, la division générale a décidé que cette ambiguïté devait être résolue en faveur du prestataireNote de bas de page 14. Elle a conclu que la période de prestations parentales ne s’appliquait pas aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagées (soit aux 5 semaines de prestations standards ou aux 8 semaines de prestations prolongées). Le prestataire pouvait recevoir toutes les semaines de prestations parentales partagées qu’il avait demandéesNote de bas de page 15.

L’appel de la Commission à la division d’appel

[24] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation des dispositions relatives à la période de prestations parentales. Elle affirme que le libellé de la Loi sur l’assurance-emploi est précis et sans équivoque : il dit clairement que les prestataires ne peuvent pas recevoir de prestations parentales en dehors de leur période de prestations parentales.

[25] La Commission fait valoir que la division générale n’a pas choisi la bonne approche pour interpréter les dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle affirme que le libellé de la Loi est clair et qu’il aurait dû jouer un rôle primordial dans l’interprétation de la division générale. La Commission soutient qu’au lieu de se concentrer sur le libellé clair de l’article 23 de la Loi, la division générale a conclu à tort à un conflit dans la Loi.

[26] La Commission affirme également que la division générale s’est appuyée sur une conception erronée des prestations de grossesse lorsqu’elle a jugé que deux parents ne pouvaient pas recevoir les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées l’un après l’autre si la période de prestations parentales s’appliquait. La division générale s’était fondée sur des renseignements non pertinents fournis par des agents de Service Canada et avait fait des suppositions erronées sur l’intention législative derrière les modifications pertinentes à la Loi sur l’assurance‑emploi.

[27] Le prestataire soutient que le libellé de la Loi sur l’assurance-emploi est imprécis, incomplet et ambigu. Il affirme que la division générale n’a pas mal interprété la Loi dans sa décision, mais qu’elle l’a réinterprétée en se fondant sur des principes juridiques généraux. Le prestataire soutient que je devrais rejeter l’appel.

La division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation des articles 23(2) et 23(4) de la Loi sur l’assurance‑emploi

[28] La division générale a fondé son interprétation de la Loi sur l’assurance-emploi sur un conflit apparent entre son article 23(4), qui permet aux prestataires de recevoir des semaines supplémentaires de prestations parentales partagées, et la période de prestations parentales prévue à l’article 23(2). Je conclus que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de tenir compte du texte de l’article 23(2) dans son exercice d’interprétation de la Loi.

[29] Les cours ont affirmé que lorsque le Tribunal interprète une loi, il doit en examiner attentivement le texte, le contexte et l’objetNote de bas de page 16. La décision de la division générale était axée sur l’objet de la Loi sur l’assurance-emploi et sur le conflit apparent entre ses articles 23(2) et 23(4). Cependant, la division générale n’a pas tenu compte du libellé réel de ces articles. Il s’agit d’une erreur de droit.

[30] Dans sa décision, la division générale a rejeté l’argument de la Commission selon lequel le libellé de l’article 23 est clair. Toutefois, la division générale n’a pas inclus le texte de l’article 23(2) dans sa décision ni interprété les termes utilisés dans cet article.

[31] La division générale a affirmé que de nombreuses décisions du Tribunal font état de situations où des agents de la Commission ont dit à des prestataires qu’ils avaient le droit de recevoir des prestations parentales partagées au-delà de leur période de prestations parentalesNote de bas de page 17. La division générale s’est appuyée sur ce fait pour affirmer que le libellé de l’article 23 Loi sur l’assurance-emploi n’est pas clair.

[32] Comme il a été mentionné précédemment, la division générale a donné trois raisons pour lesquelles elle a conclu que la Loi sur l’assurance-emploi n’est pas claire. Premièrement, la division générale a estimé qu’il y a un conflit entre la période de prestations parentales et les semaines supplémentaires de prestations. Elle a fondé cette conclusion sur le fait qu’au cours d’une période de prestations parentales de 52 semaines, il n’est mathématiquement pas possible pour deux parents de recevoir l’un après l’autre 40 semaines de prestations standards après que la mère ait reçu 15 semaines de prestations de grossesseNote de bas de page 18.

[33] La division générale a noté que la Loi sur l’assurance-emploi ne dit pas que deux parents doivent demander les semaines supplémentaires de prestations partagées en même temps pour pouvoir les recevoir. Pour cette raison, elle a conclu qu’il y avait un conflit entre les articles 23(2) et 23(4)Note de bas de page 19.

[34] La division générale a commis une erreur de droit en concluant qu’il y a un conflit entre les articles 23(2) et 23(4) parce qu’il n’y a aucune exigence que les prestations soient versées en même temps. Il y a des situations où deux parents peuvent recevoir les semaines supplémentaires de prestations l’un après l’autre au cours d’une période de prestations standards de 52 semaines ou d’une période de prestations prolongées de 78 semaines :

  • Les prestataires qui adoptent un enfant n’ont pas droit à des semaines de prestations de grossesse et peuvent donc recevoir les semaines supplémentaires de prestations l’un après l’autre.
  • La division générale a commis une erreur en interprétant de manière erronée le fonctionnement des prestations de grossesse. Les prestataires peuvent recevoir ces prestations jusqu’à 12 semaines avant la date présumée de leur accouchement. Dans les cas où des prestations de grossesse sont demandées avant la naissance de l’enfant, deux parents peuvent être en mesure de recevoir l’un après l’autre une partie ou la totalité des semaines supplémentaires de prestations partagées.

[35] Je reconnais que de nombreux prestataires se trouveront dans la même situation que le prestataire, où la mère a demandé des prestations de grossesse à partir du moment de la naissance de l’enfant ou aux alentours de celle-ci. La période de prestations parentales empêcherait deux parents dans cette situation de recevoir les semaines supplémentaires de prestations l’un après l’autre.

[36] Cependant, la division générale a eu tort de conclure que le législateur aurait inclus une disposition exigeant que les prestataires demandent les semaines supplémentaires de prestations en même temps s’il avait voulu que la période de prestations parentales s’applique. La division générale n’a pas tenu compte des situations dans lesquelles les prestataires peuvent recevoir les semaines supplémentaires de prestations l’un après l’autre.

[37] Deuxièmement, la division générale a jugé que les articles de la Loi sur l’assurance-emploi relatifs à la période de prestations parentales, soit les articles 23(2) à 23(3.4), ne font pas référence aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagées. Pour cette raison, elle a conclu que la Loi sur l’assurance‑emploi ne précise pas si la période de prestations parentales s’applique aux semaines supplémentaires de prestations partagéesNote de bas de page 20.

[38] Cependant, aucun de ces articles ne parle d’un certain nombre de semaines de prestations. La mention « [s]ous réserve de l’article 12 » qui figure à l’article 23(2) renvoie aux maximums prévus.

[39] L’article 12 de la Loi sur l’assurance-emploi établit le nombre maximal de semaines de prestations qui peuvent être versées à une partie prestataire. Il se lit comme suit :

12 (1) Une fois la période de prestations établie, des prestations peuvent, à concurrence des maximums prévus au présent article, être versées au prestataire pour chaque semaine de chômage comprise dans cette période.

[40] L’article 12(4) parle des semaines supplémentaires de prestations parentales partagées. Il se lit comme suit :

(4) Les prestations ne peuvent être versées :

  1. a) dans le cas d’une seule et même grossesse, pendant plus de quinze semaines;
  2. b) dans le cas de soins à donner à un ou plusieurs nouveau‑nés d’une même grossesse ou du placement d’un ou de plusieurs enfants en vue de leur adoption pendant plus du nombre de semaines ci-après :
    1. (i) dans le cas où le nombre maximal de semaines choisi aux termes du paragraphe 23(1.1) est prévu au sous‑alinéa (3)b)(i), trente-cinq semaines ou, si les semaines de prestations qui peuvent être versées sont partagées en conformité avec cet article 23, quarante semaines,
    2. (ii) dans le cas où le nombre maximal de semaines choisi aux termes du paragraphe 23(1.1) est prévu au sous‑alinéa (3)b)(ii), soixante et une semaines ou, si les semaines de prestations qui peuvent être versées sont partagées en conformité avec cet article 23, soixante‑neuf semainesNote de bas de page 21.
    3. [mis en évidence par la soussignée]

[41] La division générale n’a pas tenu compte du texte intégral de l’article, en particulier des termes « [s]ous réserve de l’article 12 » figurant à l’article 23(2).

[42] Enfin, la division générale a noté que les modifications visant à offrir les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées contiennent des précisions. Plus précisément, elle a noté que l’article 23(4.1) précise qu’« [i]l est entendu que » le nombre total de semaines de prestations parentales pouvant être versées relativement au même enfant ou aux mêmes enfants est limité à 40 semaines de prestations standards ou à 69 semaines de prestations prolongéesNote de bas de page 22. L’article 23(4.11) précise que chaque prestataire ne peut recevoir plus de 35 semaines de prestations standards ou de 61 semaines de prestations prolongées lorsque les prestations sont partagéesNote de bas de page 23.

[43] La division générale a conclu que ces précisions ne fixaient pas de limite à la période de prestations parentales et ne disaient pas que les semaines supplémentaires de prestations devaient être demandées en même temps. Elle a conclu que le législateur aurait inclus une disposition précisant que la période de prestations parentales s’appliquait ou que les semaines supplémentaires de prestations devaient être demandées en même temps si telle était son intentionNote de bas de page 24. Le fait qu’il n’avait pas inclus cette précision montrait que la Loi sur l’assurance-emploi n’était pas claire.

[44] Comme nous l’avons vu plus haut, la division générale n’a pas tenu compte des situations dans lesquelles des prestataires peuvent recevoir les semaines supplémentaires de prestations l’un après l’autre lorsqu’elle a décidé que le législateur aurait inclus une disposition exigeant que les prestations soient demandées en même temps si telle était son intention.

[45] Selon l’interprétation de la division générale de l’article 23(4), la période de prestations parentales ne s’applique pas aux 5 semaines supplémentaires de prestations standards et aux 8 semaines supplémentaires de prestations prolongées lorsque les prestations parentales sont partagées, mais elle s’applique vraisemblablement aux 35 semaines de prestations standards et aux 61 semaines de prestations prolongées qu’une partie prestataire peut recevoir.

[46] Cela voudrait dire qu’une partie prestataire pourrait demander les 5 ou 8 semaines supplémentaires de prestations parentales à tout moment. Si la période de prestations parentales ne s’applique pas à ces semaines supplémentaires, rien dans le libellé de l’article 23 n’indique que ces semaines doivent être demandées immédiatement après la fin des prestations de l’autre prestataire.

[47] La division générale a jugé que seules les 5 ou 8 semaines supplémentaires de prestations parentales partagées ne sont pas assujetties à la période de prestations parentales. Les articles 23(4), 23(4.1) et 23(4.11) ne font pas explicitement référence à 5 ou à 8 semaines supplémentaires de prestations. Deux prestataires peuvent choisir de diviser les 40 ou 69 semaines comme bon leur semble.

[48] J’estime que le libellé de l’article 23 n’appuie pas l’interprétation de la division générale selon laquelle la période de prestations parentales s’applique aux 35 et aux 61 semaines de prestations parentales partagées, mais pas aux semaines supplémentaires.

[49] La division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 23 lorsqu’elle a conclu que le libellé n’était pas clair et que les dispositions relatives à la période de prestations parentales entraient en conflit avec l’article qui prévoit des semaines supplémentaires de prestations parentales partagées.

[50] La division générale n’a pas tenu compte du libellé réel des articles 23(2) et 23(4). Elle s’est concentrée sur l’objet de la Loi sur l’assurance-emploi pour conclure que ces articles ne sont pas clairs plutôt que d’en examiner le texte.

Je vais corriger l’erreur de la division générale en rendant la décision qu’elle aurait dû rendre

[51] La division générale a fondé sa décision sur une mauvaise interprétation de la Loi sur l’assurance-emploi, ce qui constitue une erreur de droit. Cela signifie que je peux remplacer la décision de la division générale par ma propre décision ou renvoyer l’affaire à la division générale pour un réexamenNote de bas de page 25. Je peux trancher toute question de droit ou de fait pour rendre une décision sur l’appel du prestataireNote de bas de page 26.

[52] Dans la présente affaire, j’estime qu’il convient que je remplace la décision de la division générale par ma propre décision. Le dossier est complet et les parties ont eu pleinement l’occasion de présenter leurs arguments à la division généraleNote de bas de page 27.

Le prestataire ne peut pas recevoir de prestations en dehors de sa période de prestations parentales

[53] J’ai conclu que la division générale a commis une erreur dans son interprétation des articles 23(4) et 23(2) de la Loi sur l’assurance-emploi. Je dois maintenant interpréter la Loi. Pour ce faire, je dois lire les termes de la Loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit et l’objet de la Loi ainsi que l’intention du législateurNote de bas de page 28.

[54] La Commission affirme que le libellé de l’article 23(2) est précis et sans équivoque. Elle dit que l’interprétation de la division générale aurait dû aboutir à la conclusion que celui-ci est clair et qu’aucune autre analyse n’est nécessaire.

[55] Le prestataire fait valoir que le libellé de la Loi sur l’assurance-emploi n’est pas clair. Il dit que la division générale n’a pas mal interprété la Loi et que les lois conférant des avantages devraient être interprétées de façon libérale.

[56] Le prestataire soutient également que la Commission devrait être tenue responsable des renseignements incomplets fournis. Il affirme que le gouvernement a fourni des renseignements imprécis et inexacts aux prestataires et sur son site Web et que cela devrait être pris en compte.

[57] Je suis d’accord avec la Commission pour dire que le libellé de l’article 23(2) est clair. Cependant, je ne suis pas d’accord pour dire que cela met fin à l’exercice d’interprétation de la Loi sur l’assurance-emploi. Je dois tenir compte du contexte global des articles à interpréterNote de bas de page 29.

[58] La Commission s’appuie sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Hypothèques Trustco Canada c Canada. Dans cette affaire, la Cour a déclaré que lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, il joue un rôle primordial dans le processus d’interprétationNote de bas de page 30. Lorsque le libellé d’une disposition est clair, son sens ordinaire joue un rôle plus important dans l’interprétationNote de bas de page 31.

[59] Cependant, la Cour a également affirmé que nous devons « [aller] au-delà du simple texte des dispositions et adopte[r] une méthode d’interprétation contextuelle et téléologique en vue de dégager un sens qui s’harmonise le libellé, l’objet et l’esprit des dispositionsNote de bas de page 32 ».

[60] Le libellé de la Loi sur l’assurance-emploi ne peut être interprété indépendamment de son contexte et de son objet. Dans l’affaire Hypothèques Trustco Canada c Canada, la Cour a également affirmé que la prise en compte du contexte et de l’objet d’une loi peut révéler des ambiguïtés dans un libellé apparemment clairNote de bas de page 33.

[61] Je vais examiner le libellé des articles 23(2) et 23(4), leur contexte dans la Loi sur l’assurance-emploi, l’objet de la Loi et l’intention du législateur.

Le libellé de la Loi sur l’assurance-emploi est clair

[62] La Commission soutient que le libellé de la Loi sur l’assurance-emploi est précis et sans équivoque, de sorte qu’il devrait jouer un rôle primordial dans l’interprétation des dispositions. Comme les termes des articles pertinents sont importants, je reproduis ci-dessous leur texte intégral.

[63] La période de prestations parentales est prévue à l’article 23(2) de la Loi sur l’assurance-emploi :

Semaines pour lesquelles des prestations peuvent être payées

(2) Sous réserve de l’article 12, les prestations visées au présent article sont payables pour chaque semaine de chômage comprise dans la période qui

  1. a) commence la semaine de la naissance de l’enfant ou des enfants du prestataire ou celle au cours de laquelle le ou les enfants sont réellement placés chez le prestataire en vue de leur adoption;
  2. b) se termine cinquante-deux semaines après la semaine de la naissance de l’enfant ou des enfants du prestataire ou celle au cours de laquelle le ou les enfants sont ainsi placés.

[64] La Loi sur l’assurance-emploi énonce ensuite certaines circonstances dans lesquelles la période de prestations parentales peut être prolongée :

  • lorsque l’enfant est hospitalisé;
  • lorsqu’une partie prestataire est déployée;
  • lorsqu’une partie prestataire reçoit plusieurs prestations spéciales;
  • lorsqu’une partie prestataire choisit de recevoir des prestations parentales prolongées;
  • lorsqu’il y a certaines combinaisons de prestations régulières et de prestations spécialesNote de bas de page 34.

[65] En 2018, la Loi sur l’assurance-emploi a été modifiée pour ajouter l’article 23(4) qui permet à deux prestataires de partager jusqu’à 40 semaines de prestations parentales standards ou 69 semaines de prestations parentales prolongéesNote de bas de page 35. Cet article permet aux prestataires qui choisissent de partager les prestations parentales de recevoir 5 semaines supplémentaires de prestations standards ou 8 semaines supplémentaires de prestations prolongées. Il se lit comme suit :

Partage des semaines de prestations

(4) deux prestataires présentent chacun une demande de prestations au titre du présent article — ou si un prestataire présente une telle demande et qu’un particulier présente une demande de prestations au titre de l’article 152.05 — relativement au même enfant ou aux mêmes enfants, les semaines de prestations qui doivent être payées au titre du présent article, de l’article 152.05 ou de ces deux articles peuvent être partagées entre eux, jusqu’à concurrence de quarante semaines lorsque le nombre maximal de semaines choisi aux termes des paragraphes (1.1) ou 152.05(1.1) est prévu aux sous-alinéas 12(3)b)(i) ou 152.14(1)b)(i) ou de soixante-neuf semaines lorsque ce nombre est prévu aux sous-alinéas 12(3)b)(ii) ou 152.14(1)b)(ii). S’ils n’arrivent pas à s’entendre, le partage des semaines de prestations doit être effectué conformément aux règles prévues par règlement.

[66] Les modifications précisent également qu’une partie prestataire ne peut recevoir plus de 35 semaines de prestations standards ou de 61 semaines de prestations prolongées. L’article 23(4.11) se lit comme suit :

(4.11) Même lorsqu’il y a partage conformément aux paragraphes (4) et (4.1), le nombre maximal de semaines pour lesquelles des prestations peuvent être versées à un prestataire est de trente‑cinq ou de soixante et une semaines, conformément au choix visé aux paragraphes (1.1) ou 152.05(1.1).

[67] Les premiers mots de l’article 23(2) sont les suivants : « [s]ous réserve de l’article 12, les prestations visées au présent article sont payables pour chaque semaine de chômage dans la période […] » [mis en évidence par la soussignée]. Les semaines supplémentaires de prestations partagées sont prévues à l’article 23(4), qui en fait des prestations au titre de l’article 23.

[68] Selon le libellé clair de l’article 23, les prestations payables au titre de l’article 23 se limitent à la période de prestations parentales prévue à l’article 23(2). Rien dans la Loi sur l’assurance-emploi ne laisse entendre que les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées ne sont pas des prestations au titre de l’article 23.

[69] J’ai également examiné les termes « [s]ous réserve de l’article 12 » qui figurent à l’article 23(2). Les parties pertinentes de l’article 12 sont reproduites aux paragraphes 46 et 47 ci-dessus. Comme je l’ai dit, j’estime que les semaines supplémentaires sont visées par l’article 12(4).

[70] Je juge que le libellé de l’article 23 est clair. Cet article traite de toutes les prestations parentales, ce qui inclut les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées prévues à l’article 23(4).

[71] L’article 23(2) précise à quel moment les prestations prévues à l’article 23 peuvent être versées. À sa simple lecture, il est clair que la période de prestations parentales s’applique à toutes les prestations prévues à l’article 23, y compris les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées. Cela est confirmé par l’utilisation de l’expression « [s]ous réserve de l’article 12 », puisque les semaines supplémentaires sont mentionnées à l’article 12(4).

[72] Comme nous l’avons indiqué, l’analyse ne s’arrête pas au sens ordinaire du texte. Ayant jugé que le libellé est clair, celui-ci doit jouer un rôle primordial dans l’interprétationNote de bas de page 36. Cependant, je dois aussi examiner le contexte pour déterminer si cette interprétation est conforme avec l’objet de la Loi sur l’assurance-emploi et l’intention du législateur.

Le contexte et l’objet des dispositions relatives aux prestations parentales

[73] Les prestations prévues par la Loi sur l’assurance-emploi sont payables au cours d’une période de prestations. L’article 10 de la Loi concerne le début, la durée et la fin de la période de prestations. Cette période commence lorsqu’une partie prestataire subit un arrêt de rémunération. Une partie prestataire doit faire établir une période de prestations pour recevoir des prestations.

[74] La période de prestations parentales est la période pendant laquelle des prestations parentales peuvent être versées. Les prolongations de la période de prestations parentales permises par la Loi sur l’assurance-emploi correspondent aux prolongations de la période de prestations prévues à l’article 10Note de bas de page 37. Cela signifie qu’une partie prestataire qui a droit à une prolongation de sa période de prestations parentales verra également sa période de prestations prolongée, pour qu’elle puisse recevoir des prestations.

[75] Si la période de prestations parentales ne s’appliquait pas aux semaines supplémentaires de prestations, comme l’a conclu la division générale, on peut supposer qu’une partie prestataire se fierait à sa période de prestations au titre de l’article 10 pour s’assurer de son admissibilité.

[76] Cependant, le versement des prestations parentales dépend de la période de prestations parentales et non de la période de prestations. La Cour d’appel fédérale a affirmé ce qui suit :

S’il ne fait aucun doute que la période de prestations visée aux articles 9 et 10 de la Loi est établie en fonction spécifiquement du prestataire, il n’en est pas ainsi pour la période pendant laquelle des prestations parentales peuvent être versées au titre du paragraphe 23(2). L’établissement de cette dernière période se rattache à la naissance d’un ou de plusieurs enfants (voir le paragraphe 23(2)). Par conséquent, même si deux prestataires peuvent chacun demander des prestations parentales pour prendre soin d’un ou de plusieurs enfants, et si une période de prestations doit être établie au profit de chacun des prestataires séparément, les prestations parentales ne peuvent être versées que pendant la période visée par le paragraphe 23(2), peu importe quand commence et se termine la période de prestations de l’un ou l’autre prestataireNote de bas de page 38.

[77] Les prestations parentales ont pour objectif de compenser l’arrêt de rémunération des parents admissibles qui prennent congé pour prendre soin d’un nouveau-né ou d’un enfant adopté. Ces dispositions ne sont pas axées sur les besoins des parents. L’objet de la Loi sur l’assurance-emploi est d’offrir à ces parents un revenu de remplacement pour une période limitéeNote de bas de page 39.

[78] La Commission soutient que rien n’indique que le législateur avait l’intention de modifier la période de prestations parentales ou de faire en sorte que tous les parents puissent demander les semaines supplémentaires de prestations l’un après l’autre.

[79] Dans certaines circonstances, des parents peuvent recevoir les semaines supplémentaires de prestations l’un après l’autre, alors que d’autres parents devront les demander en même temps pour recevoir 40 ou 69 semaines de prestations. Que deux parents reçoivent les semaines de prestations l’un après l’autre ou en même temps, ils disposent de plus de semaines pour partager les responsabilités parentales. Ils peuvent partager des semaines supplémentaires de prestations parentales, ce qui n’était pas le cas avant les modifications pertinentes. Le sens ordinaire du texte est conforme à l’objectif d’encourager les parents à partager les responsabilités parentales.

[80] J’estime que le libellé de l’article 23 est clair. Il aurait peut-être été préférable que le législateur prévoie une prolongation de la période de prestations parentales afin de permettre à tous les parents de recevoir les semaines supplémentaires l’un après l’autre. Cependant, on ne peut faire fi des termes d’une loi pour interpréter une disposition d’une façon qui correspond mieux à l’objet de la loiNote de bas de page 40.

[81] Bien qu’il soit vrai qu’une loi conférant des avantages doit être interprétée de façon large et libérale, cette approche interprétative ne peut être utilisée pour exclure une restriction expressément prévue dans une loiNote de bas de page 41. Interpréter l’article 23(4) comme permettant à une partie prestataire de recevoir 5 ou 8 semaines supplémentaires en dehors de sa période de prestations parentales reviendrait à exclure la restriction expresse prévue à l’article 23(2).

[82] De plus, les tribunaux ont dit que pour qu’il y ait ambiguïté dans un texte, l’ambiguïté doit être réelle. Cela signifie que le texte doit être raisonnablement susceptible de donner lieu à plus d’une interprétationNote de bas de page 42.

[83] Je ne crois pas que le texte soit raisonnablement susceptible de donner lieu à l’interprétation selon laquelle la période de prestations parentales ne s’applique pas aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagées. La prise en compte du contexte et de l’objet de la Loi sur l’assurance-emploi ne révèle aucune ambiguïté dans le libellé clair de l’article. Le sens ordinaire de l’article est conforme à l’objet de la Loi et à l’intention du législateur.

[84] Si la période de prestations parentales s’applique aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagées, de nombreux parents dans la même situation que le prestataire ne pourront pas demander ces semaines l’un après l’autre. Il ne semble pas logique d’exiger de certains parents qu’ils demandent ces semaines en même temps tandis que d’autres parents peuvent les demander l’un après l’autre, ou d’exiger qu’une mère demande quelques semaines de prestations de grossesse avant la naissance de son enfant pour pouvoir recevoir les semaines supplémentaires après l’autre parent. Je me suis demandé si cela constituait une absurdité ou, potentiellement, une erreur de rédaction législative.

[85] Un résultat peut être absurde s’il mène à des conséquences ridicules ou futiles, s’il est extrêmement déraisonnable ou inéquitable, s’il est illogique ou incohérent, ou s’il est incompatible avec d’autres dispositions ou avec l’objet du texte législatifNote de bas de page 43.

[86] J’estime que même s’il aurait été plus conforme aux objectifs énoncés de la Loi sur l’assurance-emploi de prolonger la période de prestations parentales pour les parents qui partagent les semaines supplémentaires de prestations, cela ne constitue pas une absurdité.

[87] Certains prestataires pourront demander les semaines supplémentaires de prestations l’un après l’autre, tandis que d’autres devront les demander en même temps. Il s’agit d’une incohérence potentielle dans l’application de la Loi sur l’assurance-emploi selon la situation des prestataires. Toutefois, cette incohérence n’est pas une absurdité.

[88] Comme nous l’avons vu plus haut, si la période de prestations parentales ne s’appliquait pas aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagées, les prestataires pourraient demander 5 ou 8 semaines de prestations parentales en tout temps. J’estime qu’il s’agirait d’un résultat illogique et incompatible avec les autres articles de la Loi sur l’assurance-emploi.

[89] J’ai examiné si le fait que la période de prestations parentales n’ait pas été modifiée pour inclure une prolongation permettant de demander les semaines supplémentaires de prestations partagées en même temps pouvait être considéré comme une erreur de rédaction législative. En général, une erreur de rédaction peut être corrigée lorsque trois critères sont respectés :

  • l’erreur aboutit à une absurdité manifeste;
  • il est possible d’en retracer l’origine;
  • il est possible d’y remédier par une correction évidenteNote de bas de page 44.

[90] Comme je l’ai dit, je ne pense pas que l’erreur potentielle aboutisse à une absurdité manifeste.

[91] Il y a aussi une différence entre une erreur de rédaction et une lacune dans une loi. Il y a une lacune dans une loi lorsqu’elle est trop restrictive et appliquée de façon plus étroite qu’elle ne le devrait. Dans la présente affaire, la Loi sur l’assurance-emploi ne permet pas à certains prestataires de demander les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées en même temps. Il est possible de remédier à la portée trop restrictive de la Loi par voie de loi et non par l’inclusion par interprétation d’une exception qui n’y figure pas. Cela relève de la modification de la loi, dont il convient de laisser la réalisation au législateurNote de bas de page 45.

[92] Le législateur n’a pas modifié la période de prestations parentales ni prévu d’exception pour les semaines supplémentaires. Si cette décision n’était pas intentionnelle, j’estime que l’absence de prolongation de la période de prestations parentales serait une lacune dans la Loi sur l’assurance-emploi plutôt qu’une erreur de rédaction.

[93] Étant donné que le législateur avait déjà prolongé la période de prestations parentales, par exemple lorsqu’il a introduit les prestations parentales prolongées, il faut tenir compte de la probabilité qu’il n’ait pas eu l’intention de modifier la période de prestations parentales. Le libellé de l’article 23(2) indique clairement que la période s’applique aux prestations visées par l’article. Cela donne à penser que le législateur devait estimer que l’article 23(2) s’appliquerait aux semaines de prestations prévues à l’article 23(4).

[94] Le prestataire soutient que la jurisprudence appuie la position selon laquelle des informations erronées fournies par Commission peuvent être pertinentesNote de bas de page 46. Les décisions qu’il cite concernent le choix que des prestataires ont fait entre les prestations standards et les prestations parentales. Dans ces décisions, le Tribunal a tenu compte des informations erronées fournies par la Commission pour décider si les prestataires avaient fait un choix valide entre les prestations parentales standards et les prestations parentales prolongées. Malheureusement, ces décisions ne sont d’aucun secours au prestataire. Il est bien établi que le fait que la Commission ait fourni des renseignements erronés ne l’emporte pas sur la loiNote de bas de page 47.

[95] Je remarque que le prestataire a fait tout son possible pour s’assurer de respecter la loi lorsqu’il a présenté une demande de prestations parentales partagées. Il demande à la Commission de lui rendre des comptes pour les renseignements inexacts qu’il a reçus. Je comprends sa frustration. Je suis sensible à la situation du prestataire et à la situation similaire de nombreux autres prestataires. Cependant, je dois interpréter et appliquer la Loi sur l’assurance-emploi; je ne peux pas la réécrireNote de bas de page 48.

[96] J’estime que la Loi sur l’assurance-emploi est claire. Les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées sont des prestations visées par l’article 23. Cela signifie que la période de prestations parentales s’applique et que les prestations ne peuvent pas être versées en dehors de cette période.

Conclusion

[97] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation des articles 23(2) et 23(4) de la Loi sur l’assurance-emploi. Le prestataire n’est pas admissible à des prestations parentales après la fin de sa période de prestations parentales.

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