Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c IF, 2022 TSS 261

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelantes : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Jared Porter
Partie intimée : I. F.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 18 novembre 2021 (GE-21-2016)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 14 février 2022
Personnes présentes à l’audience : Représentant de l’appelante
intimé
Date de la décision : Le 15 avril 2022
Numéro de dossier : AD-21-428

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations parentales en dehors de sa période de prestations parentales.

Aperçu

[2] Le présent appel porte sur le moment où les prestataires qui partagent des prestations parentales peuvent recevoir ces prestations. Les semaines de prestations parentales partagées peuvent-elles être reçues en dehors de la période de prestations parentales prévue par la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE)?

[3] Le 9 septembre 2021, l’intimé, I. F. (prestataire), a demandé à recevoir cinq semaines de prestations parentales régulières partagées, à compter du 4 juillet 2021. Il a déclaré dans sa demande que son enfant est né le 4 septembre 2020. Le prestataire et sa conjointe avaient décidé de partager le nombre maximal de semaines de prestations parentales régulières permises au titre de la Loi sur l’AE, soit 40 semaines.

[4] L’appelante (la Commission) a dit au prestataire qu’il ne pouvait recevoir aucune semaine de prestations parce que la période de prestations parentales prenait fin 52 semaines après la naissance de son enfant. Le prestataire a demandé une révision, mais la Commission a décidé de maintenir sa décision.

[5] Le prestataire a fait appel auprès de la division générale du Tribunal. La division générale a accueilli son appel en décidant qu’il avait droit à cinq semaines de prestations parentales standard partagées au titre de l’article 23(4) de la Loi sur l’AE. Elle a décidé que les semaines supplémentaires de prestations étaient accordées indépendamment de la période de prestations parentales. Le prestataire pouvait recevoir des prestations plus de 52 semaines après la naissance de son enfant.

[6] La division générale a décidé qu’il y a un conflit entre la période de prestations parentales établie par la Loi sur l’AE et l’article qui prévoit des semaines supplémentaires de prestations parentales partagées. Elle a conclu que la législation (lois du Parlement) n’est pas claire et que l’ambiguïté doit être résolue en faveur du prestataire.

[7] La Commission fait appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel du Tribunal. Elle soutient que la division générale a commis une erreur de droit.

[8] Je suis d’accord. La division générale a mal interprété la loi lorsqu’elle a décidé que la période de prestations parentales ne s’applique pas aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagées.

[9] Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre : le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations parentales en dehors de sa période de prestations parentales.

Questions en litige

[10] Les questions en jeu dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit dans son interprétation des dispositions de la Loi sur l’AE relatives aux prestations parentales partagées?
  2. b) Si oui, comment l’erreur devrait-elle être corrigée?
  3. c) Le prestataire est-il admissible au bénéfice des prestations parentales en dehors de sa période de prestations parentales?

Analyse

[11] Je ne peux intervenir dans cette affaire que si la division générale a commis une erreur pertinente, ce que l’on appelle un « moyen d’appelFootnote 1 ». L’un des moyens d’appel est que la division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision. L’interprétation de la législation est une question de droitFootnote 2.

Contexte

Prestations de grossesse et prestations parentales

[12] La Loi sur l’AE prévoit des prestations de grossesse pour les prestataires admissibles qui prouvent leur grossesseFootnote 3. Les prestations parentales sont versées aux prestataires admissibles pendant qu’elles ou ils s’occupent d’un nouveau-né ou d’un enfant adoptéFootnote 4. Les prestations parentales sont des prestations distinctes des prestations de grossesse. Ces prestations font partie des prestations spéciales disponibles au titre de la Loi sur l’AE.

[13] Les prestataires peuvent recevoir jusqu’à 15 semaines de prestations de grossesse.Footnote 5 Les prestations de grossesse sont payables pendant la période qui commence 12 semaines avant la semaine au cours de laquelle la partie prestataire prévoit d’accoucher ou accouche et qui se termine 17 semaines plus tardFootnote 6.

[14] Lorsqu’elles demandent des prestations de grossesse, les parties prestataires peuvent également demander des prestations parentales, lesquelles seront versées après les 15 semaines de prestations de grossesse qu’elles reçoivent. Les prestataires doivent choisir entre deux types de prestations parentales :

  • Les prestations parentales standard : Le taux de prestations est de 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable de la partie prestataire, jusqu’à concurrence d’un montant maximal. Jusqu’à 35 semaines de prestations sont payables à un seul parent.
  • Prestations parentales prolongées : Le taux de prestations est de 33 % de la rémunération hebdomadaire assurable de la partie prestataire, jusqu’à concurrence d’un montant maximal. Jusqu’à 61 semaines de prestations sont payables à un seul parent.

[15] La Loi sur l’AE prévoit également que, lorsque deux prestataires demandent des prestations parentales pour le même enfant, ils peuvent partager des semaines supplémentaires de prestationsFootnote 7. C’est ce que j’appellerai les « prestations parentales partagées ». Lorsque deux prestataires choisissent de partager les prestations parentales, le nombre maximal de semaines qui peuvent être réparties entre eux est de 40 pour les prestations régulières et de 69 pour les prestations prolongées.

[16] Aucun des deux parents ne peut recevoir plus de 35 semaines de prestations parentales standard ou 61 semaines de prestations parentales prolongées lorsqu’elles sont partagéesFootnote 8. Cela signifie que deux parents recevant des prestations parentales partagées pourraient bénéficier de cinq semaines supplémentaires de prestations parentales standard ou de huit semaines de prestations parentales prolongées.

Période de prestations parentales

[17] L’article de la Loi sur l’AE qui prévoit des prestations parentales définit la période pendant laquelle les prestations parentales peuvent être verséesFootnote 9. C’est ce que l’on appelle souvent la « période de prestations parentales », bien que cette expression n’apparaisse pas dans la Loi sur l’AE. Je désignerai cette période comme la « période de prestations parentales » dans les présents motifs.

[18] Le point de départ de la Loi sur l’AE est que la période de prestations parentales se termine 52 semaines après la semaine de la naissance de l’enfant, ou la date du placement en cas d’adoptionFootnote 10. Cette période peut être prolongée dans certaines circonstancesFootnote 11. Lorsque les prestataires choisissent de recevoir des prestations parentales prolongées, la période est prolongée de 26 semaines, pour un total de 78 semaines.

Décision de la division générale

[19] L’enfant du prestataire est né le 4 septembre 2020. Lui et sa femme ont accepté de partager 40 semaines de prestations parentales standard. Sa femme a reçu 15 semaines de prestations de grossesse, suivies de 35 semaines de prestations parentales standard.

[20] Le 9 septembre 2021, le prestataire a demandé cinq semaines de prestations parentales standard. La Commission a décidé que le prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations parce que la période de prestations parentales était terminée.

[21] La division générale a accueilli l’appel du prestataire, estimant qu’il était admissible à cinq semaines de prestations parentales partagées. Elle a décidé qu’il pouvait recevoir ces prestations en dehors de la période de prestations parentales.

[22] La division générale a examiné les modifications apportées à la Loi sur l’AE en 2018, qui ont introduit les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées (les modifications pertinentes)Footnote 12. Les modifications ont permis aux parents qui ont choisi de partager les prestations parentales de recevoir cinq semaines supplémentaires de prestations parentales standard et huit semaines de prestations parentales prolongées. La division générale a conclu que la législation n’est pas claire quant à savoir si la période de prestations parentales s’applique aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagéesFootnote 13.

[23] La division générale a donné trois raisons pour conclure que la législation n’est pas claire :

  • Il y a un conflit entre la période de prestations parentales et la disposition qui prévoit des semaines supplémentaires de prestations parentales partagées.
  • Les dispositions de la Loi sur l’AE relatives à la période de prestations parentales ne font pas référence aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagées.
  • Les modifications pertinentes ajoutant les semaines supplémentaires de prestations comprenaient des clarifications importantes, mais ne faisaient pas référence à la période de prestations parentales.

[24] Ayant constaté l’existence d’une ambiguïté dans la législation, la division générale a décidé que l’ambiguïté devait être résolue en faveur du prestataireFootnote 14. Elle a conclu que la période de prestations parentales ne s’applique pas aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagées (cinq semaines pour les prestations standard ou huit semaines pour les prestations prolongées). Le prestataire pouvait recevoir toutes les semaines de prestations parentales partagées qu’il désiraitFootnote 15.

L’appel de la Commission devant la division d’appel

[25] La Commission fait valoir que la division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation des dispositions relatives à la période de prestations parentales. Elle affirme que les termes de la Loi sur l’AE sont précis et non équivoques (non ambigus) : ils indiquent clairement que les prestataires ne peuvent pas recevoir de prestations parentales en dehors de la période de prestations parentales.

[26] La Commission soutient que la division générale n’a pas suivi la bonne approche pour interpréter les dispositions de la Loi sur l’AE. Elle affirme que le libellé (les mots) de la loi est clair et aurait dû jouer un rôle dominant dans l’interprétation de la division générale. La Commission soutient que, au lieu de se concentrer sur le libellé clair de l’article 23 de la Loi sur l’AE, la division générale a trouvé à tort une contradiction dans la législation.

[27] La Commission affirme également que la division générale s’est appuyée sur une conception erronée des prestations de grossesse lorsqu’elle a estimé que deux parents ne pouvaient pas prendre les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées de manière séquentielle si la période de prestations parentales s’appliquait. Elle s’est appuyée sur des renseignements non pertinents fournis par les agents de Service Canada et a fait des suppositions incorrectes sur l’intention législative derrière les modifications pertinentes de la Loi sur l’AE.

[28] Le prestataire n’a pas déposé d’observations ni présenté d’arguments oraux lors de l’audience de la division d’appel.

La division générale a commis une erreur de droit en concluant que la période de prestations parentales ne s’applique pas

[29] La division générale a fondé son interprétation de la législation sur un conflit perçu entre l’article 23(4) de la Loi sur l’AE, qui accorde des semaines supplémentaires de prestations parentales partagées et la période de prestations parentales prévue à l’article 23(2). J’estime que la division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte du texte de l’article 23(2) dans son exercice d’interprétation des lois.

[30] Au moment d’interpréter une loi, les tribunaux ont déclaré que le Tribunal doit tenir compte du texte, du contexte et de l’objet de la loiFootnote 16. La décision de la division générale s’est concentrée sur l’objet de la loi et sur le conflit perçu entre les articles. Cependant, la division générale n’a pas examiné correctement le libellé réel des articles 23(2) et 23(4). Cela constitue une erreur de droit.

[31] Dans sa décision, la division générale a rejeté l’argument de la Commission selon lequel le libellé de l’article est clair. Cependant, la division générale n’a pas inclus le texte de l’article 23(2) dans sa décision ni interprété les mots utilisés dans cet article.

[32] La division générale a déclaré que de nombreuses décisions du Tribunal font état de circonstances dans lesquelles les agentes et agents de la Commission ont dit aux prestataires qu’ils avaient le droit de demander des prestations parentales partagées au-delà de la période de prestations parentalesFootnote 17. Elle s’est appuyée sur ce fait pour indiquer que le libellé n’est pas clair.

[33] Comme mentionné ci-dessus, la division générale a donné trois raisons pour conclure que la législation n’est pas claire. Premièrement, la division générale a conclu qu’il y a un conflit entre la période de prestations parentales et les semaines supplémentaires de prestations. Elle a fondé cette conclusion sur le fait qu’il est mathématiquement impossible, dans une période de 52 semaines de prestations parentales, que deux parents prennent 40 semaines successives de prestations parentales standard après que le parent qui porte l’enfant ait reçu 15 semaines de prestations de grossesseFootnote 18.

[34] La division générale a fait remarquer que rien dans la Loi sur l’AE ne dit que les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées doivent chevaucher les prestations de l’autre parent pour que les parents soient sûrs de les recevoir. Pour cette raison, elle a conclu qu’il y a un conflit entre les articlesFootnote 19.

[35] La division générale a commis une erreur de droit en concluant que les articles sont en conflit parce qu’il n’y a aucune exigence voulant que les prestations soient prises simultanément. Dans certaines situations, les deux parents peuvent prendre les semaines supplémentaires de prestations de façon séquentielle dans le cadre de la période standard de 52 ou de 78 semaines de prestations parentales :

  • Les semaines supplémentaires de prestations s’appliquent aux prestataires qui adoptent et n’auraient pas à tenir compte des semaines de prestations de grossesse. Ces parents peuvent prendre les semaines supplémentaires de prestations de façon séquentielle.
  • La division générale a commis une erreur en interprétant de manière erronée le fonctionnement des prestations de grossesse. Ces prestations peuvent être touchées jusqu’à 12 semaines avant la date prévue de l’accouchement. Dans les situations où les prestations de grossesse sont perçues avant la naissance de l’enfant, les deux parents peuvent avoir la possibilité de prendre une partie ou la totalité des semaines supplémentaires de prestations parentales partagées de manière séquentielle.

[36] Je reconnais que de nombreuses parties prestataires se trouveront dans la même situation que le prestataire, le parent qui a eu l’enfant ayant touché des prestations de grossesse à partir du moment de la naissance ou à peu près. Pour ces parents, la période de prestations parentales empêcherait deux prestataires de prendre les semaines supplémentaires de façon séquentielle.

[37] Toutefois, la division générale a eu tort de conclure que le Parlement aurait inclus une disposition exigeant le chevauchement des semaines supplémentaires s’il avait voulu que la période de prestations parentales s’applique. La division générale a ignoré les circonstances dans lesquelles les prestataires peuvent prendre les semaines de manière séquentielle.

[38] Deuxièmement, la division générale a conclu qu’il n’y a aucune référence aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagées dans les articles concernant la période de prestations parentales (articles 23(2) à 23(3.4) de la Loi sur l’AE). Pour cette raison, elle a conclu que la Loi sur l’AE ne dit pas si la période de prestations parentales s’applique aux semaines supplémentaires de prestations partagéesFootnote 20.

[39] Toutefois, aucun de ces articles ne fait spécifiquement référence à un certain nombre de semaines de prestations. En incluant « [s]ous réserve de l’article 12 », l’article 23(2) fait référence au nombre maximal de semaines applicables.

[40] L’article 12 de la Loi sur l’AE établit le nombre maximal de semaines de prestations qui peuvent être versées à une partie prestataire. L’article 12(1) se lit comme suit :

12 (1) Une fois la période de prestations établie, des prestations peuvent, à concurrence des maximums prévus au présent article, être versées au prestataire pour chaque semaine de chômage comprise dans cette période.

[41] L’article 12(4) fait référence aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagées. Il se lit comme suit :

(4) Les prestations ne peuvent être versées :

  1. a) dans le cas d’une seule et même grossesse, pendant plus de quinze semaines;
  2. b) dans le cas de soins à donner à un ou plusieurs nouveau-nés d’une même grossesse ou du placement d’un ou de plusieurs enfants en vue de leur adoption pendant plus du nombre de semaines ci-après :
    1. (i) dans le cas où le nombre maximal de semaines choisi aux termes du paragraphe 23(1.1) est prévu au sous-alinéa (3)b)(i), trente-cinq semaines ou, si les semaines de prestations qui peuvent être versées sont partagées en conformité avec cet article 23, quarante semaines,
    2. (ii) dans le cas où le nombre maximal de semaines choisi aux termes du paragraphe 23(1.1) est prévu au sous-alinéa (3)b)(ii), soixante et une semaines ou, si les semaines de prestations qui peuvent être versées sont partagées en conformité avec cet article 23, soixante-neuf semainesFootnote 21.

      [mis en évidence par la soussignée]

[42] La division générale n’a pas tenu compte du texte intégral de l’article, en particulier des mots « [s]ous réserve de l’article 12 » de l’article 23(2).  

[43] Finalement, la division générale a noté que les modifications qui ont introduit les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées comprenaient des clarifications. Plus précisément, elle a noté que l’article 23(4.1) précise qu’ « [i]l est entendu » que le nombre total de semaines de prestations parentales qui peuvent être versées pour le même enfant ou les mêmes enfants est de 40 pour les prestations régulières et de 69 pour les prestations prolongéesFootnote 22. L’article 23(4.11) indique clairement que chaque prestataire ne peut obtenir plus de 35 ou 61 semaines lorsque les prestations sont partagéesFootnote 23.

[44] La division générale a conclu que ces clarifications ne fixaient pas de limite à la période de prestations parentales et ne précisaient pas que les prestations devaient se chevaucher. Elle a conclu que le Parlement aurait inclus une disposition indiquant que la période de prestations parentales s’applique, ou que les prestations doivent se chevaucher, si telle était l’intentionFootnote 24. Le fait qu’il n’ait pas inclus cette clarification montre que la loi n’est pas claire.

[45] Comme nous l’avons vu plus haut, la division générale n’a pas tenu compte des situations dans lesquelles les prestataires peuvent prendre les semaines de façon séquentielle lorsqu’elle a décidé que le Parlement aurait inclus une disposition exigeant le chevauchement des prestations.

[46] Selon l’interprétation de la division générale de l’article 23(4), la période de prestations parentales ne s’applique pas aux cinq semaines supplémentaires de prestations standard ou aux huit semaines supplémentaires de prestations prolongées lorsque les prestations parentales partagées sont perçues de façon séquentielle, mais elle s’applique vraisemblablement aux 35 ou 61 semaines qu’une partie prestataire peut recevoir.

[47] Si la période de prestations parentales ne s’appliquait pas à ces semaines supplémentaires, rien dans le libellé de l’article 23 ne laisse entendre que ces semaines devraient être prises immédiatement après la fin des autres prestations de la partie prestataire. Cela signifie qu’une partie prestataire pourrait prendre les cinq ou huit semaines supplémentaires de prestations parentales à tout moment.

[48] La division générale a conclu que seules les cinq ou huit semaines supplémentaires de prestations parentales partagées ne sont pas couvertes par la période de prestations parentales. Les articles 23(4), 23(4.1) ou 23(4.11) ne font pas explicitement référence à cinq ou huit semaines supplémentaires de prestations. Deux prestataires peuvent choisir de répartir les 40 ou 69 semaines comme ils le souhaitent.

[49] J’estime que le libellé de l’article 23 ne peut pas appuyer l’interprétation de la division générale selon laquelle la période de prestations parentales s’applique aux 35 ou 61 semaines de prestations parentales partagées, mais pas aux semaines supplémentaires.

[50] La division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 23 lorsqu’elle a conclu que le libellé n’est pas clair et que les dispositions relatives à la période de prestations parentales entrent en conflit avec l’article qui autorise des semaines supplémentaires de prestations parentales partagées.

[51] La division générale n’a pas tenu compte du libellé réel des articles 23(2) et 23(4). Elle s’est concentrée sur l’objet de la loi lorsqu’elle a conclu que les articles n’étaient pas clairs plutôt que d’examiner le texte de la loi.

Je réparerai l’erreur de la division générale en rendant la décision qu’elle aurait dû rendre

[52] La division générale a fondé sa décision sur une mauvaise interprétation de la législation, ce qui constitue une erreur de droit. Je peux donc substituer ma décision à la sienne ou renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamenFootnote 25. Je peux trancher toute question de droit ou de fait qui est nécessaire pour résoudre l’appel du prestataireFootnote 26.

[53] Dans la présente affaire, j’estime qu’il est approprié que je substitue ma décision à celle de la division générale. Les parties conviennent que je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Le dossier est complet et les parties ont eu l’occasion de présenter leurs arguments à la division généraleFootnote 27.

Le prestataire ne peut pas recevoir de prestations en dehors de la période de prestations parentales

[54] J’ai conclu que la division générale a commis une erreur dans son interprétation des articles 23(4) et 23(2) de la Loi sur l’AE. Je dois maintenant interpréter la législation. Pour ce faire, je dois considérer les mots de la loi dans leur contexte global, selon leur sens grammatical et ordinaire, et en harmonie avec l’économie et l’objet de la Loi sur l’AE, ainsi qu’avec l’intention du ParlementFootnote 28.

[55] La Commission fait valoir que le libellé de l’article 23(2) est précis et sans équivoque. Elle affirme que l’interprétation de la division générale aurait dû se terminer par la conclusion selon laquelle le libellé de l’article est clair et qu’aucune analyse supplémentaire n’est nécessaire.

[56] Je suis d’accord avec la Commission pour dire que le libellé de l’article 23(2) est clair. Toutefois, je ne suis pas d’accord pour dire que cela met fin à l’exercice d’interprétation de la loi. Je dois considérer le contexte global des articles à interpréterFootnote 29.

[57] La Commission s’appuie sur la décision Trusco Canada de la Cour suprême. Dans cette affaire, la Cour a déclaré que les termes précis et non équivoques joueront un rôle dominant dans le processus d’interprétationFootnote 30. Lorsque les mots utilisés sont clairs, leur sens ordinaire joue un rôle plus important dans l’interprétationFootnote 31.

[58] Cependant, la Cour a également déclaré que nous devons aller « au‑delà du simple texte des dispositions et adopte[r] une méthode d’interprétation contextuelle et téléologique en vue de dégager un sens qui s’harmonise avec le libellé, l’objet et l’esprit des dispositionsFootnote 32 ».

[59] Le langage de la Loi sur l’AE ne peut être interprété indépendamment de son contexte et de son objet. Dans la décision Trusco Canada, la Cour a également déclaré que le contexte et l’objet peuvent révéler une ambiguïté dans la législation lorsque le langage semble clair et netFootnote 33.

[60] J’examinerai le libellé des articles 23(2) et 23(4), le contexte de ces articles dans la Loi sur l’AE, l’objet des dispositions législatives et l’intention du Parlement.

Le libellé de la loi est clair

[61] La Commission fait valoir que le libellé de la loi est précis et sans équivoque, de sorte que les mots devraient jouer un rôle dominant dans l’interprétation des dispositions. Puisque le libellé des articles est important, je vais inclure le texte intégral des articles pertinents.

[62] La période de prestations parentales est définie à l’article 23(2) de la Loi sur l’AE :

(2) Semaines pour lesquelles des prestations peuvent être payées – Sous réserve de l’article 12, les prestations visées au présent article sont payables pour chaque semaine de chômage comprise dans la période qui :

  1. a) commence la semaine de la naissance de l’enfant ou des enfants du prestataire ou celle au cours de laquelle le ou les enfants sont réellement placés chez le prestataire en vue de leur adoption;
  2. b) se termine cinquante-deux semaines après la semaine de la naissance de l’enfant ou des enfants du prestataire ou celle au cours de laquelle le ou les enfants sont ainsi placés.

[63] La Loi sur l’AE énonce ensuite certaines circonstances dans lesquelles la période de prestations parentales peut être prolongée :

  • lorsque l’enfant est hospitalisé;
  • lorsqu’une partie du prestataire est déployée;
  • lorsqu’une partie prestataire reçoit plusieurs prestations spéciales;
  • lorsqu’une partie prestataire choisit de recevoir des prestations parentales prolongées;
  • lorsqu’il y a certaines combinaisons de prestations régulières et spécialesFootnote 34.

[64] En 2018, la Loi sur l’AE a été modifiée pour ajouter l’article qui permet à deux prestataires de partager jusqu’à 40 semaines de prestations parentales régulières ou 69 semaines de prestations parentales prolongéesFootnote 35. Cet article permet de verser cinq semaines supplémentaires de prestations standard ou huit semaines de prestations prolongées en cas de partage. L’article 23(4) se lit comme suit :

Partage des semaines de prestations

(4) Si deux prestataires présentent chacun une demande de prestations au titre du présent article — ou si un prestataire présente une telle demande et qu’un particulier présente une demande de prestations au titre de l’article 152.05 — relativement au même enfant ou aux mêmes enfants, les semaines de prestations qui doivent être payées au titre du présent article, de l’article 152.05 ou de ces deux articles peuvent être partagées entre eux, jusqu’à concurrence de quarante semaines lorsque le nombre maximal de semaines choisi aux termes des paragraphes (1.1) ou 152.05(1.1) est prévu aux sous-alinéas 12(3)b)(i) ou 152.14(1)b)(i) ou de soixante-neuf semaines lorsque ce nombre est prévu aux sous-alinéas 12(3)b)(ii) ou 152.14(1)b)(ii). S’ils n’arrivent pas à s’entendre, le partage des semaines de prestations doit être effectué conformément aux règles prévues par règlement.

[65] Les modifications précisent également qu’une chaque prestataire ne peut recevoir plus de 35 ou 61 semaines de prestations. L’article 23(4.11) se lit comme suit :

(4.11) Même lorsqu’il y a partage conformément aux paragraphes (4) et (4.1), le nombre maximal de semaines pour lesquelles des prestations peuvent être versées à un prestataire est de trente-cinq ou de soixante et une semaines, conformément au choix visé aux paragraphes (1.1) ou 152.05(1.1).

[66] Les premiers mots de l’article 23(2) sont : « [s]ous réserve de l’article 12, les prestations visées au présent article sont payables pour chaque semaine de chômage comprise dans la période qui […] » [mis en évidence par la soussignée]. Les semaines supplémentaires de prestations partagées sont définies à l’article 23(4), ce qui en fait des prestations au titre de l’article 23.

[67] Le libellé clair de l’article 23 indique que les prestations payables au titre de l’article 23 sont limitées à la période de prestations parentales prévue à l’article 23(2). Rien dans la loi ne laisse entendre que les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées ne sont pas des prestations au titre de l’article 23.

[68] J’ai également examiné les mots « [s]ous réserve de l’article 12 » à l’article 23(2). Les parties pertinentes de l’article 12 sont exposées aux paragraphes 46 et 47 ci-dessus. Comme je l’ai dit, j’estime que les semaines supplémentaires sont visées par l’article 12(4).

[69] J’estime que le libellé de l’article 23 est clair. Cet article vise toutes les prestations parentales. Il inclut les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées prévues à l’article 23(4).

[70] L’article 23(2) indique quand les prestations prévues à l’article 23 peuvent être versées. Selon une lecture simple de l’article, la période de prestations parentales s’applique à toutes les prestations prévues à l’article 23, y compris les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées. Cela est également confirmé par l’utilisation de l’expression « [s]ous réserve de l’article 12 », car les semaines supplémentaires sont mentionnées à l’article 12(4).

[71] Comme indiqué, l’analyse ne s’arrête pas au sens ordinaire du texte. Puisque j’ai conclu que les mots sont clairs, ils joueront un rôle dominant dans l’interprétationFootnote 36. Toutefois, je dois également examiner le contexte pour établir si cette interprétation est conforme à l’objet de la loi et à l’intention du Parlement.

Contexte et objet des dispositions relatives aux prestations parentales

[72] Les prestations prévues par la Loi sur l’AE sont payables au cours d’une période de prestations. L’article 10 de la Loi sur l’AE concerne le début, la durée et la fin de la période de prestations. Cette période commence lorsque la partie prestataire a un arrêt de rémunération. La partie prestataire doit avoir établi une période de prestations pour recevoir des prestations.

[73] La période de prestations parentales définit le moment où les prestations parentales peuvent être versées. Les prolongations de la période de prestations parentales autorisées par la Loi sur l’AE sont assorties de prolongations correspondantes de la période de prestations à l’article 10Footnote 37. Cela signifie qu’une partie prestataire qui a droit à une prolongation de sa période de prestations parentales bénéficiera également d’une prolongation de sa période de prestations, de sorte qu’elle pourra recevoir des prestations.

[74] Si la période de prestations parentales ne s’appliquait pas aux semaines supplémentaires de prestations, comme l’a conclu la division générale, on peut supposer qu’une partie prestataire se fierait à sa période de prestations au titre de l’article 10 pour assurer son admissibilité.

[75] Cependant, le versement des prestations parentales dépend de la période de prestations parentales et non de la période de prestations. La Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

S’il ne fait aucun doute que la période de prestations visée aux articles 9 et 10 de la Loi est établie en fonction spécifiquement du prestataire, il n’en est pas ainsi pour la période pendant laquelle des prestations parentales peuvent être versées au titre du paragraphe 23(2). L’établissement de cette dernière période se rattache à la naissance d’un ou de plusieurs enfants (voir le paragraphe 23(2)). Par conséquent, même si deux prestataires peuvent chacun demander des prestations parentales pour prendre soin d’un ou de plusieurs enfants, et si une période de prestations doit être établie au profit de chacun des prestataires séparément, les prestations parentales ne peuvent versées que pendant la période visée par le paragraphe 23(2), peu importe quand commence et se termine la période de prestations de l’un ou l’autre prestataireFootnote 38.

[76] L’objectif des prestations parentales est d’indemniser les parents admissibles qui subissent un arrêt de rémunération lorsqu’ils s’occupent d’un nouveau-né ou d’un ou plusieurs enfants adoptés. Ces dispositions ne sont pas motivées par les besoins des parents. L’objectif de la loi est de fournir à ces parents un remplacement de revenu pour une période limitéeFootnote 39.

[77] Comme nous l’avons vu plus haut, il peut y avoir des circonstances où les parents peuvent prendre les semaines de manière séquentielle, tandis que d’autres devront se chevaucher pour recevoir les 40 ou 69 semaines. Que les semaines de prestations soient prises de façon séquentielle ou simultanée, deux parents disposent de plus de semaines pour partager les obligations parentales. Les deux parents peuvent se partager des semaines supplémentaires de prestations parentales qui ne sont pas disponibles pour les prestataires monoparentaux.

[78] J’estime que le libellé de l’article 23 est clair. Il aurait peut-être été préférable que le Parlement prévoie une prolongation de la période de prestations parentales afin de permettre à tous les parents de prendre les semaines supplémentaires de manière séquentielle. Toutefois, les termes mêmes de la législation ne peuvent être ignorés pour interpréter une disposition d’une manière qui corresponde mieux à l’objet de la loiFootnote 40. Le langage clair du texte est conforme à l’objectif visant à encourager les parents à partager les obligations parentales.

[79] S’il est vrai qu’une loi conférant des prestations doit être interprétée de manière large et libérale, cette approche interprétative ne peut pas être utilisée pour supprimer une restriction expressément prévue dans la loiFootnote 41. Si l’on interprète l’article 23(4) comme autorisant cinq ou huit semaines supplémentaires de prestations parentales en dehors de la période de prestations parentales, la restriction expressément prévue à l’article 23(2) ne serait pas prise en compte.

[80] En outre, les tribunaux ont affirmé que, pour qu’il y ait ambiguïté dans un texte, l’ambiguïté doit être réelle. Cela signifie que le texte doit être capable de soutenir raisonnablement plus d’une significationFootnote 42.

[81] Je ne crois pas que le texte puisse raisonnablement soutenir le sens selon lequel la période de prestations parentales ne s’applique pas aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagées. Le contexte et l’objet ne révèlent aucune ambiguïté dans ce langage clair. Le sens ordinaire de l’article est conforme à l’objet de la loi et à l’intention du Parlement.

[82] Lorsque la période de prestations parentales s’applique aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagées, de nombreux parents dans la même situation que le prestataire ne peuvent pas prendre ces semaines de façon séquentielle. J’ai examiné si cela constituait une absurdité ou, potentiellement, une erreur de rédaction législative.

[83] Un résultat peut être absurde s’il « mène à des conséquences ridicules ou futiles, [s’il] est extrêmement déraisonnable ou inéquitable, [s’il] est illogique ou incohé[rent], ou [s’il] est incompatible avec d’autres dispositions ou avec l’objet du texte législatif [...]Footnote 43 ».

[84] Il pourrait sembler plus cohérent de prolonger la période de prestations parentales pour les parents qui se partagent des semaines supplémentaires de prestations, de sorte que tous les parents prennent les semaines de façon séquentielle. Cependant, j’estime que cela ne constitue pas une absurdité.

[85] Les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées sont à la disposition des prestataires, dont certains pourront prendre les semaines de façon séquentielle, tandis que d’autres devront les prendre simultanément. Cela revient à une incohérence potentielle dans l’application de la loi en fonction des circonstances de la partie prestataire. Cependant, cette incohérence n’atteint pas le niveau de l’absurdité.

[86] Comme nous l’avons vu plus haut, si la période de prestations parentales ne s’applique pas aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagées, les prestataires pourraient bénéficier de cinq ou huit semaines de prestations parentales à tout moment. J’estime qu’il s’agirait d’un résultat illogique et incompatible avec les autres articles de la Loi sur l’AE.

[87] J’ai examiné si le fait que la période de prestations parentales n’ait pas été modifiée pour inclure une prolongation permettant la prise simultanée des semaines supplémentaires de prestations parentales partagées pouvait être considéré comme une erreur de rédaction législative. En général, une erreur de rédaction peut être corrigée si trois critères sont respectés :

  • l’erreur aboutit à une absurdité manifeste;
  • l’absurdité est causée par une erreur traçable;
  • une correction évidente est disponibleFootnote 44.

[88] Comme je l’ai mentionné, je ne pense pas que l’erreur potentielle conduise à une absurdité manifeste.

[89] Il existe également une différence entre une erreur de rédaction et une lacune législative. Une lacune législative se produit lorsqu’une loi n’est pas assez inclusive et entraîne une application plus étroite qu’elle ne le devrait. Dans la présente affaire, la loi ne permet pas à certaines parties prestataires de bénéficier simultanément des semaines supplémentaires de prestations parentales partagées. La sous-inclusion est corrigée par la loi et non par l’introduction d’une exception qui ne figure pas dans la Loi sur l’AE. Il s’agit d’une modification considérée comme devant être laissée au législateurFootnote 45.

[90] Le Parlement n’a pas modifié la période de prestations parentales ni prévu d’exception à cette période pour les semaines supplémentaires. Si cette décision n’était pas intentionnelle, j’estime que l’absence de prolongation de la période de prestations parentales serait une lacune législative plutôt qu’une erreur de rédaction.

[91] Étant donné que le Parlement a déjà prolongé la période de prestations parentales auparavant, notamment lorsqu’il a introduit les prestations parentales prolongées, il faut tenir compte de la probabilité que le Parlement n’ait pas eu l’intention de modifier la période de prestations parentales.

[92] Le libellé de l’article 23(2) indique clairement que la période s’applique aux prestations prévues par cet article. Cela laisse à penser que les rédactrices et rédacteurs de la loi auraient été conscients que l’article 23(2) s’appliquerait aux semaines de prestations prévues à l’article 23(4).

[93] Je note que le prestataire a fait tout son possible pour s’assurer qu’il se conformait à la loi lorsqu’il a demandé des prestations parentales partagées. Il a lu l’information sur le site Web de l’assurance-emploi et a cru qu’il avait droit à des prestations. Il a communiqué avec la Commission à de nombreuses reprises pour demander des précisionsFootnote 46. Je comprends sa frustration. Je compatis à sa situation et à celle des nombreuses autres personnes qui se trouvent dans la même situation. Cependant, je dois interpréter et appliquer la loi, et je ne peux pas réécrire la législationFootnote 47.

[94] J’estime que la législation est claire. Les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées sont des prestations au titre de l’article 23. Cela signifie que la période de prestations parentales s’applique et que les prestations ne peuvent pas être versées en dehors de cette période.

Conclusion

[95] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation des articles 23(2) et 23(4) de la Loi sur l’AE. Le prestataire n’est pas admissible aux prestations parentales au-delà de sa période de prestations parentales.

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