Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c CZ, 2022 TSS 259

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentants : Jessica Grant et Ian McRobbie
Partie intimée : C. Z.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 28 novembre 2021 (GE-21-2085)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 16 février 2022
Personnes présentes à l’audience : Représentant de l’appelante
Intimé
Date de la décision : Le 15 avril 2022
Numéro de dossier : AD-21-436

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations parentales à l’extérieur de la période de prestations parentales.

Aperçu

[2] Le présent appel porte sur le moment où les prestataires partageant des prestations parentales peuvent recevoir ces prestations. Les semaines de prestations parentales partagées peuvent-elles être reçues à l’extérieur de la période de prestations parentales prévue par la Loi sur l’assurance-emploi?

[3] Le 29 juillet 2021, l’intimé, C. Z. (prestataire), a demandé huit semaines de prestations parentales prolongées. Dans sa demande, il a déclaré que son enfant est né le 2 février 2020. Le prestataire et son épouse avaient décidé de partager le nombre maximal de semaines de prestations parentales prolongées permis au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, soit 69 semaines.

[4] L’appelante (Commission) a dit au prestataire qu’il ne pouvait pas recevoir les huit semaines de prestations parce que la période de prestations parentales se termine 78 semaines après la date de la naissance de son enfant. Ainsi, la période de prestations parentales du prestataire a pris fin le 7 août 2021 et il pouvait recevoir seulement trois semaines de prestations. Le prestataire a demandé une révision et la Commission a maintenu sa décision.

[5] L’appel du prestataire à la division générale du Tribunal a été accueilli. La division générale a conclu que le prestataire et son épouse avaient droit à un total de 69 semaines de prestations parentales prolongées partagées permises au titre de l’article 23(4) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[6] La division générale a décidé que les semaines supplémentaires de prestations étaient permises indépendamment de la période de prestations parentales. Le prestataire pouvait toucher des prestations plus de 78 semaines après la naissance de son enfant.

[7] La division générale a établi qu’il y a conflit entre la période de prestations parentales prévue par la Loi sur l’assurance-emploi et l’article qui permet des semaines supplémentaires de prestations parentales partagées. Elle a conclu que la législation (les lois du Parlement) n’est pas claire et que l’ambiguïté devrait être résolue en faveur du prestataire.

[8] La Commission porte la décision de la division générale en appel à la division d’appel du Tribunal. Elle soutient que la division générale a commis une erreur de droit.

[9] Je suis d’accord. La division générale a mal interprété la loi lorsqu’elle a décidé que la période de prestations parentales ne s’applique pas aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagées.

[10] Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations parentales à l’extérieur de la période de prestations parentales.

Questions en litige

[11] Voici les questions à trancher dans le présent appel :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit dans son interprétation des dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi sur le partage des prestations parentales?
  2. b) Dans l’affirmative, comment l’erreur devrait-elle être corrigée?
  3. c) Le prestataire est-il admissible au bénéfice des prestations parentales à l’extérieur de la période de prestations parentales?

Analyse

[12] Dans la présente affaire, je peux intervenir seulement si la division générale a commis une erreur pertinente, ce qu’on appelle un « moyen d’appelNote de bas de page 1 ». L’un des moyens d’appel est que la division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision. L’interprétation des lois est une question de droitNote de bas de page 2.

Contexte

Prestations de maternité (pour la grossesse) et prestations parentales

[13] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit que des prestations doivent être payées aux prestataires admissibles qui font la preuve de leur grossesseNote de bas de page 3. Des prestations parentales sont payées aux prestataires admissibles pendant qu’elles ou ils prennent soin d’un nouveau-né ou d’un enfant adoptéNote de bas de page 4. Les prestations parentales sont distinctes des prestations de maternité (pour la grossesse). Ces prestations font partie des prestations spéciales prévues par la Loi sur l’assurance-emploi.

[14] Les prestataires peuvent recevoir jusqu’à 15 semaines de prestations pour leur grossesseNote de bas de page 5. Les prestations de maternité sont payables pendant la période qui commence 12 semaines avant la semaine présumée de l’accouchement ou celle au cours de laquelle elle donne naissance et se termine 17 semaines plus tardNote de bas de page 6.

[15] Lorsqu’elles demandent des prestations de maternité, les prestataires peuvent également demander des prestations parentales, qui suivront les 15 semaines de prestations de maternité qu’elles reçoivent. Les parties prestataires doivent choisir l’une des deux options de prestations parentales :

  • Prestations parentales standards — le taux de prestations est de 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable de la partie prestataire jusqu’à concurrence d’un montant maximal. Jusqu’à 35 semaines de prestations sont payables à un parent.
  • Prestations parentales prolongées — le taux de prestations est de 33 % de la rémunération hebdomadaire assurable de la partie prestataire jusqu’à concurrence d’un montant maximal. Jusqu’à 61 semaines de prestations sont payables à un parent.

[16] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit aussi que lorsque deux prestataires demandent des prestations parentales pour le même enfant, ils peuvent partager des semaines supplémentaires de prestationsNote de bas de page 7. Je les appellerai « prestations parentales partagées ». Lorsque deux prestataires choisissent de partager les prestations parentales, le nombre maximal de semaines qui peut être divisé entre eux est de 40 pour les prestations standards et de 69 pour les prestations prolongées.

[17] Aucun des parents ne peut recevoir plus de 35 semaines de prestations parentales standards ou 61 semaines de prestations parentales prolongées lorsqu’elles sont partagéesNote de bas de page 8. Ainsi, deux parents qui reçoivent des prestations parentales partagées pourraient obtenir cinq semaines supplémentaires de prestations parentales standards ou huit semaines supplémentaires de prestations parentales prolongées.

Période de prestations parentales

[18] L’article de la Loi sur l’assurance-emploi qui prévoit les prestations parentales établit la période au cours de laquelle elles peuvent être verséesNote de bas de page 9. C’est ce qu’on appelle souvent la « période de prestations parentales », bien que l’expression ne figure pas dans la Loi sur l’assurance-emploi. Dans les présents motifs, je l’appellerai la « période de prestations parentales ».

[19] Dans la Loi sur l’assurance-emploi, le point de départ est que la période de prestations parentales se termine 52 semaines après la semaine de la naissance de l’enfant, ou la date de placement dans les cas d’adoptionNote de bas de page 10. La période peut être prolongée dans certaines circonstancesNote de bas de page 11. Lorsque les prestataires choisissent de recevoir des prestations parentales prolongées, la période est prolongée de 26 semaines, pour un total de 78 semaines.

La décision de la division générale

[20] La division générale a accueilli l’appel du prestataire, concluant qu’il avait droit aux huit semaines de prestations parentales prolongées partagées, y compris les semaines qui ne font pas partie de la période de prestations parentales.

[21] La division générale a examiné les modifications apportées à la Loi sur l’assurance-emploi en 2018, qui ont ajouté des semaines supplémentaires de prestations parentales partagées (les modifications pertinentes)Note de bas de page 12. Les modifications permettaient aux parents qui choisissaient de partager les prestations de recevoir cinq semaines supplémentaires de prestations parentales standards et huit semaines supplémentaires de prestations parentales prolongées. La division générale a conclu que la loi ne précise pas clairement si la période de prestations parentales s’applique aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagéesNote de bas de page 13.

[22] La division générale a donné trois motifs pour expliquer qu’elle avait conclu que la loi n’est pas claire :

  • Il y a conflit entre la période de prestations parentales et la disposition permettant les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées.
  • Les dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi relatives à la période de prestations parentales ne font pas référence aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagées.
  • Les modifications pertinentes ayant ajouté les semaines supplémentaires de prestations comprenaient des précisions importantes, mais ne faisaient pas référence à la période de prestations parentales.

[23] Après avoir conclu que la loi manque de clarté, la division générale a réfléchi à l’objet et au but de la Loi sur l’assurance-emploi, ainsi qu’à l’intention qui ressortait des modifications pertinentes ajoutant les semaines supplémentaires de prestations parentales partagéesNote de bas de page 14. De plus, elle a examiné les commentaires faits au cours des débats législatifs. Elle s’est fondée sur ces commentaires et a conclu que l’intention du législateur était de prolonger la période de prestations parentales de cinq semaines pour les prestations parentales standards et de huit semaines pour les prestations parentales prolongéesNote de bas de page 15.

[24] Ayant conclu qu’il y avait une ambiguïté dans la loi, la division générale a décidé que l’ambiguïté devait être résolue en faveur du prestataireNote de bas de page 16. La division générale a conclu que le prestataire pouvait recevoir les huit semaines de prestations parentales prolongées qu’il avait demandées.

[25] La division générale a décidé que la période de prestations parentales ne s’applique pas aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagées (cinq semaines pour les prestations parentales standards ou huit semaines pour les prestations parentales prolongées) lorsque deux parents les prennent successivementNote de bas de page 17.

L’appel de la Commission à la division générale

[26] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation des dispositions relatives à la période de prestations parentales. Elle affirme que le libellé de la Loi sur l’assurance-emploi est précis et sans équivoque, c’est-à-dire que les prestataires ne peuvent recevoir de prestations parentales à l’extérieur de la période de prestations parentales.

[27] La Commission soutient que la division générale n’a pas suivi une approche adéquate de l’interprétation des dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle soutient que le libellé de la loi est clair et aurait dû jouer un rôle prépondérant dans l’interprétation de la division générale. La Commission soutient qu’au lieu de se concentrer sur le libellé clair de l’article 23 de la Loi sur l’assurance-emploi, la division générale a conclu à tort à un conflit dans la législation.

[28] La Commission affirme également que la division générale s’est fondée sur une idée fausse au sujet des prestations de maternité (pour la grossesse) lorsqu’elle a conclu que deux parents ne pouvaient pas prendre les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées successivement si la période de prestations parentales s’appliquait. La division générale s’est fondée sur des renseignements non pertinents donnés par des agentes et agents de Service Canada et a formulé des hypothèses erronées au sujet de l’intention législative sous-jacente aux modifications pertinentes à la Loi sur l’assurance-emploi.

[29] Le prestataire affirme que la division générale n’a commis aucune erreur de droit. Il soutient que la loi n’est pas claire et que l’information accessible au public ne fait aucune mention de la période de prestations parentales. Il dit que l’application de la période de prestations parentales pour empêcher les parents de prendre les semaines successivement entraîne une absurdité. Le prestataire est d’avis que la division générale avait raison et que je devrais rejeter l’appel.

La division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation des articles 23(2) et 23(4) de la Loi sur l’assurance-emploi

[30] La division générale a fondé son interprétation de la loi sur une perception de conflit entre l’article 23(4) de la Loi sur l’assurance-emploi, qui permet des semaines supplémentaires de prestations parentales partagées, et la période de prestations parentales de l’article 23(2). J’estime que la division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte du libellé de l’article 23(2) dans l’exercice de son interprétation législative.

[31] En ce qui concerne l’interprétation de la loi, les tribunaux ont déclaré que le Tribunal doit en examiner le texte, le contexte et l’objetNote de bas de page 18. La décision de la division générale était axée sur l’objet de la loi et sur le conflit apparent entre les articles. Cependant, la division générale n’a pas examiné adéquatement le libellé exact des articles 23(2) et 23(4). Il s’agit d’une erreur de droit.

[32] Dans sa décision, la division générale a rejeté l’argument de la Commission selon lequel le libellé de l’article est clair. Toutefois, la division générale n’a pas inclus le texte de l’article 23(2) dans sa décision ni interprété les termes employés dans cet article.

[33] La division générale a affirmé que de nombreuses décisions du Tribunal font état de circonstances dans lesquelles des agentes ou des agents de la Commission ont dit à des prestataires qu’ils avaient le droit de demander des prestations parentales partagées au-delà de la période de prestations parentalesNote de bas de page 19. La division générale s’est fondée sur cela pour indiquer que le libellé n’est pas clair.

[34] Comme je l’ai mentionné ci-dessus, la division générale a donné trois motifs qui expliquent sa conclusion selon laquelle la loi n’est pas claire. Premièrement, la division générale a constaté qu’il y avait conflit entre la période de prestations parentales et les semaines supplémentaires de prestations. Elle a fondé cette constatation sur la conclusion selon laquelle il est mathématiquement impossible, dans une période de prestations parentales de 78 semaines, que deux parents prennent 69 semaines de prestations parentales prolongées successivement après que le parent ayant donné naissance ait reçu 15 semaines de prestations de maternitéNote de bas de page 20.

[35] La division générale fait remarquer que rien dans la Loi sur l’assurance-emploi ne précise que les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées doivent chevaucher les prestations de l’autre parent afin que les parents puissent être certains de les recevoir. Pour cette raison, elle a conclu qu’il y avait un conflit entre les deux articlesNote de bas de page 21.

[36] La division générale a commis une erreur de droit en concluant que les articles sont contradictoires parce qu’il n’est pas nécessaire que les prestations soient versées en même temps. Il y a des situations où deux parents pourraient prendre les semaines supplémentaires de prestations successivement dans la période habituelle de prestations parentales de 52 ou de 78 semaines :

  • Les semaines supplémentaires de prestations s’appliquent aux parents qui adoptent et qui n’auraient pas à prendre en compte des semaines de prestations de maternité (pour la grossesse). Ces parents peuvent prendre les semaines supplémentaires de prestations successivement.
  • La division générale a commis une erreur en interprétant mal le fonctionnement des prestations de maternité (pour la grossesse). Ces prestations peuvent être versées jusqu’à 12 semaines avant la date prévue d’accouchement de la prestataire. Dans les cas où les semaines de prestations de maternité (pour la grossesse) sont prises avant la naissance, deux parents peuvent être en mesure de prendre des semaines supplémentaires de prestations parentales partagées successivement.

[37] Je reconnais que de nombreux prestataires se retrouveront dans la même situation que le prestataire dans la présente affaire, le parent qui a donné naissance ayant reçu des prestations de maternité (pour la grossesse) à partir de la naissance ou aux environs de ce moment. Pour ces parents, la période de prestations parentales empêcherait deux prestataires de prendre les semaines supplémentaires successivement.

[38] Cependant, la division générale a eu tort de conclure que le législateur aurait inclus une disposition exigeant que les semaines supplémentaires s’il avait l’intention que la période de prestations parentales s’appliqueNote de bas de page 22. La division générale n’a pas tenu compte des situations dans lesquelles les prestataires peuvent prendre les semaines successivement.

[39] La division générale a également fait remarquer que la prolongation de la période de prestations parentales prévue à l’article 23(3.2) permettrait apparemment au parent qui donne naissance d’obtenir une prolongation de la période de prestations parentales afin que les semaines supplémentaires puissent être reçues. Il en est ainsi parce que cet article permet de prolonger la période de prestations parentales lorsqu’une ou un prestataire reçoit plus d’une prestation spécialeNote de bas de page 23.

[40] La division générale a conclu qu’il est peu probable que le gouvernement aurait permis des semaines supplémentaires de prestations partagées uniquement pour empêcher le parent qui n’a pas donné naissance de les recevoir, si elles sont prises successivementNote de bas de page 24.

[41] L’article 23(3.2) permet de prolonger la période de prestations parentales lorsqu’une ou un prestataire reçoit plus d’un type de prestations spéciales, en l’occurrence les prestations de maternité et les prestations parentales. Cet article ne serait toutefois pas utile pour deux parents qui partagent les semaines de prestations parentales supplémentaires.

[42] Le parent qui donne naissance prendra 15 semaines de prestations de maternité, suivies du nombre choisi de semaines de prestations parentales prolongées. Chaque prestataire peut prendre seulement 61 semaines de prestations parentales prolongées. Un parent qui donne naissance atteindrait le nombre maximal de semaines permises pour une ou un prestataire à la fin de la période de 78 semaines.

[43] Deuxièmement, la division générale a conclu qu’il n’y a aucune mention des semaines supplémentaires de prestations parentales partagées dans les articles relatifs la période de prestations parentales (articles 23(2) à 23(3.4) de la Loi sur l’assurance-emploi)Note de bas de page 25. Pour cette raison, elle a conclu que la Loi sur l’assurance-emploi est silencieuse quant à savoir si la période de prestations parentales s’applique aux semaines supplémentaires de prestations partagéesNote de bas de page 26.

[44] Cependant, aucun de ces articles ne fait spécifiquement référence à un certain nombre de semaines de prestations. En incluant « [s]ous réserve de l’article 12 », l’article 23(2) renvoie aux maximums applicables.

[45] L’article 12 de la Loi sur l’assurance-emploi établit le nombre maximal de semaines de prestations pouvant être versées à une ou un prestataire. L’article 12(1) prévoit :

12 (1) Une fois la période de prestations établie, des prestations peuvent, à concurrence des maximums prévus au présent article, être versées au prestataire pour chaque semaine de chômage comprise dans cette période.

[46] L’article 12(4) traite des semaines supplémentaires de prestations parentales partagées. On y lit :

(4) Les prestations ne peuvent être versées :

  1. a) dans le cas d’une seule et même grossesse, pendant plus de quinze semaines;
  2. b) dans le cas de soins à donner à un ou plusieurs nouveau-nés d’une même grossesse ou du placement d’un ou de plusieurs enfants en vue de leur adoption pendant plus du nombre de semaines ci-après :
    1. (i) dans le cas où le nombre maximal de semaines choisi aux termes du paragraphe 23(1.1) est prévu au sous-alinéa (3)b)(i), trente-cinq semaines ou, si les semaines de prestations qui peuvent être versées sont partagées en conformité avec cet article 23, quarante semaines,
    2. (ii) dans le cas où le nombre maximal de semaines choisi aux termes du paragraphe 23(1.1) est prévu au sous-alinéa (3)b)(ii), soixante et une semaines ou, si les semaines de prestations qui peuvent être versées sont partagées en conformité avec cet article 23, soixante-neuf semaines.Note de bas de page 27
    3. [mis en évidence par la soussignée]

[47] La division générale n’a pas tenu compte du texte intégral de l’article, en particulier des termes « [s]ous réserve de l’article 12 » de l’article 23(2).

[48] Enfin, la division générale a souligné que les modifications ayant mis en place les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées contiennent des précisions. Plus précisément, la division générale a souligné que l’article 23(4.1) prévoit qu’« [i]l est entendu que » le nombre total de semaines de prestations qui doivent être payées relativement au même enfant ou aux mêmes enfants ne peut dépasser 40 semaines de prestations parentales standards ou 69 semaines de prestations parentales prolongéesNote de bas de page 28. L’article 23(4.11) précise que lorsqu’il y a partage des prestations, le nombre maximal de semaines pour lesquelles des prestations peuvent être versées à une ou un prestataire est de 35 ou 61 semainesNote de bas de page 29.

[49] La division générale a conclu que ces précisions n’établissaient pas de limite à la période de prestations parentales ou ne disaient pas que les prestations devaient se chevaucher. Elle a conclu que le législateur aurait inclus une disposition précisant que la période de prestations parentales s’applique, ou que les prestations doivent se chevaucher, si telle était son intentionNote de bas de page 30. Le fait qu’il n’ait pas inclus cette précision démontre que la loi n’est pas claire.

[50] Comme nous l’avons vu plus haut, la division générale n’a pas tenu compte des situations dans lesquelles les prestataires peuvent prendre les semaines successivement lorsqu’elle a décidé que le législateur aurait inclus une disposition exigeant que les prestations se chevauchent.

[51] Selon l’interprétation de l’article 23(4) de la division générale, la période de prestations parentales ne s’applique pas aux cinq semaines supplémentaires de prestations standards ou aux huit semaines supplémentaires de prestations prolongées lorsque les prestations parentales partagées sont prises successivement, mais on peut présumer qu’elle s’applique aux 35 ou aux 61 semaines qu’une ou un prestataire peut recevoir.

[52] Si la période de prestations parentales ne s’appliquait pas à ces semaines supplémentaires, rien dans le libellé de l’article 23 n’indique qu’il faudrait prendre les semaines immédiatement après la fin des prestations de l’autre prestataire. Cela voudrait dire qu’une ou un prestataire pourrait prendre les cinq ou les huit semaines supplémentaires de prestations parentales à tout moment.

[53] La division générale a constaté que seules les cinq ou les huit semaines supplémentaires de prestations parentales partagées ne sont pas visées par la période de prestations parentales. Les articles 23(4), 23(4.1) ou 23(4.11) ne font pas explicitement référence à cinq ou huit semaines supplémentaires de prestations. Deux prestataires peuvent choisir de diviser les 40 ou les 69 semaines comme bon leur semble.

[54] J’estime que le libellé de l’article 23 ne peut appuyer l’interprétation de la division générale selon laquelle la période de prestations parentales s’applique aux 35 ou aux 61 semaines de prestations parentales partagées, mais pas aux semaines supplémentaires.

[55] La division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 23 lorsqu’elle a conclu que le libellé n’était pas clair et que les dispositions relatives à la période de prestations parentales entraient en conflit avec l’article qui prévoit des semaines supplémentaires de prestations parentales partagées.

[56] La division générale n’a pas examiné le libellé exact des articles 23(2) et 23(4). Elle s’est concentrée sur l’objet de la loi lorsqu’elle a conclu que les articles ne sont pas clairs, plutôt que sur l’examen du texte de la loi.

Je corrigerai l’erreur de la division générale en rendant la décision qu’elle aurait dû rendre

[57] La division générale a fondé sa décision sur une mauvaise interprétation de la loi, ce qui est une erreur de droit. Ainsi, je peux remplacer la décision de la division générale par ma propre décision ou renvoyer l’affaire à la division générale aux fins de réexamenNote de bas de page 31. Je peux trancher toute question de droit ou de fait nécessaire pour régler l’appel du prestataireNote de bas de page 32.

[58] Dans la présente affaire, j’estime qu’il convient que je substitue ma propre décision. Les parties sont d’accord pour dire que je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Le dossier est complet et les parties ont eu pleinement l’occasion de présenter leurs arguments à la division généraleNote de bas de page 33.

Le prestataire ne peut pas toucher des prestations parentales à l’extérieur de la période de prestations parentales

[59] J’ai conclu que la division générale avait commis une erreur dans son interprétation des articles 23(4) et 23(2) de la Loi sur l’assurance-emploi. Je dois maintenant interpréter la loi. Pour ce faire, je dois examiner les termes de la loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit et l’objet de la Loi sur l’assurance-emploi et l’intention du législateurNote de bas de page 34.

[60] La Commission soutient que le libellé de l’article 23(2) est clair et sans équivoque. Elle affirme que l’interprétation de la division générale aurait dû se terminer par une conclusion selon laquelle le libellé de l’article est clair et qu’aucune autre analyse n’est requise.

[61] Le prestataire soutient que le droit induit les gens en erreur. Il dit qu’il n’y a pas d’information accessible au public qui indique aux prestataires que la période de prestations parentales s’applique. Il mentionne les renseignements sur lesquels il s’est appuyé pour prendre sa décision au sujet du congé parentalNote de bas de page 35. Il fait valoir qu’aucun des exemples fournis sur le site Web du gouvernement n’indique que les parents doivent prendre leurs prestations parentales partagées dans un certain délai. Selon le prestataire, le gouvernement dit clairement que les semaines de prestations partagées peuvent être prises en même temps, ou l’un après l’autre.

[62] Le prestataire soutient que la décision de la division générale selon laquelle la Loi sur l’assurance-emploi est ambiguë est exacte et qu’elle n’a commis aucune erreur de droit. Le prestataire ajoute qu’il y a de nombreux autres appels concernant cette question parce que la Loi sur l’assurance-emploi porte à confusion. Il soutient que les prestataires devraient pouvoir se fier aux renseignements fournis par la Commission et qu’ils ne devraient pas avoir à lire toute la Loi sur l’assurance-emploi pour comprendre ce à quoi ils ont droit.

[63] Je conviens partage l’avis de la Commission selon lequel le libellé de l’article 23(2) est clair. Cependant, je ne suis pas d’accord pour dire que cela met fin à l’exercice d’interprétation des lois. Je dois tenir compte du contexte global des articles à interpréterNote de bas de page 36.

[64] La Commission se fonde sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Trustco Canada. Dans cette affaire, la Cour a affirmé que les termes précis et non équivoques joueront un rôle primordial dans le processus d’interprétationNote de bas de page 37. Lorsque les termes employés sont précis, leur sens ordinaire joue normalement un rôle plus important dans l’interprétationNote de bas de page 38.

[65] Cependant, la Cour a également déclaré que l’examen exige que le Tribunal « aille au-delà du simple texte des dispositions et adopte une méthode d’interprétation contextuelle et téléologique en vue de dégager un sens qui s’harmonise avec le libellé, l’objet et l’esprit des dispositionsNote de bas de page 39 ».

[66] Le libellé de la Loi sur l’assurance-emploi ne peut être interprété indépendamment de son contexte et de son objet. Dans l’affaire Trustco Canada, la Cour a affirmé que le contexte et l’objet peuvent permettre de relever des ambiguïtés dans un libellé apparemment clairNote de bas de page 40.

[67] Je vais examiner le libellé des articles 23(2) et 23(4), le contexte de ces articles de la Loi sur l’assurance-emploi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

Le libellé de la loi est clair

[68] La Commission soutient que le libellé de la loi est précis et non équivoque, de sorte que les termes devraient jouer un rôle primordial dans l’interprétation des dispositions. Comme la formulation des articles est importante, j’inclurai la version intégrale des articles pertinents.

[69] La période de prestations parentales est établie à l’article 23(2) de la Loi sur l’assurance-emploi :

Semaines pour lesquelles des prestations peuvent être payées

(2) Sous réserve de l’article 12, les prestations visées au présent article sont payables pour chaque semaine de chômage comprise dans la période qui :

  1. a) commence la semaine de la naissance de l’enfant ou des enfants du prestataire ou celle au cours de laquelle le ou les enfants sont réellement placés chez le prestataire en vue de leur adoption;
  2. b) se termine cinquante-deux semaines après la semaine de la naissance de l’enfant ou des enfants du prestataire ou celle au cours de laquelle le ou les enfants sont ainsi placés.

[70] La Loi sur l’assurance-emploi énumère ensuite certaines situations dans lesquelles la période de prestations parentales peut être prolongée :

  • lorsque l’enfant est hospitalisé;
  • lorsqu’une ou un prestataire est rappelée ou rappelé en service;
  • lorsqu’une ou un prestataire reçoit plusieurs prestations spéciales;
  • lorsqu’une ou un prestataire choisit de recevoir des prestations parentales prolongées;
  • lorsqu’il y a certaines combinaisons de prestations régulières et de prestations spécialesNote de bas de page 41.

[71] En 2018, la Loi sur l’assurance-emploi a été modifiée pour ajouter l’article permettant à deux prestataires de partager jusqu’à 40 semaines de prestations parentales standards ou 69 semaines de prestations parentales prolongéesNote de bas de page 42. Cet article prévoit le versement de cinq semaines supplémentaires de prestations standards ou de huit semaines de prestations prolongées lorsqu’elles sont partagées. Voici l’article 23(4) :

Partage des semaines de prestations

(4) Si deux prestataires présentent chacun une demande de prestations au titre du présent article — ou si un prestataire présente une telle demande et qu’un particulier présente une demande de prestations au titre de l’article 152.05 — relativement au même enfant ou aux mêmes enfants, les semaines de prestations qui doivent être payées au titre du présent article, de l’article 152.05 ou de ces deux articles peuvent être partagées entre eux, jusqu’à concurrence de quarante semaines lorsque le nombre maximal de semaines choisi aux termes des paragraphes (1.1) ou 152.05(1.1) est prévu aux sous-alinéas 12(3)b)(i) ou 152.14(1)b)(i) ou de soixante-neuf semaines lorsque ce nombre est prévu aux sous-alinéas 12(3)b)(ii) ou 152.14(1)b)(ii). S’ils n’arrivent pas à s’entendre, le partage des semaines de prestations doit être effectué conformément aux règles prévues par règlement.

[72] Les modifications précisent également qu’une ou un prestataire ne peut recevoir plus de 35 ou de 61 semaines de prestations. Voici l’article 23(4.11) :

(4.11) Même lorsqu’il y a partage conformément aux paragraphes (4) et (4.1), le nombre maximal de semaines pour lesquelles des prestations peuvent être versées à un prestataire est de trente-cinq ou de soixante et une semaines, conformément au choix visé aux paragraphes (1.1) ou 152.05(1.1).

[73] L’article 23(2) commence par ces mots : « [s]ous réserve de l’article 12, les prestations visées au présent article sont payables chaque semaine de chômage comprise dans la période qui… » [mis en évidence par la soussignée]. Les semaines supplémentaires de prestations partagées sont prévues à l’article 23(4), ce qui en fait des prestations au titre de l’article 23.

[74] Selon le libellé simple de l’article 23, les prestations payables au titre de cet article se limitent à la période de prestations parentales prévue à l’article 23(2). Rien dans la loi ne donne à penser que les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées ne sont pas des prestations versées au titre de l’article 23.

[75] J’ai également examiné les termes « [s]ous réserve de l’article 12 » de l’article 23(2). Les parties pertinentes de l’article 12 sont énoncées aux paragraphes 45 et 46 ci-dessus. Comme je l’ai dit, je conclus que les semaines supplémentaires sont mentionnées à l’article 12(4).

[76] J’estime que le libellé de l’article 23 est clair. L’article traite de toutes les prestations parentales. Cela comprend les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées à l’article 23(4).

[77] L’article 23(2) précise à quel moment les prestations prévues à l’article 23 peuvent être versées. Si on lit bien l’article, la période de prestations parentales s’applique à toutes les prestations prévues à l’article 23, y compris les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées. Cela est également confirmé par l’utilisation de l’expression « [s]ous réserve de l’article 12 », car l’article 12(4) fait référence aux semaines supplémentaires.

[78] Je comprends l’argument du prestataire selon lequel la loi manque de clarté parce qu’il n’en est pas question dans les exemples fournis sur le site Web du gouvernement. J’estime que cela est plus probable en raison de la confusion dans l’application de la loi, ce qui entraîne de la désinformation. Cela ne veut pas dire que le libellé de la Loi sur l’assurance-emploi n’est pas clair.

[79] Comme nous l’avons indiqué, l’analyse ne s’arrête pas au sens ordinaire du libellé. Ayant constaté que les termes sont clairs, ils joueront un rôle dominant dans l’interprétationNote de bas de page 43. Cependant, je dois aussi examiner le contexte pour décider si cette interprétation est conforme à l’objet de la loi et à l’intention du législateur.

Contexte et objet des dispositions relatives aux prestations parentales

[80] Les prestations prévues par la Loi sur l’assurance-emploi sont payables au cours d’une période de prestations. L’article 10 de la Loi sur l’assurance-emploi porte sur le début, la durée et la fin de la période de prestations. Cette période commence lorsqu’une ou un prestataire subit un arrêt de rémunération. La personne doit avoir établi une période de prestations pour recevoir des prestations.

[81] La période de prestations parentales définit le moment où les prestations parentales peuvent être versées. Les prolongations de la période de prestations parentales permises par la Loi sur l’assurance-emploi correspondent à des prolongations de la période de prestations prévues à l’article 10Note de bas de page 44. Cela signifie qu’une ou un prestataire qui a droit à une prolongation de la période de prestations parentales verra également une prolongation de sa période de prestations, afin de pouvoir recevoir des prestations.

[82] Si la période de prestations parentales ne s’appliquait pas aux semaines supplémentaires de prestations, comme l’a conclu la division générale, on peut supposer qu’un prestataire se fonderait sur sa période de prestations au titre de l’article 10 pour s’assurer de son admissibilité.

[83] Cependant, le versement de prestations parentales dépend de la période de prestations parentales et non de la période de prestations. La Cour d’appel fédérale a déclaré :

S’il ne fait aucun doute que la période de prestations visée aux articles 9 et 10 de la Loi est établie en fonction spécifiquement du prestataire, il n’en est pas ainsi pour la période pendant laquelle des prestations parentales peuvent être versées au titre du paragraphe 23(2). L’établissement de cette dernière période se rattache à la naissance d’un ou de plusieurs enfants (voir le paragraphe 23(2)). Par conséquent, même si deux prestataires peuvent chacun demander des prestations parentales pour prendre soin d’un ou de plusieurs enfants, et si une période de prestations doit être établie au profit de chacun des prestataires séparément, les prestations parentales ne peuvent versées que pendant la période visée par le paragraphe 23(2), peu importe quand commence et se termine la période de prestations de l’un ou l’autre prestataireNote de bas de page 45.

[84] Les prestations parentales visent à indemniser les parents admissibles qui subissent un arrêt de rémunération lorsqu’ils prennent soin d’un nouveau-né, ou d’un enfant ou d’enfants adoptés. Ces dispositions ne sont pas dictées par les besoins des parents. La loi vise à fournir à ces parents un remplacement du revenu pour une période limitéeNote de bas de page 46.

[85] J’ai examiné les commentaires du débat parlementaire dont a parlé la division généraleNote de bas de page 47. Il est clair que la modification de la Loi sur l’assurance-emploi permettant des semaines supplémentaires de prestations parentales partagées visait à encourager les parents à partager plus équitablement leurs responsabilités parentales et professionnelles et à leur donner plus de souplesse.

[86] Je reconnais qu’un commentaire a été fait au cours du débat législatif selon lequel les modifications permettraient aux nouvelles mères de retourner au travail plus tôt si elles le souhaitentNote de bas de page 48. Cet objectif pourrait être contrecarré en limitant les semaines de prestations parentales partagées à la période de prestations parentales. Cependant, l’objectif consistant à encourager les parents à partager les obligations parentales est conforme à la période de prestations parentales qui s’applique.

[87] Comme il a été mentionné plus haut, il peut y avoir des circonstances où les parents peuvent prendre les semaines successivement, tandis que pour d’autres, elles devront se chevaucher pour qu’ils reçoivent les 40 ou les 69 semaines. Qu’ils prennent les semaines de prestations successivement ou en même temps, deux parents disposent d’un plus grand nombre de semaines pour partager les obligations parentales. Deux parents ont des semaines supplémentaires de prestations parentales à partager, qui n’étaient pas offertes avant les modifications pertinentes.

[88] Le prestataire soutient qu’il n’est pas logique qu’un parent qui donne naissance doivent prendre des semaines de prestations de maternité (pour la grossesse) avant l’accouchement afin de prendre les semaines successivement. Il affirme qu’il est contraire à l’intention des modifications de favoriser la période précédant la naissance de l’enfant plutôt que celle qui la suit. Je reconnais qu’il aurait peut-être été préférable que le législateur prolonge la période de prestations parentales pour permettre à tous les parents de prendre les semaines supplémentaires successivement.

[89] Cependant, on ne peut ignorer le libellé exact de la loi pour interpréter une disposition d’une façon qui correspond mieux à l’objet de la loiNote de bas de page 49. Le langage clair du texte correspond à l’objectif d’encourager les parents à partager les obligations parentales.

[90] J’ai examiné la modification au Code canadien du travail à laquelle la division générale a fait référence. Cette modification a été apportée en même temps que les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. La modification a porté à 86 semaines le nombre total de jours de congé pour deux employés à l’égard du même enfant ou des mêmes enfantsNote de bas de page 50.

[91] Cependant, je remarque que le Code canadien du travail prévoit également une limite quant au moment où le congé parental peut être prisNote de bas de page 51. Cette période n’a pas été modifiée lorsque le nombre total de semaines a été augmenté. Elle limite le congé parental à la période de 78 semaines commençant à la naissance d’un enfant ou lors de son adoption. Ainsi, deux employés peuvent prendre 86 semaines de congé ensemble à l’égard du même enfant, mais ils seront également limités à une période de congé de 78 semaines.

[92] La modification au Code canadien du travail ne donne pas à penser que le législateur avait l’intention de prolonger la période de prestations parentales.

[93] J’estime que le libellé de l’article 23 est clair. Bien qu’il soit vrai qu’une loi conférant des avantages doit être interprétée de façon libérale et généreuse, cette approche ne peut être utilisée pour supprimer une restriction expressément prévue dans la loiNote de bas de page 52. Si l’on interprète l’article 23(4) comme autorisant cinq ou huit semaines supplémentaires de prestations parentales à l’extérieur de la période de prestations parentales, la restriction expressément prévue à l’article 23(2) ne serait pas prise en compte.

[94] De plus, les tribunaux ont affirmé que, pour qu’il y ait ambiguïté dans un texte, elle doit être réelle. Autrement dit, le texte de la disposition doit être raisonnablement susceptible de donner lieu à plus d’une interprétationNote de bas de page 53.

[95] Je ne crois pas que le texte puisse raisonnablement donner lieu à l’interprétation selon laquelle la période de prestations parentales ne s’applique pas aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagées. Le contexte et l’objet ne révèlent aucune ambiguïté dans ce langage clair. Le sens ordinaire de l’article est conforme à l’objet de la loi et à l’intention du législateur.

[96] Lorsque la période de prestations parentales s’applique aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagées, de nombreux parents qui sont dans la même situation que le prestataire seront incapables de prendre ces semaines successivement. Le prestataire soutient qu’il n’est pas conforme à l’intention du législateur d’exiger que certains parents prennent ces semaines en même temps, ou d’exiger qu’un parent qui donne naissance prenne des semaines de prestations de maternité avant la naissance de l’enfant afin de pouvoir prendre les semaines successivement.

[97] J’ai examiné si le fait de limiter les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées à la période de prestations parentales constituait une absurdité ou, potentiellement, une erreur de rédaction législative. Le prestataire soutient qu’il est absurde que la période de prestations parentales empêche les prestataires de prendre les semaines successivement.

[98] Un résultat peut être absurde s’il « mène à des conséquences ridicules ou futiles, [s’il] est extrêmement déraisonnable ou inéquitable, [s’il] est illogique ou incohé[rent], ou [s’il] est incompatible avec d’autres dispositions ou avec l’objet du texte législatif [...]Note de bas de page 54 ».

[99] Il pourrait sembler plus cohérent de prolonger la période de prestations parentales pour les parents qui se partagent des semaines supplémentaires de prestations. Cependant, j’estime que cela ne constitue pas une absurdité.

[100] Les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées sont à la disposition des prestataires, dont certains pourront prendre les semaines successivement, alors que d’autres devront les prendre en même temps. Cela revient à une incohérence potentielle dans l’application de la loi en fonction des circonstances de la partie prestataire. Cependant, cette incohérence n’atteint pas le niveau de l’absurdité.

[101] Comme nous l’avons vu plus haut, si la période de prestations parentales ne s’applique pas aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagées, les prestataires pourraient prendre cinq ou huit semaines de prestations parentales en tout temps. J’estime qu’il s’agirait d’un résultat illogique et incompatible avec les autres articles de la Loi sur l’assurance-emploi.

[102] J’ai examiné si le fait que la période de prestations parentales n’ait pas été modifiée pour inclure une prolongation permettant la prise simultanée des semaines supplémentaires de prestations parentales partagées pouvait être considéré comme une erreur de rédaction législative. En général, une erreur de rédaction peut être corrigée si trois critères sont respectés :

  • l’erreur aboutit à une absurdité manifeste;
  • l’absurdité est causée par une erreur traçable;
  • une correction évidente est disponibleNote de bas de page 55.

[103] Comme je l’ai mentionné, je ne pense pas que l’erreur potentielle conduise à une absurdité manifeste.

[104] Il existe également une différence entre une erreur de rédaction et une lacune législative. Une lacune législative se produit lorsqu’une loi n’est pas assez inclusive et entraîne une application plus étroite qu’elle ne le devrait. Dans la présente affaire, la loi ne permet pas à certaines parties prestataires de bénéficier en même temps des semaines supplémentaires de prestations parentales partagées. La sous-inclusion est corrigée par la loi et non par la mise en œuvre d’une exception qui ne figure pas dans la Loi sur l’assurance-emploi. Il s’agit d’une modification considérée comme devant être laissée au législateurNote de bas de page 56.

[105] Le législateur n’a pas modifié la période de prestations parentales ni prévu d’exception à cette période pour les semaines supplémentaires. Si cette décision n’était pas intentionnelle, j’estime que l’absence de prolongation de la période de prestations parentales serait une lacune législative plutôt qu’une erreur de rédaction.

[106] Étant donné que donné que le Parlement a déjà prolongé la période de prestations parentales auparavant, notamment lorsqu’il a mis en œuvre les prestations parentales prolongées, il faut tenir compte de la probabilité que le Parlement n’ait pas eu l’intention de modifier la période de prestations parentales, tout comme il n’a pas modifié la période de congé prévue dans le Code canadien du travail.

[107] Le libellé de l’article 23(2) indique clairement que la période s’applique aux prestations prévues par cet article. Cela donne à penser que les rédactrices et rédacteurs de la loi auraient été conscients que l’article 23(2) s’appliquerait aux semaines de prestations prévues à l’article 23(4).

[108] Je note que le prestataire a fait tout son possible pour s’assurer qu’il se conformait à la loi lorsqu’il a demandé des prestations parentales partagées. Dans la présente affaire, le prestataire s’est fondé sur les renseignements de la Commission accessibles au public. Il n’a vu aucune référence à la période de prestations parentales. Il s’est fié à ces renseignements lorsqu’il a planifié son congé. Il n’y avait pas grand-chose que le prestataire aurait pu faire de plus.

[109] Le prestataire a déclaré qu’il était frustré par le montant des ressources gouvernementales consacrées à la contestation de la décision rendue dans son dossier et dans le cadre d’affaires relatives à la même question. Il estime que la somme des prestations en cause est négligeable comparativement au coût d’un appel de la décision de la division générale.

[110] Je comprends la frustration du prestataire. Je peux seulement décider si la division générale a commis une erreur ou non. Je ne peux pas tenir compte du coût d’un appel relatif au montant des prestations en cause.

[111] Je compatis à la situation du prestataire et à celle des nombreuses autres personnes qui se trouvent dans la même situation. Toutefois, je dois interpréter et appliquer la loi; je ne peux pas la réécrireNote de bas de page 57.

[112] J’estime que la loi est claire. Les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées sont des prestations au titre de l’article 23. Cela signifie que la période de prestations parentales s’applique et que les prestations ne peuvent être versées à l’extérieur de cette période.

Conclusion

[113] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation des articles 23(2) et 23(4) de la Loi sur l’assurance-emploi. Le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations parentales au-delà de la période de prestations parentales.

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