Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 228

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (443744) rendue le 14 décembre 2021 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Amanda Pezzutto
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 8 février 2022
Personne présente à l’audience : Appelant

Date de la décision : Le 17 février 2022
Numéro de dossier : GE-21-2581

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Décision

[1] R. M. est le prestataire. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a refusé d’accepter sa demande de révision. Le prestataire porte ce refus en appel devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Je rejette l’appel du prestataire. Sa demande de révision était en retard. Je conclus qu’il n’a pas fourni une explication raisonnable pour justifier le retard de sa demande de révision. De plus, il n’a pas montré l’intention constante de demander la révision. Ainsi, la Commission n’a pas à réviser sa décision initiale.

Aperçu

[3] Le prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi en janvier 2021. La Commission a examiné les circonstances entourant sa demande avant de décider qu’il avait quitté son emploi sans justification. La Commission a décidé que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations jusqu’à ce qu’il ait accumulé assez d’heures de travail pour remplir de nouveau les conditions requises pour recevoir des prestations d’assurance-emploi. La Commission a informé le prestataire de sa décision lors d’une conversation qui a eu lieu le 6 mai 2021 et dans une lettre datée du 7 mai 2021. La Commission a également dit au prestataire qu’il disposait de 30 jours pour demander une révision.

[4] Environ six mois plus tard, le prestataire a présenté une nouvelle demande de prestations d’assurance-emploi. La Commission a décidé qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations parce qu’il n’avait pas travaillé pendant un nombre d’heures suffisant pour remplir les conditions requises et recevoir des prestations d’assurance-emploi. En effet, la décision que la Commission avait déjà rendue au sujet du départ volontaire voulait dire que le prestataire ne pouvait utiliser aucune des heures de travail qu’il avait accumulées avant le 28 janvier 2021 pour remplir les conditions requises et recevoir des prestations d’assurance-emploi. En conséquence, le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision selon laquelle il avait quitté son emploi sans justification. La Commission a décidé que la demande de révision était trop en retard et elle a refusé de l’accepter.

[5] La Commission affirme que le prestataire a fait sa demande de révision plus de 30 jours après la décision initiale. Elle affirme qu’il n’a pas fourni d’explication raisonnable pour justifier son retard. Elle ajoute que le prestataire n’a pas montré l’intention constante de demander la révision.

[6] Le prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. Il dit avoir un nouveau relevé qui montre qu’il n’a pas quitté son emploi. Il explique qu’il n’a pas demandé une révision tout de suite parce qu’il ne comprenait pas les implications de la décision de la Commission. Il ajoute que la Commission devrait commencer à compter les 30 jours à compter de la lettre de décision du 15 novembre 2021.

Questions en litige

[7] Je dois décider si la Commission doit accepter la demande de révision du prestataire. Pour rendre cette décision, je dois examiner plusieurs questions.

[8] Je dois d’abord décider si le prestataire a présenté sa demande de révision en retard.

[9] Ensuite, je dois décider si la Commission a rendu sa décision de façon équitable lorsqu’elle a refusé d’accepter la demande de révision.

[10] Si la Commission n’a pas rendu sa décision de façon équitable, je peux alors examiner tous les facteurs décrits par la loi et rendre ma propre décision sur la question de savoir si la Commission devrait accepter la demande de révision du prestataire.

Analyse

[11] Lorsque la Commission prend une décision sur les prestations d’assurance-emploi, on dispose d’un délai de 30 jours pour lui demander de réviser la décision. C’est ce qu’on appelle une demande de révisionFootnote 1.

[12] Si l’on attend plus de 30 jours pour demander la révision, on est en retard. La Commission doit alors décider si elle accepte la demande tardive.

[13] Lorsqu’elle examine une demande tardive de révision, la Commission évalue deux questions :

  • Y a-t-il une explication raisonnable qui justifie le retard?
  • A-t-on montré qu’on avait toujours l’intention de demander une révision, même si on l’a fait en retardFootnote 2?

[14] Si l’on présente une nouvelle demande de prestations d’assurance-emploi après avoir reçu communication de la décision initiale de la Commission, celle-ci doit aussi examiner deux autres questions :

  • La demande de révision a-t-elle une chance raisonnable de succès?
  • La Commission ou toute autre partie subirait-elle un préjudice si la Commission acceptait la demande tardive de révisionFootnote 3?

[15] La Commission peut accepter la demande tardive et réviser la décision seulement si la réponse aux quatre questions est « oui ». Autrement dit, il faut remplir les quatre conditions pour que la Commission accepte la demande tardive de révision.

[16] Lorsqu’il s’agit d’accepter ou de refuser des demandes tardives de révision, la Commission rend ses propres décisions. C’est ce qu’on appelle un pouvoir discrétionnaireFootnote 4.

[17] Même si la Commission a le pouvoir discrétionnaire d’accepter ou de refuser une demande tardive de révision, elle doit rendre sa décision de façon équitable. Elle doit examiner toutes les informations lorsqu’elle prend une décision. Elle doit faire attention aux informations importantes sur les raisons du retard et ignorer les choses qui ne sont pas importantesFootnote 5.

[18] Je dois respecter le pouvoir discrétionnaire de la Commission. Habituellement, cela veut dire que je ne peux pas modifier sa décision. Toutefois, si elle n’a pas pris sa décision de façon équitable, je peux alors jouer le rôle de la Commission. Je peux ainsi décider d’accepter ou de refuser la demande tardive de révision.

Le prestataire a-t-il présenté sa demande de révision en retard?

[19] Je conclus que la demande de révision était en retard. En effet, je constate que la Commission lui a communiqué sa décision au plus tard le 17 mai 2021, mais qu’il a demandé la révision le 24 novembre 2021.

[20] La Commission a décidé que le prestataire avait quitté son emploi sans justification. La Commission dit avoir communiqué cette décision au prestataire en mai 2021.

[21] Le prestataire convient que la Commission lui a parlé et lui a envoyé une lettre de décision en mai 2021. Mais il dit que la Commission a envoyé une autre lettre le 15 novembre 2021. Il dit que cette lettre de décision lui donnait un délai de 30 jours pour demander une révision.

[22] La loi prévoit qu’on a 30 jours après avoir reçu communication de la décision de la Commission pour demander une révision. La loi ne précise pas ce que la « communication » d’une décision veut dire, mais il y a des décisions de jurisprudence qui mentionnent des situations semblablesFootnote 6.

[23] La responsabilité de communiquer la décision au prestataire revient à la CommissionFootnote 7. Ainsi, la Commission doit démontrer qu’elle a informé le prestataire du « contenu » et des « conséquences » de sa décisionFootnote 8.

[24] Dans la présente affaire, le prestataire convient qu’il a parlé à une agente de la Commission le 6 mai 2021. Selon le compte rendu de la conversation, qui a été produit par la Commission, l’agente a dit au prestataire qu’elle avait décidé qu’il avait choisi de quitter son emploi. Elle lui a dit qu’elle excluait son relevé d’emploi parce que son départ n’était pas fondé. Elle a ajouté qu’il pouvait demander une révision.

[25] Le prestataire ne m’a donné aucune raison de douter du compte rendu de la conversation que la Commission a consigné. Par conséquent, je juge que le compte rendu est fiable.

[26] La Commission a aussi posté une lettre de décision au prestataire le 7 mai 2021. La lettre précise que la Commission a décidé que le prestataire avait quitté son emploi sans justification. La lettre indique que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi jusqu’à ce qu’il travaille pendant un nombre d’heures suffisant pour remplir de nouveau les conditions requises pour recevoir des prestations. La lettre mentionne aussi qu’il dispose de 30 jours pour demander une révision.

[27] À l’audience, le prestataire a reconnu avoir reçu cette lettre. Il ne se souvenait pas de la date où il l’a reçue. Compte tenu des délais habituels de livraison du courrier, j’estime qu’il est probable que le prestataire ait reçu la lettre le 17 mai 2021 au plus tard.

[28] Je conclus que la preuve démontre que la Commission a communiqué sa décision au prestataire par téléphone et par courrier. L’agente de la Commission a expliqué le contenu de sa décision en disant au prestataire qu’elle avait décidé qu’il avait quitté son emploi sans justification. Elle en a aussi expliqué les conséquences. En effet, elle a dit au prestataire qu’elle excluait le relevé d’emploi.

[29] De plus, je juge que la lettre de décision expliquait aussi le contenu et les conséquences de la décision de la Commission. La lettre répète la décision de la Commission. Je remarque également que la lettre explique que le prestataire dispose de 30 jours pour demander une révision.

[30] Par conséquent, je conclus que la Commission a communiqué sa décision au prestataire au plus tard le 17 mai 2021. En effet, le prestataire a probablement reçu la lettre de décision concernant la révision avant cette date.

[31] Je comprends que le prestataire dit ne pas avoir compris les implications de la décision de la Commission. Cependant, cet argument est plus pertinent pour ce qui est de savoir si le prestataire a une explication raisonnable pour justifier son retard. Cela ne veut pas dire que la Commission n’a pas communiqué sa décision au prestataire.

[32] Je comprends également que le prestataire dit qu’il devrait avoir 30 jours à compter de la deuxième lettre de décision de la Commission. Je ne suis pas d’accord avec lui sur ce point.

[33] La Commission a posté une lettre au prestataire le 15 novembre 2021. Cette lettre indique que le prestataire n’a pas accumulé assez d’heures pour remplir les conditions requises et recevoir des prestations d’assurance-emploi. La lettre fait référence à la lettre du 7 mai 2021 et à la décision antérieure de la Commission, soit que le prestataire a quitté son emploi sans justification.

[34] Je conviens que la lettre du 15 novembre 2021 contient des informations sur le droit du prestataire de demander une révision. Mais il est clair pour moi que la décision dont parle cette lettre porte sur la question de savoir si le prestataire a un nombre d’heures suffisant pour répondre aux conditions requises. Par conséquent, je juge que cette lettre donne au prestataire un délai de 30 jours pour demander la révision de la décision que la Commission a rendue au sujet de ses heures de travail. Elle ne lui donne pas un délai de 30 jours pour demander la révision de la question de savoir si son départ était fondé. En effet, la lettre du 7 mai 2021 avait déjà avisé le prestataire de son droit de demander la révision de cette décision.

[35] Ainsi, je conclus que la Commission a communiqué au prestataire sa décision concernant le départ volontaire au plus tard le 17 mai 2021. Le prestataire a demandé la révision de cette décision le 24 novembre 2021. Il a fait sa demande plus de 30 jours après avoir reçu communication de la décision de la Commission. Par conséquent, sa demande de révision est en retard.

La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon équitable?

[36] Je conclus que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon équitable. En effet, la Commission n’a pas parlé au prestataire de la demande de révision qu’il avait présentée et elle ne lui a pas donné l’occasion de fournir plus de renseignements sur le retard de la demande.

[37] Le prestataire a joint une lettre à sa demande de révision. Dans la lettre, il donne beaucoup de renseignements sur son travail et explique pourquoi il n’est pas d’accord avec la décision de la Commission voulant qu’il ait quitté volontairement son emploi. Il ne donne cependant pas beaucoup de détails sur les raisons pour lesquelles il a attendu avant de demander une révision.

[38] Sans parler au prestataire, la Commission a refusé d’accepter sa demande tardive de révision. Elle n’a donc pas tenté de recueillir des informations plus pertinentes sur son retard.

[39] Je pense que cela montre que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon équitable lorsqu’elle a refusé d’accepter la demande tardive. Le prestataire avait peut-être des précisions à apporter sur la raison pour laquelle il a tardé à demander la révision, mais la Commission a décidé de refuser sa demande de révision sans essayer d’obtenir plus de renseignements.

[40] Par conséquent, comme la Commission n’a pas utilisé son pouvoir discrétionnaire de façon équitable, je peux jouer le rôle de la Commission. Je peux examiner tous les facteurs prévus par la loi et rendre ma propre décision sur la demande de révision que le prestataire a présentée en retard.

Le prestataire a-t-il une explication raisonnable pour justifier son retard?

[41] Je juge qu’aucune explication raisonnable ne justifie le retard du prestataire.

[42] À l’audience, le prestataire a déclaré qu’il avait tardé à demander la révision parce qu’il ne comprenait pas les implications de la décision de la Commission. Il a ajouté qu’il travaillait et n’avait pas besoin de prestations d’assurance-emploi.

[43] Je ne crois pas que ce soit là une explication raisonnable pour justifier son retard. Selon le compte rendu de la conversation du 6 mai 2021, que la Commission a consigné, l’agente a dit au prestataire qu’elle excluait son relevé d’emploi. Le prestataire aurait pu lui demander comment cette décision affecterait son dossier par la suite, mais il ne l’a pas fait.

[44] De plus, la lettre de décision de la Commission indique que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. La lettre explique qu’il doit accumuler assez d’heures de travail pour remplir de nouveau les conditions requises pour recevoir de l’assurance-emploi. Je pense que la lettre explique les implications de la décision de la Commission. Le prestataire avait le loisir de contacter la Commission pour demander des précisions sur les effets de la décision.

[45] Finalement, je ne crois pas que le fait que le prestataire travaillait et n’avait pas besoin de prestations d’assurance-emploi soit une explication raisonnable pour justifier le retard. Même s’il travaillait, il aurait quand même pu contacter la Commission pour demander une révision. Il ne m’a pas démontré que quelque chose l’avait empêché de demander la révision plus tôt.

[46] Par conséquent, je conclus que le prestataire n’a pas fourni d’explication raisonnable pour justifier le retard de sa demande de révision.

Le prestataire a-t-il manifesté l’intention constante de demander la révision?

[47] Je juge que le prestataire n’a pas manifesté l’intention constante de demander la révision durant la période de son retard.

[48] À l’audience, le prestataire a déclaré qu’il travaillait déjà lorsque la Commission lui a fait part de sa décision. Il a dit qu’il ne pensait pas avoir besoin de demander une révision de la décision jusqu’à ce qu’il ait réellement besoin de présenter une nouvelle demande d’assurance-emploi.

[49] Je pense que cela montre que le prestataire n’avait pas l’intention de demander à la Commission de réviser sa décision pendant la période du retard. Il a délibérément décidé d’attendre jusqu’à la présentation d’une autre demande d’assurance-emploi.

La demande de révision du prestataire a-t-elle une chance raisonnable de succès?

[50] La Commission fait valoir que la demande de révision n’a aucune chance raisonnable de succès. Je ne suis pas d’accord.

[51] Pour cette question, je dois simplement me demander s’il y a une chance que la Commission modifie sa décision sur le départ volontaire. Y a-t-il des preuves ou des arguments que le prestataire pourrait présenter et qui pourraient faire changer la décision?

[52] Je juge qu’il existe des éléments de preuve susceptibles de modifier la décision de la Commission. Le prestataire a un relevé d’emploi modifié qui montre qu’il a cessé de travailler parce que son contrat prenait fin. Il affirme qu’il n’a pas vraiment quitté son emploi.

[53] Je pense que le nouveau relevé d’emploi donne une chance raisonnable de succès à la demande de révision du prestataire. Il est possible que cette preuve mène à une décision différente au sujet du départ du prestataire.

La Commission ou une autre partie subirait-elle un préjudice?

[54] Je juge qu’il n’y aurait aucun préjudice pour la Commission ou toute autre partie si la Commission acceptait la demande tardive de révision.

[55] La Commission a rendu sa décision en mai 2021 et le prestataire a demandé une révision en novembre 2021. C’est un retard de moins d’un an. Je pense donc que la Commission a probablement encore les preuves relatives à sa décision initiale. Je ne crois pas que la Commission ou une autre partie aurait de la difficulté à réunir de nouveaux arguments ou éléments de preuve.

[56] Je note également que la Commission convient qu’elle ne subirait aucun préjudice si elle acceptait la demande tardive de révision.

La Commission doit-elle accepter la demande de révision du prestataire?

[57] Le prestataire doit remplir les quatre conditions pour que la Commission accepte sa demande tardive de révision. En d’autres mots, il doit prouver tous les éléments suivants :

  • il a une explication raisonnable pour justifier le retard de sa demande de révision;
  • il avait l’intention constante de demander la révision durant la période du retard;
  • sa demande de révision a une chance raisonnable de succès;
  • ni la Commission ni une autre partie ne subirait un préjudice si la Commission acceptait la demande tardive de révision.

[58] Le fait que le prestataire remplisse certaines de ces conditions ne suffit pas. S’il ne répond pas à toutes les conditions, la Commission n’est pas obligée d’accepter la demande tardive de révision.

[59] Ainsi, même si je juge qu’il remplit certaines de ces conditions, le prestataire n’a pas prouvé qu’il les remplissait toutes. Aucune explication raisonnable ne justifie son retard et il n’a pas manifesté l’intention constante de demander la révision. Par conséquent, la Commission n’a pas à accepter sa demande tardive de révision.

[60] Par contre, la loi donne à la Commission le pouvoir discrétionnaire d’examiner les faits nouveaux et de modifier une décision. Il n’y a pas de limite de temps associée à cette loi. Je demande donc à la Commission de vérifier si le relevé d’emploi modifié respecte les conditions énoncées à l’article 111 de la Loi sur l’assurance-emploi.

Conclusion

[61] Je rejette l’appel du prestataire. Sa demande de révision était en retard. Il ne remplit pas les quatre conditions requises pour que la Commission accepte la demande tardive.

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