Assurance-emploi (AE)

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Citation : NL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 957

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : N. L.
Représentante ou représentant : M. J.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (424384) datée du 30 juin 2021 rendue par la Commission de l’assuranceemploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Manon Sauvé
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 17 septembre 2021
Personnes présentes à l’audience : L’appelante
La représentante
Date de la décision : Le 1er octobre 2021
Numéro de dossier : GE-21-1390

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[2] La prestataire travaille depuis quelques années à titre de préposée aux bénéficiaires dans une résidence privée pour des personnes âgées en perte d’autonomie. Le 15 mars 2021, elle est congédiée pour inconduite.

[3] L’employeur reproche à la prestataire d’avoir quitté son poste de travail sans autorisation. Ce n’était pas la première fois qu’elle agissait de la sorte. Elle avait été avisée qu’elle pourrait perdre de nouveau son emploi si cela devait se reproduire.

[4] Pour sa part, la prestataire soutient qu’elle ne pouvait pas exécuter toutes les tâches demandées par son employeur. Elle a été en congé de maladie en raison de la surcharge de travail. Lors de son retour au travail, qui devait se faire de façon progressive, l’employeur lui a imposé une suspension et par la suite l’a congédiée.

Question en litige

[5] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite ?

Analyse

[6] Pour décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison la prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi ?

[7] Je retiens que la prestataire travaille à titre de préposée aux bénéficiaires dans une résidence privée pour personnes âgées. Elle est responsable du deuxième étage. Elle doit s’occuper de personnes atteintes de démence, d’Alzheimer ou autres maladies dégénératives.

[8] Il y a treize résidents à l’étage et le conjoint de l’une des résidentes qui passent ses journées avec elle. Elle commence son quart de travail à 14 h 45 et termine à 22 h 45. Ses tâches consistent, entre autres, à préparer la collation, distribuer le souper, donner la médication, laver les résidents et répondre à leurs besoins.

[9] Le 16 juillet 2020, la prestataire a laissé son poste de travail sans autorisation. Et elle s’est absentée quelques jours sans informer votre employeur. Un avis de suspension d’un jour a été émis le 3 septembre 2020.

[10] Le 15 décembre 2020, la prestataire a quitté son poste de travail en laissant sans surveillance les résidents.

[11] Le 17 décembre 2020, elle s’est absentée de son travail, sans autorisation. Le 18 décembre 2020, elle a quitté son poste de travail à 15 h 25.

[12] Depuis le 28 décembre 2020, elle est en arrêt de travail pour maladie. Le 4 janvier 2021, elle présente une demande pour recevoir des prestations d’assurance-emploi pour maladie. Une période de prestations est établie à partir du 20 décembre 2020.

[13] Le 1er mars 2021, son médecin autorise le retour au travail de façon progressive. L’employeur applique la suspension de 5 jours pour l’événement du 15 décembre 2020.

[14] Lors de son retour au travail le 15 mars 2021, l’employeur a congédié la prestataire pour insubordination et pour avoir laissé son poste de travail le 18 décembre.

[15] Je constate que ce sont les gestes reprochés à la prestataire et qui ont mené à son congédiement.

[16] La prestataire admet avoir commis les gestes reprochés. Cependant, elle considère qu’il ne s’agit pas d’une inconduite et que l’employeur cherchait un prétexte pour la congédier en raison de son implication dans le syndicat.

[17] Je suis d’avis que la prestataire a été congédiée, parce qu’elle a quitté son poste de travail le 18 décembre 2021. Elle ne m’a pas convaincu qu’elle a perdu son emploi en raison de son implication dans le syndicat.

[18] Je suis d’avis qu’il est plus probable qu’elle ait été congédiée en raison de son départ de son lieu de travail le 18 décembre 2020.

La raison du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite selon la loi ?

[19] Selon la loi, la raison du congédiement de la prestataire est une inconduite.

[20] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 3. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupableNote de bas de page 4.

[21] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 5.

[22] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 6.

[23] Dans un premier temps, la Commission a accordé des prestations d’assurance-emploi à la prestataire. Elle était d’avis qu’il ne s’agissait pas d’une inconduite.

[24] L’employeur a présenté une demande de révision à la Commission. Cette dernière a procédé à une enquête auprès de l’employeur et de la prestataire.

[25] Selon la Commission, la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Les gestes qu’on lui reproche constituent de l’inconduite, parce qu’elle savait ou devait savoir qu’elle serait congédiée en quittant son poste de travail le 18 décembre 2020.

[26] Je retiens du témoignage de la prestataire qu’elle devait prendre soin de 13 résidents, mais il y avait le conjoint d’une des résidentes qui demeurait avec elle. Il y avait donc 14 résidents sur l’étage.

[27] Les résidents sont vulnérables. Ils peuvent se désorganiser facilement. La prestataire était seule la plupart du temps pour s’occuper d’eux. Elle devait, entre autres, préparer les collations, donner les médications, changer la literie, préparer les soupers, laver la vaisselle et coucher les résidents. En plus, les mesures sanitaires en raison de la COVID-19 ont alourdi la tâche de travail.

[28] Elle recevait de l’aide de la part de la préposée du 3e étage, soit l’équivalent d’une demi-personne. L’équipe volante pouvait aider, mais rarement.

[29] La prestataire a consulté un médecin le 28 décembre. Elle a été mise en arrêt de travail du 28 décembre 2020 au 11 janvier 2021 en raison d’un trouble d’adaptation et d’épuisement professionnel. Lors de son témoignage, elle a déclaré ne pas avoir consulté immédiatement un médecin, parce qu’elle croyait s’en sortir seule.

[30] Je retiens que la prestataire s’est présentée au travail le 18 décembre 2020. Elle a demandé de l’aide au chef infirmier. C’est la directrice générale qui s’est présentée. Elle a avisé la prestataire qu’elle pouvait exécuter ses tâches et que si elle avait l’intention de quitter son poste de travail, elle perdrait son emploi. Elle a quitté son poste de travail.

[31] Elle déclare qu’elle a quitté son poste, parce que son état de santé ne lui permettait plus de poursuivre son travail. Elle avait déjà quitté son emploi pour les mêmes raisons avant le 18 décembre 2020.

[32] Le 16 juillet 2020, elle explique avoir quitté son travail, parce qu’elle était seule à son poste de travail. L’employeur lui a imposé une journée de suspension pour son geste. Le 15 décembre 2020, avant de rentrer au travail, elle a été malade à côté de sa voiture. Elle a demandé à l’infirmier de l’examiner. Il a refusé de le faire, elle a quitté son lieu de travail. Elle ne se souvient pas si elle a travaillé le 16 décembre, mais le 17 décembre, elle a travaillé.

[33] Elle nie avoir tenu des propos racistes à l’endroit d’une préposée aux bénéficiaires qui devait lui venir en aide.

[34] Le 18 décembre 2020, elle demande au chef infirmier pour avoir de l’aide. C’est la directrice générale qui se présente et lui dit qu’elle est capable de faire le travail. Elle ne se sentait pas bien, elle a quitté son emploi. Elle a remis ses clés, parce qu’elles appartiennent à l’employeur.

[35] Elle ne se souvient pas que la directrice lui ait mentionné que si elle quittait son poste, elle serait congédiée. La directrice s’est présentée avec la responsable des ressources humaines.

[36] La prestataire a consulté un médecin le 28 décembre. Elle a été mise en arrêt de travail du 28 décembre 2020 au 11 janvier 2021 en raison d’un trouble d’adaptation et d’épuisement professionnel. Par la suite, elle a été suivie par son médecin traitant. Lors de son témoignage, elle a déclaré ne pas avoir consulté immédiatement un médecin, parce qu’elle croyait s’en sortir seule.

[37] Pour sa part, l’employeur a déclaré à la Commission que la prestataire avait de l’aide au moment du souper, mais que le reste du temps elle était seule.

[38] Le 16 juillet 2020, elle a quitté son poste de travail pour aller voir la directrice. Elle a laissé son unité sans surveillance et elle n’a pas avisé un membre du personnel.

[39] Le 15 décembre 2020, la prestataire est allée rencontrer de nouveau la directrice. Elle a abandonné son poste de travail. Elle a été avisée que si elle quittait son poste une troisième fois, elle serait congédiée. Elle a tout de même quitté son poste de travail.

[40] Lors de son retour au travail, l’employeur a appliqué les sanctions. Il ne peut pas accepter qu’une employée ne respecte pas les règles de la résidence et le code d’éthique qu’elle a signés. Elle n’avait pas le droit de laisser seuls des résidents. Ils étaient sans surveillance.

[41] Selon la Commission, elle a démontré que le geste commis par la prestataire le 18 décembre 2020 constitue de l’inconduite. Elle savait qu’elle serait congédiée si elle quittait de nouveau son poste de travail sans autorisation.

[42] Elle n’a pas respecté les obligations de son contrat de travail. Elle ne pouvait pas laisser seule et sans surveillance les résidents. Ce sont des personnes vulnérables qui ont besoin de la présence d’une personne pour assurer leur sécurité.

[43] J’estime que le geste commis par la prestataire, soit d’avoir quitté son poste de travail le 18 décembre 2020, constitue de l’inconduite au sens de la Loi. Pour en arriver à cette conclusion, j’ai tenu compte de la preuve au dossier et du témoignage de la prestataire.

[44] Ainsi, ce n’était pas la première fois que la prestataire quittait son poste. Elle laissait les résidents sans surveillance. Elle avait eu une suspension d’une journée au mois de septembre pour un geste similaire. Le 15 décembre 2020, elle a de nouveau commis le même geste. Le 18 décembre 2020, la directrice est venue à sa rencontre pour lui mentionner qu’elle ne pouvait pas laisser son poste, sinon elle serait congédiée. Elle a décidé de partir sans se préoccuper des conséquences de son geste.

[45] Je comprends qu’elle a consulté un médecin quelques semaines plus tard. Cependant, lorsqu’elle a décidé de quitter son poste de travail, malgré les avertissements de la directrice, elle devait s’attendre à perdre son emploi.

[46] La prestataire a déclaré que l’employeur l’a remplacée rapidement pour que les résidents ne se retrouvent pas seuls. Cela ne permet pas de conclure que la prestataire n’a pas commis un geste d’inconduite. Ce n’est pas le comportement de l’employeur que je dois analyser, mais celui de la prestataireNote de bas de page 7. Et la priorité de l’employeur est d’assurer la sécurité des résidents.

[47] Elle avait l’obligation de prendre soin des résidents qui, en raison de leurs conditions, sont vulnérables. Elle devait savoir qu’en quittant de nouveau son poste, elle ne respectait pas ses obligations et qu’elle serait congédiée.

[48] La prestataire a délibérément abandonné son poste de travail. Elle connaissait les conséquences de son geste. J’accorde peu de poids à ses explications. Comme je l’ai mentionné, elle avait déjà eu une journée de suspension pour un geste similaire. Le 15 décembre 2020, elle a quitté de nouveau son poste ainsi que le 18 décembre 2020.

[49] Dans ce contexte, je suis d’avis que la Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Conclusion

[50] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[51] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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