Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 222

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : D. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (442102) datée du 6 décembre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Amanda Pezzutto
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 16 février 2022
Personne présente à l’audience : Appelant

Date de la décision : Le 25 février 2022
Numéro de dossier : GE-22-151

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Décision

[1] D. A. est le prestataire. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’il n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi, car il étudiait à temps plein. Le prestataire fait appel de cette décision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Je rejette l’appel du prestataire. J’estime qu’il n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler entre le 5 octobre 2020 et le 30 avril 2021.   

Aperçu

[3] Le prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi en octobre 2020. Plusieurs mois plus tard, la Commission a révisé l’admissibilité du prestataire aux prestations d’assurance-emploi. La Commission a décidé que le prestataire n’était pas disponible pour travailler entre le 5 octobre 2020 et le 30 avril 2021, car il étudiait à temps plein. Par conséquent, la Commission a décidé que le prestataire n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[4] La Commission affirme que le prestataire n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler. La Commission dit que son horaire de cours limitait indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. La Commission affirme également que l’intention du prestataire était de se concentrer sur sa formation et non de retourner sur le marché du travail.

[5] Le prestataire convient qu’il étudiait à temps plein. Il affirme, cependant, que la présomption selon laquelle un étudiant à temps plein n’est pas disponible pour travailler ne devrait pas s’appliquer à lui. Il dit qu’il a l’habitude de travailler et d’étudier en même temps.

Question que je dois examiner en premier

Je rends seulement une décision concernant la disponibilité du prestataire du 5 octobre 2020 au 30 avril 2021 

[6] La Commission a décidé que le prestataire n’était pas disponible pour travailler du 5 octobre 2020 au 30 avril 2021. Selon le registre des conversations de la Commission, la Commission a également décidé que le prestataire n’était pas disponible pour travailler à compter du 13 septembre 2021Note de bas de page 1.

[7] Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision en ce qui concerne sa disponibilité d’octobre 2020 à avril 2021. Son avis d’appel fait aussi référence spécifiquement à cette période. Lors de l’audience, le prestataire a répété qu’il faisait appel de la décision de la Commission ayant trait à sa disponibilité pour travailler pendant cette période.

[8] Par conséquent, je ne vais pas examiner la décision de la Commission ayant trait à la disponibilité pour travailler du prestataire à compter du 13 septembre 2021. Ceci pour deux raisons. Premièrement, la preuve de la Commission n’indique pas clairement qu’elle a effectivement révisé une décision initiale concernant la disponibilité du prestataire à compter du 13 septembre 2021. Deuxièmement, le prestataire n’a pas dit qu’il essayait de faire appel de la décision de la Commission concernant sa disponibilité pour travailler en septembre 2021.

Question en litige

[9] Est-ce que le prestataire était disponible pour travailler?

Analyse

[10] Il existe deux articles pertinents de la loi qui affirment qu’une personne doit prouver qu’elle est disponible pour travailler.

[11] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 2. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 3 ».

[12] Deuxièmement, la Loi dit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 4. La jurisprudence énonce trois éléments qu’une partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 5. Les étudiantes et les étudiants doivent prouver leur disponibilité pour travailler au titre de cette partie de la loiNote de bas de page 6.

[13] La partie prestataire doit prouver qu’elle est disponible pour travailler selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, elle doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est disponible pour travailler.

[14] La Commission affirme avoir eu recours aux deux articles de loi pour refuser les prestations d’assurance-emploi. Je vais donc examiner les deux articles pour décider si le prestataire a prouvé sa disponibilité pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[15] Un article pertinent de la Loi dit qu’une personne doit prouver que ses démarches pour trouver un emploi étaient raisonnables et habituellesNote de bas de page 7.

[16] La Commission affirme avoir eu recours à cet article de la Loi pour rendre le prestataire inadmissible aux prestations.

[17] Je ne suis pas d’accord. Je ne pense pas que la Commission a prouvé qu’elle a eu recours à cet article de la Loi. Je n’aurai pas recours à cet article de la Loi lorsque je rendrai ma décision concernant la disponibilité pour travailler du prestataire.

[18] La première lettre de décision de la Commission affirme que le prestataire n’a pas prouvé sa disponibilité pour travailler puisqu’il étudiait. La lettre ne mentionne pas les démarches pour trouver un emploi du prestataire. Il n’existe aucune preuve démontrant que la Commission a demandé un dossier de recherches d’emploi. La Commission n’a pas averti le prestataire que ses démarches pour trouver un emploi n’étaient ni raisonnables ni habituelles.  

[19] Dans l’une de ses décisions, la division d’appel explique l’importance de faire preuve de prudence en examinant cet article de la loi. Elle dit que je devrais chercher une preuve montrant que la Commission a demandé au prestataire une preuve des démarches habituelles et raisonnables qu’il a faites pour trouver un emploi. Je devrais aussi voir s’il y a une preuve montrant que la Commission a bel et bien expliqué au prestataire qu’elle utilisait cet article de la loi pour décider de sa disponibilité pour travaillerNote de bas de page 8.

[20] Je choisis de suivre la décision de la division d’appel, car c’est important que chaque membre du Tribunal rende des décisions conformes aux autres décisions issues du Tribunal. Suivre les décisions de la division d’appel s’agit d’une manière de s’assurer que le Tribunal rend des décisions conformes aux autres. Je trouve que la décision de la division d’appel est ici très éclairante. Selon moi, la preuve ne montre pas que la Commission aurait utilisé cette partie de la loi pour juger le prestataire inadmissible aux prestations.

[21] Je ne vais pas chercher à savoir si le prestataire a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi. Je ne crois pas que la Commission ait démontré que l’inadmissibilité du prestataire était fondée sur cet article de la loi.

[22] Je n’accueille pas pour autant l’appel du prestataire : il me faut encore examiner l’autre partie de la loi qui porte sur la disponibilité pour travailler.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[23]  Selon l’autre partie de la loi dont je dois tenir compte, la personne doit prouver qu’elle est capable de travailler et disponible pour le faire et incapable d’obtenir un emploi convenable.

[24]  D’après la jurisprudence, la décision que je rends doit se baser sur les trois facteurs ci-dessous. Cela signifie que je dois rendre une décision concernant chacun des facteurs suivants :  

  • La personne doit montrer qu’elle veut recommencer à travailler dès qu’un emploi convenable lui sera offert. Il faut que son attitude et ses actions montrent qu’elle veut retravailler le plus tôt possible.
  • La personne doit prouver qu’elle fait des démarches raisonnables pour trouver un emploi convenable.
  • La personne ne doit pas avoir établi de conditions qui peuvent l’empêcher de trouver un emploi. Si elle limite sa recherche d’emploi d’une façon quelconque, ces limites doivent être raisonnablesNote de bas de page 9.

[25] Les étudiants et les étudiantes doivent prouver qu’ils sont disponibles pour travailler comme n’importe quelle personne demandant des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 10.

Désir de retourner travailler

[26] La Commission dit que le prestataire n’a pas prouvé qu’il désirait recommencer à travailler dès qu’un emploi convenable lui sera offert.

[27] Le prestataire n’est pas d’accord. Il dit qu’il désirait recommencer à travailler.

[28] Il y a des informations contradictoires quant à savoir si le prestataire désirait retourner au travail. Cela signifie que je dois examiner toutes les informations contradictoires et décider ce qui est plus probable. Je dois rendre cette décision selon la prépondérance des probabilitésNote de bas de page 11.

[29] Le prestataire a parlé avec un agent de la Commission en octobre 2021. Il a dit à la Commission que de septembre 2020 à avril 2021, il avait l’intention de se concentrer sur ses études et de trouver un stage pour le mois de mai 2021. Il a déclaré que ces priorités l’emportaient sur la recherche d’un emploi à temps plein.   

[30] Toutefois, lors de l’audience, le prestataire a dit qu’il avait l’intention de travailler à temps plein pendant qu’il étudiait.

[31] J’ai demandé au prestataire d’expliquer ses déclarations contradictoires. Il a dit qu’il a répondu aux questions de la Commission du mieux qu’il pouvait. Il a dit qu’il ne pouvait pas expliquer pourquoi il a fourni des renseignements différents à la Commission au sujet de ses intentions. Il a également affirmé qu’il a commencé à se concentrer sur ses études parce que les employeurs ne le rappelaient pas.  

[32] Je choisis d’accorder plus d’importance aux déclarations du prestataire à la Commission. J’estime que le registre des conversations de la Commission est plus fiable que les déclarations du prestataire lors de l’audience. En effet, le prestataire ne m’a donné aucune raison convaincante de mettre en doute ses déclarations à la Commission. Le registre des conversations de la Commission est exhaustif et détaillé, et le prestataire a fait ces déclarations à une date plus proche de la période que j’examine.  

[33] Par conséquent, je vais me fier aux déclarations du prestataire à la Commission en examinant ce facteur. Le prestataire a dit à la Commission que de septembre 2020 à la fin d’avril 2021, son intention était de se concentrer sur ses études et de trouver un stage pour le mois de mai 2021. Je conclus qu’il n’a pas démontré qu’il souhaitait retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert.

Efforts pour trouver un emploi convenable

[34] Le prestataire dit qu’il essayait de trouver un emploi. Il dit qu’il cherchait un emploi à temps plein pendant qu’il cherchait un stage.

[35] La Commission n’est pas d’accord. Selon la Commission, le prestataire ne cherchait qu’un stage qui commencerait en mai 2021.  

[36] Encore une fois, il y a des informations contradictoires en ce qui concerne les efforts du prestataire pour trouver un emploi. En octobre 2021, le prestataire a dit à la Commission que ses efforts de recherche d’emploi visaient à trouver un stage ou un placement coopératif qui commencerait en mai 2021. Il a dit que son intention de septembre 2020 à la fin d’avril 2021 était de se concentrer sur ses études.

[37] Toutefois, lors de l’audience, le prestataire a dit qu’il cherchait à la fois un emploi à temps plein et un stage.  

[38] Il a fourni un dossier de recherche d’emploi au Tribunal. Selon ce document, il a postulé des emplois en octobre, novembre et décembre 2020, ainsi qu’en janvier, février, mars et avril 2021. Toutefois, son dossier de recherche d’emploi n’indique pas clairement que ces efforts de recherche d’emploi visaient à trouver un emploi à commencer immédiatement; il se peut que c’était pour trouver un stage.

[39] Lors de l’audience, j’ai demandé au prestataire d’expliquer pourquoi il y a des renseignements contradictoires en ce qui concerne ses efforts de recherche d’emploi. Je lui ai demandé pourquoi il n’a pas dit à l’agent de la Commission qu’il cherchait à la fois un emploi qui commencerait immédiatement et un stage. Le prestataire a dit qu’il ne savait pas.

[40] Le prestataire ne m’a pas donné d’explication convaincante en ce qui concerne les renseignements contradictoires. Il ne m’a pas donné de raison probante pour me convaincre de me fier à ses déclarations lors de l’audience plutôt que ses déclarations à la Commission.  

[41] Encore une fois, je signale que le registre de conversations de la Commission est exhaustif et détaillé, et le prestataire a fait ces déclarations à une date plus proche de la période que j’examine. Le prestataire ne m’a donné aucune raison convaincante de mettre en doute la fiabilité du registre de conversations de la Commission.  

[42] Par conséquent, j’ai choisi de me fier aux déclarations que le prestataire a faites à la Commission. J’estime qu’il est probable que ses efforts de recherche d’emploi visaient à trouver un stage qui commencerait en mai 2021.  

[43] Le prestataire doit prouver qu’il a fait des démarches raisonnables pour trouver un emploi. Ses efforts de recherche d’emploi doivent démontrer son désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui sera offert. Toutefois, j’estime que ses efforts de recherche d’emploi visaient à trouver un poste pour le mois de mai 2021. Je conclus qu’il n’a pas fait d’efforts pour trouver un emploi qui ferait en sorte qu’il pourrait retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi lui sera offert.   

[44] Je conclus donc que les démarches du prestataire ne sont pas suffisantes pour satisfaire aux exigences de ce facteur. 

Limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail

[45] La Commission dit que les études à temps plein du prestataire constituaient une condition personnelle qui a limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[46] Le prestataire convient qu’il étudiait à temps plein. Toutefois, il affirme que son horaire de cours ne limitait pas ses chances de retourner sur le marché du travail. Il dit qu’il a l’habitude d’exercer un emploi et d’étudier en même temps. 

[47] Lors de l’audience, le prestataire a décrit ses antécédents de travail et ses études. Selon le prestataire, lors de l’année universitaire 2017‒2018, il étudiait à temps plein et travaillait entre 15 et 20 heures par semaine. De septembre à décembre 2019, il travaillait environ 30 heures par semaine et étudiait à temps plein. Pendant le mois de septembre 2020, il travaillait entre 15 et 20 heures par semaine et étudiait à temps plein.

[48] J’accorde de l’importance au témoignage du prestataire selon lequel il avait l’habitude de travailler et d’étudier en même temps. Mais je ne suis pas convaincue que cela suffise à réfuter la présomption voulant que les étudiants et les étudiantes à temps plein ne sont pas disponibles pour travaillerNote de bas de page 12. C’est parce que je pense qu’il est probable que le prestataire devait assister à ses cours du lundi au vendredi.

[49] Le prestataire a fourni des renseignements contradictoires en ce qui concerne ses exigences de présence aux cours. Il a dit à la Commission qu’il avait des cours magistraux et des laboratoires du lundi au vendredi, au cours de la journée, de septembre 2020 jusqu’à la fin du mois d’avril 2021. Il a dit à la Commission que sa présence aux laboratoires et à plusieurs de ses cours était obligatoire. Il a aussi dit à la Commission qu’il a, en effet, assisté à tous ses cours et laboratoires.

[50] Mais, lors de l’audience, le prestataire a dit qu’il n’était pas tenu d’assister à ses cours en personne puisque les professeurs les enregistraient et les publiaient en ligne. Il était d’accord qu’il devait se présenter assidûment à ses laboratoires.      

[51] J’ai demandé au prestataire d’expliquer pourquoi il existe des renseignements contradictoires en ce qui concerne son horaire de cours et les attentes relatives à sa présence. Le prestataire a dit que la manière dont l’agent de la Commission posait ses questions a fait en sorte qu’il ne lui a pas indiqué précisément pour quels cours il devait obligatoirement être en classe. Le prestataire dit que l’agent de la Commission a probablement mal inscrit l’information relative à sa présence.

[52] J’estime que l’explication du prestataire n’est pas convaincante. Plus tôt, lors de l’audience, le prestataire a indiqué que l’agent de la Commission a correctement inscrit les jours et les heures de ses cours et ses laboratoires des deux semestres, soit de septembre 2020 à la fin avril 2021. J’estime qu’il est peu probable que l’agent de la Commission ait correctement inscrit les informations détaillées relatives à l’horaire de cours du prestataire, et qu’ensuite il aurait mal inscrit les déclarations du prestataire concernant la présence obligatoire aux cours. J’estime que le registre des conversations de la Commission est plus fiable que les déclarations du prestataire lors de l’audience. J’estime qu’il est probable que les cours du prestataire avaient des exigences d’assiduité. J’estime également qu’il est probable qu’il assistait régulièrement à ses cours et ses laboratoires, chaque jour de semaine, de septembre 2020 à la fin avril 2021.

[53] L’horaire de cours du prestataire laisse entendre qu’il passait une partie considérable de chaque jour de semaine à suivre ses cours et laboratoires. Je conclus que l’horaire de cours du prestataire constituait une condition personnelle qui a limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

Donc, est-ce que le prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin? 

[54] Je conclus que le prestataire n’a pas démontré qu’il désirait retourner sur le marché du travail. Il n’a pas démontré qu’il faisait des démarches raisonnables pour trouver un emploi, et son horaire de cours constituait une condition personnelle qui a limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. Par conséquent, je conclus que le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler du 5 octobre 2020 au 30 avril 2021. 

Conclusion

[55] Je rejette l’appel du prestataire. Je conclus qu’il n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler au sens de la loi. Cela signifie qu’il n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploi du 5 octobre 2020 au 30 avril 2021.

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