Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KE c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 946

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. E.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (435345) datée du 24 septembre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 16 novembre 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelante

Date de la décision : Le 24 novembre 2021
Numéro de dossier : GE-21-1985

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec la prestataire.

[2] La prestataire a démontré qu’elle était disponible pour travailler pendant qu’elle était aux études. Par conséquent, elle n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Il est donc possible qu’elle ait droit à des prestations.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à partir du 8 février 2021, parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi, la partie prestataire doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que la partie prestataire doit être à la recherche d’un emploi.

[4] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. La prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est disponible pour travailler.

[5] La Commission affirme que la prestataire n’était pas disponible parce qu’elle suivait un cours de formation de sa propre initiative.

[6] La prestataire n’est pas d’accord et affirme que tous ses cours étaient offerts en ligne. Elle n’avait pas besoin d’assister à ses cours à un temps précis et elle était libre de choisir quand elle voulait étudier et réviser le contenu des cours. Elle affirme qu’elle se cherchait du travail et qu’elle avait un emploi pendant qu’elle allait à l’université.

Question que je dois examiner en premier

Je vais accepter les documents déposés par la prestataire après l’audience

[7] À l’audience, la prestataire a mentionné les conseils écrits par son employeur concernant l’assurance-emploi quand elle a été mise à pied. Son employeur a encouragé tout le personnel à faire une demande à l’AE. La prestataire a demandé que le document soit admis en preuve. J’ai accepté d’admettre le document en preuve, car celui-ci est un élément de preuve à l’appui de la position de la prestataire selon laquelle elle a droit à des prestations d’AE.

[8] À l’audience, la prestataire a aussi affirmé qu’elle a présenté de nombreuses demandes d’emploi en ligne à l’aide de sites Web de recherche d’emploi. Je lui ai demandé si elle avait conservé un dossier de ses demandes. Elle a répondu qu’elle pourrait en préparer un. La prestataire a fourni son dossier après l’audience. J’ai accepté d’admettre le dossier en preuve, parce qu’il est pertinent pour la question de la disponibilité pour travailler de la prestataire.

[9] La Commission a reçu une copie des documents. En date de la présente décision, la Commission n’a pas présenté d’observations supplémentaires.

Question en litige

[10] La prestataire était-elle disponible pour travailler pendant qu’elle était aux études?

Analyse

[11] Deux articles de loi différents exigent que la partie prestataire démontre qu’elle était disponible pour travailler. La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible selon ces deux articles. Cette dernière doit donc répondre aux critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[12] Cependant, j’estime que j’ai seulement besoin de décider si la prestataire était disponible pour travailler aux termes d’un article de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). Il s’agit de l’article 18(1)(a). Voici les motifs qui expliquent ma conclusion.

[13] Premièrement, la Loi sur l’AE dit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenable. Cette obligation est à l’article 50(8) de la Loi sur l’AE. L’article 9.001 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE) présente des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnables ».

[14] Deuxièmement, la Loi sur l’AE prévoit aussi que la partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable d’obtenir un emploi convenable. La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sens. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[15] La Commission a établi que la prestataire était inadmissible aux prestations parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler selon ces deux articles de loi.

[16] Aux termes de l’article 50(8) de la Loi sur l’AE, la Commission peut exiger que la partie prestataire prouve qu’elle fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable conformément aux critères de l’article 9.001 du Règlement sur l’AE. L’article 9.001 énonce que ces critères sont à l’intention de l’article 50(8) de la Loi sur l’AE. L’article 9.001 ne dit pas que ces critères servent à établir la disponibilité aux termes de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE.

[17] Si la partie prestataire ne se conforme pas à la demande écrite prévue à l’article 50(8) exigeant de prouver qu’elle a fait des démarches habituelles et raisonnables, elle pourrait être inadmissible aux termes de l’article 50(1) de la Loi sur l’AE. L’article 50(1) dit qu’une partie prestataire est inadmissible aux prestations jusqu’à ce qu’elle se conforme à la demande prévue à l’article 50(8) et fournisse les renseignements nécessaires.

[18] Un examen du dossier d’appel révèle que la Commission n’a pas décidé que la prestataire était inadmissible parce qu’elle ne s’est pas conformée à la demande de ses démarches de recherche d’emploi. En fait, la décision initiale de la Commission était de déclarer la prestataire inadmissible parce qu’elle suivait une formation de sa propre initiative.

[19] La Commission a bien interrogé la prestataire au sujet de ses démarches de recherche d’emploi avant de rendre sa décision initiale. Cela faisait partie du processus de révision.

[20] Pendant les deux entrevues, la Commission s’est uniquement concentrée sur les demandes d’emploi. Elle n’a pas posé de question sur les autres activités de recherche d’emploi énumérées à l’article 9.001 du Règlement sur l’AE, ni même considéré celles-ci. De plus, la Commission a maintenu sa décision initiale dans sa décision de révision, sans fournir de raison supplémentaire pour justifier l’inadmissibilité. Par conséquent, j’estime que pour conclure si la prestataire était disponible pour travailler et admissible aux prestations de l’AE, je n’ai pas besoin de décider si ses démarches de recherches d’emploi répondent aux critères de l’article 9.001.

[21] En conséquence, je dois uniquement décider si la prestataire était disponible pour travailler selon le paragraphe 18(1)(a) de la Loi de l’AE.

[22] De plus, la Cour d’appel fédérale a déclaré que les parties prestataires qui sont aux études à temps plein sont présumées ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 1. C’est ce qu’on appelle la « présomption de non-disponibilité ». Cela signifie que l’on considère que les personnes qui sont aux études ne sont probablement pas disponibles pour travailler quand la preuve montre qu’elles sont aux études à temps plein.

[23] Je vais d’abord voir si je peux présumer que la prestataire n’était pas disponible pour travailler. J’examinerai ensuite si elle était disponible pour travailler.

Présumer que les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler

[24] La présomption de non-disponibilité s’applique uniquement aux personnes qui étudient à temps plein.

La prestataire ne conteste pas son statut d’étudiante à temps plein

[25] La prestataire reconnaît qu’elle étudie à temps plein, et rien ne démontre que ce n’est pas le cas. J’accepte donc le fait que la prestataire est aux études à temps plein.

[26] La présomption s’applique donc à la prestataire.

La prestataire est étudiante à temps plein

[27] La prestataire étudie à temps plein. Par contre, la présomption selon laquelle les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler peut être réfutée (c’est-à-dire qu’on peut montrer qu’elle ne s’applique pas). Si la présomption est réfutée, elle ne s’applique pas.

[28] La prestataire peut réfuter cette présomption de deux façons. Elle peut démontrer qu’elle a l’habitude de travailler à temps plein tout en étant aux étudesNote de bas de page 2. Sinon, elle peut démontrer qu’il existe des circonstances exceptionnelles dans son casNote de bas de page 3.

[29] La prestataire a déclaré qu’elle a commencé son programme universitaire actuel en septembre 2019. À ce moment, elle travaillait environ 20 heures par semaine à un service de garde parascolaire pour enfants d’âge scolaire et à des fêtes d’enfants pendant la fin de semaine. Elle suivait cinq cours par semestre à partir de septembre 2019 et a continué de travailler 20 heures par semaine. Elle a continué de travailler chaque semestre après cette date.

[30] La prestataire était inscrite à cinq cours et travaillait 20 heures par semaine quand elle a été mise à pied en février 2021. La prestataire a expliqué qu’elle pouvait faire tous ses travaux en ligne. Elle n’avait pas besoin d’assister aux cours à un temps précis. Si elle devait faire un travail de groupe, les membres du groupe devaient choisir le temps qui leur irait le mieux d’un commun accord, car ils se trouvaient partout dans le monde.

[31] La prestataire a rempli deux questionnaires de formation : un le 25 février 2021 et un autre le 22 mai 2021. Dans les deux questionnaires, la prestataire a indiqué sa disponibilité pour travailler et sa capacité à travailler dans des conditions similaires ou des conditions meilleures que celles qu’elle a connues avant de commencer son programme. Dans les deux questionnaires, la prestataire a précisé que si elle trouvait un emploi à temps plein, elle changerait son horaire de travail pour pouvoir l’accepter.

[32] La prestataire a souligné que la Commission a dit qu’elle consacrait quatre heures par jour à l’école, une heure par jour à ses recherches d’emploi et qu’elle a postulé pour deux emplois. La prestataire a affirmé que ces données sont incorrectes. Elle a déclaré qu’elle cherchait du travail après sa mise à pied. Elle a affirmé qu’elle consacrait environ trois heures par jour à sa recherche d’emploi. Elle a pu retrouver 38 demandes d’emploi faites après sa mise à pied. Deux de ses demandes ont été acceptées. Selon moi, les éléments de preuves que la prestataire a fournis concernant le temps consacré à ses études et à ses démarches de recherche d’emploi sont préférables. En effet, ce témoignage a été fait devant moi et ne constitue pas de l’information relayée par quelqu’un d’autre.

[33] La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible parce qu’elle dit que cette dernière suivait une formation à temps plein, donc elle n’était pas disponible pour travailler. Habituellement, une partie prestataire est considérée comme indisponible quand elle suit des cours du lundi au vendredi pendant les heures de travail régulières. Ici, ce n’est pas le cas, car la prestataire pouvait choisir quand elle voulait visionner les cours préenregistrés et étudier.

[34] La Commission affirme aussi que la prestataire devait être disponible pour travailler à temps plein pendant ses études.

[35] Je ne suis pas d’accord avec la Commission sur le fait que la prestataire devait démontrer qu’elle était disponible pour travailler à temps plein pendant ses études. En effet, il n’y a aucune obligation de la sorte dans la loi. Elle devait démontrer que sa disponibilité pour travailler était reflétée dans ses antécédents professionnels.

[36] J’estime que la prestataire a réfuté la présomption qu’elle n’est pas disponible pour travailler parce qu’elle est une étudiante à temps plein. Elle n’avait pas besoin d’assister aux cours à un temps précis, ni en personne ni virtuellement. Elle pouvait décider quand elle voulait consacrer du temps à visionner les cours préenregistrés et à étudier. Pendant ce temps, elle cherchait aussi du travail à temps partiel et à temps plein. Elle a recommencé à travailler à temps partiel en juillet 2021. Considérant ces éléments de preuve, j’estime que la prestataire a réfuté la présomption qu’elle n’est pas disponible pour travailler à cause de ses études à temps plein.

[37] Le fait de réfuter la présomption signifie seulement qu’on ne présume pas que la prestataire n’est pas disponible. Je dois cependant encore examiner l’article de loi applicable et décider si la prestataire est réellement disponible.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[38] La jurisprudence établit trois éléments à examiner quand je dois décider si la prestataire est capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 4. La prestataire doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 5 :

  1. a) montrer qu’elle veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert;
  2. b) faire des démarches pour trouver un emploi convenable;
  3. c) éviter d’établir des conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.

[39] Au moment d’examiner chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas de page 6.

Vouloir retourner travailler

[40] La prestataire a montré qu’elle voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.

[41] La prestataire a déclaré qu’elle voulait travailler pour payer ses dépenses. Avant septembre 2019, elle était inscrite à un programme universitaire qui lui exigeait de se présenter du lundi au vendredi de 9 h à 17 h. Elle était incapable de travailler à ce moment. La prestataire s’est inscrite à son programme actuel en partie parce qu’il lui permettrait d’aller à l’université et de travailler en même temps.

[42] La prestataire travaillait en même temps d’aller à l’université jusqu’à sa mise à pied en février 2021. Elle a affirmé qu’elle a commencé à chercher du travail immédiatement et a pu trouver un emploi à temps partiel en juillet 2021, avec la promesse d’heures supplémentaires.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[43] La prestataire a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.

[44] Il existe une liste d’activités de recherche d’emploi permettant de décider si une personne est disponible aux termes d’un autre article de loiNote de bas de page 7. Cet article ne s’applique pas à l’appel de la prestataire. Cependant, j’ai choisi de consulter cette liste pour m’aider à décider si la prestataire a fait des démarches pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 8.

[45] Il y a neuf activités de recherche d’emploi dans la liste : évaluer les possibilités d’emploi, rédiger un curriculum vitae ou une lettre de présentation, s’inscrire à des outils de recherche d’emploi, des banques d’emploi en ligne ou auprès de bureaux de placement, participer à des ateliers sur la recherche d’emploi ou à des salons de l’emploi, faire du réseautage, communiquer avec des employeurs éventuels, présenter des demandes d’emploi, participer à des entrevues et participer à des évaluations des compétencesNote de bas de page 9.

[46] La prestataire a déclaré qu’elle a un curriculum vitae et qu’elle l’a donné à des employeurs, qu’elle s’est inscrite à des sites Web de recherche d’emploi, qu’elle a participé à des entrevues, qu’elle a fait du réseautage auprès de sa famille et de ses amis pour vérifier s’il y avait une possibilité d’emploi et qu’elle a contacté ses anciens employeurs aux mêmes fins. La prestataire a affirmé avoir consacré environ trois heures par jour à sa recherche d’emploi.

[47] La prestataire a expliqué qu’elle a travaillé dans le domaine des loisirs et dans la restauration. Elle a cherché du travail lié à ces domaines et à son domaine d’études. Elle a trouvé un emploi à temps partiel dans une banque et a commencé sa formation. Peu de temps après, on lui a offert un emploi à un restaurant et elle l’a accepté. On lui a dit que ses heures de travail devraient augmenter. Le fait que ses heures de travail n’ont pas passé de temps partiel à temps plein n’est pas déterminant en l’espèce. Depuis, la prestataire est retournée à l’emploi qu’elle avait avant sa mise à pied en février 2021.

[48] Je suis convaincu que les démarches faites par la prestataire pour trouver un emploi expriment son désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est disponible.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[49] La prestataire n’a pas établi des conditions personnelles qui pourraient limiter indûment ses chances de retourner travailler.

[50] La prestataire a témoigné qu’elle a accès au transport pour aller au travail et elle détient un permis de conduire. Elle a cherché du travail lié à son expérience de travail en restauration et au domaine des loisirs. Elle a aussi cherché du travail lié à son domaine d’études. Elle est prête à accepter un emploi pouvant exiger une formation en cours d’emploi.

[51] La prestataire était inscrite à un programme d’études à temps plein quand elle a arrêté de travailler. Elle a auparavant travaillé pendant qu’elle étudiait à temps plein. Elle a déclaré que ses cours étaient en ligne et qu’elle pouvait choisir quand elle voulait visionner les cours préenregistrés et étudier. Elle recherchait à la fois des emplois à temps partiel et à temps plein pendant qu’elle allait à l’école et aurait été capable de modifier son horaire d’études pour se conformer à tout emploi qu’elle aurait décroché. Pour ces raisons, j’estime que son programme scolaire n’a pas indûment limité ses chances de retourner travailler.

Alors, la prestataire était-elle capable de travailler et disponible pour le faire?

[52] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que la prestataire a démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[53] La prestataire a démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi. C’est pourquoi je conclus que la prestataire n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations. Il est donc possible qu’elle ait droit à des prestations.

[54] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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