Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 302

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (423279) datée
du 18 mai 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Suzanne Graves
Mode d’audience : Téléconférence
Date d’audience : Le 29 juin 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 23 août 2021
Numéro de dossier : GE-21-995

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Décision

[1] J’accueille l’appel. Cela signifie que le prestataire peut recevoir 29 semaines de prestations parentales prolongées à compter du 28 mars 2021.

Aperçu

[2] Le bébé du prestataire est né le 2 mars 2020. Le prestataire et son épouse ont décidé de diviser le nombre maximal de prestations parentales prolongées autorisé par la Loi sur l’assurance-emploi. Comme ils partagent les prestations parentales, la Loi sur l’assurance-emploi leur permet de recevoir jusqu’à huit semaines supplémentaires de prestations prolongées.

[3] Après avoir obtenu les conseils de Service Canada, les deux parents ont choisi de demander 69 semaines de prestations parentales partagées de façon séquentielle. Le prestataire prévoyait de recevoir 29 semaines de ces prestations parentales à compter du 28 mars 2021.

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada affirme que le prestataire ne peut pas recevoir les 29 semaines de prestations parentales auxquelles il s’attendait. Elle précise que les prestations parentales ne sont payables que dans la « période de prestations parentales » prévue à l’article 23 de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission affirme que la période de prestations parentales prolongées prend fin 78 semaines après la naissance du bébé du prestataire. Elle indique que la période de prestations parentales du prestataire prend fin le 4 septembre 2021.

Question en litige

[5] Le prestataire peut-il recevoir des prestations parentales prolongées partagées supplémentaires plus de 78 semaines après la semaine de naissance de son enfant?

Observations présentées après l’audience

[6] Le Tribunal de la sécurité sociale a demandé à la Commission de clarifier son interprétation de l’article 23 de la Loi sur l’assurance-emploi. J’ai envoyé les observations de la Commission au prestataire. Le prestataire a répondu le 28 juillet 2021. J’ai donné à la Commission le temps de répondre aux nouvelles observations du prestataire, mais elle n’a fourni aucune réponse.

Analyse

[7] Les prestations parentales sont payables à une partie prestataire pour s’occuper de son nouveau-néNote de bas de page 1. La Loi sur l’assurance-emploi précise que les prestations parentales sont habituellement payables pour chaque semaine de chômage dans la période qui commence avec la semaine où l’enfant est né ou placé chez le parent et qui se termine après 52 semainesNote de bas de page 2.

[8] La période de 52 semaines suivant la naissance ou le placement du bébé est désignée par la Commission comme étant la « période de prestations parentales ». Cette période peut être prolongée dans certaines circonstances. Par exemple, elle peut être prolongée de 26 semaines pour permettre à une partie prestataire de recevoir des prestations parentales prolongées. La période peut également être prolongée lorsque le bébé de la partie prestataire est hospitalisé.

[9] Lorsque la partie prestataire reçoit plus d’un type de prestations spéciales, la loi précise aussi que la période de prestations parentales est prolongée pour lui permettre de réclamer le nombre maximal de prestations spéciales permis par la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[10] Le nombre maximal de semaines de prestations parentales au cours d’une période de prestations pour une partie prestataire est de 35 semaines de prestations parentales régulières ou de 61 semaines de prestations parentales prolongées, selon le choix de la partie prestataireNote de bas de page 4.

Semaines supplémentaires de prestations parentales partagées

[11] En 2018, le gouvernement a adopté la Loi no 2 d’exécution du budget de 2018, qui permet d’accorder des semaines supplémentaires de prestations parentales lorsque ces prestations sont partagées entre deux parentsNote de bas de page 5. J’appellerai cette loi modificative le projet de loi C‑86.

[12] Les nouveaux articles ajoutés par le projet de loi C‑86 précisent que lorsque les prestations sont partagées entre deux parents, ceux-ci peuvent recevoir cinq semaines supplémentaires de prestations parentales standards ou huit semaines supplémentaires de prestations parentales prolongéesNote de bas de page 6. Chaque partie prestataire est toujours limitée à un maximum individuel de 35 semaines de prestations parentales standards ou de 61 semaines de prestations parentales prolongées.

Une période de prestations parentales de 78 semaines empêche-t-elle le prestataire de recevoir les prestations parentales partagées supplémentaires permises en vertu du projet de loi C‑86 ?

[13] Non. J’estime que la période de prestations parentales ne s’applique pas pour empêcher le prestataire de recevoir les prestations parentales partagées supplémentaires permises en vertu de l’article 23(4) de la Loi sur l’assurance-emploi. Mes motifs sont exposés ci-dessous.

Le libellé de la loi n’est pas clair

[14] Je crois que le libellé de l’article 23 de la Loi sur l’assurance-emploi n’est pas clair quant à savoir si la période de prestations parentales s’applique pour empêcher une partie prestataire de recevoir les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées permises en vertu de l’article 23(4).

[15] La Commission soutient que le libellé de l’article 23 de la Loi sur l’assurance‑emploi est clair et que les semaines supplémentaires de prestations partagées permises en vertu du projet de loi C‑86 n’ont pas perturbé la période de prestations parentales. Elle affirme qu’il n’y a pas de jurisprudence qui s’applique directement à la situation du prestataire, mais que les arbitres ne peuvent pas réécrire la loi ni l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaireNote de bas de page 7.

[16] Je conviens que le Tribunal doit appliquer la Loi sur l’assurance-emploi telle qu’elle est rédigée. Cependant, je ne suis pas d’accord avec l’argument de la Commission selon lequel le libellé de l’article 23 de la Loi sur l’assurance-emploi sur cette question est clair.

[17] En fait, le manque de clarté quant à l’interaction entre la période de prestations parentales prévue aux articles 23(2) à 23(3.4) de la Loi sur l’assurance-emploi et les prestations partagées supplémentaires permises en vertu de l’article 23(4) a semé beaucoup de confusion. Dans un certain nombre d’appels tranchés par le Tribunal, des parties prestataires ont déclaré que des agentes et agents de la Commission leur avaient dit qu’elles avaient le droit de réclamer des prestations parentales partagées au-delà d’une période de prestations parentales de 52 ou de 78 semainesNote de bas de page 8. Il s’agit en soi d’un indicateur important que le libellé de la loi n’est pas clair.

[18] Je reconnais que dans des décisions antérieures, le Tribunal a décidé que la période de prestations parentales s’applique aux demandes de prestations parentales partagées supplémentaires. Toutefois, je ne suis pas tenue de suivre les décisions antérieures du Tribunal et j’ai décidé de ne pas le faire parce que je crois que la loi n’est pas claire. Il n’y a, à ce jour, aucune directive des tribunaux ou de la division d’appel du Tribunal sur cette question.

[19] La Commission fait valoir que les prestations parentales ne sont payables que pendant la période de prestations parentales, qui commence la semaine au cours de laquelle l’enfant de la partie prestataire est né ou placé chez la partie prestataire et qui se termine 52 semaines après cette semaine.

[20] Lorsque des prestations prolongées sont choisies, la Commission soutient que la période de prestations parentales est prolongée jusqu’à 26 semaines pour permettre le versement de prestations parentales prolongées jusqu’à un maximum de 61 semaines de prestations. La Commission précise que les prestations parentales, y compris les prestations partagées supplémentaires, ne peuvent être réclamées que jusqu’à 78 semaines après la naissance ou le placement de l’enfant.

[21] Dans le cas présent, l’épouse du prestataire a demandé 15 semaines de prestations de maternité et 40 semaines de prestations parentales prolongées. Après avoir consulté Service Canada, le prestataire prévoyait de demander 29 semaines de prestations parentales prolongées (pour un total de 69 semaines de prestations prolongées partagées entre les deux parents) à compter de la fin de la période de prestations de maternité et de prestations parentales de son épouse.

[22] La Commission affirme que le prestataire ne peut pas demander les 29 semaines de prestations parentales parce que sa demande dépasserait la période de prestations parentales de 78 semaines. Elle indique que la période de prestations parentales du prestataire prend fin le 4 septembre 2021.

[23] La Commission fait valoir que les parents peuvent bénéficier des prestations parentales partagées supplémentaires de manière séquentielle ou simultanée, mais qu’aucun des parents ne peut demander des prestations parentales plus de 78 semaines après la naissance ou le placement de l’enfant chez ses parentsNote de bas de page 9.

[24] Le prestataire a déclaré que son emploi exigeait qu’il planifie ses congés bien avant de partir en congé. Il a téléphoné à la Commission le 11 septembre 2020 pour clarifier son admissibilité au congé parental. La Commission l’a fermement informé des dates précises auxquelles il pouvait demander 29 semaines de prestations : du 28 mars 2021 au 16 octobre 2021. Par conséquent, le prestataire a prévu de prendre un congé de 29 semaines pour cette période. Il a demandé des prestations parentales le 28 mars 2021.

[25] La Commission reconnaît que Service Canada a dit au prestataire qu’il pouvait recevoir ses prestations parentales de façon séquentielle, immédiatement après la fin des prestations de maternité et des prestations parentales de son épouse. Cependant, tout renseignement erroné de la part de la Commission n’est pas une raison pour se soustraire à l’application fondamentale de la Loi sur l’assurance‑emploiNote de bas de page 10.

[26] Les agentes et agents de la Commission ont donc donné des conseils contradictoires aux parties prestataires. Toutefois, l’ambiguïté de la loi va bien au-delà de la question de toute communication verbale ou écrite entre la Commission et les parties prestataires. Je crois que les dispositions législatives elles-mêmes ne sont pas claires pour les trois raisons qui suivent.

Conflit entre la période de prestations parentales et les prestations supplémentaires

[27] Premièrement, la Commission soutient que les prestations partagées peuvent être prises de manière séquentielle ou simultanée. Toutefois, si une période de prestations parentales de 78 semaines doit être respectée, il n’est pas possible pour deux parents de recevoir les 69 semaines de prestations partagées prolongées de manière séquentielle, après que les 15 semaines de prestations de maternité du parent ayant donné naissance ont pris fin. En effet, 15 semaines de prestations de maternité, suivies de 69 semaines de prestations parentales prolongées partagées, représentent un total de 84 semaines de prestations. Cela ne comprend pas les semaines de carence.

[28] Il n’y a rien dans la Loi sur l’assurance-emploi qui précise que les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées doivent chevaucher les prestations de l’autre parent afin que les parents puissent être sûrs de les recevoir. Par conséquent, je crois qu’il y a un conflit entre la période de prestations parentales prévue à l’article 23(2) de la Loi sur l’assurance-emploi et les prestations partagées supplémentaires permises en vertu des articles 12(4) et 23(4).

[29] De plus, je note que les déclarations de la Commission faisaient référence à l’article 23(3.21) de la Loi sur l’assurance-emploi, mais ne comportaient aucune référence à l’article 23(3.2)Note de bas de page 11. Le parent ayant donné naissance semble admissible, au titre de cet article, à une prolongation de la période de prestations parentales prolongées au-delà de 26 semaines s’il demande à la fois des prestations de maternité et des prestations parentales. Cette prolongation serait accordée au motif qu’il demande plus d’un type de prestations spéciales.

23(3.2) Si, au cours de la période de prestations d’un prestataire, aucune prestation régulière ne lui a été versée, que des prestations pour plus d’une des raisons mentionnées aux alinéas 12(3)a) à f) lui ont été versées alors que le nombre maximal total de semaines de prestations prévu pour ces raisons est supérieur à cinquante et, en ce qui touche la raison mentionnée à l’alinéa 12(3)b), que des prestations lui ont été versées pour un nombre de semaines inférieur au nombre maximal applicable, la période prévue au paragraphe (2) est prolongée du nombre de semaines nécessaire pour que le nombre maximal de semaines applicable prévu aux sous-alinéas 12(3)b)(i) ou (ii) soit atteint.

[30] Ainsi, selon l’interprétation que fait la Commission de la Loi sur l’assurance‑emploi, il semble que seul le parent n’ayant pas donné naissance ne peut recevoir toutes ses prestations parentales prolongées au cours d’une période de prestations parentales de 78 semaines.

[31] J’estime qu’il est peu probable que le gouvernement ait accordé des semaines supplémentaires de prestations partagées uniquement pour limiter la possibilité pour le parent n’ayant pas donné naissance de les recevoir, lorsqu’elles sont prises de façon séquentielle. Le fait d’accorder des semaines supplémentaires de prestations, mais d’exiger que les semaines se chevauchent ne permet pas nécessairement au parent ayant donné naissance de retourner au travail plus tôt.

La période de prestations parentales fait référence aux prestations prévues à l’article 12(3)(b)

[32] Deuxièmement, les articles 23(2) à 23(3.4) de la Loi sur l’assurance-emploi (les dispositions relatives à la période de prestations parentales) ne font pas référence aux semaines supplémentaires de prestations. L’article 23(2)(b) prévoit que des prestations sont payables pour chaque semaine de chômage comprise dans la période qui « se termine cinquante-deux semaines après la semaine de la naissance de l’enfant ou des enfants du prestataire ou celle au cours de laquelle le ou les enfants sont ainsi placés ».

[33] La Commission invoque ensuite l’article 23(3.21) de la Loi sur l’assurance‑emploi, qui prévoit que la période de 52 semaines est prolongée de 26 semaines si « [...] le nombre maximal de semaines applicable est prévu au sous‑alinéa 12(3)b)(ii) [...] ». Cependant, les semaines supplémentaires de prestations partagées ne sont pas autorisées par l’article 12(3)(b) de la Loi sur l’assurance-emploi. En fait, elles sont autorisées par une combinaison des articles 12(4)(b)(ii) et 23(4) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[34] Je souligne aussi que le libellé de l’article 23(4) de la Loi sur l’assurance-emploi est semblable à celui de l’article 23(2). L’article 23(4) (qui prévoit les semaines supplémentaires) fait expressément référence au nombre de semaines partagées de prestations parentales prolongées comme étant les « semaines de prestations qui doivent être payées au titre du présent article [...] jusqu’à concurrence de [...] soixante‑neuf semaines [...]Note de bas de page 12 ». Ce libellé donne à penser que les semaines supplémentaires sont autorisées, indépendamment de la période de prestations parentales.

[35] Au mieux, je pense que la Loi sur l’assurance-emploi n’aborde pas la question de savoir si les prestations partagées supplémentaires sont assujetties à la période de prestations parentales.

Les dispositions relatives aux prestations parentales du projet de loi C‑86 comprennent des précisions importantes

[36] Troisièmement, lorsque les prestations partagées supplémentaires ont été ajoutées à la Loi sur l’assurance-emploi, le projet de loi C‑86 comprenait des précisions importantes sur l’admissibilité d’une partie prestataire aux prestations.

[37] Selon l’article 23(4) de la Loi sur l’assurance-emploi, lorsque deux parties prestataires de la première catégorie demandent respectivement des prestations parentales prolongées, les semaines de prestations payables peuvent être partagées entre elles, jusqu’à concurrence de 69 semaines. L’article 23(4.1) précise ceci : « Il est entendu » que le nombre total de semaines qui peuvent être payées pour le même enfant ou les mêmes enfants est limité à 40 semaines de prestations parentales standards ou à 69 semaines de prestations parentales prolongées.

[38] L’article 23(4.11) de la Loi sur l’assurance-emploi précise que le nombre maximal de semaines qui peut être payé à une partie prestataire est de 35 ou de 61 semaines, même si le nombre de semaines de prestations est partagé conformément aux articles 23(4) et 23(4.1).

[39] Cependant, même si le législateur tenait à mettre l’accent sur les limites des prestations supplémentaires, le projet de loi C‑86 ne fait pas référence aux limites de la « période de prestations parentales » ni au fait que les prestations parentales partagées doivent se chevaucher lorsque le nombre maximal de prestations est demandé.

[40] Si le législateur avait eu l’intention de limiter les prestations parentales partagées supplémentaires prévues au titre de l’article 23(4) à une période de prestations parentales de 52 ou 78 semaines, je pense qu’il l’aurait fait. Cela aurait été une précision importante. Toutefois, le gouvernement n’a pas inclus de disposition précisant que les prestations partagées entre deux parents doivent se chevaucher.

L’intention déclarée du gouvernement concernant les prestations partagées supplémentaires

[41] Comme je crois que le libellé de la loi n’est pas clair, je vais examiner l’objet de la Loi sur l’assurance-emploi, ainsi que l’intention déclarée des modifications à la loi dans le cadre du projet de loi C‑86.

[42] J’examinerai d’abord les documents législatifs relatifs à la loi autorisant les semaines supplémentaires de prestations.

[43] Au cours du débat législatif, le gouvernement a fait des déclarations à l’Assemblée législative au sujet des nouveaux articles proposés de la Loi sur l’assurance-emploi. Je crois que ces déclarations indiquent clairement que le gouvernement avait l’intention de prolonger la période de prestations parentales de cinq semaines pour les prestations parentales standards et de huit semaines pour les prestations parentales prolongées.

[44] M. Joël Lightbound a parrainé le projet de loi C‑86 en deuxième lecture le 1er novembre 2018Note de bas de page 13. Voici ce qu’il a déclaré à l’Assemblée législative, comme on peut le lire dans le Hansard :

[...] le gouvernement veut rendre le régime d’assurance-emploi plus flexible et encourager un partage des responsabilités plus équitable afin que les deux parents puissent passer du temps avec leurs jeunes enfants tout en poursuivant leur carrière.

Pour appuyer les jeunes familles et promouvoir l’égalité des sexes en milieu de travail et à la maison, la loi prévoit une nouvelle prestation parentale partagée d’assurance-emploi qui va favoriser une répartition plus égalitaire des responsabilités familiales et professionnelles en accordant cinq semaines supplémentaires d’assurance-emploi dans les cas où les deux parents acceptent de partager leur congé parental. Cette période passera à huit semaines pour les parents qui choisissent de demander des prestations parentales prolongées. Cette mesure incitative, qui sera à prendre ou à laisser, encouragera le deuxième parent des familles biparentales à prendre part de façon égale aux tâches liées à l’éducation des enfants. Ainsi, les nouvelles mères auront plus de souplesse pour retourner plus tôt au travail si elles le désirent. Les congés parentaux équitables pourraient mener à des pratiques d’embauche plus équitables, ce qui réduirait la discrimination que pratiquent consciemment ou inconsciemment les employeurs à l’endroit des femmes [mis en évidence par la soussignée].

[45] Mme Pam Damoff a également pris la parole à l’Assemblée législative lors de la deuxième lectureNote de bas de page 14. Ses déclarations sont consignées dans le Hansard comme suit :

Dans le cadre de notre étude sur la sécurité économique des femmes, les témoins nous ont aussi souligné l’importance de permettre aux couples de partager le congé parental pour favoriser l’égalité des sexes à la maison et au travail. La loi d’exécution du budget mettrait en œuvre la nouvelle prestation parentale partagée de l’assurance-emploi. Ces modifications donneraient plus de souplesse aux parents en leur accordant cinq semaines supplémentaires de prestations s’ils acceptent tous deux de partager le congé parental.

[46] Je reconnais que les déclarations faites à l’Assemblée législative ne l’emportent pas sur le texte d’une loi. Toutefois, ces déclarations donnent un aperçu de l’intention du législateur.

[47] Je note également que, dans des dispositions connexes, le projet de loi C‑86 a modifié le Code canadien du travail pour porter à 86 semaines la durée maximale de l’ensemble des congés pour deux personnes salariées à l’égard du même enfant ou des mêmes enfants :

Cumul des congés : congé parental et congé de maternité

206.2 La durée maximale de l’ensemble des congés que peuvent prendre plusieurs employés en vertu des articles 206 et 206.1 à l’occasion de la même naissance est de quatre-vingt-six semaines, étant entendu que la durée maximale du congé que peut prendre un employé au titre de ces dispositions à cette occasion est de soixante-dix-huit semaines.

L’ambiguïté devrait être résolue en faveur du prestataire

[48] La Cour suprême du Canada a statué que la loi est conçue pour rendre les prestations disponibles rapidement aux personnes sans emploi qui y sont admissibles et qu’elle devrait donc être interprétée de manière libérale pour atteindre cet objectifNote de bas de page 15.

[49] La Cour suprême du Canada a aussi statué que, dans le contexte d’une loi conférant des prestations, une loi doit être interprétée de façon libérale et généreuse et que « tout doute découlant de l’ambiguïté des textes doit se résoudre en faveur [de la partie prestataire]Note de bas de page 16 ».

[50] Il y a un conflit apparent entre la période de prestations parentales prévue aux articles 23(2) à 23(3.4) de la Loi sur l’assurance-emploi et les dispositions permettant le partage de semaines supplémentaires de prestations parentales prévues à l’article 23(4). Comme les dispositions législatives ne sont pas claires, l’ambiguïté causée par ce conflit devrait être résolue en faveur du prestataire.

Le prestataire peut-il donc recevoir 29 semaines de prestations parentales du 28 mars 2021 au 16 octobre 2021?

[51] Oui, je conclus que le prestataire peut recevoir 29 semaines de prestations parentales du 28 mars 2021 au 16 octobre 2021. La Loi sur l’assurance-emploi permet que des semaines supplémentaires de prestations parentales soient réclamées de façon séquentielle lorsque les prestations sont partagées entre deux parents.

[52] J’ai examiné le libellé et l’objet de la Loi sur l’assurance-emploi ainsi que l’intention déclarée du projet de loi C‑86, qui ajoutait les semaines supplémentaires de prestations partagées.

[53] Je ne suis pas d’accord avec l’argument de la Commission selon lequel la période de prestations parentales s’applique pour empêcher les parties prestataires de recevoir les semaines supplémentaires de prestations permises en vertu de l’article 23(4) de la Loi sur l’assurance-emploi, lorsque ces prestations sont partagées par deux parents et prises de façon séquentielle.

Conclusion

[54] L’appel est accueilli.

[55] Cela signifie que le prestataire peut demander 29 semaines de prestations parentales prolongées, prises immédiatement après la fin des prestations de maternité et des prestations parentales de son épouse.

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