Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 954

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelant : R. N.
Représentante ou représentant : N. N.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (427274) datée du 29 juin 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Suzanne Graves
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 28 juillet 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’appelante
Date de la décision : Le 3 septembre 2021
Numéro de dossier : GE-21-1154

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Par conséquent, le prestataire peut recevoir huit semaines de prestations parentales prolongées.

Aperçu

[2] Le bébé du prestataire est né le 14 novembre 2019. Le 14 mai 2021, il a présenté une demande de prestations parentales prolongées. Il a demandé huit semaines de prestations parentales prolongées partagées, à partir du moment où sa conjointe avait fini de recevoir ses prestations. Il dit avoir obtenu des conseils de la Commission de l’assurance-emploi du Canada au sujet des semaines supplémentaires de prestations qui lui sont offertes. La Commission lui a dit qu’il pouvait demander huit semaines de prestations prolongées immédiatement après que sa conjointe ait terminé de recevoir ses prestations de maternité et ses prestations parentales.

[3] La Commission a rejeté la demande de prestations parentales du prestataire. Elle affirme que le prestataire ne peut pas recevoir de semaines de prestations parentales prolongées parce que les prestations parentales ne sont payables que pendant la « période de prestations parentales » de 78 semaines prévue à l’article 23 de la Loi sur l’assurance-emploi. Le prestataire fait appel de la décision de la Commission auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

Question en litige

[4] Le prestataire peut-il recevoir huit semaines de prestations parentales prolongées partagées plus de 78 semaines après la semaine de la naissance de son enfant?

Observations présentées après l’audience

[5] Après l’audience, le prestataire a envoyé des copies des documents de Service Canada concernant la question des prestations parentales partagées. J’ai envoyé les documents à la commission et je lui ai donné le temps de répondre. J’ai aussi demandé à la commission de clarifier son interprétation de l’article 23 de la Loi sur l’assurance-emploi et elle a présenté des observations supplémentaires. J’ai envoyé les observations de la Commission au prestataire et lui ai donné le temps d’y répondre. Il n’a pas répondu aux observations supplémentaires de la Commission.

Analyse

[6] Les prestations parentales sont payables aux prestataires qui veulent prendre soin de leur nouveau-néNote de bas page 1. La Loi sur l’assurance-emploi prévoit que les prestations parentales sont habituellement payables pour chaque semaine de chômage de la période qui commence avec la semaine de naissance ou de placement de l’enfant avec le parent et se termine après 52 semainesNote de bas page 2.

[7] La période de 52 semaines suivant la naissance ou le placement d’un bébé est appelée par la Commission « période de prestations parentales ». Cette période peut être prolongée dans certaines circonstances. Par exemple, elle peut être prolongée de 26 semaines pour permettre à une partie prestataire de recevoir des prestations parentales prolongées. La période peut également être prolongée lorsque le bébé d’une partie prestataire est hospitalisé.

[8] La loi dit aussi que lorsqu’une partie prestataire demande plus d’un type de prestations spéciales, la période de prestations parentales est prolongée pour lui permettre de demander le nombre maximal de prestations spéciales permises par la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 3.

[9] Le nombre maximal de semaines de prestations parentales au cours d’une période de prestations d’une partie prestataire est de 35 semaines de prestations parentales régulières ou de 61 semaines de prestations parentales prolongées, selon le choix de la personneNote de bas page 4.

Semaines supplémentaires de prestations parentales

[10] En 2018, le gouvernement a adopté la Loi no 2 d’exécution du budget de 2018, qui prévoyait des semaines supplémentaires de prestations parentales lorsque ces prestations sont partagées entre deux parentsNote de bas page 5. Je l’appellerai le projet de loi C-86.

[11] Les nouveaux articles ajoutés dans le cadre du projet de loi C-86 prévoient que lorsque les prestations sont partagées entre deux parents, ceux-ci peuvent recevoir cinq semaines supplémentaires de prestations parentales régulières ou huit semaines supplémentaires de prestations parentales prolongéesNote de bas page 6. Chaque prestataire est toujours limité à un maximum individuel de 35 semaines de prestations parentales régulières ou de 61 semaines de prestations parentales prolongées.

Le prestataire peut-il recevoir huit semaines de prestations parentales prolongées à compter du 14 mai 2021?

[12] J’estime que le prestataire peut recevoir huit semaines de prestations parentales. La période de prestations parentales ne s’applique pas pour l’empêcher de recevoir des prestations parentales partagées supplémentaires autorisées au titre de l’article 23(4) de la Loi sur l’assurance-emploi. Mes motifs sont exposés ci-dessous.

Le texte de la loi n’est pas clair

[13] J’estime que le texte de l’article 23 de la Loi sur l’assurance-emploi n’est pas clair quant à savoir si la période de prestations parentales s’applique pour empêcher une partie prestataire de recevoir les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées permises au titre de l’article 23(4) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[14] La Commission affirme qu’aucune modification législative n’a été apportée à la période de prestations parentales au titre des articles 23(2)(b) et 10(13.01) de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 7. Elle s’appuie également sur la décision d’un ancien juge-arbitre dans la décision CUB 46747, qui a décidé qu’une partie prestataire n’était pas admissible aux prestations parce qu’elle avait demandé des prestations plus de 52 semaines après le placement de l’enfantNote de bas page 8. Elle dit que les arbitres ne peuvent pas réécrire la loi ni l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaireNote de bas page 9.

[15] Je conviens que le Tribunal doit appliquer la Loi sur l’assurance-emploi telle qu’elle est rédigée. Cependant, je suis respectueusement en désaccord avec l’argument de la Commission selon lequel le texte de l’article 23 de la Loi sur l’assurance-emploi à cet égard est clair. Je note également que la décision CUB 46747 a été rendue avant l’adoption du projet de loi C-86 pour ajouter les prestations parentales partagées supplémentaires à la Loi sur l’assurance-emploi.

[16] Si le sens de l’article 23 de la Loi sur l’assurance-emploi est clair, je trouve surprenant que les agentes et agents de la Commission donnent des conseils aussi divergents sur cette question. En fait, le manque de clarté quant à l’interaction entre la période de prestations parentales prévue aux articles 23(2) à 23(3.4) de la Loi sur l’assurance-emploi et les prestations partagées supplémentaires prévues à l’article 23(4) a créé beaucoup de confusion.

[17] Dans un certain nombre d’appels antérieurs devant présent Tribunal, les parties prestataires ont déclaré que les agentes et agents de la Commission leur avaient dit qu’elles avaient le droit de demander des prestations parentales partagées au-delà d’un délai de 52 ou 78 semainesNote de bas page 10. C’est en soi un indicateur important du manque de clarté du texte de la loi.

[18] Je reconnais que dans des décisions antérieures, le Tribunal a décidé que la période de prestations parentales s’appliquait aux demandes de prestations parentales partagées supplémentaires. Cependant, je ne suis pas tenue de suivre les décisions antérieures du Tribunal, et j’ai décidé de ne pas les suivre parce que j’estime que la loi n’est pas claire. À ce jour, il n’y a aucune orientation de la part des cours de justice ou de la division d’appel du Tribunal sur cette question.

[19] La Commission soutient que les prestations parentales ne sont payables que pendant la période de prestations parentales, laquelle commence à la semaine au cours de laquelle l’enfant du prestataire est né ou placé chez lui, et se termine 52 semaines après cette semaine-là.

[20] Lorsqu’on choisit des prestations prolongées, la Commission affirme que la période de prestations parentales est prolongée d’un maximum de 26 semaines afin de permettre le versement de prestations parentales prolongées jusqu’à un maximum de 61 semaines de prestations. La Commission affirme que les prestations parentales, y compris les prestations partagées supplémentaires, ne peuvent être réclamées que jusqu’à 78 semaines après la naissance ou le placement d’un enfant.

[21] Dans la présente affaire, le prestataire prévoyait demander huit semaines de prestations parentales prolongées immédiatement après la demande de prestations de maternité et de prestations parentales de sa conjointe. Le prestataire affirme avoir pris des mesures pour vérifier son admissibilité auprès de Service Canada.

[22] Le prestataire et sa conjointe ont déclaré qu’ils avaient examiné les documents de Service Canada relatifs à la demande de prestations prolongées avant de présenter une demande. Ces documents précisent que les prestations parentales partagées peuvent être réclamées en même temps ou l’une après l’autreNote de bas page 11. Le couple a également appelé la Commission à deux reprises, le 8 janvier 2021 et le 8 février 2021, pour confirmer les règles et les restrictions qui pourraient s’appliquer à la demande de prestations parentales du prestataire. La Commission leur a dit qu’ils pouvaient demander des prestations parentales partagées l’une après l’autre.

[23] La Commission ne conteste pas le fait que Service Canada ait dit au prestataire qu’il pouvait recevoir ses prestations parentales immédiatement après que sa conjointe ait terminé de toucher ses prestations de maternité et ses prestations parentales. Toutefois, la Commission affirme qu’une mauvaise communication entre la Commission et une partie prestataire ne peut pas modifier les dispositions et l’interprétation de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 12.

[24] Les agentes et agents de la Commission ont donc donné des conseils contradictoires sur le moment où les prestataires peuvent présenter une demande de prestations parentales partagées supplémentaires. Cependant, la confusion sur cette question va bien au-delà de toute communication verbale ou écrite entre la Commission et les prestataires. Je pense que les dispositions législatives elles-mêmes ne sont pas claires pour les trois raisons qui suivent.

Conflit entre la période de prestations parentales et les prestations supplémentaires

[25] Premièrement, la Commission soutient que les prestations partagées peuvent être obtenues de façon séquentielle ou simultanée. Cependant, si la période de prestations parentales de 78 semaines doit être respectée, il n’est pas possible pour deux parents de prendre les 69 semaines de prestations partagées prolongées de façon séquentielle après que le parent qui donne naissance ait terminé de recevoir 15 semaines de prestations de maternité. C’est parce que 15 semaines de prestations de maternité suivies de 69 semaines de prestations parentales prolongées partagées donnent un total de 84 semaines de prestations. Ce nombre ne comprend pas les semaines accordées pour un délai de carence.

[26] Il n’y a rien dans la Loi sur l’assurance-emploi qui prévoit que les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées d’un parent doivent chevaucher les prestations de l’autre parent pour que les parents soient certains de les recevoir. Je pense donc qu’il y a un conflit entre la période de prestations parentales prévue à l’article 23(2) de la Loi sur l’assurance-emploi et les prestations supplémentaires partagées autorisées par une combinaison des articles 12(4) et 23(4) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[27] De plus, je remarque que les observations de la Commission renvoient à l’article 23(3.21) de la Loi sur l’assurance-emploi, mais ne renvoient pas à l’article 23(3.2) de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 13. Le parent qui donne naissance semble être admissible au titre du présent article à une prolongation de la période de prestations parentales prolongée au-delà de 26 semaines si ce parent demande à la fois des prestations de maternité et des prestations parentales. Cette prolongation serait accordée au motif que plus d’une prestation spéciale est réclamée.

Article 23(3.2) Si, au cours de la période de prestations d’un prestataire, aucune prestation régulière ne lui a été versée, que des prestations pour plus d’une des raisons mentionnées aux alinéas 12(3)a) à f) lui ont été versées alors que le nombre maximal total de semaines de prestations prévu pour ces raisons est supérieur à cinquante et, en ce qui touche la raison mentionnée à l’alinéa 12(3)b), que des prestations lui ont été versées pour un nombre de semaines inférieur au nombre maximal applicable, la période prévue au paragraphe (2) est prolongée du nombre de semaines nécessaire pour que le nombre maximal de semaines applicable prévu aux sous-alinéas 12(3)b)(i) ou (ii) soit atteint.

[28] Il semblerait donc que seul le parent qui ne donne pas naissance devrait recevoir toutes ses prestations parentales prolongées dans un délai de 78 semainesNote de bas page 14. Je trouve improbable que le gouvernement ait ajouté des semaines supplémentaires de prestations partagées uniquement pour empêcher le parent qui ne donne pas naissance de les recevoir, lorsqu’elles sont prises de façon séquentielle. Autoriser des semaines supplémentaires de prestations, mais exiger que les semaines se chevauchent ne permet pas nécessairement à un parent qui donne naissance de retourner au travail plus tôt.

La période de prestations parentales fait référence aux prestations prévues à l’article 12(3)(b)

[29] Deuxièmement, les articles 23(2) à 23(3.4) de la Loi sur l’assurance-emploi (dispositions relatives à la période de prestations parentales) ne font pas référence aux semaines supplémentaires de prestations. L’article 23(2)(b) prévoit que des prestations sont payables pour chaque semaine de chômage au cours de la période « qui se termine cinquante-deux semaines après la semaine de la naissance de l’enfant ou des enfants du prestataire ou celle au cours de laquelle le ou les enfants sont ainsi placés ».

[30] La Commission s’appuie ensuite sur l’article 23(3.21) de la Loi sur l’assurance-emploi, qui prévoit que la période de 52 semaines est prolongée de 26 semaines lorsque « […] le nombre maximal de semaines applicable est prévu au sous-alinéa 12(3)b)(ii) […] ». Cependant, les semaines supplémentaires de prestations partagées ne sont pas autorisées par l’article 12(3)(b) de la Loi sur l’assurance-emploi. Elles sont plutôt permises par la combinaison des articles 12(4)(b)(ii) et 23(4) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[31] Je remarque également que le texte de l’article 23(4) de la Loi sur l’assurance-emploi est très semblable à celui de l’article 23(2). L’article 23(4) (qui accorde les semaines supplémentaires) désigne expressément le nombre de semaines partagées de prestations parentales prolongées comme étant « les semaines de prestations qui doivent être payées au titre du présent article [...] jusqu’à concurrence […] de soixante-neuf semaines […] ». Ce texte suggère que les semaines supplémentaires sont permises, indépendamment de la période de prestations parentalesNote de bas page 15.

[32] Par conséquent, j’estime que la Loi sur l’assurance-emploi est, au mieux, muette sur la question de savoir si les prestations supplémentaires partagées sont assujetties à la période de prestations parentales.

Le projet de loi C-86 contient des précisions importantes sur les prestations parentales

[33] Troisièmement, lorsque les prestations partagées supplémentaires ont été ajoutées à la Loi sur l’assurance-emploi, le projet de loi C-86 a apporté d’importantes précisions pour s’assurer qu’il n’y ait pas de malentendu au sujet de l’admissibilité des prestataires aux prestations.

[34] L’article 23(4) de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit que lorsque deux parties prestataires de la première catégorie présentent chacune une demande de prestations parentales prolongées, les semaines de prestations payables peuvent être partagées entre elles, jusqu’à concurrence de 69 semaines. L’article 23(4.1) ajoute : « Il est entendu » que le nombre total de semaines pouvant être payées pour le ou les mêmes enfants est limité à 40 semaines de prestations parentales régulières ou à 69 semaines de prestations parentales prolongées.

[35] L’article 23(4.11) de la Loi sur l’assurance-emploi précise que le nombre maximal de semaines pouvant être payées à une partie prestataire est de 35 ou 61 semaines, même si le nombre de semaines de prestations est divisé conformément aux articles 23(4) et 23(4.1).

[36] Cependant, bien que le Parlement ait pris soin d’insister sur les limites des prestations supplémentaires, le projet de loi C-86 ne précise pas qu’il y a une « période de prestations parentales » et que lorsque des prestations maximales sont demandées, les prestations parentales partagées doivent se chevaucher.

[37] Si le Parlement avait eu l’intention de limiter les prestations parentales partagées supplémentaires permises au titre de l’article 23(4) à une période de prestations parentales de 52 ou 78 semaines, je pense qu’il l’aurait fait. Cela aurait été une précision importante. Toutefois, le gouvernement n’a pas inclus de disposition pour préciser que les prestations partagées, si elles sont prises, doivent chevaucher celles de l’autre parent.

L’intention déclarée du gouvernement concernant les prestations supplémentaires partagées

[38] Puisque je pense que le texte de la loi n’est pas clair, je vais tenir compte du but et de l’objet de la Loi sur l’assurance-emploi, ainsi que de l’intention déclarée des modifications apportées à la loi par le projet de loi C-86.

[39] Je vais d’abord me pencher sur les documents législatifs relatifs à la loi qui accordaient des semaines supplémentaires de prestations.

[40] Au cours du débat législatif, le gouvernement a fait des déclarations à l’Assemblée législative au sujet des nouveaux articles proposés pour la Loi sur l’assurance-emploi. Je pense qu’il y a des indications claires dans ces déclarations que le gouvernement voulait que le projet de loi C-86 prolonge la période de prestations parentales de cinq semaines pour les prestations parentales régulières et de huit semaines pour les prestations parentales prolongées.

[41] Monsieur Joël Lightbound a parrainé la deuxième lecture du projet de loi C-86 le 1er novembre 2018Note de bas page 16. Sa déclaration à l’Assemblée législative, rapportée dans le Hansard, comprenait ce qui suit :

 […] le gouvernement veut rendre le régime d’assurance-emploi plus flexible et encourager un partage des responsabilités plus équilibré afin que les deux parents puissent passer du temps avec leurs jeunes enfants tout en poursuivant une carrière.

Pour appuyer les jeunes familles et promouvoir l’égalité des sexes en milieu de travail et à la maison, la loi prévoit une nouvelle prestation parentale partagée d’assurance-emploi qui va favorise une répartition plus égalitaire des responsabilités familiales et professionnelles en accordant cinq semaines supplémentaires d’assurance-emploi dans les cas où les deux parents acceptent de partager leur congé parental. Cette période passera à huit semaines pour les parents qui choisissent de demander des prestations parentales prolongées. Cette mesure incitative, qui sera à prendre ou à laisser, encouragera le deuxième parent des familles biparentales à prendre part de façon égale aux tâches liées à l’éducation des enfants. Ainsi, les nouvelles mères auront plus de souplesse pour retourner plus tôt au travail si elles le désirent. Les congés parentaux équitables pourraient mener à des pratiques d’embauche plus équitables, ce qui réduirait la discrimination que pratiquent consciemment ou inconsciemment les employeurs à l’endroit des femmes. (mis en évidence par la soussignée)

[42] Madame Pam Damoff a également pris la parole à l’Assemblée législative à l’étape de la deuxième lectureNote de bas page 17. Ses déclarations sont consignées dans le Hansard comme suit :

Dans le cadre de notre étude sur la sécurité économique des femmes, les témoins nous ont aussi souligné l’importance de permettre aux couples de partager le congé parental pour favoriser l’égalité des sexes à la maison et au travail. La loi d’exécution du budget mettrait en œuvre la nouvelle prestation parentale partagée de l’assurance-emploi. Ces modifications donneraient plus de souplesse aux parents en leur accordant cinq semaines supplémentaires de prestations s’ils acceptent tous deux de partager le congé parental.

[43] Je reconnais que les déclarations faites à l’Assemblée législative n’ont pas préséance sur le texte d’une loi. Toutefois, ces déclarations donnent une idée de l’intention du Parlement.

[44] Je note également que, dans des dispositions connexes, le projet de loi C-86 a modifié le Code canadien du travail afin de porter à 86 semaines le nombre total de congés accordés à deux employés pour le même enfant ou les mêmes enfants :

Cumul des congés : congé parental et congé de maternité

206.2 La durée maximale de l’ensemble des congés que peuvent prendre plusieurs employés en vertu des articles 206 et 206.1 à l’occasion de la même naissance est de quatre-vingt-six semaines, étant entendu que la durée maximale du congé que peut prendre un employé au titre de ces dispositions à cette occasion est de soixante-dix-huit semaines.

L’ambiguïté doit être résolue en faveur du prestataire

[45] La Cour suprême du Canada a déclaré que la Loi sur l’assurance-emploi est conçue pour permettre aux chômeurs qui y sont admissibles de toucher rapidement des prestations et qu’elle doit donc être interprétée de façon libérale pour atteindre cet objectifNote de bas page 18.

[46] La Cour suprême du Canada a également déclaré que, dans le contexte d’une loi conférant des prestations, une loi doit être interprétée de façon libérale et généreuse, et que « [t]out doute découlant de l’ambiguïté des textes doit se résoudre en faveur du demandeur »Note de bas page 19.

[47] Il y a un conflit apparent entre la période de prestations parentales prévue aux articles 23(2) à 23(3.4) de la Loi sur l’assurance-emploi et les dispositions qui permettent le partage des semaines supplémentaires de prestations parentales prévues à l’article 23(4) de la Loi sur l’assurance-emploi. Comme les dispositions législatives ne sont pas claires, l’ambiguïté causée par ce conflit devrait être résolue en faveur du prestataire.

Donc, le prestataire peut-il recevoir huit semaines de prestations parentales?

[48] Oui, le prestataire peut recevoir huit semaines de prestations parentales. La Loi sur l’assurance-emploi permet que les prestations parentales partagées, y compris les semaines supplémentaires de prestations parentales, soient réclamées de façon séquentielle lorsque les prestations sont partagées entre deux parents.

[49] J’ai examiné le texte de la Loi sur l’assurance-emploi, son intention ainsi que l’intention déclarée du projet de loi C-86, qui ajoutait des semaines supplémentaires de prestations partagées.

[50] Je ne suis pas d’accord avec l’argument de la Commission selon lequel la période de prestations parentales s’applique pour empêcher les prestataires de recevoir les semaines supplémentaires de prestations permises par l’article 23(4) de la Loi sur l’assurance-emploi, lorsque ces prestations sont partagées par deux parents et prises l’une après l’autre.

Conclusion

[51] L’appel est accueilli.

[52] Le prestataire peut donc demander huit semaines de prestations parentales immédiatement après que sa conjointe a terminé de recevoir ses prestations de maternité et ses prestations parentales.

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