Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : TQ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 295

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : T. Q.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (443744) rendue le 1er décembre 2021 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Amanda Pezzutto
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : 25 janvier 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 3 février 2022
Numéro de dossier : GE-21-2559

Sur cette page

Décision

[1] T. Q. est la prestataire. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle n’avait pas droit aux prestations régulières de l’assurance-emploi (AE). La prestataire porte cette décision en appel devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Je rejette l’appel de la prestataire. J’estime qu’elle n’a pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi entre le 4 janvier et le 28 mai 2021. Cela veut dire qu’elle n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] La prestataire touchait des prestations régulières d’assurance-emploi. En même temps, elle allait à l’école. Elle a commencé un nouveau semestre en janvier 2021 et a fourni à la Commission des renseignements sur ses études. La Commission a continué de verser des prestations d’assurance-emploi, mais après plusieurs mois, elle a examiné si elle était disponible pour travailler. La Commission a décidé que la prestataire n’était pas disponible pour travailler du 4 janvier au 28 mai 2021. Comme elle avait déjà versé des prestations d’assurance-emploi pour cette période, la Commission a demandé à la prestataire de lui rembourser les prestations.

[4] La Commission affirme que la prestataire était une étudiante à temps plein. La Commission soutient que la prestataire avait trop de restrictions personnelles quant aux jours et aux heures où elle pouvait travailler en raison de ses études. La Commission dit donc que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler.

[5] La prestataire n’est pas d’accord. Elle dit avoir équilibré le travail et les études dans le passé. Elle dit qu’elle cherchait un emploi qui lui permettrait de travailler et d’aller aux études en même temps.

Questions que je dois d’abord examiner

Disponibilité de la prestataire après le 6 septembre 2021

[6] La Commission a également décidé que la prestataire n’était pas disponible pour travailler à partir du 6 septembre 2021. Au cours du processus de révision, la prestataire a dit à la Commission qu’elle ne demandait pas une révision de cette décision. Donc, la Commission n’a pas inclus cette période dans sa décision de révision. À l’audience, la prestataire a convenu qu’elle n’essayait pas de porter en appel la décision de la Commission concernant sa disponibilité à partir du 6 septembre 2021.

[7] Je ne vais donc pas examiner la disponibilité de la prestataire pour travailler à partir du 6 septembre 2021. Je vais seulement examiner si elle a prouvé sa disponibilité pour travailler entre le 4 janvier et le 28 mai 2021.

Documents présentés après l’audience

[8] Après l’audience, j’ai demandé à la Commission de plus amples renseignements sur son pouvoir de réviser rétroactivement ses décisions. La Commission a répondu à ma demande. Le personnel du Tribunal a envoyé une copie des observations de la Commission à la prestataire et je lui ai donné jusqu’au 1er février 2022 pour répondre. La prestataire a répondu aux observations de la Commission en posant des questions sur les processus de la Commission. Je n’ai pas demandé à la Commission de répondre au document de la prestataire parce que j’ai décidé que les réponses de la Commission n’étaient pas nécessaires pour que je puisse prendre cette décision.

Question en litige

[9] La prestataire était-elle disponible pour travailler entre le 4 janvier et le 28 mai 2021?

Analyse

La Commission a-t-elle le pouvoir d’examiner l’admissibilité de la prestataire aux prestations d’assurance-emploi?

[10] La loi donne à la Commission des pouvoirs très larges pour revoir toutes ses décisions concernant les prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1. Mais la Commission doit respecter la loi concernant les délais lorsqu’elle révise ses décisions. Habituellement, la Commission dispose d’un maximum de trois ans pour réviser ses décisionsNote de bas de page 2. Si la Commission vous a versé des prestations d’assurance-emploi auxquelles vous n’aviez pas vraiment droit, elle peut vous demander de les rembourserNote de bas de page 3.

[11] La loi donne expressément à la Commission le pouvoir d’examiner la disponibilité des étudiants pour travailler. La loi donne à la Commission ce pouvoir de réviser sa décision même si elle a déjà versé des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 4.

[12] Dans ce cas, la Commission a examiné les prestations d’assurance-emploi qu’elle a versées à la prestataire à compter du 4 janvier 2021. Selon le témoignage de la Commission, celle-ci a commencé son examen le 15 septembre 2021. Au cours d’une conversation, la Commission a dit à la prestataire qu’elle examinait sa disponibilité pour travailler. La Commission a décidé que la prestataire n’était pas disponible pour travailler et l’a informée de sa décision dans une lettre datée du 15 septembre 2021.

[13] La preuve m’indique donc que la Commission a terminé son examen rétroactif dans les délais prévus par la loi. La Commission a réexaminé les demandes de prestations de la prestataire, a rendu une décision et l’a informée de la décision dans les 36 mois suivant la date à laquelle elle a versé les prestations.

[14] Je conclus donc que la Commission a utilisé son pouvoir pour examiner rétroactivement le droit de la prestataire aux prestations d’assurance-emploi de manière conforme à la loi. La loi donne à la Commission le pouvoir d’effectuer un examen rétroactif, et la Commission a suivi les lignes directrices et les délais prescrits dans la loi lorsqu’elle a effectué son examen rétroactif.

[15] Je comprends que la prestataire a fourni à la Commission des renseignements sur ses études lorsqu’elle a rempli les questionnaires de formation. Même si la Commission disposait de renseignements sur les études de la prestataire, elle a attendu plusieurs mois avant de prendre une décision. Cela a entraîné un trop-payé pour la prestataire. Je comprends sa situation et je comprends que le retard de la Commission et le trop-payé lui causeront des difficultés. Cependant, je conclus que la loi donne à la Commission le pouvoir de prendre une décision rétroactive au sujet de la disponibilité de la prestataire pour travailler. Cela signifie que je ne peux pas intervenir dans la décision de la Commission de réviser rétroactivement sa décision concernant la disponibilité de la prestataire.

[16] Toutefois, je remarque que l’article 56(1)f)(ii) du Règlement sur l’assurance-emploi permet à la Commission d’annuler un trop-payé si le remboursement causait des difficultés. Je demande à la Commission de vérifier si elle peut annuler le trop-payé de la prestataire au titre de cette disposition.

[17] Je remarque également que la prestataire a posé des questions précises sur les politiques et les procédures de la Commission en matière de prise de décisionsNote de bas de page 5. Le Tribunal et la Commission sont indépendants l’un de l’autre. Cela veut dire que je n’ai pas d’information sur la façon dont la Commission prend ses décisions. Je ne peux pas répondre aux questions sur les politiques et les délais de prise de décisions de la Commission, ni au sujet des messages sur le compte en ligne de Service Canada de la prestataire. Celle-ci doit demander à la Commission les réponses à ses questions sur ses politiques et procédures décisionnelles.

Disponibilité de la prestataire pour travailler

[18] Il y a deux articles de loi selon lesquels il faut prouver sa disponibilité pour travailler.

[19] En premier lieu, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’il faut prouver avoir fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 6. Le Règlement énonce des critères qui aident à expliquer ce qu’on entend par « efforts raisonnables et habituels »Note de bas de page 7.

[20] En deuxième lieu, la Loi prévoit aussi qu’il faut prouver qu’on est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 8. Selon la jurisprudence, il y a trois éléments que la personne doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 9. Les étudiants doivent prouver qu’ils sont disponibles pour travailler en vertu de cette partie de la loiNote de bas de page 10.

[21] Il faut prouver sa disponibilité pour travailler selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, il faut prouver qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’on est disponible pour travailler.

[22] La Commission affirme avoir eu recours aux deux articles de loi pour refuser les prestations d’assurance-emploi. Je vais donc examiner les deux articles de loi pour décider si la prestataire a prouvé qu’elle était disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[23] Le premier article de la loi dit que vous devez prouver que vos efforts pour trouver un emploi étaient raisonnables et habituelsNote de bas de page 11.

[24] La Commission renvoie à cet article de la loi dans ses observations. Cependant, il n’est pas clair si la Commission a vraiment utilisé cette partie de la loi pour priver la rendre la prestataire inadmissible aux prestations.

[25] La Commission ne m’a pas fourni de preuve démontrant qu’elle a déjà demandé à la prestataire un dossier de recherche d’emploi. La Commission n’a pas averti la prestataire que ses efforts de recherche d’emploi n’étaient pas raisonnables et habituels. La lettre de décision originale indique que la Commission a fondé sa décision sur le fait que la prestataire était aux études, et non sur ses efforts de recherche d’emploi. Plus important encore, dans ses observations, la Commission affirme qu’elle convient que la prestataire cherchait du travail.

[26] Je ne vais pas vérifier si la prestataire a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi. Je ne pense pas que la Commission a prouvé qu’elle s’est servie de cet article de loi pour déclarer la prestataire inadmissible aux prestations.

[27] Par contre, cela ne veut pas dire que j’accueille l’appel de la prestataire. Je dois encore examiner l’autre partie de la loi qui traite de la disponibilité pour travailler.

Capable de travailler et disponible à cette fin

[28] La deuxième partie de la loi qui parle de disponibilité dit qu’il faut prouver qu’on est capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable.

[29] La jurisprudence me donne trois facteurs à considérer lorsque je prends une décision sur la disponibilité au travail. Cela signifie que je dois prendre une décision au sujet de chacun des facteurs suivants :

  1. 1. La personne doit démontrer son désir de retourner au travail dès qu’un emploi convenable lui est offert. Il faut que son attitude et ses gestes montrent qu’elle veut de retourner au travail le plus tôt possible;
  2. 2. Vous devez démontrer que vous avez fait des efforts raisonnables pour trouver un emploi convenable;
  3. 3. Vous ne devriez pas avoir de limites ou de conditions personnelles qui auraient pu vous empêcher de trouver un emploi. Si vous avez fixé des limites à votre recherche d’emploi, vous devez démontrer que les limites étaient raisonnablesNote de bas de page 12.

[30] Les étudiants doivent prouver qu’ils sont disponibles pour travailler, comme toute personne qui demande des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 13.

– Désir de retourner au travail

[31] La prestataire a toujours dit qu’elle voulait travailler. La Commission convient qu’elle voulait travailler.

[32] Les deux parties s’entendent sur ce point et rien dans le dossier d’appel ne me fait douter du désir de la prestataire de travailler. J’estime que la prestataire a prouvé qu’elle voulait retourner au travail.

– Faire des efforts pour trouver un emploi convenable

[33] La prestataire affirme qu’elle cherchait du travail. Dans ses observations, la Commission reconnaît qu’elle tentait de trouver un emploi.

[34] La prestataire a fourni un dossier de recherche d’emploi avec son avis d’appel. Selon son dossier de recherche d’emploi, la prestataire a présenté des demandes d’emploi de janvier à mai 2021. À l’audience, la prestataire a décrit ses efforts de recherche d’emploi. Elle a dit avoir cherché du travail en ligne et en utilisant les banques d’emploi en ligne. Elle a postulé des emplois dans son domaine d’études et aussi dans des magasins de détail. Elle a dit avoir postulé à plus d’emplois qu’elle ne l’avait indiqué dans son dossier de recherche d’emploi, mais elle n’a pas conservé les détails de ces demandes.

[35] Je crois le dossier de recherche d’emploi de la prestataire et ses déclarations à l’audience. Je remarque également que la Commission n’a présenté aucun argument au sujet de ses efforts de recherche d’emploi. Je conclus donc que la prestataire a prouvé qu’elle a fait suffisamment d’efforts pour trouver un emploi. J’estime que ses efforts de recherche d’emploi étaient raisonnables.

– Limitation indue des chances de retourner au travail

[36] La Commission a concentré ses arguments sur ce facteur. La Commission affirme que la prestataire avait établi trop de conditions personnelles parce qu’elle était étudiante à temps plein. La Commission affirme que les études de la prestataire constituent une condition personnelle qui a beaucoup trop limité ses chances de retourner au travail.

[37] La prestataire n’est pas d’accord. Elle a l’habitude de travailler pendant ses études. Elle dit qu’elle voulait trouver un emploi qui lui permettrait de concilier travail et études.

[38] Je suis d’accord avec la Commission. J’estime que les études de la prestataire étaient une condition personnelle qui limitait indûment ses chances de retourner au travail.

[39] La prestataire a fourni des renseignements contradictoires au sujet de son statut d’étudiante à temps plein. Elle a d’abord dit à la Commission qu’elle étudiait à temps plein. Ensuite, lorsqu’elle a demandé une révision, elle a dit qu’elle était aux études à temps partiel.

[40] À l’audience, la prestataire a déclaré que son école la considérait comme une étudiante à temps plein en raison du nombre de cours qu’elle a suivis et du nombre de crédits qu’elle a obtenus entre janvier et mai 2021. Elle a également dit que son prêt étudiant était fondé sur le fait qu’elle était étudiante à temps plein. Mais elle a dit qu’elle considérait son horaire comme un horaire à temps partiel parce que certains de ses cours offraient de la flexibilité.

[41] Je choisis de me fier aux déclarations antérieures de la prestataire à la Commission et à la classification de son école. Je conclus que la prestataire était une étudiante à temps plein.

[42] À l’audience, la prestataire a décrit son horaire de cours. Elle a dit que ses cours étaient en ligne. Elle devait assister aux cours prévus pendant la journée les lundis, mercredis et jeudis du 4 janvier au 1er avril 2021. Puis, du 2 avril au 28 mai 2021, elle a dû suivre des cours pendant la journée les mardis, mercredis et jeudis. Elle avait aussi deux cours en soirée le mercredi et le jeudi soir. Ces cours étaient flexibles et elle n’avait pas à assister aux cours du soir aux heures prévues.

[43] La prestataire a dit qu’elle ne pouvait pas modifier son horaire de cours de jour. Elle a dit à la Commission qu’elle ne voulait pas abandonner ses études en faveur d’un emploi. Elle voulait plutôt trouver un emploi qui s’harmonise à son horaire de cours.

[44] La prestataire a dit qu’elle avait des antécédents de travail pendant qu’elle fréquentait l’école. La prestataire a dit que de septembre 2019 à mars 2020, elle travaillait à temps partiel dans un magasin de vêtements pendant qu’elle allait à l’école.

[45] J’accorde une certaine importance au fait que la prestataire a des antécédents de travail et d’études, mais je ne pense pas que ce soit suffisant pour montrer que son horaire de cours n’a pas indûment limité ses chances de retourner sur le marché du travail.

[46] Cela s’explique par le fait que la prestataire a dû assister à plusieurs de ses cours hebdomadaires pendant le jour. Elle ne pouvait pas changer son horaire de cours et elle n’était pas prête à quitter l’école en faveur d’un emploi. Elle cherchait seulement un emploi qui lui permettrait de participer à ses cours.

[47] Pour ces motifs, je conclus que la prestataire a imposé des conditions personnelles importantes à sa recherche d’emploi. J’estime que ces conditions personnelles ont indûment limité ses chances de retourner sur le marché du travail.

– Donc, la prestataire était-elle capable de travailler et disponible pour le faire?

[48] Je conclus que la prestataire voulait retourner au travail. Elle a fait des efforts raisonnables pour trouver un emploi. Mais elle a établi des conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. C’est parce qu’elle cherchait seulement du travail en dehors de son horaire de cours. Je conclus donc que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler entre le 4 janvier et le 28 mai 2021.

Conclusion

[49] Je rejette l’appel de la prestataire. Elle n’a pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi. Cela signifie qu’elle n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploi du 4 janvier au 28 mai 2021.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.