Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Le 4 mars 2021, l’intimée a demandé des prestations parentales au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. Dans sa demande, elle a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées et a reçu son premier versement en juillet 2021, après avoir reçu 15 semaines de prestations de maternité. En octobre 2021, l’intimée a appris de son comptable qu’il s’agissait d’un mauvais choix financier. Elle a alors communiqué avec la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) et lui a demandé de modifier son choix pour passer aux prestations parentales standards. La Commission a rejeté sa demande et l’a informée que son choix de type de prestations était irrévocable une fois que des prestations étaient versées. La Commission a maintenu sa décision après révision.

L’intimée a fait appel de cette décision à la division générale. Son appel a été accueilli. La division générale a décidé que l’intimée voulait choisir l’option des prestations standards parce qu’elle avait toujours eu l’intention de prendre un an de congé et que l’ajout de 35 semaines de prestations parentales à ses prestations de maternité était conforme à ce plan. La Commission a fait appel de cette décision à la division d’appel. Celle-ci a conclu que la division générale avait commis une erreur de droit en omettant d’examiner si la Commission avait induit l’intimée en erreur. Néanmoins, elle a rejeté l’appel de la Commission parce qu’elle était d’accord avec le résultat, concluant que parce que l’intimée avait été induite en erreur, son choix n’était pas valide et qu’à titre de réparation, elle pouvait choisir de recevoir des prestations standards. La Commission a ensuite demandé à la Cour d’appel fédérale de réviser la décision de la division d’appel.

Dans la décision Karval c Canada (Procureur général), 2021 CF 395 (Karval), la Cour fédérale a conclu que l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi interdisait à la prestataire de passer des prestations parentales standards aux prestations parentales prolongées. Toutefois, dans une remarque incidente, la Cour fédérale a laissé entendre que lorsqu’une partie prestataire « est réellement induit[e] en erreur parce qu’[elle] s’est fié[e] à des renseignements officiels et erronés, la doctrine des attentes raisonnables lui offre certains recours juridiques ». Les remarques incidentes sont des expressions d’opinion qui ne sont pas nécessaires à la décision et qui ne sont pas contraignantes. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a conclu que la doctrine des attentes raisonnables (ou plus généralement légitimes) est plus typiquement associée aux questions d’équité procédurale qu’aux droits fondamentaux. De plus, même si des recours judiciaires étaient possibles, la Cour fédérale dans l’affaire Karval n’a pas laissé entendre qu’ils incluraient l’obligation ou même la permission pour la Commission de modifier le type de prestations parentales choisi par la partie prestataire.

Par conséquent, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’une fois que l’intimée avait fait son choix dans le formulaire de demande et que des prestations lui avaient été versées, l’ensemble des lois applicables lui interdisait, à elle, à la Commission et au Tribunal de la sécurité sociale, de modifier son choix. La Cour d’appel fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire. Elle a annulé la décision de la division d’appel et a rendu la décision qu’elle aurait dû rendre. Elle a ensuite accueilli l’appel de la Commission concernant la décision de la division générale.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c LJ, 2022 TSS 380

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Partie intimée : L. J.
Représentante ou représentant : J. J.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 10 janvier 2022 (GE-21-2338)

Membre du Tribunal : Jude Samson
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 avril 2022
Personnes présentes à l’audience : Personne représentant l’appelante
Personne représentant l’intimée
Date de la décision : Le 10 mai 2022
Numéro de dossier : AD-22-30

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Bien que j’aie conclu que la division générale a commis une erreur dans cette affaire, je suis d’accord avec la conclusion à laquelle elle est arrivée : L. J. a le droit de recevoir des prestations parentales selon l’option standard.

Aperçu

[2] L. J. est la prestataire dans cette affaire. Elle a fait une demande de prestations de maternité et de prestations parentales de l’assurance-emploi. Dans son formulaire de demande, la prestataire devait choisir entre deux options de prestations parentales : les prestations standards et les prestations prolongéesNote de bas de page 1.

[3] L’option standard offre un taux de prestations parentales plus élevé pendant un maximum de 35 semaines. L’option prolongée propose un taux moins élevé pendant un maximum de 61 semaines. Combinée aux 15 semaines de prestations de maternité, l’option standard permet d’obtenir des prestations d’assurance-emploi pendant environ un an, tandis que l’option prolongée permet d’en recevoir pendant environ 18 mois.

[4] Dans sa demande, la prestataire a choisi l’option prolongée et a répondu « 54 » à la question : « Combien de semaines souhaitez-vous demander? » La prestataire affirme avoir fourni ces réponses parce que la Commission de l’assurance-emploi du Canada l’a induite en erreurNote de bas de page 2. Plus précisément, elle dit qu’une des agentes ou un des agents de la Commission lui a dit qu’elle n’était pas admissible à l’option standard parce qu’elle prévoyait de prendre un congé de plus de 35 semaines. Elle affirme que cette information erronée a ensuite été renforcée par les questions dans le formulaire de demande.

[5] Plus tard, cependant, la prestataire a appris qu’elle était admissible à l’option standard et que le fait d’avoir choisi l’option prolongée avait coûté à sa famille environ 8 000 $ en prestations perdues. Elle a donc téléphoné à la Commission pour demander de passer à l’option standard.

[6] La Commission a rejeté la demande de la prestataire. Elle lui a expliqué qu’il était trop tard pour modifier son choix parce qu’elle avait déjà reçu des prestations parentales.

[7] La prestataire a porté la décision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal. Son appel a été accueilli. Lorsqu’elle a rempli sa demande, la division générale a conclu que la prestataire avait l’intention de choisir l’option standard parce que celle-ci correspondait le mieux à son projet de prendre un congé d’un an environ.

[8] La Commission fait maintenant appel de la décision de la division générale à la division d’appel du TribunalNote de bas de page 3. Elle soutient que la division générale a outrepassé sa compétence, qu’elle a commis des erreurs de droit, et qu’elle a fondé sa décision sur une erreur importante au sujet des faits de l’affaire.

[9] Je rejette l’appel de la Commission. Même si j’ai conclu que la division générale a commis une erreur dans cette affaire, je suis d’accord avec la conclusion à laquelle elle est arrivée.

[10] Dans sa demande, la prestataire a choisi l’option prolongée parce que la Commission lui a fourni de l’information qui l’a induite en erreur. Par conséquent, son choix initial n’est pas valide. J’annule donc la décision de la Commission de verser des prestations parentales prolongées à la prestataire. La prestataire choisit plutôt l’option standard.

[11] Compte tenu des circonstances, je rejette l’appel de la Commission.

Questions en litige

[12] Ma décision porte sur les questions suivantes :

  1. a)  Est-ce que je peux examiner de nouveaux éléments de preuve?
  2. b)  La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de vérifier si la Commission avait induit la prestataire en erreur?
  3. c)  Si oui, quelle est la meilleure façon de corriger l’erreur de la division générale?
  4. d)  La Commission a-t-elle induit la prestataire en erreur et invalidé son choix entre l’option standard et l’option prolongée?

Analyse

[13] Je peux modifier l’issue de la présente affaire seulement si la division générale a commis une erreur pertinenteNote de bas de page 4. La présente décision porte sur la question de savoir si la division générale a commis une erreur de droit.

Je n’ai tenu compte d’aucun nouvel élément de preuve

[14] Les nouveaux éléments de preuve sont des éléments qui n’avaient pas été portés à la connaissance de la division générale lorsqu’elle a rendu sa décision.

[15] Le rôle limité de la division d’appel m’empêche normalement d’examiner de nouveaux éléments de preuveNote de bas de page 5. La loi dit que je dois me concentrer sur la question de savoir si la division générale a commis une erreur pertinente. Cette évaluation est habituellement fondée sur les documents que la division générale avait devant elle. Je ne peux pas jeter un regard neuf sur l’affaire et tirer mes propres conclusions en me fondant sur des éléments de preuve nouveaux et actualisés.

[16] Il y a des exceptions à la règle générale interdisant de tenir compte de nouveaux éléments de preuveNote de bas de page 6. Par exemple, je peux prendre en considération les nouveaux éléments de preuve qui fournissent seulement des renseignements généraux ou qui décrivent la façon dont la division générale a peut-être agi injustement.

[17] Dans la présente affaire, les deux parties ont présenté de nouveaux éléments de preuve :

  • La prestataire a déposé des renseignements au sujet des conditions de son emploi, de la durée de son congé et de la correspondance avec d’éventuels fournisseurs de services de garde d’enfantsNote de bas de page 7.
  • La Commission a incorporé de nouveaux éléments de preuve dans ses observations. Par exemple, elle a fourni un lien Internet et décrit des renseignements supplémentaires sur son site Web. Elle a également décrit la formation que reçoivent ses agentes et agentsNote de bas de page 8.

[18] Aucun de ces éléments ne constitue une exception à la règle générale interdisant l’examen des nouveaux éléments de preuve, alors je n’en ai pas tenu compte.

[19] La Commission a soutenu que je devrais examiner ses nouveaux éléments de preuve parce qu’ils fournissent seulement des renseignements généraux. À l’appui de son argument, la Commission affirme que la Cour fédérale a tenu compte de ces nouveaux éléments de preuve dans une décision récenteNote de bas de page 9.

[20] La prestataire a constamment soutenu que la Commission lui avait fourni des renseignements qui l’ont induite en erreur au cours d’un appel téléphonique et dans son formulaire de demandeNote de bas de page 10. Par conséquent, la Commission aurait pu facilement fournir à la division générale des éléments de preuve supplémentaires sur les précisions disponibles sur son site Web. Toutefois, elle a choisi de ne pas le faire.

[21] Je ne peux pas non plus accepter l’affirmation selon laquelle le site Web de la Commission fournit seulement des renseignements généraux. La Commission présente plutôt ces éléments de preuve pour laisser entendre que la prestataire a été négligente. Autrement dit, il n’était pas suffisant que la prestataire appelle la Commission. Elle aurait dû chercher les réponses à ses questions sur le site Web de celle-ci.

[22] En effet, la prestataire ne prétend pas avoir parcouru exhaustivement le site Web de la Commission. Elle dit plutôt avoir communiqué avec la Commission par téléphone pour obtenir des renseignements supplémentaires, et avoir reçu de l’information l’ayant induite en erreur.

[23] Je remets également en question la fiabilité des nouveaux éléments de preuve de la Commission. Les sites Web changent. Je ne sais donc pas si ces liens me mèneraient vers l’information exacte qui était disponible au moment où la prestataire a fait sa demande de prestations.

[24] Enfin, si la Cour fédérale a récemment accepté cette nouvelle preuve, elle n’a pas dit qu’elle le faisait, et elle n’a pas dit non plus quelle exception à la règle générale interdisant de tenir compte de la nouvelle preuve elle appliquait.

[25] Pour toutes ces raisons, je n’ai tenu compte d’aucun des nouveaux éléments de preuve déposés dans la présente affaire.

La division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte du fait que la Commission a induit la prestataire en erreur

[26] Lorsqu’elle a rempli sa demande de prestations parentales, la prestataire a dû choisir entre l’option standard et l’option prolongéeNote de bas de page 11. Elle ne pouvait pas changer d’option après que la Commission ait commencé à lui verser ses prestations parentalesNote de bas de page 12.

[27] La prestataire a choisi l’option prolongée dans son formulaire de demande de prestations de l’assurance-emploi. Elle a aussi répondu « 54 » à la question « Combien de semaines de prestations souhaitez-vous recevoirNote de bas de page 13? » Cette réponse est conforme à l’option prolongée, car l’option standard n’offre pas plus de 35 semaines de prestations.

[28] Malgré cela, la division générale a conclu que la prestataire avait en fait choisi l’option standard.

[29] La Commission affirme que cette affaire est très semblable à celle que la Cour fédérale a examinée dans l’affaire Karval c Canada (Procureur général)Note de bas de page 14. Par conséquent, elle soutient que la division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de Karval.

[30] La Commission s’appuie en particulier sur Karval pour établir ces principes importantsNote de bas de page 15 :

  • Aucune réparation n’est offerte aux personnes qui demandent des prestations d’assurance-emploi et qui ne sont pas en mesure de répondre de façon précise à des questions claires.
  • Le formulaire de demande de prestations parentales et de maternité de la Commission est clair et fournit suffisamment de renseignements aux personnes qui font une demande.
  • Les personnes qui demandent des prestations d’assurance-emploi doivent obtenir des renseignements sur les prestations qu’elles demandent et poser des questions à la Commission s’il y a des choses qu’elles ne comprennent pas.
  • La réparation est limitée aux personnes qui font une demande et qui sont induites en erreur, car elles se sont fondées sur des renseignements officiels et inexacts fournis par la Commission.

[31] Soit dit en passant, la Cour fédérale a rendu une deuxième décision dans une affaire concernant les prestations parentales et de maternité de l’assurance-emploi le jour de l’audience de la division d’appel, soit la décision Canada (Procureur général) c De LeonNote de bas de page 16. La Commission s’appuie également sur De Leon, mais elle n’ajoute pas grand-chose à la décision de la Cour dans l’affaire Karval. Par conséquent, je ferai seulement référence à la décision De Leon que lorsque cela sera nécessaire.

[32] Je conviens que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de vérifier si la Commission avait induit la prestataire en erreur dans la présente affaire.

[33] L’un des principaux arguments de la prestataire était qu’une agente ou un agent de la Commission, ainsi que le formulaire de demande de celle-ci, l’avaient induite en erreur et menée à faire le mauvais choix entre l’option standard et l’option prolongée.

[34] Cependant, la division générale n’a jamais mentionné Karval. La division générale a plutôt fait une allusion vague à la confusion de la prestataire, mais elle n’a pas tenu compte des sources de sa confusion ni des mesures qu’elle avait prises pour obtenir plus de renseignements. De même, la division générale n’a tiré aucune conclusion claire quant à savoir si la Commission avait induit la prestataire en erreur en lui fournissant des renseignements erronés.

[35] Le fait que la division générale n’a pas tenu compte de la question de savoir si la Commission avait induit la prestataire en erreur constitue une erreur de droit, malgré la façon dont la Cour fédérale a souligné cette question dans Karval.

Je vais corriger l’erreur de la division générale en rendant la décision qu’elle aurait dû rendre

[36] À l’audience, les deux parties ont fait valoir que, si la division générale avait fait une erreur, je devais rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 17.

[37] Je suis d’accord. Par conséquent, je peux décider si la prestataire a fait un choix valide entre l’option standard et l’option prolongée.

La Commission a induit la prestataire en erreur et a invalidé son choix entre l’option standard et l’option prolongée

La prestataire prévoyait de prendre un congé d’environ 54 semaines après la naissance de son enfant.

[38] Dans la présente affaire, la prestataire a établi qu’elle prévoyait de prendre environ un an de congé après la naissance de son enfant. Dans sa demande, elle a précisé que son enfant devait naître le 30 mars et qu’elle prévoyait de retourner au travail le 4 avril de l’année suivanteNote de bas de page 18. Cette information a également été confirmée par l’employeur de la prestataireNote de bas de page 19.

[39] À l’audience devant la division générale, la prestataire a également dit clairement qu’elle avait l’intention de prendre la meilleure décision financière pour sa familleNote de bas de page 20.

La prestataire a droit à une réparation parce que la Commission l’a induite en erreur.

[40] Malgré ses projets clairs et la date de retour au travail sur sa demande, la Commission affirme que la prestataire a en fait demandé 15 semaines de prestations de maternité, suivies de 54 semaines de prestations parentales prolongées, pour un total de 69 semaines (environ un an et cinq mois).

[41] Pourquoi cette différence? Parce que la Commission a induit la prestataire en erreur en lui faisant croire qu’elle n’était pas admissible à l’option standard.

[42] À l’audience devant la division générale, la prestataire a expliqué qu’elle était quelque peu confuse au sujet de la différence entre les prestations de maternité et les prestations parentalesNote de bas de page 21. Elle a aussi dit qu’elle avait déjà demandé ces prestations, mais que sa situation était un peu différente cette fois-ci parce qu’elle voulait prendre deux semaines de congé supplémentaires pour aider son enfant à s’habituer à aller à la garderie avant de retourner au travail.

[43] Pour ces raisons, la prestataire a déclaré qu’elle n’avait pas commencé et terminé sa demande de prestations en une seule séance. Elle a plutôt recueilli plus d’information en téléphonant à la CommissionNote de bas de page 22.

[44] Selon la prestataire, l’agente ou l’agent à qui elle a parlé a dit qu’elle devrait choisir l’option prolongée si elle voulait demander plus de 35 semaines de prestations. Par conséquent, la prestataire a compris qu’elle n’était pas admissible à l’option standard.

[45] Par conséquent, la prestataire a droit à une réparation au titre des décisions Karval et De Leon, car elle a été induite en erreur en se fondant sur des renseignements officiels et inexacts de la Commission.

[46] Premièrement, la Commission a exprimé des doutes quant à savoir si l’une de ses agentes ou l’un de ses agents aurait en fait fourni ce conseil. Toutefois, malgré la demande de la prestataire, la Commission n’a fourni aucun compte rendu de cette conversation, et elle n’a pas assisté à l’audience devant la division généraleNote de bas de page 23. Ainsi, la Commission n’a pas contesté sérieusement la preuve de la prestataire ni sa crédibilité.

[47] Deuxièmement, la Commission soutient que la prestataire aurait pu obtenir de l’information exacte si elle avait simplement passé plus de temps sur son site Web. Toutefois, la décision Karval décrit la responsabilité de la partie prestataire comme consistant à chercher les renseignements nécessaires et, en cas de doute, à poser les questions pertinentesNote de bas de page 24. C’est ce que la prestataire a fait. Elle a consulté le site Web de la Commission, puis lui a téléphoné pour discuter des questions qui restaient.

[48] Dans l’affaire Karval, la Cour fédérale n’a pas dit que la loi devrait refuser une réparation chaque fois qu’il y a de l’information exacte, quelque part sur le site Web de la Commission, qui contredit l’information qu’une personne a reçue d’une agente ou d’un agent de la Commission.

[49] Troisièmement, le formulaire de demande de la Commission a renforcé le message qu’elle a reçu de l’agente ou l’agent. Si la prestataire a choisi l’option standard, seuls les chiffres de 1 à 35 apparaissaient sous la question « Combien de semaines souhaitez-vous demander? » La prestataire a dû choisir l’option prolongée pour que les numéros de 1 à 61 apparaissent.

[50] Autrement dit, la prestataire a compris la question « Combien de semaines souhaitez-vous demander? » comme signifiant la même chose que « Combien de temps serez-vous absent du travail? » À mon avis, il s’agit d’une conclusion raisonnable compte tenu des renseignements que la prestataire a reçus de l’agent ou l’agent de la Commission et de l’opacité du formulaire de demande. Par exemple, le formulaire ne précisait pas que la question « Combien de semaines souhaitez-vous demander? » faisait seulement référence aux prestations parentales ou que la prestataire devait déduire 15 semaines  de prestations de maternité de la durée totale de sa demande.

[51] Compte tenu de la situation, la prestataire a droit à une réparation parce qu’elle a été [traduction] « réellement induit[e] en erreur parce qu’[elle] s’est fié[e] à des renseignements officiels et erronés » fournis par la CommissionNote de bas de page 25.

Je rejette les autres arguments de la Commission

[52] La Commission a souligné le fait que les personnes qui demandent des prestations parentales « doivent » choisir entre l’option standard et l’option prolongéeNote de bas de page 26. De plus, la loi dit que l’option choisie par une partie demanderesse ne peut pas être modifiée une fois que les prestations ont été verséesNote de bas de page 27. Par conséquent, la Commission soutient n’avoir aucun pouvoir discrétionnaire dans des affaires comme celle-ci. À son avis, la décision du Tribunal permet indirectement à la prestataire de changer d’option, même si la loi l’interdit expressément.

[53] La Commission soutient également que sa seule décision concerne l’admissibilité de la prestataire au bénéfice des prestations. Selon la Commission, les parties demanderesses doivent choisir entre les deux options et la Commission n’a pas le pouvoir d’interpréter ou d’évaluer la validité de leur choix.

[54] Enfin, la Commission soutient que le formulaire de demande de prestations parentales est clair et que toute information erronée que la Commission aurait pu fournir ne permet pas au Tribunal de ne pas tenir compte de la loiNote de bas de page 28.

[55] Je ne suis pas d’accord avec les arguments de la Commission pour les raisons suivantes :

  • Nulle part dans la loi on ne dit précisément comment le choix d’une personne doit être fait ou qu’il doit toujours être déterminé en fonction d’une seule coche sur un formulaire de demande.
  • La Commission interprète chaque formulaire de demande afin d’établir le choix de la partie demanderesse et le taux des prestations à verser. La Commission prend ces décisions, implicitement ou explicitement, chaque fois qu’elle verse des prestations à une partie demanderesseNote de bas de page 29.
  • La partie demanderesse a-t-elle fait un choix clair? Ce choix a-t-il été fait en bonne et due forme? Voilà des questions de droit et de fait que le Tribunal a le pouvoir de trancherNote de bas de page 30.
  • Je reconnais que les agentes et agents de la Commission ne peuvent pas modifier la loi et que la Commission n’est pas liée par des renseignements inexacts fournis par une agente ou un agent, mais il y a une différence entre cette situation et l’évaluation de la validité du choix de la prestataire. Le Tribunal fait cette distinction depuis un certain temps, et les tribunaux ont reconnu qu’une réparation peut être possible lorsque la Commission induit une partie demanderesse en erreurNote de bas de page 31.
  • Le Tribunal ne modifie pas le choix de la prestataire après qu’elle a commencé à recevoir des prestations. Il évalue plutôt si son choix était valide dès le départ. S’il ne l’était pas, la prestataire doit faire un choix de nouveau. Le Tribunal ne fait pas le choix pour elle.
  • La Commission insiste sur la façon dont les demandes doivent être présentées à l’aide d’un formulaire qu’elle fournit ou approuveNote de bas de page 32. Cependant, cette même partie de la loi dit aussi que les demandes doivent être préparées conformément aux instructions de la Commission. C’est ce que la prestataire a fait. Toutefois, les instructions de la Commission l’ont induite en erreur au point où elle pensait avoir rempli le formulaire correctement et conformément à son intention de prendre un an de congé.

[56] Il vaut aussi la peine de souligner qu’il existe des différences importantes entre les faits de la présente affaire et ceux que la Cour fédérale a examinés dans les arrêts Karval et De Leon. Par conséquent, il y a des limites à la mesure selon laquelle je dois suivre ces décisions dans ce cas-ci.

[57] Fait important, Mme Karval a choisi l’option prolongée parce qu’elle n’était pas certaine de la date de son retour au travailNote de bas de page 33. Ensuite, après avoir reçu des prestations parentales prolongées pendant six mois, elle a décidé qu’elle préférerait l’option standard. Cependant, la loi interdit clairement à une personne de changer d’option dans ces circonstances.

[58] Mme Karval était donc une demanderesse mal informée dont la situation a changé par la suite. Cependant, dans la présente affaire, la prestataire avait un plan clair et elle avait fait ses recherches, mais elle a fait des erreurs dans son formulaire de demande parce que la Commission l’a induite en erreur en lui faisant croire qu’elle n’était pas admissible à l’option standard.

[59] J’aimerais également souligner que toutes les réponses fournies par Mme Karval dans son formulaire de demande correspondaient à l’option prolongée. Dans la présente affaire, cependant, la prestataire prévoyait de retourner au travail dans l’année suivant la naissance de son enfant, ce qui correspond davantage à l’option standard. La date de son retour au travail ne correspondait donc pas au nombre de semaines qu’elle réclamait, ce qui aurait dû alerter la Commission de la confusion de la prestataire.

[60] Comme il a été mentionné ci-dessus, dans De Leon, la Cour s’est fondée sur les instructions fournies avec le formulaire de demandeNote de bas de page 34. Cependant, la preuve dans l’affaire qui nous concerne est différente. Ces instructions ne figurent pas au dossier devant moi.

[61] Enfin, je n’accepte pas que les juges dans Karval et De Leon se soient prononcés de façon contraignante sur la clarté du formulaire de demande. Les décisions consistent simplement à examiner si la division d’appel avait raison de décider que les appels n’avaient aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 35. Comme l’a fait valoir la prestataire, le nombre de décisions du Tribunal sur cette question contredit l’affirmation de la Commission selon laquelle son formulaire de demande est clair et simple.

[62] Dans la présente affaire, la question « Combien de semaines souhaitez-vous demander? » est particulièrement problématique. De plus, même si le formulaire précise que la Commission versera des prestations à un taux plus élevé selon l’option standard que selon l’option prolongée, il ne précise pas à quel taux la Commission verse des prestations de maternité. Les parties demanderesses ne savent donc pas si leur taux de prestations augmentera ou diminuera lorsqu’elles passeront d’une prestation à l’autre.

[63] Il est important de noter que le Tribunal tranche chaque affaire en fonction de ses faits. De toute évidence, la loi interdit aux parties demanderesses de changer d’option en raison de circonstances changeantes. Toutefois, certaines réparations sont disponibles pour les parties demanderesses, comme la prestataire, qui peuvent démontrer qu’elles se sont fondées sur des renseignements trompeurs de la Commission.

Conclusion

[64] La décision de la division générale contient une erreur de droit. Cette erreur me permet d’intervenir dans cette affaire et de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[65] Bien que je sois en désaccord avec une partie du raisonnement de la division générale, j’ai obtenu le même résultat en utilisant une approche différente. La prestataire a démontré que la Commission l’avait induite en erreur en lui faisant croire qu’elle n’était pas admissible à l’option standard. Par conséquent, le choix de la prestataire entre l’option standard et l’option prolongée n’est pas valide, et j’annule la décision de la Commission de lui verser des prestations parentales prolongées.

[66] Ainsi, pour que sa demande soit traitée, la prestataire doit choisir entre l’option standard et l’option prolongée. D’après son appel et les renseignements versés au dossier, je crois comprendre qu’elle choisit l’option standard.

[67] Compte tenu des circonstances, je rejette l’appel de la Commission.

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