Assurance-emploi (AE)

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Citation : PL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 252

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : P. L.
Représentant : Me Martin Savoie
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (449489) datée du 19 janvier 2022 rendue par la Commission de l’assuranceemploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 23 mars 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Témoin
Date de la décision : Le 25 mars 2022
Numéro de dossier : GE-22-476

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelant n’a pas quitté volontairement son emploi. Par conséquent, il n’est pas exclu du bénéfice des prestations.

Aperçu

[3] Le 20 octobre 2018, l’appelant a cessé d’occuper son emploi temporairement. Il s’est prévalu d’un programme de préretraite offert par l’employeur et qui prévoit une alternance de travail/congé. Le 12 septembre 2019, l’appelant a cessé d’occuper son emploi en raison d’une blessure. Tel que prévu par le programme de préretraite, il devait être mis à pied pour une période de six mois à compter du 17 octobre 2019, mais il était déjà en arrêt de travail en raison de sa blessure.

[4] Le 19 janvier 2022, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a conclu que l’appelant a quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il a choisi de quitter son emploi) sans justification prévue par la loi. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations à compter du 20 octobre 2018 ni à compter du 17 octobre 2019.

[5] L’appelant n’est pas d’accord. Il explique que s’il avait su qu’il n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi, il n’aurait pas accepté de participer à ce programme. Il affirme qu’il n’a pas quitté son emploi et que, dans les faits, il est toujours à l’emploi chez Chemins de fer Québec Gatineau.

[6] Je dois déterminer si l’appelant a volontairement quitté son emploi et, dans l’affirmative, s’il était fondé à le faire.

Questions en litige

[7] L’appelant a-t-il quitté volontairement son emploi ?

[8] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification ?

[9] Pour répondre à cette dernière question, je devrai déterminer si l’appelant avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi au moment où il l’a fait.

Analyse

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant a quitté volontairement son emploi

[10] Pour déterminer si l’appelant a quitté volontairement son emploi, je dois répondre à la question suivante : Est-ce que l’appelant avait le choix de rester ou de quitter son emploi ?Note de bas de page 1

[11] Les faits non contestés au dossier démontrent que l’appelant s’est prévalu d’un programme de préretraite offert par l’employeur à compter du 20 octobre 2018. Selon ce programme d’une durée maximale de deux ans, l’appelant était mis à pied pour une période de six mois et il travaillait les six autres mois de l’année.

[12] Selon le représentant syndical qui a témoigné lors de l’audience, ce programme a été instauré afin de permettre l’embauche et la formation de nouveaux employés et de faciliter l’accès à la retraite des employés ayant acquis plus d’ancienneté. Ce programme permet à l’employeur de moduler les mises à pied des employés selon les besoins opérationnels.

[13] Lorsqu’il a rempli sa première demande de prestations le 26 octobre 2018, l’appelant a indiqué qu’il avait cessé d’occuper son emploi le 18 octobre 2018 et il a précisé que la date prévue de son retour au travail était le 21 avril 2019.

[14] Comme le relevé d’emploi émis par l’employeur le 6 novembre 2018 le mentionne, l’appelant a alors déclaré qu’il avait cessé d’occuper son emploi en raison d’un manque de travail.Note de bas de page 2

[15] La Commission fait valoir que si une personne crée une situation de chômage de sa propre initiative, elle doit démontrer que son départ volontaire constituait la seule solution raisonnable dans ce cas. Elle soutient que l’appelant a choisi de participer à ce programme et elle est d’avis que ce choix constitue un départ volontaire. Elle explique qu’en devenant travailleur saisonnier (alternance de travail six mois par année), l’appelant a quitté son emploi parce que c’était en toute connaissance de cause qu’il a choisi d’être mis à pied par l’employeur pendant plusieurs mois.

[16] Je suis d’accord avec les principes de bases exposés par la Commission. Je suis également d’accord sur le fait que ce n’est pas parce que l’employeur a conclu une entente avec le syndicat des employés, assurant à ces derniers qu’ils seraient admissibles à recevoir des prestations pendant leur congé de préretraite, qu’ils le seront automatiquement. Pour être admissible à recevoir des prestations, chaque prestataire doit satisfaire aux conditions de la Loi sur l’assurance-emploi.

[17] Bien que je comprenne que l’instauration d’un programme de préretraite négocié entre le syndicat et l’employeur permet des mises à pied ciblées et choisies selon les besoins opérationnels, qu’en l’absence de l’instauration d’un tel programme l’appelant aurait peut-être été mis à pied pour une période plus longue en raison d’un manque de travail pendant la saison hivernale ou que quelqu’un d’autre aurait cessé d’occuper son emploi en raison d’un manque de travail, lorsque l’appelant a cessé d’occuper son emploi le 20 octobre 2018, c’était pour se prévaloir du programme de préretraite offert par l’employeur. L’appelant a cessé d’occuper son emploi pour bénéficier d’un congé de six mois et se prévaloir de ce programme de préretraite.

[18] Cependant, je ne suis pas d’accord que l’appelant a quitté volontairement son emploi.

[19] Bien sûr, l’appelant a volontairement fait le choix de participer à ce programme, mais ce choix personnel ne fait pas en sorte qu’il choisissait de quitter son emploi. Au contraire. Comme le démontre la demande de prestations qu’il a remplie le 26 octobre 2018, la date de retour à l’emploi était prévue le 21 avril 2019. Le relevé d’emploi émis par l’employeur le 15 novembre 2019 démontre que l’appelant a travaillé du 22 avril 2019 au 17 octobre 2019.Note de bas de page 3

[20] Je ne peux conclure que l’appelant a quitté volontairement son emploi le 20 octobre 2018. À cette date, l’appelant avait le choix de rester ou de quitter son emploi et il n’a pas quitté son emploi. Il s’est prévalu d’un programme de préretraite prévoyant une mise à pied de six mois, mais il n’a pas cessé d’occuper son emploi à cette date. Pendant toute la durée de son congé ou de sa mise à pied, l’appelant a conservé son ancienneté, sa banque de vacances et son accès aux assurances collectives. Il est revenu au travail le 22 avril 2019.

[21] Selon l’entente conclue entre l’employeur et l’appelant, ce dernier devait se prévaloir de ce programme pendant une durée maximale de deux ans avant de prendre sa retraite. C’est-à-dire que l’appelant devait se prévaloir une autre fois d’un congé ou d’une mise à pied après avoir travaillé une période de six mois. L’appelant devait être mis à pied aux alentours du 17 octobre 2019. Cependant, comme il l’a expliqué lors de l’audience, le 12 septembre 2019, il s’est blessé.

[22] L’employeur a tout de même rempli un relevé d’emploi le 15 novembre 2019 indiquant que l’appelant avait cessé d’occuper son emploi le 17 octobre 2019 en raison d’un manque de travail.

[23] Comme l’appelant le mentionne, il ne s’est pas prévalu du programme de préretraite tel que prévu puisqu’il s’est blessé et, puisque sa blessure est un accident du travail, il a demandé d’être indemnisé par la CNESST. L’employeur a d’ailleurs indiqué sur le relevé d’emploi daté du 15 novembre 2019 que la date de retour à l’emploi était inconnue.

[24] L’appelant n’a pas quitté son emploi ni le 12 septembre 2019 lorsqu’il s’est blessé ni le 17 octobre 2019 puisqu'il était ou souhaitait être indemnisé par la CNESST. Cette situation, qui s’est prolongée, a entraîné un conflit avec l’employeur. L’appelant mentionne que ce conflit n’est pas réglé et qu’il est toujours à l’emploi de Chemins de fer Québec Gatineau. Il n’a pas quitté volontairement son emploi le 17 octobre 2019 alors qu’il était en arrêt de travail après s’être blessé. Je ne peux conclure que l’appelant a quitté volontairement son emploi le 17 octobre 2019 alors que le lien avec l’employeur était toujours en vigueur à ce moment.

[25] Je précise cependant que lorsqu’il remplit ses déclarations du prestataire, l’appelant a la responsabilité de déclarer les revenus provenant de son emploi qu’il reçoit pour chaque semaine de sa période de prestations, incluant les indemnités reçues d’un régime provincial et versées à la suite d’un accident du travail.Note de bas de page 4

[26] Tel que mentionné plus haut, contrairement à ce que l’employeur a déclaré à la Commission, à savoir qu’il était prévu que l’appelant reçoive des prestations d’assurance-emploi pendant la période de son congé à la préretraite, que l’appelant doit en recevoir et qu’il a bien indiqué la mention « manque de travail » sur le relevé d’emploi, je précise que le programme d’assurance-emploi tel qu’il est conçu en ce moment, ne prévoit pas d’indemniser ce genre de situation, même si l’employeur tente d’harmoniser les faits.

[27] Un prestataire doit être disponible pour travailler afin de pouvoir recevoir des prestations et la disponibilité se démontre par la recherche active d’un emploi. Néanmoins, en l’espèce, la Commission a conclu à un départ volontaire de l’appelant de son emploi à ces deux dates différentes et je m’en tiendrai à déterminer si l’appelant a véritablement quitté volontairement son emploi.Note de bas de page 5 Je n’ai donc pas à déterminer si l’appelant présente une condition personnelle qui limite indûment ses chances de retourner travailler, s’il était disponible pour travailler à compter de ces deux moments ou s’il a volontairement pris un congé autorisé selon l’article 32 de la Loi et s’il était justifié de le prendre.

[28] Comme les faits le démontrent, l’appelant n’a pas quitté son emploi. Ni le 20 octobre 2018 alors qu’il se prévalait du programme de préretraite offert par son employeur et qu’il a repris son emploi comme prévu le 22 avril 2019 ni le 17 octobre 2019 alors qu’il était en arrêt de travail en raison d’un accident du travail. Pour des raisons évidentes, l’appelant ne souhaitait pas couper le lien avec l’employeur à cette date puisqu’il demandait d’être indemnisé pour une blessure auprès de la CNESST. L’appelant n’a pas quitté volontairement son emploi à ce jour.

[29] Je rends cette décision suivant la balance des probabilités et, étant donné les faits présentés au dossier de la Commission et lors de l’audience par l’appelant, étant donné les circonstances entourant la mise à pied de l’appelant et exposées ci-haut, je conclus que l’appelant n’a pas volontairement quitté son emploi le 20 octobre 2018 ni le 17 octobre 2019.

[30] Puisque l’appelant n’a pas quitté volontairement son emploi, il n’a pas à démontrer qu’il était fondé à le quitter.Note de bas de page 6

Conclusion

[31] Je conclus que l’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations.

[32] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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