Assurance-emploi (AE)

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Citation : PD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 451

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : P. D.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (450826) datée du 27 janvier 2022 rendue par la Commission de l’assuranceemploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Manon Sauvé
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 15 mars 2022
Personne présente à l’audience : L’appelante

Date de la décision : 25 mars 2022
Numéro de dossier : GE-22-526

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Décision

[1] L’appel est rejeté. La prestataire a quitté volontairement son emploi. Elle n’a pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi. Il ne s’agissait pas de la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[2] Depuis plusieurs années, la prestataire travaille à titre coordonnatrice pour un organisme sans but lucratif. Elle relève des membres du conseil d’administration.

[3] Elle a des difficultés avec son employé. Elle considère qu’il n’a pas les compétences pour effectuer ses tâches. Elle recommande aux membres du conseil d’administration de le congédier. Après plusieurs semaines et quelques échanges, les membres refusent de suivre sa recommandation.

[4] Elle démissionne de son poste. Elle présente une demande pour recevoir des prestations d’assurance-emploi. La Commission refuse de lui verser des prestations, parce qu’elle a quitté son emploi volontairement et qu’il ne s’agissait pas de la seule solution raisonnable dans son cas.

[5] La prestataire n’est pas d’accord avec la Commission. Elle n’avait pas d’autres choix que de quitter son emploi, parce qu’elle n’avait plus la confiance des membres du conseil d’administration.

Question en litige

[6] La prestataire est-elle exclue du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification ?

Analyse

[7] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire du prestataire. Je dois ensuite décider si elle était justifiée de quitter volontairement son emploi.

Départ volontaire

[8] À cette première étape, c’est la Commission qui doit prouver que la prestataire a quitté volontairement son emploiNote de bas de page 1.

[9] Pour déterminer si l’appelante a quitté volontairement son emploi, « La question qu’il faut se poser est la suivante : l’employé avait-il le choix de rester ou de quitter son emploi ?Note de bas de page 2

[10] Je retiens que la prestataire travaille depuis le 1er décembre 2017. Elle occupe les fonctions de coordonnatrice à l’administration. Elle relève des membres du conseil d’administration. Ils se rencontrent 3 à 4 fois par année.

[11] Le 3 août 2021, elle remet sa démission par lettre aux membres du conseil d’administration. Elle soutient que le lien de confiance est brisé. Elle n’a pas été respectée et la façon des membres de régler les dossiers primordiaux ne rencontre en aucun point sa philosophie de gestion ou ses valeurs de coordinations.

[12] Selon les informations recueillies par la Commission, les membres du conseil d’administration n’envisageaient pas d’abolir son poste ou de la mettre à pied.

[13] Les membres ont pris la décision de réintégrer un employé, malgré la recommandation contraire de la prestataire.

[14] Je suis d’avis que la prestataire pouvait demeurer à son poste. Elle avait le choix de quitter ou de rester à la suite de la décision des membres du conseil d’administration qui n’ont pas suivi sa recommandation.

[15] Dans ce contexte, la Commission a démontré que la prestataire avait le choix de rester à l’emploi. Par conséquent, je conclus que la prestataire a quitté volontairement son emploi.

Justification

[16] Maintenant que j’ai déterminé que la prestataire a quitté volontairement son emploi, je dois décider, compte tenu de toutes les circonstances, s’il s’agit de la seule solution raisonnable dans son cas.

[17] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 3. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[18] La loi explique ce que veut dire “être fondée à”. Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 4.

[19] La prestataire est responsable de prouver que son départ était fondéNote de bas de page 5. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable. Pour prendre une décision, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand la prestataire a quitté son emploi.

[20] Comme mentionné précédemment, depuis le 1er décembre 2017, la prestataire travaille pour l’organisme. Elle occupe les fonctions de coordonnatrice à l’administration. Elle relève des membres du conseil d’administration. Ils se rencontrent 3 à 4 fois par année.

[21] Au début du mois de novembre 2019, un employé est embauché pour travailler au dépotoir. La prestataire éprouve des problèmes avec l’employé. Après avoir tenté de régler les problèmes, elle lui donne un avertissement écrit. La situation ne change pas, la prestataire avise l’employé qu’il doit se préparer à une mise à pied. Elle convoque le conseil d’administration pour les informer qu’elle va congédier l’employé.

[22] Le 22 mai 2021, l’employé se blesse au travail. La prestataire lui donne congé. Le 1er juin 2021, l’employé se blesse pendant des activités personnelles. Il est en congé jusqu’au 3 juin 2021. Le 7 juin 2021, sans nouvelle de l’employé, la prestataire se rend à son domicile pour lui demander ce qu’il fait et lui demande sa feuille de temps. Elle lui rappelle qu’il a dépassé les limites.

[23] Le 9 juin 2021, la prestataire présente aux membres du conseil d’administration son plan d’action, sa décision définitive de mettre à pied l’employé et le processus de recrutement pour le poste. Or, un membre du conseil d’administration s’oppose au renvoi de l’employé. Il est plutôt d’avis qu’il s’agit d’un conflit personnel entre la coordonnatrice et l’employé. Les membres décident de suspendre le congédiement et demandent des informations supplémentaires. 

[24] La prestataire demeure en attente d’obtenir la décision des membres du conseil d’administration. Pendant cette période, elle tente de communiquer par courriel et appels téléphoniques. Elle transmet un avis juridique sur les conséquences possibles du congédiement.

[25] Je retiens de la preuve au dossier que la prestataire a eu des échanges avec les membres du conseil d’administration concernant l’employé. Il y a eu des échanges de courriels au mois de juillet 2021. Il y a eu également les vacances estivales pendant cette période.

[26] Le 26 juillet 2021, la prestataire est informée par un membre du conseil d’administration que l’employé va être réintégré. Les membres ont également décidé qu’un processus de médiation devrait être mis sur pied pour une façon de faire entre l’employé et la prestataire. Il demande également à la prestataire de continuer à documenter le travail de l’employé. S’il n’exécute pas ses tâches correctement, il y aura des avertissements qui pourraient mener au congédiementNote de bas de page 6.

[27] Le 27 juillet 2021, un membre du conseil d’administration a informé les membres du conseil d’administration et la prestataire qu’il ne s’agissait pas d’une problématique de relation de travail, mais bien de savoir si l’employé peut exécuter ou non de ses tâches.

[28] Le 3 août 2021, la prestataire présente un rapport sur le travail de l’employé. Le 3 août 2021, elle démissionne de son poste et donne un préavis de 47 jours. Elle écrit aux membres du conseil d’administration que le lien de confiance est désormais brisé. On lui a imposé des décisions sans l’avoir consultée et sans avoir considéré son opinion ni son expertise.

[29] Un membre du conseil d’administration a déclaré à la Commission qu’il n’avait pas l’intention de congédier la prestataire. Le poste de coordonnateur n’a pas été pourvu à la suite de son départ.

[30] Selon la prestataire, les membres du conseil d’administration ont pris une décision contraire à sa recommandation et ils ne lui ont pas fourni d’explications pendant des semaines. En agissant ainsi, ils ont brisé le lien de confiance, parce qu’ils n’ont pas reconnu son expertise. On lui a imposé un employé qui n’avait pas les compétences pour exécuter son travail. Les membres du conseil d’administration ont manqué de respect envers elle, d’éthique et de logique.

[31] Pour sa part, la Commission soutient que la prestataire n’a pas démontré que la seule solution raisonnable était de quitter son emploi volontairement. La situation n’était pas intenable au point où elle devait démissionner de son poste. Les membres du conseil d’administration n’ont pas remis en cause la qualité de son travail ni leur confiance. Elle n’a pas démontré qu’elle voulait se dissocier du choix du conseil d’administration concernant la gestion du site d’enfouissement. Elle n’a pas mentionné que la situation pouvait affecter sa santé avant l’avis d’appel.

[32] Toujours selon la Commission, dans certains cas, une personne peut faire l’objet d’un congédiement déguisé. La prestataire n’a pas démontré que sa situation était à ce point intenable qu’elle devait démissionner. Elle n’a pas déposé de plainte à la suite de son départ.

[33] Un employeur a le droit de fixer des règles qui concernent le lien d’emploi et il a le droit de gestion à l’égard de ses employés. Dans les faits, les membres du conseil d’administration n’étaient pas en désaccord avec la prestataire. Ils voulaient un suivi plus serré en ce qui concerne le rendement de l’emploi.

[34] J’estime que la prestataire n’a pas démontré qu’elle était justifiée de quitter volontairement son emploi. En fait, il ne s’agissait pas de la seule solution raisonnable dans son cas.

[35] Dans les faits, la prestataire n’a pas été incitée de façon indue par l’employeur à quitter son emploi volontairementNote de bas de page 7. Elle n’était pas dans une situation où elle n’avait pas le choix que de quitter son emploiNote de bas de page 8.

[36] Je retiens qu’elle a eu des communications avec certains membres du conseil d’administration pendant l’été. On lui a proposé des solutions concernant les problèmes avec l’employé. Ce n’est pas vrai que les membres n’ont pas donné suite à ses recommandations. Peut-être qu’elle voulait que cela se fasse autrement, mais ils lui ont tout de même proposé une médiation et de faire un suivi plus serré avec l’employé. Ils n’étaient pas obligés de suivre sa recommandation, s’ils trouvaient que le processus n’était pas équitable pour l’employé. D’ailleurs, ils n’ont pas fermé la porte à un possible congédiement de l’employé.

[37] Je constate que la prestataire a mis ses énergies à démontrer que l’employé n’était pas compétent et qu’elle avait raison de vouloir le congédier. Elle a d’ailleurs déclaré lors de l’audience qu’elle aurait dû le congédier avant. Là n’est pas la question.

[38] La prestataire se devait de démontrer que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas. Ce qu’elle n’a pas fait. Elle pouvait demeurer à son poste et faire la preuve que l’employé n’était pas compétent et devait être congédié. Les membres du conseil d’administration lui ont donné l’occasion de le faire. Elle a préféré quitter son emploi : il s’agit d’un choix personnel. Elle a le droit d’être en désaccord avec les membres de son conseil d’administration et de quitter son emploi. Cependant, elle ne peut pas faire assumer son choix par l’ensemble des assurés.

[39] Ainsi, une solution raisonnable aurait été de rester en poste et de faire un suivi plus serré avec l’employé. Elle aurait pu également se chercher un autre emploi avant de quitter son emploi si elle considérait qu’elle ne partageait plus la philosophie de l’organisation. Elle n’a pas démontré que la situation était à ce point intenable qu’elle devait quitter son emploi.

[40] Dans ce contexte, j’estime que la prestataire n’était pas justifiée de quitter volontairement son emploi.

Conclusion

[41] Je conclus que la prestataire est exclue du bénéfice des prestations.

[42] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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