Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SS Commission de l’assurance emploi du Canada, 2022 TSS 282

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelant : S. S.
Représentante : Fayme Hodal
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (439094) datée du 3 décembre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Sylvie Charron
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 15 février 2022
Personne présente à l’audience : Représentante de l’appelant

Date de la décision : Le 9 mars 2022
Numéro de dossier : GE-22-52

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada (la Commission) a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite (c’est‑à‑dire parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné la perte de son emploi). Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi (AE)Note de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a perdu son emploi. Son employeur a affirmé qu’il a été congédié parce qu’il a refusé de se faire vacciner conformément à sa politique de vaccination.

[4] L’appelant ne conteste pas ce fait, mais il prétend que son employeur l’a congédié sans justification. Il dit que son employeur l’a congédié sans même essayer de lui fournir des mesures d’adaptation ou de lui offrir d’autres solutions.

[5] La Commission a accepté le motif de congédiement fourni par l’employeur. Elle a conclu que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. C’est pourquoi la Commission a exclu l’appelant du bénéfice des prestations d’AE.

Questions que je dois examiner en premier

L’appelant n’a pas assisté à l’audience

[6] L’appelant n’a pas assisté à l’audience. L’audience peut avoir lieu en l’absence de l’appelant si celui‑ci a été avisé de la tenue de l’audienceNote de bas de page 2.

[7] En l’espèce, même si l’appelant n’a pas assisté à l’audience, son avocate était présente et a défendu sa cause. Elle a confirmé que l’appelant avait choisi de ne pas assister à l’audience et qu’il l’avait mandatée pour défendre sa cause. J’ai accepté son explication et l’audience s’est déroulée comme prévu.

J’accepterai les documents envoyés après l’audience

[8] Il a été convenu à l’audience que la représentante fournirait une version écrite des observations qu’elle avait présentées de vive voix. Le document en question a été produit tel que convenu. Il constitue la pièce GD9.

Question en litige

[9] L’appelant a‑t‑il perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[10] Pour trancher la question de savoir si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite, je dois me prononcer sur deux aspects. Je dois d’abord déterminer le motif pour lequel l’appelant a perdu son emploi. Je dois ensuite juger si ce motif constitue une inconduite selon la loi.

Pourquoi l’appelant a‑t‑il perdu son emploi?

[11] J’estime que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il a refusé de se faire vacciner et de fournir une preuve de vaccination avant les dates limites indiquées dans la politique de vaccination de son employeur.

[12] L’appelant ne conteste pas ces faits.

[13] Lors de l’audience, la représentante a confirmé que ces faits ne sont pas contestésNote de bas de page 3.

Le motif de congédiement de l’appelant constitue‑t‑il une inconduite selon la loi?

[14] Le motif de congédiement de l’appelant constitue une inconduite selon la loi. J’expliquerai ci‑après ce qui m’a amenée à tirer cette conclusion.

[15] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée, c’est‑à‑dire que les actes qui ont mené au congédiement doivent être conscients, voulus ou intentionnelsNote de bas de page 4. Par inconduite, on entend aussi un acte si insouciant qu’il frôle le caractère délibéréNote de bas de page 5. Pour qu’il y ait inconduite selon la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est‑à‑dire qu’il n’est pas nécessaire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 6.

[16] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 7.

[17] La Commission doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. Pour ce faire, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 8.

[18] La Commission soutient qu’il y a eu inconduite parce que l’appelant a délibérément refusé de se faire vacciner après que son employeur a mis en place une politique de vaccination visant à protéger ses employés et les patients vulnérables auprès desquels ils travaillent. Ce refus est la cause directe du congédiement de l’appelant.

[19] La Commission soutient en outre que le refus de se conformer à la politique légitime et raisonnable de l’employeur exigeant la vaccination de ses employés dans le contexte d’une pandémie mondiale constitue de l’inconduite selon la loi. La plupart des provinces ainsi que les autorités fédérales avaient recommandé d’instaurer l’obligation de se faire vacciner avant d’imposer une telle obligation afin de protéger les populations, le système de soins de santé et l’économie en général.

[20] La Commission conclut qu’en refusant de se conformer à la politique, l’appelant ne remplissait plus ses obligations envers son employeur. L’appelant était conscient des conséquences que pouvait avoir sa décision.

[21] L’appelant prétend qu’il n’y a pas eu inconduite et qu’il a été congédié sans justification.

[22] L’appelant affirme qu’il faisait déjà l’objet de mesures d’adaptation en raison de restrictions physiques attribuables à un accident antérieur et que son employeur ne respectait pas toujours les mesures d’adaptation qu’il avait convenu de mettre en place. Il soutient qu’il n’aurait pas été difficile pour son employeur de lui faciliter encore les choses et de l’autoriser à travailler de la maison.

[23] L’appelant affirme aussi qu’aucune ordonnance de santé publique officielle ni aucune mesure obligatoire relative à la vaccination n’avait été mise en place par le gouvernement pour obliger son employeur à adopter une politique de vaccination. Qui plus est, son employeur n’était pas tenu par la loi d’imposer la vaccination à ses employés. L’appelant soutient donc que la décision unilatérale de son employeur d’imposer cette politique était déraisonnable.

[24] De plus, l’appelant fait valoir que son contrat de travail avec son employeur ne prévoyait aucune obligation de se faire vacciner pour d’autres maladies telles que la typhoïde, la polio ou la rubéole.

[25] Enfin, l’appelant dit qu’il ne se sent pas à l’aise de se faire vacciner. L’imposition, par son employeur, de l’obligation de se faire vacciner est la seule raison pour laquelle il a été conclu qu’il y a eu « inconduite ».

[26] En dernier lieu, la représentante soutient qu’il n’est pas raisonnable d’accepter une conclusion d’inconduite chaque fois qu’un employé est congédié pour des raisons indépendantes de sa volonté alors que son employeur a modifié unilatéralement sa situation d’emploi. En pareil cas, le régime d’AE devrait permettre aux personnes qui se trouvent dans une telle situation de toucher des prestations pendant la période entre la fin de leur ancien emploi et le début de leur nouvel emploi.

[27] Je suis d’avis que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite. Mes motifs sont exposés ci‑dessous.

[28] L’employeur a imposé une politique de vaccination à tous les employés de façon équitable. Les employés ont été avisés de la mise en œuvre de la politique ainsi que des conséquences du non‑respect de celle‑ci. Il est vrai que l’employeur n’était pas tenu par la loi d’adopter une telle politique au moment où il l’a fait, mais tous les employeurs sont libres d’élaborer, en tout temps, des politiques raisonnables lorsque la santé et la sécurité sont en jeu.

[29] J’estime que, dans le contexte de pandémie mondiale, et compte tenu de l’efficacité des vaccins offerts, il n’était pas déraisonnable que cet employeur impose une politique de vaccination. Cette mesure est d’autant plus raisonnable puisque les clients de cet employeur font partie d’une population vulnérable qui risque de souffrir de complications plus graves si elle est exposée à la COVID-19.

[30] Le fait que l’employeur n’avait pas de politique de vaccination contre d’autres maladies contagieuses n’est pas pertinent. Il n’y a actuellement aucune pandémie de polio, de typhoïde ou de rubéole au pays.

[31] Je constate que l’employeur a avisé les employés des dates limites pour se faire vacciner. Il en a informé l’appelant avant tout le monde, de sorte que ce dernier a eu un préavis plus long que le reste du personnel. L’appelant a informé son employeur qu’il ne voulait pas se faire vacciner, même si celui‑ci lui avait dit qu’il risquait d’être congédié s’il ne se conformait pas à la politiqueNote de bas de page 9.

[32] La Commission fait valoir que la conduite de l’appelant répond à la définition d’inconduite au sens de la loi. Je suis du même avis. L’appelant a refusé d’obéir à des directives légitimes et raisonnables qui avaient été établies pour protéger les employés et les clients. Il savait qu’en agissant ainsi il risquerait de perdre son emploi. Son refus de se faire vacciner est la cause directe de son congédiement.

[33] La conduite de l’appelant était délibérée, c’est‑à‑dire que les gestes ayant mené à son congédiement ont été posés de façon consciente, voulue et intentionnelle.

[34] En ce qui concerne le dernier argument de la représentante, il est vrai que le régime d’AE vise à aider les employés à tenir entre la fin de leur ancien emploi et le début de leur nouvel emploi. Cependant, le principe de base de l’AE est que personne ne doit se placer délibérément en situation de chômage. Or, c’est ce que l’appelant a fait.

L’appelant a‑t‑il perdu son emploi en raison de son inconduite?

[35] En m’appuyant sur les constatations énoncées précédemment, je conclus que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Conclusion

[36] La Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’AE.

[37] L’appel est donc rejeté.

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