Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 280

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale – Section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : A. L.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (442386) datée du 9 décembre 2021 (communiquée par Service Canada).

Membre du Tribunal : Paul Dusome
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 24 février 2022
Personne participante à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 14 mars 2022
Numéro de dossier : GE-22-101

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite (en d’autres termes, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Cela signifie que la prestataire n’a pas le droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi (AE)Note de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’employeur de la prestataire (l’employeur) l’a placée en congé non payé pour ne pas s’être conformée à sa nouvelle politique concernant la vaccination contre la COVID. L’employeur a déclaré qu’elle avait été mise en congé parce qu’elle n’avait pas fourni la preuve qu’elle était vaccinée contre la COVID ni fourni la preuve régulière de résultats négatifs au test de dépistage de la COVID. Elle n’avait pas non plus fourni la preuve qu’elle était exemptée de l’obligation de vaccination pour des raisons médicales ou religieuses.

[4] Même si la prestataire ne conteste pas que cela s’est produit, elle affirme que la demande de se conformer à la politique constitue une violation de son contrat de travail et une violation de ses droits inaliénables. L’obligation de se faire vacciner revient à exiger qu’elle se soumette à une procédure médicale non prouvée sans son consentement. Elle a avancé un certain nombre d’autres raisons, qui seront examinées dans la présente décision. La prestataire dit qu’elle a le droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[5] La Commission a accepté la raison du congé non payé fournie par l’employeur. Il a décidé que la prestataire avait cessé de travailler en prenant un congé volontaire sans justification. Pour cette raison, la Commission a décidé que la prestataire n’avait pas le droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[6] Après que la prestataire a déposé son appel auprès du Tribunal, la Commission a changé la raison de son inadmissibilité. Elle a maintenant déclaré que la prestataire n’avait pas le droit d’être rémunérée parce qu’elle avait été suspendue pour inconduite. La Commission a demandé au Tribunal de rejeter l’appel et de remplacer l’inadmissibilité pour prise de congé sans justification par une inadmissibilité pour suspension en raison d’une inconduite. Dans la présente décision, j’utiliserai le terme « suspension » ou « congé » pour désigner une période pendant laquelle un employeur demande à un employé de ne pas venir travailler. L’expression « congé autorisé » a un sens particulier au sens de l’article 32 de la Loi, de sorte que je ne l’utiliserai que pour discuter de l’article 32.

Question que je dois trancher en premier lieu

J’accepterai les documents envoyés après l’audience.

[7] Lors de l’audience, la prestataire a mentionné un certain nombre de documents qui n’avaient pas été présentés à la Commission ou au Tribunal. Il s’agissait du contrat de travail entre l’employeur et la prestataire, d’un courriel de la prestataire à l’employeur, exposant en détail les raisons de son refus de la vaccination et des exemptions, et d’une copie de la partie du Code de Nuremberg concernant les expériences médicales. Ces documents sont pertinents pour comprendre le contrat de travail de la prestataire, et le fondement de ses raisons de s’opposer à la politique de vaccination. J’ai reçu et accepté ces documents, et je les ai transmis à la Commission pour qu’elle y réponde. La Commission a répondu que sa position consistant à demander le rejet de l’appel et à remplacer le motif d’inadmissibilité « congé sans justification » par « suspension pour inconduite » restait inchangée.

Les questions en litige

[8] I. La Commission était-elle légalement autorisée à modifier le motif d’inadmissibilité de congé sans justification à inconduite?

[9] II. La prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi en raison de sa propre inconduite?

[10] III. La prestataire a-t-elle volontairement pris un congé sans justification?

I. La Commission était-elle légalement autorisée à modifier sans justification le motif d’inadmissibilité de congé à inconduite?

[11] Les questions de justification et d’inconduite sont traitées aux articles 29 à 33 de la Loi. L’alinéa 29c) définit la notion de « justification » aux fins des articles 30 à 33. L’article 30 traite de l’inadmissibilité aux prestations d’assurance-emploi dans les cas de perte d’emploi en raison d’un départ volontaire sans justification ou d’une inconduite. L’article 31 traite de l’inadmissibilité à recevoir des prestations d’assurance-emploi en cas de suspension pour inconduite. L’article 32 traite de l’inadmissibilité à recevoir des prestations d’assurance-emploi en cas de prise volontaire d’un congé sans justification. L’article 30 traite des situations dans lesquelles l’emploi a pris fin. Les articles 31 et 32 traitent des situations dans lesquelles l’emploi se poursuit, mais où le salarié n’est pas au travail.

[12] Les tribunaux se sont prononcés sur la question de la modification du motif de l’inadmissibilité, qui passe du départ volontaire sans justification à l’inconduite. La Commission et le Tribunal sont autorisés à effectuer cette modification, si les preuves permettent de conclure à un départ volontaire sans justification ou à une inconduite, ou aux deux. La citation suivante en expose les raisons :

Dans l’arrêt Procureur général du Canada c. Easson, A-1598-92, 1er février 1994, la Cour a indiqué clairement que les notions de « perte d’emploi pour inconduite » et de « départ volontaire sans justification » ont un lien rationnel entre elles, parce qu’elles visent toutes deux des situations où la perte d’emploi est la conséquence d’un acte délibéré de l’employé. La Cour a ensuite ajouté que c’est pour des raisons d’ordre pratique qu’un tel lien a été établi entre les deux notions : il y a plusieurs cas dans lesquels, en raison de la preuve contradictoire, il n’apparaît pas clairement, en particulier pour la Commission, si la perte d’emploi est attribuable à la propre inconduite de l’employé ou au fait que ce dernier a décidé de quitter son emploi. En fin de compte, comme la question de droit en litige concerne une exclusion au titre du paragraphe 30(1) de la Loi, la conclusion du conseil arbitral [maintenant le Tribunal de la sécurité sociale] ou du juge­arbitre [maintenant le Tribunal de la sécurité sociale, Division d’appel] peut reposer sur l’un ou l’autre des deux motifs d’exclusion dans la mesure où elle s’appuie sur la preuve. Cela ne cause aucun préjudice au demandeur parce qu’il sait qu’on cherche à obtenir une exclusion du bénéfice des prestations et qu’il connaît très bien les faits à l’origine de la demande d’ordonnance d’exclusionNote de bas de page 2.

[13] Ce raisonnement s’applique également à la situation en l’espèce, à savoir l’inadmissibilité fondée soit sur la prise d’un congé sans justification, soit sur une suspension pour inconduite. Je dois ensuite décider si les éléments de preuve soutiennent l’un ou l’autre ou les deux motifs d’inadmissibilité. La Commission se base désormais sur la suspension pour inconduite. Si les éléments de preuve ne soutiennent pas la position actuelle de la Commission, il reste à conclure si les éléments de preuve soutiennent le motif de prise de congé sans justification.

[14] Pour les motifs exposés dans la partie II, les éléments de preuve étayent effectivement l’inconduite comme motif d’inadmissibilité. Pour les motifs exposés dans la partie III, il ne m’appartient pas de trancher la question de congé sans justification.

II. La prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi en raison de sa propre inconduite?

Analyse

[15] Un prestataire qui est suspendu de son travail en raison d’une inconduite n’a pas le droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi jusqu’à ce que la période de suspension prenne fin, ou qu’il quitte ou perde volontairement son emploi, ou qu’il accumule suffisamment d’heures de travail chez un autre employeur pour avoir droit à des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 3. Si le prestataire quitte ou perd volontairement son emploi, l’inadmissibilité prend fin, et le prestataire n’est plus admissible aux prestations d’assurance-emploi aux termes du paragraphe 30(1) de la LoiNote de bas de page 4.

[16] Pour répondre à la question de savoir si la prestataire a été suspendue de son emploi pour cause d’inconduite, je dois trancher deux choses. D’abord, je dois déterminer pourquoi la prestataire a été suspendue de son emploi. Ensuite, je dois déterminer si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’employeur a-t-il suspendu la prestataire?

[17] Je conclus que la prestataire a été suspendue de son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la nouvelle politique de l’employeur sur la vaccination contre la COVID-19.

[18] La prestataire et la Commission sont d’accord sur la raison pour laquelle la prestataire a été suspendue de son emploi. C’est parce que l’employeur a mis en place une nouvelle politique de vaccination contre la COVID. La politique prévoyait un délai pour que les employés prouvent qu’ils avaient été vaccinés, ou qu’ils se soumettent à des tests réguliers de dépistage de la COVID, ou qu’ils obtiennent une exemption pour des raisons médicales ou religieuses. La prestataire ne s’est conformée à aucune des options prévues par la politique dans le délai imparti. L’employeur a mis la prestataire en congé après le délai imparti.

La raison expliquant la suspension de la prestataire est-elle considérée comme une inconduite aux termes de la loi?

[19] La raison expliquant la suspension de la prestataire est considérée comme une inconduite aux termes de la loi.

[20] Pour être considérée comme une inconduite aux termes de la loi, la conduite doit être délibérée, c’est‑à‑dire qu’elle était consciente, voulue et intentionnelleNote de bas de page 5. Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait une intention répréhensible (en d’autres termes, il n’est pas nécessaire qu’elle veuille faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit considéré comme une inconduite au regard de la loiNote de bas de page 6.

[21] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle fasse l’objet de mesures disciplinaires ou qu’elle soit congédiée à cause de celaNote de bas de page 7.

[22] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 8.

[23] Le rôle du Tribunal ne consiste pas à déterminer si le congédiement était justifié ou s’il était bien la sanction appropriéeNote de bas de page 9.

[24] La question n’est pas de savoir si l’employeur a commis une faute en procédant à un licenciement injuste; la question est plutôt de savoir si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduiteNote de bas de page 10.

[25] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire était au courant de la politique liée à la COVID de l’employeur, de ses exigences, des mesures d’adaptation offertes par la politique et du délai pour s’y conformer. Elle connaissait les conséquences découlant du défaut de s’y conformer. Elle a choisi de ne pas s’y conformer, et a été suspendue en conséquence. Elle n’a pas pris de mesures pour se renseigner sur une exemption médicale. Elle a tenté de faire porter à l’employeur la responsabilité de répondre à ses nombreuses préoccupations concernant le vaccin.

[26] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite de sa part pour un certain nombre de raisons. L’employeur a modifié unilatéralement les conditions d’emploi de l’intéressée pour exiger qu’elle se soumette à une vaccination contre la COVID-19. Aucune condition d’emploi, explicite ou implicite, ne permettait à l’employeur d’exiger qu’elle subisse une procédure médicale. Toute procédure médicale nécessitait son consentement, qu’elle n’a pas donné. L’employeur a refusé les mesures d’adaptation qu’elle proposait pour lui permettre de continuer à travailler sans se conformer à la politique. La décision unilatérale de l’employeur de la placer en congé non payé était une tentative de se soustraire à l’obligation légale de l’employeur de lui proposer des mesures d’adaptation dans son emploi dans la mesure où cela ne constitue pas une contrainte excessive. L’employeur faisait preuve de discrimination fondée sur une incapacité, car il considérait qu’une personne non vaccinée était plus susceptible d’être porteuse de la COVID, c’est‑à-dire frappée d’incapacité. L’employeur a exploité son entreprise sans cas de COVID pendant un an et demi en suivant les directives de santé publique. Le gouvernement provincial n’avait pas imposé un mandat de vaccination à l’employeur. Par conséquent, la décision unilatérale de l’employeur d’exiger maintenant des vaccins ne pouvait pas constituer une exigence professionnelle justifiée.

[27] J’estime que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite, parce qu’elle a prouvé les quatre éléments de l’inconduite : le caractère délibéré; le manquement à un devoir envers l’employeur; la prévisibilité de la mesure disciplinaire ou du congédiement; et le manquement a entraîné la suspension ou le congédiement.

[28] Je présenterai l’analyse suivante sous trois sous-titres : Les conclusions de fait; les quatre éléments de l’inconduite; et les arguments de la prestataire en faveur de sa position.

Conclusions de fait

[29] La prestataire a travaillé dans l’un des magasins de vente au détail d’appareils électroménagers de l’employeur pendant plus de 11 ans. Le magasin faisait partie d’un groupe commercial plus important, dont le siège social se trouvait dans une autre ville. À l’automne 2021, elle était l’administratrice de ce magasin. Ce poste l’obligeait à assister le directeur du magasin, à embaucher des employés, à superviser l’inventaire et à traiter avec les clients (principalement par téléphone) au sujet des demandes de renseignements, des plaintes et du service. Elle travaillait dans une zone derrière un comptoir avec d’autres employés, mais pouvait utiliser seule un bureau à l’arrière du magasin. Elle devait être présente dans le magasin pour accomplir la majeure partie de son travail. Son travail en magasin nécessiterait une interaction personnelle avec les autres membres du personnel. Pendant la pandémie, il n’y a jamais eu de cas de COVID dans le magasin depuis le début de la pandémie en mars 2020.

[30] La prestataire avait un contrat de travail écrit avec l’employeur. Le contrat initial avait été remplacé par un nouveau contrat écrit en 2014. La prestataire a signé ce nouveau contrat. Parmi les conditions énoncées figuraient les suivantes : l’employeur se réservait le droit de modifier un certain nombre de conditions, telles que le titre, le lieu de travail, la rémunération, les avantages sociaux, [traduction] « ainsi que les politiques et procédures qui peuvent vous concerner en fonction des besoins de l’entreprise, sans que ces modifications ne constituent une cessation d’emploi ». Le contrat comportait également des clauses relatives à la cessation d’emploi, avec ou sans justification. Les raisons « avec justification » comprennent l’inconduite délibérée, la désobéissance ou la négligence délibérée du devoir, ou tout acte ou conduite contraire à la bonne volonté, à la réputation de l’entreprise ou aux intérêts de l’employeur. Le contrat précisait également que l’employeur attendait de l’employée qu’elle respecte toute la législation pertinente sur le lieu de travail (y compris les droits de la personne et la législation sur la santé et la sécurité au travail). Cette clause concluait : [traduction] « Toute violation de cette attente ou des politiques de l’entreprise entraînera des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement. » 

[31] La prestataire avait travaillé pour l’employeur pendant un certain nombre d’années. Elle était fiable. Il n’y avait eu aucune plainte concernant son travail. Elle n’avait jamais fait l’objet de mesures disciplinaires. Pendant la pandémie, elle avait respecté les protocoles liés à la COVID, tels que les masques, les écrans faciaux, la distanciation, la désinfection et le lavage des mains, et la surveillance de sa température.

[32] Le 13 septembre 2021, l’employeur a fait circuler une [traduction] « politique de vaccination obligatoire de groupe » (politique) à tous les employés, y compris la prestataire. La politique s’appliquait à tous les employés de l’employeur, ainsi qu’aux tiers sous-traitants. La politique exigeait que les employés de bureau, qui travaillaient à distance, retournent au bureau 50 % du temps à partir du 4 janvier 2022. Les employés du magasin (dont la prestataire) devaient continuer à se présenter au magasin pour tous les quarts de travail prévus. Compte tenu de la pandémie en cours et des efforts constants de l’employeur pour maintenir un lieu de travail sûr pour les employés et les clients, l’employeur a exigé que [traduction] « tous les employés soient entièrement vaccinés contre la COVID-19 tel que défini par Santé Canada, conformément à la présente politique ». À l’appui de la politique, l’employeur s’est référé aux obligations découlant des lois sur la santé et la sécurité au travail, aux recommandations de Santé publique Canada et du Comité consultatif national de l’immunisation, aux exigences de l’industrie et à d’autres autorités de santé publique. L’employeur se réserve le droit de modifier la politique comme il convient. Les employés vaccinés conformément à la politique devaient présenter à l’employeur une preuve satisfaisante de la vaccination contre la COVID-19 avant le 11 octobre 2021. L’employeur s’engage à préserver la confidentialité de toute documentation fournie par un employé et à ne [traduction] « recueillir, utiliser et divulguer la preuve de vaccination et/ou le statut vaccinal d’un employé que conformément aux lois applicables en matière de protection de la vie privée ». La politique stipule que l’employeur se conformera à ses obligations au titre de la législation sur les droits de la personne et accommodera les employés qui ne peuvent pas être vaccinés pour [traduction] « des raisons justifiées, y compris des raisons médicales ou religieuses ». Les employés avaient jusqu’au 11 octobre 2021 pour soumettre le formulaire d’exemption de vaccins de l’employeur à l’appui de leur demande d’exemption. Si un employé remplissait les conditions requises pour bénéficier d’une exemption, il était tenu de se soumettre à un test de dépistage pendant son temps libre, au moins deux fois par semaine, selon un horaire déterminé par l’employeur. L’employé devait montrer un résultat négatif au test de dépistage de la COVID (y compris les tests rapides) à son responsable avant de se présenter au travail. L’employé était responsable de tous les coûts liés aux tests. Les employés devaient, après avoir été vaccinés, continuer à se conformer aux protocoles de sécurité liés à la COVID, tels que le port d’un masque et la distanciation sociale. Sous le titre [traduction] « Conformité », la politique stipulait : [traduction] « Les employés qui ne se conforment pas à cette politique feront l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement. » La politique se termine par la déclaration suivante : [traduction] « cette politique est susceptible d’être modifiée à tout moment, en fonction de l’évolution de la situation en matière de pandémie, des meilleures pratiques/lignes directrices du secteur et/ou des exigences réglementaires. »

[33] La prestataire n’était pas d’accord avec la politique exigeant qu’elle soit vaccinée. Elle ne voulait pas être vaccinée pour un certain nombre de raisons, qu’elle a expliquées à l’employeur. Je vais donner un aperçu de ces raisons ici, afin de fournir un contexte des efforts déployés par la prestataire pour traiter avec l’employeur. J’examinerai ces raisons en détail ci-dessous sous la rubrique traitant des arguments de la prestataire à l’appui de sa position. À ce stade de l’analyse, ce qui importe, c’est le droit relatif à l’inconduite aux fins de l’assurance-emploi (énoncé ci-dessus) et ce que la prestataire a fait pour tenter de faire face à l’exigence de l’employeur en matière de vaccin obligatoire.

[34] En bref, la prestataire s’est opposée au vaccin en se fondant sur son droit de consentir à tout traitement médical tel qu’un vaccin (consentement qu’elle n’a pas donné), et sur des préoccupations quant à la sécurité d’un vaccin dont la distribution avait été précipitée. Elle voulait des garanties sur la sécurité du vaccin et sur le fait qu’elle ne souffrirait d’aucun effet indésirable si elle prenait le vaccin. Elle a également déclaré qu’elle n’était pas tenue de divulguer ses renseignements médicaux à l’employeur.

[35] La prestataire a reçu la politique par courriel de l’employeur le 13 septembre 2021. C’est la date figurant sur la politique. Le 30 septembre 2021, l’employeur lui a envoyé par courriel un rappel lui demandant de soumettre une preuve de vaccination ou une demande d’exemption avant la date limite du 11 octobre 2021. La prestataire a répondu ce jour-là, affirmant son droit à la confidentialité de ses renseignements médicaux. Elle a demandé à ne pas être victime de discrimination pour cette raison. Elle a demandé qu’on lui offre la possibilité de travailler à distance. L’employeur a répondu le 12 octobre 2021, indiquant que les employés devaient montrer leur statut vaccinal ou fournir des preuves pour justifier que l’employeur accommode ces employés conformément à la législation sur les droits de la personne pour des questions de religion ou de handicap. Le courriel concluait en indiquant que si la prestataire ne se conformait pas à la politique en demandant une exemption, elle serait placée en congé non payé à compter de la fin de la journée du 15 octobre 2021. Si elle ne souhaitait pas s’y conformer, elle devait rendre tous les biens de l’employeur avant midi ce jour-là. Si elle venait à changer d’avis, elle était invitée à le signaler. Le 15 octobre 2021, à 9 h 34, la prestataire a répondu par courriel. Elle avait une liste de sept éléments d’information dont elle avait besoin. La prestataire a déclaré que l’employeur aurait dû connaître les réponses à ces questions. Si elle était satisfaite des renseignements fournis par l’employeur, elle accepterait l’offre de l’employeur de recevoir le traitement à trois conditions. D’abord, l’employeur confirme par écrit qu’elle ne subira aucun préjudice. Ensuite, [traduction] « après acceptation, l’offre doit être signée par un médecin pleinement qualifié qui assumera l’entière responsabilité juridique et financière de toute blessure que je pourrais subir et/ou de toute interaction avec le personnel autorisé concernant ces procédures ». Enfin, [traduction] « dans le cas où je devrais refuser l’offre de vaccination, veuillez confirmer que cela ne compromettra pas ma position et que je ne souffrirai pas de préjugés et de discrimination en conséquence ». La prestataire a conclu en réservant ses droits inaliénables. À 10 h 38, l’employeur a répondu. Dans sa réponse, il déclaré qu’il ne fournirait pas l’information demandée. Il lui a suggéré d’en parler à son médecin. Il a déclaré que s’il respectait ses décisions personnelles, sa préoccupation première devait être la santé et la sécurité de ses employés et de ses clients. Il a conclu que si son statut vaccinal changeait, elle était invitée à l’en informer.

[36] Les échanges de courriels mentionnés au paragraphe précédent étaient ceux dont la Commission et le Tribunal étaient saisis au moment de l’audience. Lors de l’audience, la prestataire a mentionné un autre courriel, qu’elle a fourni après l’audience. La Commission a examiné ce document et a maintenu sa position. Ce courriel était daté du 15 octobre 2021, à 11 h 17, avec une autre copie envoyée à un autre cadre de l’employeur à 11 h 20. Il n’y a pas de copie d’une réponse de l’employeur. Ce courriel comportait une pièce jointe de cinq pages en caractères à simple interligne, intitulée [traduction] « Avis de responsabilité vaccinale, employeurs [...] ». Je traiterai de ce document de cinq pages dans la rubrique « Arguments de la prestataire à l’appui de sa position » ci-dessous.

[37] La prestataire a témoigné de discussions verbales avec son gestionnaire au sujet de la politique. Elle a exposé les raisons pour lesquelles elle ne voulait pas être vaccinée. Elle a proposé des moyens de continuer à travailler sans être vaccinée. Elle a proposé de travailler à distance, ou de travailler seule dans l’arrière-boutique. Le gestionnaire a dit qu’il en discuterait avec le siège social. La prestataire n’a reçu aucune réponse du gestionnaire. Seuls les courriels susmentionnés font office de réponse de la part de l’employeur. Ils émanaient de la vice-présidente des ressources humaines au siège de l’employeur.

[38] La prestataire n’a pas pris le vaccin contre la COVID-19. Elle n’a pas demandé de mesure d’adaptation ou d’exemption pour des raisons religieuses ou médicales. Elle n’a pas obtenu de résultats à des tests réguliers pour continuer à travailler comme le prévoit la politique.

Les éléments de l’inconduite

[39] Les quatre éléments de l’inconduite aux fins de l’assurance-emploi sont : le caractère délibéré; le manquement à un devoir envers l’employeur; le manquement a causé la suspension ou le congédiement; et la prévisibilité de la mesure disciplinaire ou du congédiement.

[40] La Commission a prouvé ces quatre éléments. Le geste posé par la prestataire en refusant de se conformer à la politique de l’employeur était une inconduite aux fins de l’assurance-emploi.

[41] Le caractère délibéré exige que l’action de la prestataire soit consciente, délibérée ou intentionnelle. Aux fins de l’assurance-emploi, le terme « intentionnel » n’exige pas la preuve d’une intention de faire quelque chose de mal. Selon la preuve, il est clair que l’action de la prestataire de ne pas se conformer aux exigences de la politique était consciente, délibérée et intentionnelle. Elle a expliqué à l’employeur les raisons pour lesquelles elle ne s’est pas conformée. L’employeur exigeait toujours qu’elle se conforme à la politique. Sa réponse a été de faire le choix de ne pas s’y conformer. Cela révélait un caractère délibéré.

[42] Le manquement au devoir envers un employeur concerne l’exécution des obligations de l’employé conformément au contrat de travail. Il faut pour cela qu’il y ait eu violation d’une obligation expresse ou implicite prévue par le contrat de travailNote de bas de page 11. La prestataire affirme que l’employeur a rompu le contrat avec elle en lui imposant unilatéralement la politique, sans son consentement. Elle n’a pas violé une obligation prévue par le contrat. La prestataire a tort sur les deux points. L’employeur n’a pas violé le contrat en imposant la politique. En vertu du contrat de travail écrit de 2014, l’employeur avait le droit de modifier les modalités du contrat, y compris [traduction] « les politiques et procédures qui peuvent vous affecter en fonction des besoins de l’entreprise ». Le contrat précise également que la violation des politiques de l’employeur [traduction] « entraînera des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement ». Cette dernière partie du contrat signifie que le choix de la prestataire de ne pas se conformer à la politique constituait une violation du contrat de travail. Son refus d’obtempérer a conduit l’employeur à la mettre en congé. En raison de cette suspension, elle n’a pas été en mesure d’exécuter ses obligations conformément au contrat. Elle a affirmé que les changements unilatéraux importants apportés par l’employeur aux conditions de son emploi équivalaient à une résiliation de son contrat de travail sans justification. Cela ne l’aide pas dans le présent appel. La question dans le présent appel n’est pas de savoir si l’employeur a commis une inconduite en procédant à un congédiement injuste. La question qui se pose est de savoir si la prestataire était coupable d’inconduite au regard de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 12. La réparation demandée par la prestataire pour congédiement abusif constitue une action en justice devant les tribunaux.

[43] Le refus de la prestataire de se conformer à la politique a été la cause de sa suspension. Cela ressort clairement de l’échange de courriels entre la prestataire et la vice-présidente des ressources humaines de l’employeur. Dans son courriel du 30 septembre 2021, la prestataire a déclaré qu’elle ne divulguerait pas ses renseignements médicaux personnels à l’employeur. La vice-présidente a répondu le 12 octobre 2021 que les renseignements étaient nécessaires pour se conformer à la législation sur les droits de la personne qui exige des mesures d’adaptation pour des raisons religieuses ou de handicap. La vice-présidente a conclu que si la prestataire ne se conformait pas à la politique en demandant une exemption, elle serait placée en congé non payé à compter de la fin de la journée du 15 octobre 2021. La vice‑présidente a également déclaré ce qui suit : [traduction] « Si vous veniez à changer d’avis, veuillez nous le signaler. »  Le matin du 15 octobre 2021, la prestataire a répondu en fournissant une liste de sept éléments d’information sur le vaccin qu’elle souhaitait obtenir de l’employeur, ainsi que trois conditions de prise du vaccin. La vice‑présidente a répondu plus tard dans la matinée, indiquant que l’employeur ne fournirait pas l’information demandée. Elle a orienté la prestataire vers son médecin pour obtenir des renseignements sur le vaccin. Elle a conclu en disant que [traduction] « [s]i son statut vaccinal changeait, elle était invitée à l’en informer ». La prestataire n’a pas pris le vaccin, n’a pas demandé d’exemption et n’a pas subi de test de dépistage de la COVID jusqu’à la date de l’audience. L’employeur a placé la prestataire en congé.

[44] La suspension de la prestataire pour non-respect de la politique était prévisible pour la prestataire. Le contrat de travail prévoyait expressément des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement en cas de violation des politiques de l’employeur. La politique précise que les employés qui ne se conforment pas à la politique feront l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement. Le courriel de la vice-présidente du 12 octobre 2021 indiquait explicitement à la prestataire que si elle ne se conformait pas à la politique avant la fin de la journée du 15 octobre 2021, elle serait placée en congé non payé. Sur la base de ces faits, il ne fait aucun doute que la prestataire avait prévu qu’elle serait placée en congé non payé à la date limite si elle ne se conformait pas à la politique.

Les arguments de la prestataire à l’appui de sa position

[45] Le point de départ est l’autorité limitée du Tribunal dans la prise de décisions. Contrairement aux cours supérieures, le Tribunal ne dispose pas d’un pouvoir étendu pour traiter toutes les questions juridiques qui peuvent lui être présentées. La section de l’assurance-emploi de la division générale du Tribunal peut rejeter l’appel, confirmer, annuler ou modifier la décision de la Commission, en tout ou en partie, ou rendre la décision que la Commission aurait dû rendreNote de bas de page 13. Cela limite ce que le Tribunal peut faire en matière d’assurance-emploi à ce que la Commission peut faire dans l’administration de la Loi sur l’assurance-emploi et de ses règlements. La division générale du Tribunal doit travailler dans ce cadre. Le pouvoir du Tribunal de décider de toute question de fait ou de droit nécessaire à la résolution de l’appel est également limitéNote de bas de page 14. Le Tribunal n’a pas l’autorité nécessaire pour se prononcer sur un grand nombre des arguments avancés par la prestataire.

[46] La prestataire invoque la violation du Code des droits de la personne de l’Ontario. Elle affirme que l’employeur a manqué à sa responsabilité de veiller à ce qu’elle puisse travailler dans un environnement exempt de toute discrimination fondée sur un handicap physique apparent (le fait qu’elle soit plus susceptible d’être porteuse de la COVID). Elle affirme que l’employeur se soustrait à son obligation d’adaptation dans la mesure où cela ne constitue pas une contrainte excessive et qu’il refuse de lui offrir des mesures d’adaptation. Le fait qu’elle a respecté les protocoles liés à la COVID (masques, écrans faciaux, surveillance de la température, désinfection et lavage des mains, distanciation sociale) et que l’employeur n’a aucun antécédent de COVID dans le magasin depuis un an et demi montre que l’obligation d’être vacciné n’est pas une exigence professionnelle justifiée. Cela est confirmé par le fait que le gouvernement provincial n’impose pas de mandat de vaccination. Cela n’aide pas la cause de la prestataire. L’alinéa 29c) de la Loi sur l’assurance-emploi traite de la justification pour quitter volontairement son emploi ou prendre un congé. Il ne traite pas de la suspension pour inconduite. Le concept de justification, défini au paragraphe 29c) de la Loi sur l’assurance-emploi, ne s’applique pas à l’inconduite. Les éléments que la prestataire a mentionnés dans ce paragraphe ont trait à une justification possible fondée sur la discrimination au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne (pas le Code de l’Ontario) ou des pratiques d’un employeur qui sont contraires à la loiNote de bas de page 15. Étant donné que nous ne traitons pas de justification dans le cadre du présent appel, pour les raisons exposées à la partie III, le Tribunal n’a pas le pouvoir de traiter les revendications relatives aux droits de la personne dans le cadre du présent appel. La prestataire dispose de trois voies de recours possibles. Elle peut traiter avec l’autorité gouvernementale compétente chargée de faire appliquer les lois sur les droits de la personne. Elle peut intenter une action en justice pour congédiement abusif, y compris pour violation de la loi sur les droits de la personne. Un autre recours est possible si son emploi prend fin et que la Commission juge qu’elle a démissionné sans justification. Cette décision la rendrait inadmissible aux prestations d’assurance-emploi. Dans cette situation, elle pourrait faire appel au Tribunal pour contester la question de l’inadmissibilité fondée sur l’absence de justification.

[47] La prestataire a déclaré que la demande de l’employeur de divulguer ses renseignements médicaux privés constituait une violation de ses droits. Le Tribunal n’a pas le pouvoir de se prononcer sur cette question. L’autorité compétente est l’organisme provincial chargé de faire respecter la législation sur la protection de la vie privée, y compris les questions médicales. La politique prévoit la confidentialité des renseignements du prestataire conformément aux lois applicables en matière de protection de la vie privée. L’argument de la prestataire est miné par sa volonté de se conformer à la politique si l’employeur fournissait l’information demandée et remplissait les conditions énoncées dans son courriel du 15 octobre 2021, à 9 h 34.

[48] La prestataire a envoyé par courriel à la vice-présidente des ressources humaines un « Avis de responsabilité vaccinale » de cinq pages, avec 42 liens vers des sites Web en note de bas de page. Elle affirme que l’employeur exerce illégalement la médecine en exigeant de ses employés qu’ils se soumettent à tout vaccin, y compris le vaccin expérimental de thérapie génique contre la COVID. Il n’y a pas d’urgence de santé publique. L’augmentation supposée des cas est le résultat d’une augmentation des tests utilisant des tests PCR non conçus à cet effet. Le test PCR produit des faux positifs dans 97 % des échantillons testés. Divers tribunaux et autorités médicales le confirment. Sur la base des renseignements factuels, l’utilisation d’urgence du vaccin contre la COVID n’est ni nécessaire ni recommandée. La prestataire cite le Code de Nuremberg qui exige le consentement volontaire et éclairé pour les expériences médicales effectuées sur des êtres humains. Elle indique que le « vaccin » contre la COVID fait l’objet d’essais cliniques jusqu’en 2023 et qu’il peut donc être considéré comme une expérience médicale. [traduction] « De nombreux médecins, scientifiques et experts médicaux lancent de terribles avertissements sur les effets à court et à long terme des injections contre la COVID-19 [...] ». Elle cite des statistiques qui montrent que les personnes de moins de 30 ans ont un risque très faible de contracter ou de transmettre la COVID. Le vaccin n’a pas été prouvé et peut augmenter le risque de maladie respiratoire. Le vaccin contre la COVID a causé plus de décès en cinq mois que tous les vaccins réunis au cours des 23 dernières années. Le gouvernement cache cette information. L’administration du vaccin peut constituer une violation de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre du Canada, du Code criminel du Canada, de la Loi sur la non-discrimination génétique, et de la Charte canadienne des droits et libertés. L’administration du vaccin peut également constituer une négligence. La vaccination est volontaire au Canada. Une obligation vaccinale de la part du gouvernement, ou d’un employeur, est une violation du droit canadien et des accords et déclarations internationaux. La prestataire conclut : [traduction] « Par conséquent, je vous notifie par la présente que je vous tiendrai personnellement responsable de tout préjudice financier et/ou de la perte de mon revenu personnel et de ma capacité à fournir de la nourriture et un abri à ma famille si vous utilisez la coercition ou la discrimination à mon encontre en raison de ma décision de ne pas prendre le [sic] TOUT vaccin, y compris l’injection expérimentale contre la COVID-19. »  Le Tribunal n’a pas le pouvoir de se prononcer sur ces questions. L’exercice illégal de la médecine doit être traité par l’organisme provincial régissant la profession médicale. Le Tribunal n’est pas habilité à se prononcer sur les différentes lois, ou accords et déclarations internationaux, à l’exception de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). La question de la Charte est abordée dans le paragraphe suivant. Le Tribunal n’a pas non plus le pouvoir de participer à l’établissement des faits pour trancher les questions relatives au vaccin mentionnées ci-dessus, ou pour trancher la question de la négligence, ou pour trancher la responsabilité de l’employeur relativement aux pertes financières subies par la prestataire. Ces questions sont traitées par les tribunaux.

[49] La Charte accorde des droits à toute personne au Canada. Mais la Charte s’applique uniquement aux gouvernements, et non aux particuliers ou aux entreprises privéesNote de bas de page 16. Il incombe aux gouvernements de protéger les droits accordés à chacun au Canada. Si un gouvernement crée une loi ou une politique qui viole un droit inscrit dans la Charte, la loi ou la politique pourrait être jugée inconstitutionnelle et n’avoir aucune force. Les cours et de nombreux tribunaux ont le pouvoir d’examiner et de statuer sur l’inconstitutionnalité d’une loi dont ils ont la charge. Par exemple, le Tribunal de la sécurité sociale pourrait statuer sur une allégation selon laquelle une partie de la Loi sur l’assurance-emploi viole les droits à l’égalité des femmes en leur donnant moins de droits aux prestations parentales de l’assurance-emploi que les hommes. Si le Tribunal estime que la loi viole un droit garanti par la Charte, il peut déclarer cette partie de la Loi sur l’assurance-emploi inconstitutionnelle. Les politiques créées par des particuliers ou des entreprises privées ne sont pas des lois. Elles ne sont pas susceptibles de contrôle en vertu de la Charte. Elles ne peuvent pas être jugées inconstitutionnelles. Dans le présent cas, la politique est une action d’une entreprise privée, l’employeur. La politique n’est pas susceptible de contrôle en vertu de la Charte. Le Tribunal n’a donc pas l’autorité de se prononcer sur la demande fondée sur la Charte de la prestataire au sujet de la politique dans le cadre du présent appel.

[50] Dans son témoignage, la prestataire a fourni d’autres raisons à l’appui de sa décision. Elle est née libre, avec des droits inaliénables et donnés par Dieu qui ne peuvent pas lui être retirés. La souveraineté appartient au peuple, et le gouvernement n’a pas compétence à l’égard du peuple. De plus, elle n’a pas de contrat avec le gouvernement, qui n’a donc pas de compétence à son égard. Elle doit donner son consentement avant que le gouvernement puisse acquérir compétence à son égard. De telles questions dépassent largement l’autorité limitée du Tribunal. De telles demandes ont déjà été présentées devant les tribunaux canadiens, mais elles n’ont pas été acceptéesNote de bas de page 17. Les personnes qui se trouvent au Canada sont soumises aux lois du gouvernement fédéral dans l’ensemble du Canada, ainsi qu’aux lois de la province ou du territoire où elles se trouvent. Le consentement effectif à être lié par ces lois n’est pas requis. La présence physique vous soumet à ces lois.

La prestataire a-t-elle donc été suspendue de son emploi en raison de sa propre inconduite?

[51] Sur la base de mes conclusions ci-dessus, je conclus que la prestataire a été suspendue de son emploi pour cause d’inconduite.

III. La prestataire a-t-elle volontairement pris un congé sans justification?

[52] Un prestataire qui prend volontairement un congé sans justification n’a pas le droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi jusqu’à ce qu’elle reprenne l’emploi, ou qu’elle perde ou quitte volontairement l’emploi, ou qu’elle accumule suffisamment d’heures de travail chez un autre employeur pour être admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 18. Cette règle s’applique lorsque la période de congé a été autorisée par l’employeur, et que l’employeur et l’employé conviennent du jour où l’employé retournera au travailNote de bas de page 19. Lorsque ces deux conditions ne sont pas remplies, la situation est traitée comme un départ volontaire de l’emploi (démission de l’emploi), plutôt que comme un congé. La prestataire devra démontrer une justification, au moment où elle a démissionné ou au moment où l’employeur lui a dit qu’elle n’avait pas d’emploi à reprendreNote de bas de page 20. Qu’il s’agisse d’un congé ou d’un départ volontaire, la justification doit être prouvée par la prestataire.

[53] La notion de « justification » est définie dans la Loi : aux fins des articles 30 à 33, il y a justification si le prestataire n’avait pas d’autre solution raisonnable que de démissionner ou de prendre un congé, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 21.

[54] Je conclus qu’il ne serait pas approprié pour moi de tirer des conclusions sur la question de la justification dans cette affaire pour les raisons suivantes. La Commission avait initialement décidé que la prestataire avait pris un congé sans justification. Le présent cas n’entre pas dans cette catégorie, car il n’y a pas eu d’entente entre l’employeur et la prestataire sur une date de retour au travail, comme l’exige l’alinéa 32(1)b) de la Loi. La Commission a modifié à juste titre sa position pour que la prestataire soit suspendue pour inconduite. J’ai conclu que l’employeur avait suspendu la prestataire pour inconduite. Le droit de la prestataire de recevoir des prestations d’assurance-emploi pour cause d’inconduite peut prendre fin si elle quitte volontairement l’employeur. Si la prestataire quitte volontairement son emploi chez l’employeur, l’inadmissibilité pour inconduite prend fin, mais une inadmissibilité pour démission sans justification peut être imposéeNote de bas de page 22. La prestataire reste suspendue de son emploi, et elle n’a pas démissionné. Si elle décide de quitter volontairement son emploi, ou si l’employeur lui dit qu’elle n’a pas d’emploi à reprendre, la question du départ volontaire sans justification se posera à cette date ultérieure. La loi est claire : l’évaluation de la justification doit tenir compte de la situation de la prestataire au moment où elle a démissionnéNote de bas de page 23. Il serait préjudiciable à la prestataire que je me prononce sur la question de la justification en fonction de sa situation actuelle (suspension).

Conclusion

[55] La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la prestataire n’a pas le droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi jusqu’à ce qu’elle remplisse l’une des trois conditions énoncées à l’article 31 de la Loi.

[56] Cela signifie que l’appel est rejeté. La décision de la Commission d’inadmissibilité pour prise de congé sans justification est remplacée par la présente décision d’inadmissibilité pour suspension en raison d’une inconduite.

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