Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TW c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 345

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : T. W.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (450317) datée du 11 janvier 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Candace R. Salmon
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 22 février 2022
Personne présente à l’audience : Partie appelante

Date de la décision : Le 22 mars 2022
Numéro de dossier : GE-22-281

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Cela signifie que la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’employeur de la prestataire l’a suspendue de son emploi pour non-respect de sa politique concernant la vaccination contre la COVID-19. L’employeur a dit à la Commission qu’elle avait enfreint ses politiques en refusant de se faire vacciner.

[4] Même si la prestataire ne conteste pas les faits, elle affirme que l’exigence de se conformer à la politique de vaccination est erronée et soutient qu’elle devrait avoir le choix. La prestataire affirme qu’elle a droit à des prestations d’assurance-emploi.

[5] La Commission a accepté le motif de licenciement invoqué par l’employeur. Elle a décidé que la prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification. Pour cette raison, la Commission a conclu que la prestataire n’avait pas droit à des prestations d’assurance-emploi.

[6] Après que la prestataire a fait appel devant le Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal), la Commission a modifié le motif de l’inadmissibilité qu’elle a fait valoir. Elle soutient maintenant que la prestataire est incapable de travailler parce qu’elle a été suspendue de son poste en raison d’une inconduite.

Question en litige

[7] La prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’un départ volontaire ou d’une inconduite, et remplit-elle les conditions requises pour recevoir des prestations d’assurance-emploi?

Droit applicable

[8] La Loi sur l’assurance-emploi renferme deux notions distinctes qui entraînent une exclusion du bénéfice des prestations : le départ volontaire et l’inconduite.Note de bas de page 2 Les deux notions sont liées puisqu’il n’est peut-être pas établi clairement si l’employée a été congédiée pour inconduite ou si elle a décidé de quitter son emploi. Je peux tirer une conclusion fondée sur l’un ou l’autre des deux motifs.Note de bas de page 3 En d’autres termes, comme la raison de la cessation d’emploi de la prestataire n’est pas claire, j’ai la compétence pour décider si elle est fondée sur un départ volontaire ou une inconduite, car il importe peu de savoir qui a pris l’initiative de rompre la relation d’emploi parce que les deux questions se rapportent à une exclusionNote de bas de page 4.

[9] Dans cette affaire, il n’est pas établi avec précision que la prestataire a été congédiée de son emploi. Il est clair qu’elle a refusé de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur. C’est ce qui a fait en sorte que l’employeur ne lui a plus permis de travailler. Puisque la décision de l’employeur de mettre fin à l’emploi de la prestataire a été causée par le refus de cette dernière de se conformer à une politique, je conclus qu’il s’agit d’une inconduite. De plus, la prestataire a témoigné qu’elle [traduction] « supposait » qu’elle serait congédiée de son emploi. Cependant, elle a aussi déclaré qu’après que son employeur lui eut dit qu’elle ne pouvait plus se présenter au travail, son gestionnaire lui a envoyé un message texte lui demandant de se faire vacciner et de retourner au travail. Cela laisse entendre que l’emploi de la prestataire serait toujours disponible si elle se conformait aux politiques de l’employeur.

[10] La Loi examine également les cas où les prestataires sont suspendus de leur emploi en raison d’une inconduite. Cela n’entraîne pas une exclusion du bénéfice des prestations, mais plutôt une inadmissibilité aux prestationsNote de bas de page 5.

[11] Compte tenu de ce qui précède, je conclus qu’il ne s’agit pas d’une inconduite entraînant une exclusion. Il s’agit plutôt de savoir si la prestataire est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi en raison d’une suspension pour inconduiteNote de bas de page 6.

Analyse

[12] La Commission soutient maintenant que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison de sa propre inconduite.

[13] Pour répondre à la question de savoir si la prestataire a été suspendue pour inconduite, je dois trancher deux éléments. Premièrement, je dois établir pourquoi la prestataire a perdu son emploi. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[14] Je conclus que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de l’employeur sur la vaccination contre la COVID-19.

[15] La prestataire et la Commission s’entendent sur les raisons pour lesquelles la prestataire a perdu son emploi. Ils conviennent que c’est parce que l’employeur a mis en place une nouvelle politique de vaccination contre la COVID-19. La politique prévoyait une date limite à laquelle le personnel devait prouver qu’il avait été vacciné. La prestataire ne s’est pas conformée à la politique à la date limite. L’employeur a décidé qu’elle ne pouvait plus travailler pour l’entreprise après cette date.

La raison du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[16] Le motif de la suspension de la prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[17] Pour constituer une inconduite en vertu de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 7. La prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, elle n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 8.

[18] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et qu’il existait une possibilité réelle de faire l’objet de mesures disciplinaires ou d’être congédiée à cause de celaNote de bas de page 9.

[19] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 10.

[20] Le Tribunal n’a pas à décider si le congédiement était justifié ou s’il s’agissait de la sanction appropriéeNote de bas de page 11.

[21] La Commission affirme que la prestataire est incapable de travailler parce qu’elle a refusé de se conformer à la politique de l’employeur sur la COVID-19. Elle ajoute qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire était au courant de la politique de l’employeur sur la COVID-19, de ses exigences et de la date limite de conformité. Elle était consciente des conséquences du défaut de se conformer. Elle a choisi de ne pas se conformer et a par conséquent été suspendue de son emploi.

[22] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite pour un certain nombre de raisons. D’abord, elle soutient qu’elle a été informée de la politique de vaccination contre la COVID-19 une heure avant qu’elle ne soit censée travailler. Elle a déclaré qu’elle était en vacances du 26 juillet 2021 au 3 août 2021. Elle a déclaré que son premier appel reçu de l’employeur a eu lieu le 3 août 2021, peu avant qu’elle soit censée ouvrir le magasin. Elle ajoute que lorsque l’employeur a annoncé la politique sur la COVID-19, elle était en vacances, de sorte qu’elle n’a reçu aucun avis. À son avis, cela signifiait qu’on ne lui donnait pas le temps de prendre une décision.

[23] Elle ajoute qu’elle s’est conformée à toutes les procédures liées à la COVID-19, comme le port d’un masque, l’éloignement, le dépistage des clients, et le nettoyage. Elle soutient que le 3 août 2021, on lui a dit de ne pas retourner au travail à moins qu’elle ne soit vaccinée.

[24] La prestataire a également déclaré qu’elle a choisi de ne pas être vaccinée parce qu’elle est une personne en santé. Elle ajoute qu’elle devrait pouvoir choisir de se faire vacciner contre la COVID-19 ou non.

[25] La prestataire a parlé à un agent de la Commission le 5 novembre 2021. À l’audience, elle a confirmé que le compte rendu de la conversation avec l’agent de la Commission représentait fidèlement les renseignements qu’elle a fournis. Elle a dit à la Commission qu’elle n’est pas vaccinée et qu’elle ne se fera pas vacciner contre la COVID-19. La Commission lui a demandé si elle avait des raisons médicales, des motifs religieux ou autres pour refuser le vaccin. Elle a déclaré que ce n’était pas le cas. Cependant, elle a décidé qu’elle ne voulait pas du vaccin parce qu’elle est en santé et n’en a pas besoin. Elle a ajouté qu’il n’y avait aucune autre raison pour laquelle elle ne s’était pas conformée à la politique de vaccination de l’employeur.

[26] La prestataire a parlé à un autre agent de la Commission le 11 janvier 2022. À l’audience, elle a convenu que le dossier de la Commission représente fidèlement ses déclarations. Elle a dit à la Commission avoir reçu un appel le 3 août 2021 et s’être fait dire qu’elle ne pouvait pas retourner au travail à moins d’être vaccinée. Elle a dit à l’employeur qu’elle ne se ferait pas vacciner.

[27] L’employeur a informé la Commission que le personnel avait un délai de grâce jusqu’au 19 août 2021 pour se faire vacciner. La prestataire a témoigné qu’elle n’a pas été avisée de cette date. Elle ajoute qu’elle a parlé à deux gestionnaires le 3 août 2021 et qu’ils ne lui ont pas parlé du délai de grâce. Elle affirme en outre qu’elle n’avait pas demandé quelles étaient ses options parce qu’elle était frustrée et fâchée. Elle a déclaré qu’après le 3 août 2021, son employeur a reçu [traduction] « quelques appels ou messages textes », mais elle n’a pas demandé s’il existait des façons pour elle de retourner au travail. Elle a déclaré que dans l’un des messages textes, son superviseur lui a demandé de se faire vacciner pour qu’elle puisse reprendre le travail.

[28] La prestataire a témoigné qu’elle [traduction] « ignorait à quoi s’attendre », mais qu’elle ne pensait pas perdre son emploi parce qu’elle ne s’était pas fait vacciner. Elle a déclaré qu’elle ne savait pas qu’elle pourrait perdre son emploi avant d’avoir reçu l’appel le 3 août 2021.

[29] La prestataire a témoigné que le refus du vaccin contre la COVID-19 était un choix personnel et ne concernait aucun problème médical ni aucune croyance religieuse ou autre. Elle a déclaré qu’elle :

[traduction] ne croit pas au vaccin. C’est un vaccin expérimental et on sait peu de choses à ce sujet. J’ai choisi de ne pas m’en prévaloir. Je m’entraîne, je mange sainement, je prends des vitamines, je ne tombe pas malade, je suis une personne en santé. J’ai décidé que je n’en ai pas besoin ou que je ne le veux pas. Je pense que tout le monde devrait avoir ce droit. Je ne devrais pas perdre mon emploi à cause de cela.

[30] Il est clair que la conduite ayant mené à la suspension de la prestataire était un refus de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. La prestataire admet qu’elle a refusé de suivre la politique de l’employeur et que c’était la raison pour laquelle elle n’était plus autorisée à travailler.

[31] Pour effectuer l’analyse au sujet de l’inconduite, je dois notamment me demander si la conduite de la prestataire était délibérée. Le caractère délibéré exige que le comportement de la prestataire soit conscient, voulu ou intentionnel. Aux fins de l’assurance-emploi, « intentionnel » n’exige pas la preuve de l’intention de faire quelque chose de mal. D’après la preuve, il est clair que l’action de la prestataire de ne pas se conformer aux exigences de la politique de vaccination était consciente, voulue et intentionnelle. Elle a dit à l’employeur qu’elle ne s’y conformerait pas. L’employeur exigeait toujours qu’elle se conforme à la politique. Elle a plutôt choisi de ne pas s’y conformer. C’était un acte délibéré.

[32] En outre, je conclus que la prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle pouvait être licenciée pour avoir refusé de suivre la politique de l’employeur. Bien qu’elle affirme ne pas savoir qu’il y a eu un délai de grâce avant le 19 août 2021 et qu’elle n’a été informée de la politique de l’employeur que le 3 août 2021, elle a clairement indiqué à l’employeur qu’elle ne se conformerait pas à sa politique. Elle n’a posé aucune question sur les autres options. Elle affirme qu’elle était au courant, ou qu’elle a « présumé », depuis le 3 août 2021, qu’elle pourrait perdre son emploi si elle ne se conformait pas à la politique, parce que son employeur lui a dit qu’elle ne pourrait pas travailler sans le vaccin contre la COVID-19. Il est raisonnable de croire que la prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle pourrait perdre son emploi si elle refusait de se conformer aux politiques de l’employeur. On lui a dit qu’elle ne pourrait pas retourner au travail sans y adhérer. Elle n’a peut-être pas eu autant de préavis que les autres membres du personnel parce qu’elle était en vacances lorsque la politique a été instaurée. Cependant, on l’a informée de la politique et elle a refusé de s’y conformer. La question de savoir si on lui a parlé du délai de grâce n’est pas pertinente. Bien que la prestataire soutienne qu’on ne lui a pas donné le temps de prendre une décision, il ressort clairement de ses déclarations au dossier et à l’audience qu’elle avait déjà décidé de ne pas se conformer à la politique.

[33] Le refus de la prestataire de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur constituait une inconduite pour l’assurance-emploi. Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite, parce qu’elle a établi que la prestataire a refusé de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur, que son refus a causé sa suspension, que sa conduite était délibérée et qu’elle savait ou aurait dû savoir qu’elle pouvait être congédiée ou suspendue de son emploi si elle ne se conformait pas à la politique de l’employeur.

Ainsi, la prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[34] Compte tenu de mes conclusions ci-dessus, je conclus que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

Autres questions

[35] La prestataire a déclaré au cours de la révision qu’elle a cotisé à l’assurance-emploi, de sorte qu’elle a le droit d’en recevoir, que c’est son argent et qu’il est illégal de lui refuser des prestations. À l’audience, elle a dit qu’elle n’était pas certaine qu’il était illégal pour la Commission de lui refuser des prestations d’assurance-emploi, mais elle a présumé qu’elle avait droit à l’assurance-emploi parce qu’elle a cotisé au programme.

[36] Le fait de cotiser au programme d’assurance-emploi ne donne pas automatiquement à une personne le droit recevoir des prestations d’assurance-emploi lorsqu’elle est en chômage. Comme les autres programmes d’assurance, la personne doit être admissible aux prestations. L’appelante n’est pas admissible parce qu’elle a été suspendue de son emploi en raison de sa propre inconduite, de sorte qu’elle ne satisfait pas aux exigences de la loi.

Conclusion

[37] La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi tant qu’elle ne satisfait pas à l’une des trois conditions énoncées à l’article 31 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[38] Cela signifie que l’appel est rejeté. Ma conclusion remplace l’exclusion de la Commission pour décision de départ volontaire par une inadmissibilité pour suspension en raison d’une inconduite.

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