Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 354

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale – Section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : N. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (447148) datée du 13 janvier 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Lilian Klein
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 16 mars 2022
Personne présente à l’audience : Partie appelante

Date de la décision : Le 11 avril 2022
Numéro de dossier : GE-22-551

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Décision

[1] J’accueille l’appel du prestataire. La présente décision explique pourquoi.

[2] Le prestataire aurait été disponible pour travailler s’il n’avait pas été en quarantaine. Sa maladie était la seule chose qui l’empêchait d’être disponible pour travailler.

Aperçu

[3] Le prestataire est un étudiant étranger. Il possède un permis d’études lui permettant de suivre un cours à temps plein en informatique au Canada. Pendant ses études, il travaille 20 heures par semaine comme agent de sécurité, comme l’autorise son permis d’études.

[4] Le 5 juillet 2021, le prestataire a cessé de travailler parce qu’il s’est fait diagnostiquer une maladie qui l’a obligé à se mettre en quarantaine à compter de cette date jusqu’au 10 août 2021. Il a déposé une demande de prestations de maladie de l’assurance-emploi et a reçu des prestations du 4 juillet 2021 au 10 août 2021 pour couvrir sa période de quarantaine.

[5] Le 16 novembre 2022, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a informé le prestataire qu’il devait rembourser ses prestations de maladie. Elle a mentionné qu’il n’avait pas démontré qu’il était par ailleurs disponible pour travailler parce qu’il aurait été aux études s’il n’avait pas été malade et qu’il n’aurait pas pu accepter de travail à temps plein en raison de son permis d’études.

[6] Le prestataire n’est pas d’accord avec la Commission. Il affirme qu’il aurait été disponible pour travailler comme d’habitude s’il n’avait pas été en quarantaine. Il soutient qu’il n’est pas responsable de la limite de 20 heures de travail pendant une période déterminée en vertu des règles de son permis d’études. Il affirme qu’autrement, son employeur lui aurait donné plus d’heures.

Question en litige

[7] Le prestataire était incapable de travailler parce qu’il était en quarantaine. Cependant, le fait d’être en quarantaine était-il la seule chose qui l’empêchait d’être disponible pour travailler?

Documents déposés après la tenue de l’audience

[8] Après l’audience, le prestataire a soumis des documents que j’ai acceptés comme pertinents relativement à son appel. J’ai communiqué ces renseignements à la Commission, qui a répondu par d’autres observations rejetant sa preuve et ses arguments.

Analyse

[9] Si vous êtes malade, blessé ou en quarantaine, vous n’êtes manifestement pas disponible pour travailler. La loi sur les prestations de maladie de l’assurance-emploi reflète cette réalité. Cependant, la loi prévoit que si vous demandez des prestations de maladie, vous devez démontrer que vous auriez été sans cela disponible pour travailler.

[10] L’expression « aurait été sans cela disponible » signifie que vous n’avez pas à prouver de la façon habituelle que vous êtes réellement disponible pour travailler et incapable de trouver un emploi convenable.Note de bas de page 1 Vous devez cependant démontrer que vous auriez été en mesure de satisfaire aux trois facteurs du critère de disponibilité, n’eût été votre maladie, votre blessure ou votre quarantaine.

[11] Le prestataire doit donc prouver qu’il a satisfait à ces facteurs pour démontrer que la quarantaine était la seule raison pour laquelle il n’était pas disponible pour travaillerNote de bas de page 2.

[12] Cependant, je dois d’abord tenir compte de la présomption selon laquelle les étudiants à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler. Réfuter cette présomption exige la preuve de circonstances exceptionnelles. Un prestataire peut également montrer un historique de travail à temps plein pendant ses études à temps plein.

[13] Ses antécédents professionnels étaient surtout à temps partiel. Je conclus que le prestataire peut encore réfuter la présomption de non-disponibilité. Je suis d’accord avec le raisonnement de la division d’appel du Tribunal qui a examiné une situation de fait semblable.Note de bas de page 3 Je conclus que la nature de l’emploi précédent du prestataire, à temps partiel, et sa capacité de maintenir au moins ce niveau d’emploi pendant ses études à temps plein constituaient une circonstance exceptionnelle. C’est ce qui lui permet de réfuter la présomption de non-disponibilité.

[14] Je dois quand même établir si le prestataire peut satisfaire aux trois facteurs du critère de disponibilité. Selon ce critère, il doit démontrer ce qui suit :

  1. i) il voulait retourner au travail dès qu’il le pouvait;
  2. ii) il déployait des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. iii) il n’a pas établi de conditions personnelles susceptibles de limiter indûment ses chances de retour au travail.

Le prestataire voulait retourner au travail

[15] Le prestataire a démontré qu’il aurait voulu retourner au travail s’il n’avait pas été en quarantaine. Il travaillait avant sa quarantaine et il a travaillé par la suite. C’est ainsi qu’il subvenait à ses besoins financiers pendant ses études.

[16] J’accepte le témoignage du prestataire comme étant crédible parce qu’il était détaillé, cohérent et étayé par des éléments de preuve fiables, y compris son relevé d’emploi et la lettre de son employeur.

[17] Avant de tomber malade, le prestataire travaillait 20 heures par semaine conformément aux règles de son permis d’études. Cependant, j’accepte sa volonté de travailler plus d’heures. La preuve démontre qu’il a travaillé à temps plein pendant une période où la restriction des heures de travail des étudiants étrangers a été temporairement levée. Il a aussi pu travailler à temps plein pendant les vacances scolaires lorsque le gouvernement permet aux étudiants étrangers de travailler plus de 20 heures par semaine.

[18] Je conclus que le fait d’être disposé à travailler plus de 20 heures à son emploi chaque fois qu’il le pouvait démontre que le prestataire a une solide éthique de travail. L’attitude et le comportement sont importants pour déterminer la disponibilité.Note de bas de page 4 C’est pourquoi je trouve plus probable qu’improbable sa volonté de retourner au travail s’il n’était pas en quarantaine.

Le prestataire aurait fait des démarches pour trouver un emploi convenable

[19] Le prestataire a démontré par ses efforts passés qu’il aurait déployé assez d’efforts pour trouver un emploi convenable s’il n’avait pas été malade (et s’il avait été sans emploi).

[20] La preuve démontre que le prestataire a déjà un emploi. Il a quitté temporairement cet emploi seulement pour une période définie de quarantaine médicale.

Le prestataire n’avait aucune condition personnelle limitant ses chances de reprendre le travail

[21] Lorsque le prestataire est tombé malade et a dû se mettre en quarantaine, il ne pouvait pas travailler. Mais il ne s’agissait pas d’une restriction personnelle. Sa quarantaine a été décrétée en vertu des règles de santé publique. La Commission ne soutient pas que sa quarantaine était une condition personnelle.

[22] La Commission affirme cependant que la restriction du prestataire à travailler plus de 20 heures par semaine était une condition personnelle qui aurait limité indûment ses chances de reprendre le travail. On peut y lire qu’il devait démontrer qu’il aurait pu travailler à temps plein.

[23] Les décisions de la division d’appel ne comportent pas de directives uniformes sur la question de savoir si les conditions imposées par le gouvernement ou par d’autres parties constituent une condition personnelle du prestataireNote de bas de page 5. Je ne suis pas liée par les décisions de la division d’appel, mais je m’en inspire à des fins d’orientation.

[24] Dans le présent appel, je m’appuie sur une décision de la division d’appel selon laquelle une prestataire qui a été empêchée par un contrat de chercher un emploi auprès d’un autre employeur n’a pas établi de condition personnelle limitant sa recherche d’emploiNote de bas de page 6.

[25] Selon la logique de cette décision de la division d’appel, la limite de 20 heures dans le cas du prestataire n’était pas une condition personnelle puisqu’il ne l’a pas imposée. Il n’a aucun contrôle sur les conditions de son permis d’études. S’il ne remplit pas ses conditions, il est pénalisé. Ce n’est donc pas un choix personnel.

[26] De plus, le critère de disponibilité ne dit pas que le prestataire ne peut avoir aucune condition. La condition doit être personnelle et ne doit pas indûment limiter ses chances de trouver du travail.

[27] Je conclus que le prestataire n’avait aucune condition personnelle comme la présence en classe, le type de travail, le lieu de travail ou la rémunération. Il pouvait travailler le jour, la nuit ou les fins de semaine. La seule restriction concernait le nombre d’heures qu’il pouvait travailler chaque semaine, mais c’est le gouvernement qui lui imposait cette condition.

[28] Je conclus également que la restriction de ses heures de travail n’était pas une condition qui limitait indûment ses chances de retourner au travail. Le fait qu’il pouvait déjà reprendre un emploi sûr démontre qu’il n’existait aucune limitation indue. Une condition n’est pas indûment restrictive si un prestataire peut démontrer qu’un emploi est toujours possibleNote de bas de page 7.

[29] La Commission affirme que le prestataire devait être disponible pendant des heures à temps plein. Je m’appuie cependant sur une décision de la division d’appel selon laquelle les étudiants n’ont pas besoin d’être plus disponibles pour travailler qu’ils ne l’étaient dans leurs emplois précédentsNote de bas de page 8. La Loi ne dispose pas qu’ils doivent être prêts à travailler à temps plein alors qu’ils travaillaient auparavant à temps partiel, comme le prestataire l’a fait pendant ses études.

[30] La Commission n’a pas soutenu que les obligations du prestataire relativement à ses cours limitaient sa disponibilité. Je reconnais toutefois qu’une décision de la division d’appel a conclu qu’un étudiant n’était pas disponible pour travailler en partie parce que i) son horaire de cours n’était pas flexible; ii) il ne pouvait l’adapter à son horaire de travail; et iii) il n’a pas cherché un autre emploiNote de bas de page 9.

[31] Dans le présent appel, le prestataire n’avait pas de telles restrictions quant à sa disponibilité. Ses cours étaient enregistrés de sorte qu’il pouvait les regarder en ligne à tout moment, qu’il pouvait accepter des quarts de travail à tout moment du jour ou de la nuit et qu’il avait déjà un emploi qu’il avait repris immédiatement.

[32] Je conclus que le prestataire n’a pas établi des conditions personnelles qui ont eu pour effet de limiter indûment ses chances de retour sur le marché du travail.

[33] Cela signifie que le prestataire a satisfait aux exigences des trois facteurs du critère de disponibilité susmentionnés.

Donc, le prestataire aurait-il été sans cela disponible pour travailler?

[34] Oui. Je conclus que le prestataire a démontré qu’il aurait été sans cela disponible pour travailler pendant les semaines de sa quarantaine. S’il n’avait pas été malade et confiné à sa chambre, il aurait continué à occuper l’emploi lui procurant déjà une relation d’emploi établie.

[35] Avant de conclure, je note que le prestataire a versé des cotisations d’assurance-emploi en croyant qu’il était assuré en cas de maladie, de blessure ou de quarantaine. Les cotisations à l’assurance-emploi ne garantissent pas que vous obtiendriez des prestations. Vous devez également satisfaire aux conditions du régime. Cependant, aucune logique ne justifie que les étudiants étrangers cotisent à l’assurance-emploi s’ils ne peuvent jamais respecter ses conditions de disponibilité. C’est pourquoi il importe d’examiner la situation de chaque prestataireNote de bas de page 10, surtout lorsqu’on étudie une demande de prestations de maladie.

Conclusion

[36] Le prestataire a démontré qu’il aurait été sans cela disponible pour travailler s’il n’avait pas été en quarantaine. Il a donc droit aux prestations de maladie de l’assurance-emploi du 4 juillet 2021 au 10 août 2021.

[37] Cela signifie que j’accueille l’appel du prestataire.

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