Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 278

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale – Section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. J.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (445200) datée du 24 décembre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Leanne Bourassa
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 14 février 2022
Personnes présentes à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 24 février 2022
Numéro de dossier : GE-22-168

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec le prestataire.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il a rempli les conditions requises pour recevoir des prestations à la date antérieure. Il n’a pas non plus démontré qu’il avait un motif valable de retarder sa demande de prestations. Autrement dit, le prestataire n’a pas donné d’explication que la loi accepte. Cela signifie que la demande du prestataire ne peut être traitée comme si elle avait été présentée plus tôtNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a déposé une demande de prestations régulières d’assurance-emploi le 13 février 2021. Il demande maintenant que la demande soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 27 septembre 2020. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a déjà refusé cette demande.

[4] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il avait un motif valable de ne pas demander de prestations plus tôt et s’il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations à la date antérieure.

[5] Dans sa décision initiale, la Commission a déclaré que le prestataire n’avait pas de motif valable parce qu’il s’est fondé sur l’hypothèse qu’il n’avait pas assez d’heures pour présenter une demande. La Commission fait aussi valoir qu’il n’a pas posé de questions pour savoir s’il devrait présenter une demande ou s’il pourrait être admissible.

[6] La Commission ajoute maintenant que le prestataire n’aurait pas rempli les conditions requises pour recevoir des prestations à la date antérieure.

[7] Le prestataire n’est pas d’accord. Il affirme que le retard était attribuable au retard de son employeur dans le téléchargement des relevés d’emploi dans son compte de Service Canada. La pandémie de COVID-19 avait compliqué le contact avec quelqu’un chez son employeur qui pouvait l’aider à régler la situation.

Je dois d’abord déterminer ce qui suit :

J’accepterai les documents envoyés après l’audience

[8] L’audience dans cette affaire devait initialement avoir lieu le 9 février 2022. Le prestataire n’a pas comparu à l’audience. Il était clair que le prestataire, après avoir été contacté par le Tribunal, n’avait pas reçu l’avis d’audience en raison d’une erreur dans son adresse de courriel. J’ai ajourné l’audience et une nouvelle audience a été fixée au 14 février 2022.

[9] Au début de l’audience, il m’apparaissait clairement que le prestataire n’avait pas reçu tous les documents généralement envoyés par le Tribunal. Il n’avait notamment pas reçu l’argumentation de la Commission. Comme la Commission avait invoqué des motifs pour refuser d’antidater sa demande qui différaient de ceux qu’elle lui avait expliqués auparavant, j’ai offert d’ajourner l’audience de nouveau pour lui permettre d’étudier les arguments. Le prestataire a préféré procéder à l’audience. Afin d’avoir une chance équitable de répondre aux arguments, je me suis assurée que les documents lui étaient envoyés et je lui ai donné jusqu’au 22 février 2022 pour fournir une réfutation écrite des arguments de la Commission.

[10] Le prestataire a communiqué des arguments supplémentaires. La Commission a eu l’occasion de répondre, mais a choisi de ne pas le faire. J’examinerai les arguments supplémentaires du prestataire dans la présente décision. Ils sont directement liés à la question de savoir s’il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations le jour précédent, ce qui constitue un élément important du critère d’antidatation.

Question en litige

[11] La demande de prestations du prestataire peut-elle être traitée comme si elle avait été présentée le 27 septembre 2020? C’est ce qu’on appelle l’antidatation de la demande.

Analyse

[12] Pour faire antidater votre demande de prestations, vous devez prouver les deux éléments suivants :Note de bas de page 2

  1. a) Vous aviez un motif valable pour justifier le retard pendant toute la période de celui-ci. Autrement dit, vous avez une explication que la loi accepte.
  2. b) Vous remplissiez les conditions requises pour recevoir des prestations le jour précédent (soit le jour d’antidatation souhaité).

[13] La Commission a refusé initialement d’antidater la demande parce qu’elle ne croyait pas que le prestataire avait un motif valable justifiant le retard. Dans leurs arguments au Tribunal, ils ont maintenant dit que le prestataire ne remplissait pas non plus les conditions requises pour recevoir des prestations à la date antérieure.

[14] Si le prestataire n’avait pas été admissible à des prestations le 27 septembre 2020, le motif valable pour retarder la présentation de la demande n’aurait eu aucune importance.

Le prestataire aurait-il rempli les conditions requises pour recevoir des prestations le 27 septembre 2020?

[15] Le prestataire n’aurait pas rempli les conditions requises pour recevoir des prestations le 27 septembre 2020.

[16] Pour remplir les conditions requises pour recevoir des prestations, un prestataire doit avoir subi un arrêt de la rémunération et avoir accumulé un nombre précis d’heures d’emploi assurable au cours de sa période de référenceNote de bas de page 3.

[17] La période de référence correspond généralement à la période de 52 semaines précédant le début de votre période de prestationsNote de bas de page 4.

[18] Le gouvernement du Canada a instauré des mesures temporaires pour aider les gens à avoir accès aux prestations pendant la pandémie de COVID-19. En raison de ces mesures spéciales, les prestataires dont les périodes de prestations seraient établies entre le 27 septembre 2020 et le 25 septembre 2021 pourraient voir leur période de référence être prolongée de 28 semaines, s’ils avaient reçu la Prestation canadienne d’urgence (PCU) ou la Prestation d’assurance-emploi d’urgence (PAEU)Note de bas de page 5.

[19] Dans le cas du prestataire, il confirme qu’il a reçu la PCU, de sorte qu’il pourrait bénéficier de cette prolongation de la période de référence. Cela signifierait que sa période de référence pour une demande présentée le 27 septembre 2020 serait du 17 mars 2019 au 26 septembre 2020.

[20] Ensuite, en raison des mesures temporaires, les prestataires pourraient obtenir un crédit unique de 300 heures d’emploi assurable. Un taux de chômage régional minimal de 13,1 % a également été mis en place.Note de bas de page 6 Comme une demande pouvait être établie avec 420 heures d’emploi assurable et qu’un crédit de 300 heures était appliqué, un prestataire pouvait remplir les conditions requises pour recevoir des prestations s’il parvenait à démontrer qu’il avait 120 heures au cours de sa période de référence.

[21] Il y a deux relevés d’emploi dans ce fichier :

  1. a) Le premier montre que du 29 juillet 2019 au 27 septembre 2019, le prestataire avait cumulé 81 heures d’emploi assurable.
  2. b) Le deuxième montre que du 7 janvier 2019 au 13 avril 2019, le prestataire avait cumulé 53 heures d’emploi assurable.

[22] Puisque le deuxième relevé d’emploi couvre une période qui s’étend en dehors de la période de référence du prestataire, ce ne sont pas toutes les heures déclarées dans ce dossier qui comptent dans sa demande.

[23] Les 53 heures d’emploi doivent être divisées par les 14 semaines déclarées sur le relevé d’emploi.Note de bas de page 7 Ensuite, le nombre d’heures par semaine est multiplié par les quatre semaines qui entrent dans la période de référence prolongée. Cela donne un total de 16 heuresNote de bas de page 8 disponibles pour établir la demande du prestataire.

[24] Le prestataire soutient que toutes les heures de ce relevé d’emploi devraient être utilisées pour démontrer qu’il remplit les conditions requises pour recevoir des prestations. Il affirme que tant que la date de fin du relevé d’emploi se situe dans la période active, le nombre total d’heures assurables est utilisé pour calculer une demande.

[25] Ce n’est pas le cas. Les heures accumulées en dehors de la période de référence ne peuvent pas être utilisées pour remplir les conditions requises pour recevoir des prestationsNote de bas de page 9.

[26] Compte tenu des heures d’emploi assurable admissibles figurant sur les deux relevés d’emploi, le prestataire aurait eu 97 heures d’emploi assurable au cours de sa période de référenceNote de bas de page 10. Avec le crédit supplémentaire de 300 heures, le prestataire aurait alors un total de 397 heures au cours de sa période de référence. C’est moins que les 420 heures d’emploi assurable dont il aurait besoin afin de remplir les conditions requises pour recevoir des prestations le 27 septembre 2020.

[27] Comme le prestataire n’avait pas suffisamment d’heures afin de remplir les conditions requises pour recevoir des prestations le 27 septembre 2020, sa demande ne peut être antidatée à cette date.

[28] Même si je devais conclure que le prestataire avait un motif valable justifiant son retard, puisqu’il n’aurait pas rempli les conditions requises pour recevoir des prestations, l’antidatation ne pourrait pas être accordée. Même si la demande ne peut être antidatée, je me pencherai néanmoins sur la question de savoir si le retard était justifié.

Le prestataire avait-il un motif valable justifiant son retard?

[29] Pour prouver qu’il avait un motif valable, le prestataire doit démontrer qu’il a agi comme toute personne raisonnable et prudente aurait agi dans des circonstances semblables.Note de bas de page 11 En d’autres termes, il doit démontrer qu’il a agi raisonnablement et prudemment comme n’importe quelle autre personne l’aurait fait si elle s’était trouvée dans une situation semblable.

[30] Le prestataire doit démontrer qu’il a agi ainsi pour toute la période du retardNote de bas de page 12. Cette période va du jour où il veut que sa demande soit antidatée jusqu’au jour où il a effectivement présenté sa demande. Donc, pour le prestataire, la période du retard va du 27 septembre 2020 au 13 octobre 2021.

[31] Le prestataire doit également démontrer qu’il a rapidement pris des mesures pour comprendre son admissibilité aux prestations et ses obligations aux termes de la loi.Note de bas de page 13 Cela signifie que le prestataire doit démontrer qu’il a tenté d’en apprendre davantage sur ses droits et responsabilités dès que possible et du mieux qu’il le pouvait. Si le prestataire n’a pas pris ces mesures, il doit démontrer qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui expliquent pourquoi il ne l’a pas faitNote de bas de page 14.

[32] Le prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant le retard.

[33] Le prestataire affirme qu’il avait un motif valable pour le retard parce que ses talons de paie n’ont pas été téléchargés dans son compte Mon Service Canada par son employeur. Cela lui donnait une fausse croyance qu’il n’avait pas droit à des prestations. Cela était également fondé sur une demande antérieure qui a été rejetée parce que l’appelant n’avait pas suffisamment d’heures d’emploi assurable. Le prestataire soutient que son employeur devrait être responsable d’une partie du retard.

[34] La Commission n’a pas abordé ce point dans son argumentation devant le Tribunal. D’après la preuve qu’ils ont fournie, je constate que, lorsque la demande a été réexaminée, ils ont dit au prestataire qu’il n’avait pas de motif valable justifiant le retard parce que, lorsque ses prestations canadiennes d’urgence ont pris fin, il a attendu un an avant de présenter sa demande. Il n’a pris aucune mesure pour savoir s’il devait présenter une demande ou s’il pourrait être admissible. Le fait de supposer qu’il n’avait pas accumulé assez d’heures d’après une demande antérieure n’était pas un motif valable. Il aurait aussi pu présenter une demande sans que ses dossiers soient téléchargés.

[35] Je conclus que le prestataire n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable pour retarder sa demande de prestations parce qu’il n’a pris aucune mesure pour valider son hypothèse selon laquelle il ne remplissait pas les conditions requises pour recevoir des prestations.

[36] Le prestataire explique avoir fait une demande en mars 2020 qui avait été refusée parce qu’il n’avait pas assez d’heures d’emploi assurable. À ce moment-là, ses relevés d’emploi n’avaient pas été téléchargés par son employeur. Il affirme que ce n’est qu’en septembre 2021 qu’il s’est rendu compte que les relevés d’emploi n’avaient pas été téléchargés. Il soutient que si les relevés d’emploi avaient été téléchargés en mars 2020, il n’aurait pas eu la fausse impression qu’il n’avait pas assez d’heures pour être admissible.

[37] Je comprends que le prestataire tient son employeur responsable du retard dans le téléchargement des relevés d’emploi. Toutefois, il est possible pour un prestataire de présenter une demande de prestations sans relevés d’emploi. Le formulaire de demande indique que vous pouvez le faire. Le fait que ses relevés d’emploi n’aient pas été téléchargés n’aurait pas empêché le prestataire de présenter une demande de prestations.

[38] Le prestataire n’a pas démontré non plus qu’il a pris des mesures auprès de la Commission pour tenter de résoudre la situation. Bien que je constate qu’il a déployé beaucoup d’efforts pour entrer ses relevés d’emploi dans son compte de Service Canada, je ne vois aucune preuve qu’il a communiqué avec Service Canada pour lui demander s’il pouvait présenter une demande sans les relevés d’emploi ou quoi faire si son employeur ne pouvait pas les fournir.

[39] L’employeur a malheureusement tardé à télécharger les documents. Cependant, le prestataire n’a pas démontré que jusqu’à l’été 2021, il avait pris des mesures auprès de la Commission pour savoir pourquoi il n’avait pas suffisamment d’heures pour être admissible ou s’il y avait quoi que ce soit qui pouvait être fait pour rectifier la situation. Il lui incombait de le faire.

Conclusion

[40] Le prestataire n’a pas prouvé qu’il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations le jour précédent. Il n’a pas non plus démontré qu’il avait un motif valable de retarder sa demande de prestations pendant toute la période du retard.

[41] L’appel est rejeté.

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