Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : PB c Commission de l’assurance emploi du Canada, 2022 TSS 255

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante (prestataire) : P. B.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (438483) datée du 12 novembre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gerry McCarthy
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 22 mars 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 23 mars 2022
Numéro de dossier : GE-21-2444

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec la prestataire.

[2] La prestataire a démontré qu’elle était fondée (c’est‑à‑dire qu’elle avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi quand elle l’a fait puisque son départ constituait la seule solution raisonnable. Elle n’est donc pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi (AE).

Aperçu

[3] La prestataire a quitté son emploi le 13 août 2021 et a ensuite présenté une demande de prestations d’AE. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada (la Commission) a examiné les raisons du départ de la prestataire et a conclu qu’elle avait quitté volontairement son emploi sans justification (c’est‑à‑dire qu’elle avait choisi de démissionner). Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser des prestations.

[4] Je dois décider si la prestataire a prouvé que son départ constituait la seule solution raisonnable.

[5] La Commission affirme que la prestataire aurait pu essayer de résoudre les conflits en milieu de travail qu’elle avait avec son employeur au lieu de quitter son emploi quand elle l’a fait.

[6] La prestataire n’est pas de cet avis et prétend que son environnement de travail nuisait grandement à sa santé mentale.

Question en litige

[7] La prestataire est‑elle exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification?

[8] Pour trancher cette question, je dois d’abord examiner les raisons du départ volontaire de la prestataire. Je dois ensuite décider si elle était fondée à quitter son emploi.

Analyse

Les parties conviennent que la prestataire a quitté volontairement son emploi

[9] Je reconnais que la prestataire a quitté volontairement son emploi. La prestataire convient qu’elle a quitté son emploi le 13 août 2021. Je n’ai aucune preuve du contraire.

Les parties ne s’entendent pas sur le fait que la prestataire était fondée à quitter son emploi

[10] Les parties ne s’entendent pas sur le fait que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi quand elle l’a fait.

[11] Selon la loi, une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Il ne suffit pas d’avoir un motif valable de quitter son emploi pour prouver que le départ était fondé.

[12] Selon la loi, une personne est « fondé[e] » à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable à ce momentNote de bas de page 2.

[13] Il incombe à la prestataire de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était fondée à quitter son emploi. Pour ce faire, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 3.

[14] Pour trancher la question, je dois examiner toutes les circonstances qui étaient présentes lorsque la prestataire a quitté son emploi. La Loi énonce certaines des circonstances que je dois examinerNote de bas de page 4.

[15] Une fois que j’aurai déterminé les circonstances qui s’appliquent à la prestataire, celle‑ci devra démontrer que son départ constituait la seule solution raisonnable à ce momentNote de bas de page 5.

Les circonstances au moment du départ de la prestataire

[16] La prestataire affirme que l’une des circonstances énoncées dans la Loi s’applique à sa situation. Plus précisément, elle prétend que ses conditions de travail représentaient un danger pour sa santé.

[17] La prestataire a déclaré que le manque de compétences en gestion de son superviseur (S) et l’environnement toxique dans lequel elle travaillait nuisaient grandement à sa santé mentale. Par exemple, son superviseur n’était pas disponible pour des réunions en personne et il envoyait des messages texte offensants et insultants au personnel. De plus, la prestataire a mentionné qu’elle n’avait pas été entièrement formée pour occuper son poste de serveuse. Elle a également déclaré que son superviseur n’avait jamais accepté de tenir une réunion du personnel comme elle l’avait demandé. 

[18] Je juge crédible le témoignage de la prestataire concernant ses conditions de travail, car elle a donné des détails et s’est exprimée avec franchise et cohérence.

[19] La prestataire a également présenté un rapport médical daté du 18 février 2021, qui précisait qu’elle avait reçu un diagnostic de trouble anxieux généralisé (pièce GD8). Je reconnais que ce rapport a été produit avant que la prestataire commence à travailler pour son employeur (X), mais je ne peux pas faire abstraction de son état de santé durant mon examen des circonstances qui étaient présentes lorsqu’elle a quitté son emploi.  

[20] En résumé, les circonstances présentes lors du départ de la prestataire étaient le danger que constituait son environnement de travail pour sa santé mentale.

Le départ de la prestataire constituait la seule solution raisonnable

[21] Je dois maintenant examiner la question de savoir si le départ de la prestataire constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

[22] La prestataire affirme que son départ constituait la seule solution raisonnable parce que son environnement de travail nuisait grandement à sa santé mentale.

[23] La Commission n’est pas de cet avis. Elle soutient que la prestataire aurait pu essayer de régler la situation directement avec son directeur en lui envoyant un message texte ou en lui demandant une rencontre en personne. La Commission soutient en outre qu’une solution raisonnable aurait été pour la prestataire de consulter un médecin (et même de se rendre dans une clinique sans rendez‑vous).

[24] Je suis d’avis qu’aucune autre solution raisonnable ne s’offrait à la prestataire pour les motifs suivants.

[25] Premièrement, l’environnement de travail de la prestataire était tel que sa santé mentale aurait été sérieusement menacée si elle n’avait pas quitté son emploi. Je reconnais que la Commission a avancé que la prestataire aurait pu consulter un médecin et qu’elle aurait même pu se rendre dans une clinique sans rendez‑vous. Cependant, la prestataire n’était revenue en Nouvelle‑Écosse qu’en juillet 2021 et elle n’avait pas de médecin de famille. De plus, la prestataire a expliqué qu’une clinique sans rendez‑vous n’aurait pas accès à ses antécédents médicaux. Dans ces circonstances, je conviens que se rendre dans une clinique sans rendez‑vous n’était pas une solution raisonnable pour la prestataire.

[26] Deuxièmement, la prestataire a tenté d’organiser une rencontre en personne avec son superviseur (S), mais en vain. Je reconnais que la Commission a fait valoir qu’il aurait été raisonnable que la prestataire essaie de régler la situation directement avec son directeur en lui demandant une rencontre en personne. Toutefois, j’accepte la déclaration de la prestataire selon laquelle elle a essayé d’organiser une rencontre en personne avec son superviseur, mais en vain.

[27] Troisièmement, la prestataire ne pouvait pas continuer de travailler jusqu’à ce qu’elle trouve un autre emploi, car sa santé mentale était menacée. Je reconnais que la Commission a affirmé qu’une solution raisonnable aurait été pour la prestataire de trouver un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter son emploi. Or, sa santé mentale était en danger si elle continuait d’occuper son emploi. En résumé, l’environnement de travail de la prestataire lui causait un stress énorme et sa santé mentale aurait été menacée si elle n’avait pas quitté son emploi quand elle l’a fait.

Observations supplémentaires de la Commission

[28] Je reconnais que la Commission a également soutenu que le rapport médical du Dr Gerber ne confirmait pas l’état de santé de la prestataire au moment où elle avait quitté son emploi et ne précisait pas non plus qu’elle ne pouvait pas travailler comme serveuse (pièce GD8). Toutefois, dans son rapport (daté du 18 février 2021), le Dr Gerber a spécifiquement indiqué que son pronostic était que la prestataire était [traduction] « extrêmement réservée ». Le Dr Gerber a également écrit qu’il avait de [traduction] « véritables préoccupations » quant à la façon dont l’hémochromatose dont souffrait la prestataire l’affecterait physiquement et émotionnellement. Dans ces circonstances, je conviens que la prestataire craignait à juste titre que sa santé mentale soit menacée.

[29] Compte tenu des circonstances qui étaient présentes au moment où la prestataire a quitté son emploi, et pour les motifs énoncés précédemment, je suis d’avis que le départ de la prestataire constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

[30] Par conséquent, la prestataire était fondée à quitter son emploi.

Conclusion

[31] Je conclus que la prestataire n’est pas exclue du bénéfice des prestations.

[32] L’appel est donc accueilli.

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