Assurance-emploi (AE)

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Citation : YL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 465

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, Section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : Y. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (450731) datée du 18 janvier 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Charline Bourque
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 28 février 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 2 mars 2022
Numéro de dossier : GE-22-514

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler pendant qu’elle était aux études. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance‑emploi du 5 octobre 2020 au 30 avril 2021, parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi, la partie prestataire doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que la partie prestataire doit être à la recherche d’un emploi.

[4] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. La prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était disponible pour travailler.

[5] La Commission affirme que la prestataire n’était pas disponible parce qu’elle était aux études à temps plein.

[6] La prestataire n’est pas d’accord et affirme que la Commission connaissait sa situation d’étudiante à temps plein. De plus, la prestataire indique qu’elle était à la recherche d’un emploi et que, dans les faits, elle s’est trouvé un nouvel emploi. En raison du délai, elle souhaite ne pas avoir à rembourser le trop payé puisque la Commission connaissait sa situation lorsqu’elle lui a accordé des prestations.

Question en litige

[7] La prestataire était-elle disponible pour travailler pendant qu’elle était aux études ?

Analyse

[8] Deux articles de loi différents exigent que la partie prestataire démontre qu’elle était disponible pour travailler. La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible selon ces deux articles. Cette dernière doit donc répondre aux critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[9] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 1. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 2 ».

[10] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance‑emploi prévoit aussi que la partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 3. La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 4.

[11] De plus, avec la mise en place des prestations d’assurance-emploi d’urgence, la Loi prévoit qu’un prestataire qui suit un cours ou programme d’instruction ou de formation pour lequel il n’a pas été dirigé n’est pas admissible au versement des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là, capable de travailler et disponible à cette finNote de bas de page 5.

[12] De plus, la Cour d’appel fédérale a déclaré que les parties prestataires qui sont aux études à temps plein sont présumées ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 6. C’est ce qu’on appelle la « présomption de non-disponibilité ». Cela signifie que l’on considère que les personnes qui sont aux études ne sont probablement pas disponibles pour travailler quand la preuve montre qu’elles sont aux études à temps plein.

Présumer que les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler

[13] La présomption de non-disponibilité s’applique uniquement aux personnes qui étudient à temps plein.

La prestataire ne conteste pas le statut d’étudiante à temps plein

[14] La prestataire reconnaît qu’elle étudie à temps plein, et rien ne démontre que ce n’est pas le cas. J’accepte donc le fait que la prestataire est aux études à temps plein.

[15] La présomption s’applique à la prestataire.

La prestataire est étudiante à temps plein

[16] La prestataire étudie à temps plein. Par contre, la présomption selon laquelle les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler peut être réfutée (c’est‑à‑dire qu’on peut montrer qu’elle ne s’applique pas). Si la présomption est réfutée, elle ne s’applique pas.

[17] La prestataire peut réfuter cette présomption de deux façons. Elle peut démontrer qu’elle a l’habitude de travailler tout en étant aux étudesNote de bas de page 7. Sinon, elle peut démontrer qu’il existe des circonstances exceptionnelles dans son casNote de bas de page 8.

[18] La prestataire indique avoir travaillé à temps partiel tout en étant aux études pour une courte période. Elle indique qu’elle occupait un emploi depuis septembre 2020 lorsque celui-ci a pris fin en raison de la pandémie. Elle a débuté sa formation en technique policière environ à la même période. La prestataire confirme que son horaire de travail était aménagé selon son horaire de cours.

[19] La Commission soutient que la prestataire n’a pas réussi à réfuter la présomption de non-disponibilité alors qu’elle suit un cours à temps plein parce que les faits démontrent que son intention première est de prioriser son cours de formation non référé alors qu’elle l’affirme à différentes occasions. De plus, dès le début de sa demande de prestations, la prestataire indique être aux études en temps plein soit 25 heures par semaine pour la session débutant le 8 septembre 2020 et environ 15 heures par semaine à partir du 7 septembre 2021. Ensuite, la prestataire se déclare elle-même disponible uniquement à temps partiel.

[20] Je conclus que la prestataire n’a pas réfuté la présomption selon laquelle elle n’est pas disponible pour travailler. Même si la prestataire confirme qu’elle abandonnerait ses études pour un emploi à temps plein dans son domaine, comme à la douane, elle affirme être à la recherche d’un emploi à temps partiel et aménage son horaire autour de celle de ses études.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[21] La jurisprudence établit trois éléments à examiner quand je dois décider si la prestataire était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 9. La prestataire doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 10 :

  1. a) montrer qu’elle veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert;
  2. b) faire des démarches pour trouver un emploi convenable;
  3. c) éviter d’établir des conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est‑à‑dire limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.

[22] Au moment d’examiner chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas de page 11.

Vouloir retourner travailler

[23] La prestataire a démontré qu’elle voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.

[24] La prestataire indique avoir fait plusieurs démarches pour se trouver un emploi. Ces démarches se sont concrétisées par l’obtention d’un emploi à temps partiel.

[25] Je prends en considération l’argumentation de la Commission sur le fait que la prestataire recherche un emploi à un salaire plus élevé que celui qu’elle occupait. Or, je ne retiens pas cet argument suite aux explications reçues de la prestataire. Celle-ci a en effet expliqué qu’elle recherchait un emploi à temps partiel au salaire minimum comme l’emploi qu’elle a obtenu.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[26] La prestataire a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.

[27] La prestataire confirme s’être trouvé un emploi à temps partiel.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[28] La prestataire établit des conditions personnelles qui pourraient limiter indûment ses chances de retourner travailler.

[29] La prestataire est étudiante à temps plein. Elle est disponible pour travailler à temps partiel à l’extérieur de ses heures de cours. Elle souhaite terminer sa formation à moins d’obtenir un emploi à temps plein dans son domaine d’études.

[30] La jurisprudence indique que les personnes qui sont aux études ne sont pas disponibles pour travailler quand la preuve montre qu’elles sont aux études à temps plein.

[31] Par conséquent, comme la prestataire n’a pas réfuté la présomption selon laquelle elle n’est pas disponible pour travailler, car elle est aux études à temps plein, je suis d’avis qu’elle établit des conditions personnelles qui pourraient limiter ses chances de retourner sur le marché du travail.

Alors, la prestataire était-elle capable de travailler et disponible pour le faire?

[32] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que la prestataire n’a pas démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Question en litige no 2 : Le montant à rembourser peut-il être défalqué (annulé) ?

[33] Le prestataire indique ne pas vouloir rembourser le montant du trop payé puisque la Commission avait toute l’information en main lorsqu’elle lui a accordé ses prestations d’assurance-emploi. La prestataire s’explique mal le délai pris par la Commission avant d’infirmer sa décision et lui réclamer un trop payé.

[34] Je constate d’abord que la Commission n’a pas rendu de décision sur la question de la défalcation (annulation) du trop payé, ce qui permettrait à la prestataire de porter appel de cette décision auprès de la Cour fédérale si elle le souhaite.

[35] De plus, je suis d’avis que je n’ai pas compétence pour statuer sur la question de défalcation.

[36] En effet, quiconque se croit lésé par une décision de révision de la Commission peut interjeter appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 12.

[37] Néanmoins, les décisions de la Commission rendues en vertu du Règlement sur l’assurance-emploi qui concernent la défalcation de pénalités à payer, de sommes dues ou d’intérêts courus sur ces pénalités ou sommes ne peuvent faire l’objet de la révisionNote de bas de page 13.

[38] Ainsi, j’estime que je n’ai pas la compétence requise pour rendre une décision sur la question de défalcation, comme demandé par la prestataire puisque la Loi prévoit que la question de défalcation ne puisse pas faire l’objet d’une révision. La prestataire doit donc s’adresser à la Cour fédérale puisque celle-ci a compétence pour entendre cette question.

[39] Je comprends l’incompréhension de la prestataire face au délai de la Commission ainsi que les difficultés causées par celle-ci. Néanmoins, mon rôle est d’appliquer la Loi et je ne peux modifier celle-ci ne serait-ce que pour plaire au prestataire qui se sent lésé. La Loi établit des critères précis auxquels un prestataire doit répondre pour être admissible à des prestationsNote de bas de page 14.

[40] Enfin, je me questionne à savoir pourquoi la Commission met un prestataire dans une situation financièrement difficile en lui demandant de rembourser des sommes qu’elle lui a accordées tout en ayant toute l’information nécessaire pour rendre sa décision.

[41] La Commission peut réviser sa décision, mais je peux difficilement comprendre qu’elle prenne autant de temps pour le faire alors qu’elle a toute l’information nécessaire en main dès le départ. Cela a des conséquences majeures pour un prestataire qui se trouve à devoir rembourser une dette. Je suis d’avis que la Commission doit prendre en considération ces éléments lorsqu’elle rendra sa décision sur la question de la défalcation, ce que je l’invite à faire.

Conclusion

[42] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi puisqu’elle n’a pas réfuté la présomption selon laquelle elle n’est pas disponible pour travailler comme elle est aux études à temps plein. C’est pourquoi je conclus qu’elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[43] De plus, je n’ai pas compétence pour rendre une décision sur la question de la défalcation du trop payé. Néanmoins, j’invite la Commission à rendre une décision à ce sujet en prenant en considération les éléments précédemment mentionnés.

[44] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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