Assurance-emploi (AE)

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Citation : ER c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 470

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : E. R.
Représentante ou représentant : Jonathan Beaulieu Richard
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (441621) datée du 23 décembre 2021 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Nathalie Léger
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 28 mars 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 7 avril 2022
Numéro de dossier : GE-22-608

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La prestataire n’a pas travaillé assez d’heures depuis sa dernière période de prestation pour être admissible aux prestations spéciales d’assurance‑emploi.

Aperçu

[3] Je me permets ici de m’éloigner du gabarit habituel de manière à mieux refléter la situation particulière, et dévastatrice, à laquelle font face la prestataire, son conjoint et leurs deux enfants.

[4] En effet, la prestataire demande des prestations spéciales pour proche aidant afin de soutenir son conjoint dans une grave maladie, apparue soudainement, alors que leur deuxième enfant n’avait à peine qu’un an.

[5] Dans les semaines précédant la naissance de leur deuxième enfant ainsi que dans les semaines qui l’ont suivi, la prestataire a bénéficié du Régime québécois d’assurance parentale. Manifestement, au cours de cette période, elle n’a pas travaillé puisqu’elle s’occupait de son nouveau-né.

[6] Par la suite, soit de mai à septembre 2021, elle a décidé de se réorienter et a mis du temps et de l’énergie à fonder sa propre entreprise, tout en continuant à travailler quelques heures par semaine comme salariéeNote de bas page 1, pour un total de 42 heures assurables.

[7] Mais le 6 septembre 2021, son conjoint est hospitalisé et opéré d’urgence. Son état est critique. La mauvaise nouvelle tombe quelques semaines plus tard : la vie de son conjoint est sérieusement menacée. Leur vie s’écroule. La prestataire demande alors des prestations de proche aidant afin de faire face à la fois à cette situation personnelle difficile et prendre soin de son conjoint et de leurs deux (très jeunes) enfants.

[8] Sa demande est refusée par la Commission parce que le nombre d’heures accumulé est insuffisantNote de bas page 2, même en tenant compte de la mesure spéciale qui accorde un crédit unique de 300 heuresNote de bas page 3 à tous les prestataires.

[9] Ce refus laisse bien entendu la prestataire et sa famille dans une situation financière difficile, ni l’un ni l’autre des parents n’étant en mesure de travailler. Ils ont donc décidé de contester le refus de la Commission, puis la décision de révision jusque devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[10] Puisque l’appel de la prestataire allègue que le refus de la Commission est discriminatoire selon le sexe (maternité), elle aurait pu faire le choix de déposer une contestation constitutionnelle, alléguant que son droit à l’égalité protégé par l’article 15 de la Charte canadienne avait été violé. Compte tenu de la complexité et des délais inhérents à une telle procédure, la prestataire et son conjoint ont choisi, après réflexion, de ne pas suivre cette avenue. Ce choix était parfaitement raisonnable et compréhensible dans les circonstances.

[11] Comme expliqué à la prestataire et à son conjoint, qui la représentait lors de l’audience, la juridiction du Tribunal de la sécurité sociale est limitée. Tout ce que je peux faire, comme décideure, c’est appliquer la Loi. Je n’ai aucunement le pouvoir de réécrire la Loi ou de décider en équité, aussi injuste peut me sembler l’application de ses dispositions. Même si la situation dans laquelle se retrouvent la prestataire et son conjoint me touche profondément, je ne peux qu’appliquer les conditions strictes prévues par la Loi.

Question en litige

[12] La prestataire a‑t‑elle travaillé assez d’heures pour être admissible aux prestations spéciales d’assurance‑emploi pour proche aidant?

Analyse

Comment être admissible aux prestations

[13] Chaque personne qui cesse de travailler ne reçoit pas nécessairement des prestations d’assurance‑emploi. Il faut démontrer qu’on y est admissibleNote de bas page 4. La prestataire doit le démontrer selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est admissible aux prestations.

[14] Pour être admissible, la personne doit avoir travaillé assez d’heures au cours d’une période établie. Cette période s’appelle la « période de référenceNote de bas page 5 ».

[15] En règle générale, le nombre d’heures dépend du taux de chômage dans la région de la personneNote de bas page 6. Cependant, la loi prévoit un autre moyen d’être admissible aux prestations spéciales, y compris les prestations spéciales pour proche aidant.

[16] Pour recevoir des prestations spéciales, la personne doit avoir accumulé au moins 600 heuresNote de bas page 7. Cela s’applique uniquement si elle ne remplit pas les conditions requises selon la règle généraleNote de bas page 8.

[17] Les parties s’entendent sur le fait que la prestataire ne remplit pas les conditions requises selon la règle générale. Aucun élément de preuve ne me permet d’en douter. J’accepte donc ce fait.

Période de référence de la prestataire

[18] Comme je l’ai dit plus tôt, les heures prises en compte sont celles travaillées pendant la période de référence de la prestataire. En général, la période de référence est la période de 52 semaines qui vient avant le début de la période de prestations d’une personneNote de bas page 9.

[19] La période de prestations est différente de la période de référence. Il ne s’agit pas du même moment. La période de prestations est la période durant laquelle une personne peut recevoir des prestations d’assurance‑emploi.

[20] La Commission a décidé que la période de référence de la prestataire allait du 6 septembre 2020 au 4 septembre 2021Note de bas page 10 parce qu’une période de congé parental avait été établie préalablement au 14 juin 2020.

La prestataire est d’accord avec la Commission

[21] La prestataire est d’accord avec la décision de la Commission sur sa période de référence.

[22] Aucune preuve ne m’amène à douter de cette décision. J’accepte donc le fait que la période de référence de la prestataire allait du 6 septembre 2020 au 4 septembre 2021.

Nombre d’heures que la prestataire a travaillé

La prestataire est d’accord avec la Commission

[23] La Commission a établi que la prestataire avait travaillé 42 heures durant sa période de référence.

[24] La prestataire ne conteste pas cette conclusion, et aucune preuve ne m’amène à en douter. Par conséquent, je l’accepte.

Alors, la prestataire a-t-elle travaillé assez d’heures pour être admissible aux prestations?

[25] J’estime que la prestataire n’a pas démontré qu’elle avait travaillé assez d’heures pour être admissible aux prestations spéciales d’assurance-emploi. Elle avait besoin d’au moins 600 heures, mais elle a accumulé 42 heures. L’ajout des 300 heures crédité par l’effet de la Loi, le total reconnu est de 342.

[26] Dans la présente affaire, la prestataire ne satisfait pas aux conditions. Elle n’est donc pas admissible aux prestations. Même si je suis sensible à la situation de la prestataire et de sa famille, je ne peux pas changer la loiNote de bas page 11. Tel que le mentionnait la Cour d’appel fédérale dans une décision de 2011Note de bas page 12 :

(…) des règles rigides sont toujours susceptibles de donner lieu à des résultats sévères qui paraissent en contradiction avec les objectifs du régime législatif. Toutefois, aussi tentant que cela puisse être dans certains cas (et il peut bien s’agir en l’espèce de l’un de ces cas), il n’est pas permis aux arbitres de réécrire la loi ou de l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaire.

Conclusion

[27] La prestataire n’a pas travaillé assez d’heures pour être admissible aux prestations spéciales d’assurance-emploi pour les proches aidants.

[28] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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