Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 970

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : L. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission
de l’assurance-emploi du Canada (437015) datée du
4 novembre 2021 (communiquée par Service
Canada)

Membre du Tribunal : Linda Bell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 2 décembre 2021
Personne présente à l’audience : Partie appelante (prestataire)
Date de la décision : Le 30 décembre 2021
Numéro de dossier : GE-21-2150

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Décision

[1] Je rejette l’appel, mais je modifie la date de la fin de l’inadmissibilité.

[2] La prestataire n’a pas démontré qu’elle satisfait aux exigences de disponibilité pour recevoir des prestations d’assurance-emploi du 11 janvier 2021 au 20 avril 2021, et à compter du 2 septembre 2021 pour une période indéterminée. Cela signifie qu’elle n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant ces périodes.

Aperçu

[3] La prestataire suit des cours à l’université à temps plein depuis 2019. Elle travaille à temps partiel en suivant ses cours en vue d’obtenir un baccalauréat ès sciences en horticulture.

[4] La prestataire dit que pendant l’année 2019, elle avait parfois jusqu’à trois emplois à temps partiel en même temps. À compter de janvier 2020, elle avait un emploi à temps partiel chez KC. La prestataire a perdu son emploi à temps partiel en mars 2020, lorsque KC a fermé ses portes temporairement en raison de la pandémie de COVID-19.

[5] La prestataire dit qu’elle a demandé la Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants (PCUE) le 8 avril 2020. La Commission déclare que le système a traité sa demande en vue de verser la prestation d’assurance-emploi d’urgence (PAEU) à compter du 15 mars 2020Note de bas de page 1.

[6] Lorsque la PAEU a pris fin, le système s’est servi de la demande de la prestataire datée du 8 avril 2020 afin d’établir automatiquement une demande de prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 27 septembre 2020. La prestataire a continué à remplir sa déclaration toutes les deux semaines pour montrer qu’elle était admissible à recevoir des prestations régulières. Dans ces déclarations, la prestataire affirme qu’elle suivait des cours de formation et qu’elle était prête, disposée et capable de travailler chaque jour ouvrable du lundi au vendredi.       

[7] Le 22 septembre 2021, la Commission a procédé à un examen des demandes de prestations d’assurance-emploi de la prestataire. La Commission a conclu que la prestataire ne satisfaisait pas aux exigences de disponibilité pendant qu’elle suivait une formation non approuvée. La Commission a imposé un arrêt de paiement rétroactif (inadmissibilité) du 11 janvier 2021 au 20 avril 2021.    

[8] La Commission a modifié sa décision initiale après révision. Après avoir procédé à une révision approfondie, la Commission a imposé deux périodes d’inadmissibilité parce que la prestataire n’a pas satisfait aux exigences de disponibilité. La première période d’inadmissibilité s’étend du 11 janvier 2021 au 20 avril 2021. La deuxièmement période d’inadmissibilité s’étend du 2 septembre 2021 au 23 décembre 2021. La deuxièmement période d’inadmissibilité s’étend au-delà de la date de fin de la demande (c’est-à-dire le 25 septembre 2021)Note de bas de page 2. Cette inadmissibilité a entraîné un trop-payé de 7 900,00 $ de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 3. 

[9] La prestataire n’est pas d’accord avec la Commission. Elle fait appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale. Elle dit qu’elle demeurait disponible pour travailler, même pendant la pandémie de COVID-19. Elle dit qu’elle a toujours eu deux ou trois emplois pendant qu’elle étudiait à temps plein. Elle a versé des cotisations pendant plus d’une décennie, donc elle devrait être admissible à recevoir cette prestation. Si elle n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi, on aurait dû lui dire plus tôt, pour qu’elle soit en mesure de demander la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE). 

Les questions que je dois examiner en premier

Les documents tardifs et les documents envoyés après l’audience

[10] J’ai décidé d’examiner tous les documents tardifs et envoyés après l’audience qui font partie du dossier de cet appel à la date d’émission de cette décision le 30 décembre 2021. Voici ce que j’ai pris en compte pour prendre cette décision.    

[11] Le Tribunal dispose d’une directive de pratique qui présente la procédure pour traiter les documents tardifs et envoyés après l’audienceNote de bas de page 4. Elle déclare que le ou la membre décidera s’il ou elle accepte les documents envoyés après l’audience et en retard.       

[12] Lorsque le Tribunal a signalé aux parties que l’audience était prévue, la prestataire a envoyé des documents additionnels accompagnés d’observations écrites (documents tardifs). Elle a envoyé ces documents par courriel le 17 novembre 2021, le 30 novembre 2021, le 1er décembre 2021 et le 2 décembre 2021Note de bas de page 5.         

[13] Lors de l’audience du 2 décembre 2021, la prestataire a demandé des éclaircissements quant aux dates de sa demande et de son inadmissibilité. Il semblait avoir de multiples erreurs administratives dans les documents envoyés par la Commission. De plus, la prestataire a demandé que j’enjoigne à la Commission de fournir des réponses à ses documents tardifs, comme indiqué ci-dessus.        

[14] Le 7 décembre 2021, j’ai envoyé à la Commission une demande d’enquête et de rapport demandant des éclaircissements sur les erreurs administratives et sur les dates figurant dans les documents de la CommissionNote de bas de page 6. Le Tribunal a reçu la réponse de la Commission (observations supplémentaires) le 7 décembre 2021Note de bas de page 7. Après révision, j’ai décidé qu’il fallait obtenir des clarifications additionnelles. Par conséquent, le 14 décembre 2021, j’ai envoyé à la Commission une lettre demandant des informations additionnellesNote de bas de page 8. La Commission a répondu en envoyant d’autres observations supplémentaires le 20 décembre 2021Note de bas de page 9.     

[15] Le Tribunal a envoyé à la prestataire des copies des observations supplémentaires du 7 décembre 2021 et du 20 décembre 2021. Le 13 décembre 2021, la prestataire a envoyé une réponse écrite aux observations supplémentaires du 7 décembre 2021.  

[16] En date de la présente décision (le 30 décembre 2021), la prestataire n’a pas envoyé de réponse écrite aux observations supplémentaires du 20 décembre 2021.

[17] La Commission n’a pas envoyé de réponse écrite aux documents tardifs de la prestataire. Le Tribunal a envoyé à la Commission une copie des documents tardifs par l’intermédiaire du système de communication électronique le jour même qu’elle les a reçus de la prestataire. Rien n’indique que ces communications électroniques ont échoué. Quoique je n’ai pas précisément exigé que la Commission fournisse une réponse écrite aux documents tardifs, j’estime que si elle souhaitait répondre, elle a eu assez de temps pour le faire.     

[18] Puisque chaque partie a eu une chance équitable et un délai raisonnable pour présenter sa preuve, ainsi que ses réponses aux documents du dossier, j’ai procédé à rendre cette décision.  

[19] Il convient également de souligner que même si je ne mentionne pas chaque document ou chaque déclaration dans cette décision, j’ai tenu compte de tous les éléments de preuve pertinents en décidant du bien-fondé de cet appelNote de bas de page 10.

Questions en litige

[20] Est-ce que la prestataire satisfait aux exigences de disponibilité pour les prestations d’assurance-emploi du 11 janvier 2021 au 20 avril 2021?

[21] Est-ce que la prestataire satisfait aux exigences de disponibilité pour les prestations d’assurance-emploi à compter du 2 septembre 2021?

[22] Est-ce que la Commission peut réviser les demandes précédentes même si la prestataire avait signalé qu’elle suivait une formation dans chaque rapport?

Analyse

[23]  Différents articles de loi exigent qu’une personne qui demande des prestations démontre qu’elle est disponible pour travaillerNote de bas de page 11. La Commission dit que la prestataire était inadmissible au titre de l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 12. Elle n’a pas montré qu’elle était capable de travailler et disponible à cette finNote de bas de page 13.

[24] De plus, la Cour d’appel fédérale a déclaré que les prestataires qui suivent une formation à temps plein sont présumés ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 14. La présomption ne s’applique qu’aux personnes qui étudient à temps plein. Cette présomption peut être réfutée, c’est-à-dire qu’on peut montrer qu’elle ne s’applique pas.

[25] Je vais maintenant examiner si la présomption s’applique à la prestataire et si elle l’a réfutée. J’examinerai ensuite si elle satisfaisait aux exigences de disponibilité énoncées dans la Loi sur l’assurance-emploi.

La présomption que des personnes étudiant à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler

La présomption s’applique-t-elle à la prestataire?

[26] Oui. Je considère comme un fait établi que la prestataire suivait une formation à temps plein depuis le 30 août 2021, et pendant les périodes d’inadmissibilité. Les périodes d’inadmissibilité s’étendent du 11 janvier 2021 au 20 avril 2021, et du 2 septembre 2021 au 23 décembre 2021. Cela signifie que la présomption s’applique.

[27] La prestataire confirme qu’elle a fait le choix personnel de suivre une formation postsecondaire de quatre ans sans avoir obtenu d’abord l’approbation de la Commission. Elle étudie en vue d’obtenir un baccalauréat en horticulture. Elle affirme que cela pourrait lui prendre jusqu’à six ou sept ans pour terminer son baccalauréat.    

[28] La prestataire a dit que son université considère qu’elle est une étudiante à temps plein lorsqu’elle suit trois cours par semestre. Elle étudie à temps plein depuis le début de sa période de prestations pour sa demande du 27 septembre 2020. Elle affirme qu’elle suit toujours des cours pendant les semestres d’automne et d’hiver. La prestataire n’a jamais suivi de cours pendant les semestres de printemps et d’été.

[29] La prestataire a dit qu’elle a suivi les cours suivants pendant la période d’inadmissibilité : 

  • Du 11 janvier 2021 au 20 avril 2021, elle a suivi quatre cours universitaires en plus d’un cours de commerce à distance.
  • Du 2 septembre 2021 au 23 décembre 2021, elle a suivi trois cours universitaires en plus d’un cours à distance sur les pathogènes transmissibles par le sang.

[30] La prestataire affirme qu’elle suit des cours à distance depuis mars 2020, soit le début de la pandémie. Elle a dit que les instructeurs enregistrent les cours donc ses cours sont [traduction] « asynchrones ». Cela signifie qu’elle peut suivre ses cours en ligne lorsqu’elle est disponible. Elle admet qu’il y a des dates fixes pour les devoirs et les examens, mais elle insiste sur le fait que cela ne limite pas sa capacité à travailler.

[31] La prestataire dit qu’elle n’a pas payé 7 000 $ ou 13 000 $ pour un seul cours. L’ensemble de son programme peut s’élever à un total de 13 000 à 20 000 dollars. Elle a expliqué que lorsqu’elle remplissait chaque questionnaire de formation, elle estimait ce que pourrait lui coûter l’ensemble de ses années d’études au baccalauréat. Elle a aussi signalé régulièrement qu’elle modifierait son programme de cours pour accepter un emploiNote de bas de page 15.

[32] Lors de l’audience, la prestataire a dit que pendant une période de prestations elle a travaillé un quart de travail chez CM au printemps ou en début d’été. Ensuite, elle a recommencé à travailler à temps partiel chez KC vers la fin août 2021 ou le début septembre 2021. Ensuite, le 5 novembre 2021, elle a commencé à travailler à temps partiel chez STD. Elle a confirmé qu’elle a continué d’étudier en ligne pendant qu’elle travaillait à temps partiel.          

[33] En me fondant à la preuve énoncée ci-dessus, j’estime que la présomption de non-disponibilité s’applique à la prestataire. Je vais maintenant décider si la prestataire a réfuté la présomption.

La prestataire a-t-elle réfuté la présomption?

[34] Non, j’estime que la prestataire n’a pas réfuté la présomption de non-disponibilité pendant qu’elle suivait sa formation à temps plein.   

[35] Il y a deux façons pour la prestataire de réfuter la présomption. Elle peut montrer qu’elle a déjà travaillé à temps plein tout en suivant une formation à temps pleinNote de bas de page 16. Elle peut aussi démontrer qu’il y a des circonstances exceptionnelles dans son casNote de bas de page 17.

[36] Lors de l’audience, la prestataire a expliqué en détail ses antécédents de travail. Avant de commencer son baccalauréat en horticulture, elle avait trois emplois à temps partiel comme serveuse ou barmaid. Elle dit qu’avant la pandémie de COVID-19, elle travaillait en moyenne entre 24 et 35 heures par semaine. Elle a arrêté de travailler en mars 2020 en raison des fermetures provoquées par la COVID-19. Elle est retournée pour un quart de travail vers la fin du printemps. À la fin d’août 2021 ou au début septembre 2021, elle est retournée temporairement au travail à temps partiel chez KC. Ensuite, le 5 novembre 2021, elle a commencé à travailler à temps partiel chez STD. 

[37] La Commission dit que la prestataire n’a pas réussi à réfuter la présomption de non-disponibilité pendant qu’elle suivait une formation à temps plein. Cela est dû au fait que lorsqu’on lui a demandé de clarifier son intention pendant qu’elle suivait le cours, la prestataire a fourni des renseignements vagues et anecdotiques sur sa recherche d’emploi pendant qu’elle étudiait, lesquels la Commission ne peut pas raisonnablement vérifier. La Commission soutient que la prestataire a exprimé à plusieurs reprises sa volonté d’accepter un travail à temps plein de 11 h à 3 h, mais c’était lorsqu’elle suivait une formation à temps plein pour obtenir un diplôme de quatre ans.  

[38] La prestataire conteste les observations de la Commission. Elle dit qu’elle a toujours été disponible pour travailler pendant qu’elle suivait ses cours. Lors de l’audience, elle a fourni une liste d’employeurs où elle a envoyé son curriculum vitae pour des emplois de serveuse et barmaid. Elle dit qu’elle est retournée à ces endroits à plusieurs reprises. C’est ainsi qu’elle a obtenu son emploi actuel à temps partiel chez STD. La prestataire dit aussi que depuis janvier 2021, son [traduction] « objectif principal » est de lancer son propre salon de tatouage, donc elle passe son temps libre à développer son portfolio de tatouages.    

[39] Je conclus que la prestataire n’a pas réfuté la présomption de non-disponibilité. La prestataire n’a pas travaillé par le passé à temps plein tout en étudiant à temps plein; par conséquent, elle ne peut pas réfuter la présomption de non-disponibilité de cette manière-là. Bien qu’elle ait pu exercer plusieurs emplois à temps partiel à un moment donné, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’elle a toujours travaillé à temps plein tout en étudiant à plein temps.

[40] De plus, la prestataire n’a pas montré qu’il y a des circonstances exceptionnelles dans son cas qui réfuteraient la présomption. L’habitude de la prestataire de travailler à temps partiel tout en étudiant ne constitue pas une exception, car plusieurs personnes étudiant se retrouvent dans la même situation.  

[41] Bien que la prestataire ait déclaré que son horaire de cours est asynchrone, je ne suis pas convaincue qu’elle est disponible chaque jour pendant les heures de travail habituelles. De plus, elle a dit à plusieurs reprises que depuis janvier 2021, elle se concentre sur le lancement de sa propre entreprise, non pas sur l’obtention d’un emploi à temps plein.    

[42] Quoique la prestataire ait clairement une bonne raison de vouloir rester à l’université, je ne suis pas convaincue qu’elle était disponible pour travailler en dehors des heures de travail inhabituelles ou après les séances de cours habituelles. Les recherches d’emploi de la prestataire concernaient des emplois de serveuse et de barmaid qui s’exercent surtout l’après-midi, le soir et la fin de semaine.

[43] La Cour d’appel fédérale a déclaré qu’une personne doit démontrer qu’elle est disponible pendant les heures de travail habituelles chaque jour ouvrable de la semaine (du lundi au vendredi) et qu’elle ne peut pas se borner à des heures inhabituelles imposées par un horaire de cours qui limite considérablement sa disponibilitéNote de bas de page 18. Cela a été confirmé récemment par la Cour fédéraleNote de bas de page 19.

[44] Compte tenu des éléments de preuve présentés ci-dessus, je conclus que la prestataire n’a pas réfuté la présomption qu’elle n’est pas disponible pour travailler pendant qu’elle suit une formation à temps plein. 

La présomption n’est pas réfutée

[45] La Cour d’appel fédérale ne nous a pas encore dit comment sont reliées la présomption et les sections de la loi traitant de la disponibilité. Étant donné que cela n’est pas clair, je vais continuer à examiner la question de savoir si la prestataire a prouvé sa disponibilité, même si j’ai déjà décidé qu’elle est présumée être indisponible.  

Démarches raisonnables et habituelles pour trouver un emploi convenable

[46] Dans les observations qu’elle a envoyées au Tribunal, la Commission fait référence à l’inadmissibilité au titre de l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 20. Cette disposition exige que la prestataire prouve qu’elle fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable en fournissant des détails sur sa recherche d’emploi.   

[47] La loi énonce des critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches de la prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 21. Je dois examiner si les démarches étaient soutenues et si elles visaient l’obtention d’un emploi convenableNote de bas de page 22. Autrement dit, il faut que la prestataire ait continué à essayer de trouver un emploi convenable. 

[48] Je dois également considérer les démarches que la prestataire a effectuées pour trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi énumère neuf démarches de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. Voici quelques exemples de ces activités :

  • évaluer des possibilités d’emploi;
  • rédiger un curriculum vitæ ou une lettre de présentation;
  • communiquer avec des employeurs potentiels;
  • faire du réseautage.

[49] La Commission soutient que la recherche d’emploi demandée ne contenait pas d’éléments de preuve détaillés pouvant être vérifiés. En effet, la prestataire n’a pas fourni les dates où elle a communiqué avec les employeurs ni les coordonnées de ces derniers. La Commission ne considère pas ce type de réponse comme suffisant pour prouver la disponibilité, car la Commission ne peut pas la vérifier afin de confirmer les intentions déclarées de la prestataire. 

[50] La prestataire conteste les observations de la Commission selon lesquelles on lui avait demandé de fournir une liste de ses démarches de recherches d’emploi démontrant qu’elle cherchait activement un emploi pendant qu’elle étudiait à temps plein. Elle affirme que ce n’est pas tout à fait vrai, car on lui a demandé de prouver qu’elle pouvait travaillerNote de bas de page 23. Plus précisément, elle affirme que l’agent de la Commission lui a laissé un message vocal lui donnant seulement deux heures pour soumettre une liste.        

[51] La prestataire dit que depuis le 11 janvier 2021, elle est demeurée disponible pour retourner travailler chez KC et CMC. Elle dit également qu’elle a continué à chercher d’autres emplois de serveuse et de barmaid. Elle a nommé quatre tavernes où elle dit s’être arrêtée à plusieurs reprises pour postuler à un emploi. Elle dit que c’est ainsi qu’elle a obtenu un emploi chez STD le 5 novembre 2021, où elle travaille actuellement en moyenne 5 heures par semaine. Elle a également postulé pour un emploi dans le domaine de l’horticulture, mais s’est rendu compte qu’elle l’avait fait trop tard dans la saison. 

[52] La prestataire dit que les emplois de serveuse et de barmaid lui convenaient. En effet, elle a beaucoup exercé ce type d’emploi par le passé. De plus, la demande d’emploi en horticulture lui convient parce que c’est son domaine d’étude. La prestataire dit qu’elle a également de l’expérience de travail dans la vente au détail, la restauration rapide et le nettoyage de maisons. Elle a aussi travaillé dans une station-service et elle a peinturé des maisons.     

[53] En plus d’être à la recherche d’un emploi à temps partiel, la prestataire affirme qu’en janvier 2021, son « objectif principal » était de devenir travailleuse autonome dans un salon de tatouage. Elle dit qu’elle passait son temps libre à développer son portfolio de tatouages. En clarifiant davantage ses démarches relatives au travail autonome, la prestataire dit avoir entamé des discussions avec un tatoueur en juillet 2021. En octobre 2021, il a accepté d’être son mentor. Elle a suivi un cours sur les pathogènes transmissibles par le sang en septembre 2021Note de bas de page 24. Puis, en novembre 2021, elle a signé un bail pour établir un lieu de tatouage commercial.   

[54] Compte tenu des éléments de preuve présentés ci-dessus, je conclus que la prestataire a démontré qu’elle a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable à temps partiel.       

Capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable d’obtenir un emploi convenable

[55] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire, et incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 25. Selon l’article en question, la prestataire doit prouver trois choses pour démontrer qu’elle était disponible :  

  1. a) le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert;
  2. b) l’expression de ce désir par des démarches pour se trouver un emploi convenable;  
  3. c) l’absence de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retourner sur le marché du travailNote de bas de page 26.

[56] Je dois tenir compte de chacun de ces facteurs pour pouvoir trancher la question de la disponibilitéNote de bas de page 27 en examinant l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas de page 28.

La prestataire désirait-elle retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert?

[57] Oui. La prestataire a démontré qu’elle désirait retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert.

[58] La prestataire dit que depuis le 11 janvier 2021, elle continue à chercher d’autres emplois de serveuse et de barmaid. Elle a nommé trois tavernes où elle dit avoir s’être arrêtée plusieurs fois pour postuler à un emploi. Elle dit que c’est ainsi qu’elle a obtenu un emploi chez STD le 5 novembre 2021, où elle travaille actuellement en moyenne 5 heures par semaine. Elle a également postulé pour un emploi dans le domaine de l’horticulture, mais s’est rendu compte qu’elle l’avait fait trop tard dans la saison. 

[59] La prestataire affirme aussi qu’en janvier 2021, son « objectif principal » était de devenir travailleuse autonome dans un salon de tatouage. Elle dit qu’elle passait son temps libre à développer son portfolio de tatouages. En clarifiant davantage ses démarches relatives au travail autonome, la prestataire dit avoir entamé des discussions avec un tatoueur en juillet 2021. En octobre 2021, il a accepté d’être son mentor. Elle a suivi un cours sur les pathogènes transmissibles par le sang en septembre 2021Note de bas de page 29. Puis, en novembre 2021, elle a signé un bail pour établir un lieu de tatouage commercial.   

[60] Je trouve que les déclarations de la prestataire au sujet de ses activités de travail autonome contredisent ses déclarations antérieures selon lesquelles elle faisait des démarches pour trouver un autre emploi. Lorsque je lui ai demandé de clarifier cette contradiction, elle a dit qu’elle se concentrait sur son travail autonome pendant qu’elle faisait des démarches pour trouver un autre emploi, tout en étudiant à temps plein.

[61] La prestataire a ensuite expliqué en détail qu’elle se fie sur son copain, l’autobus et les taxis pour se déplacer depuis que sa voiture est tombée en panne. Elle a fourni ce renseignement lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle n’avait postulé qu’un ou deux emplois par mois depuis janvier 2021.

[62] Compte tenu des démarches de la prestataire énoncées ci-dessus, je conclus qu’elle a démontré qu’elle désirait retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert, tout en suivant une formation à temps plein et en établissant son travail autonome.

La prestataire a-t-elle fait des démarches pour trouver un emploi convenable?

[63] Oui. La prestataire a fait des démarches pour trouver un emploi convenable. Elle dit qu’elle a continué à chercher un emploi, et que c’est ainsi qu’elle a obtenu son emploi de serveuse chez STD le 5 novembre 2021Note de bas de page 30. Elle se concentre aussi sur son ambition de devenir travailleuse autonome depuis janvier 2021. 

[64] Bien que je n’y suis pas liée au moment de trancher cette exigence particulière, j’ai examiné la liste d’activités de recherche d’emploi énumérées ci-dessous à titre indicatif pour évaluer ce deuxième facteur.

[65] Pour les raisons expliquées ci-dessus, le Règlement sur l’assurance-emploi énumère neuf démarches de recherche d’emploi dont je dois tenir compteNote de bas de page 31. Voici quelques exemples de ces activités :

  • évaluer des possibilités d’emploi;
  • faire du réseautage et envoyer un curriculum vitæ;
  • postuler un emploi.

[66] Je reconnais qu’il n’y a pas de formule pour déterminer un délai raisonnable pour permettre à une partie prestataire d’explorer les possibilités d’emploi. Cela signifie que je dois examiner les circonstances particulières de chaque affaireNote de bas de page 32.

[67] La Commission soutient que l’appel de la prestataire ne contient aucune information détaillée sur la recherche d’emploi, par exemple : quels étaient ces commerces auxquels elle a postulé, quelle était l’opportunité d’emploi, qui a été contacté et à quelle date, et quel était le résultat de ce contact. 

[68] La prestataire a toujours dit que depuis janvier 2021, elle a postulé environ neuf emplois différents. Elle a expliqué en détail comment elle choisissait les tavernes où elle voulait travailler et continuait d’y retourner jusqu’à temps que STD l’embauche le 5 novembre 2021. Elle affirme aussi qu’elle est toujours disponible pour travailler comme serveuse et barmaid si l’un des établissements où elle a postulé ou un endroit où elle a déjà travaillé lui téléphonait.

[69] Je trouve que les démarches de la prestataire satisfont aux exigences de ce deuxième facteur. Elle a démontré qu’elle cherchait un emploi à temps partiel convenable, tout en suivant une formation à temps plein et en établissant son propre salon de tatouage.

La prestataire a-t-elle établi des conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail?

[70] Oui. J’estime que la prestataire a établi des conditions personnelles lorsqu’elle a limité sa disponibilité au travail dans des tavernes et des restaurants, tout en se concentrant sur sa formation et l’établissement de son travail autonome dans l’industrie du tatouage. Cela a limité indûment ses chances de retourner sur le marché de travail du 11 janvier 2021 au 20 avril 2021, et à compter du 2 septembre 2021.   

[71] La Commission soutient que la prestataire ne peut pas prouver qu’elle était disponible pour travailler pendant les périodes d’inadmissibilité parce qu’elle ne cherchait pas du travail à temps plein tout en étudiant de son propre chef. Je ne suis pas d’accord avec cette affirmation parce que la loi ne prévoit pas que la prestataire est obligée de chercher un emploi à temps plein. La loi énonce plutôt qu’elle doit prouver qu’elle est disponible pour travailler et à la recherche d’un emploi convenable pendant les heures de travail habituelles du lundi au vendredi.      

[72] Je ne suis pas convaincue que la prestataire aurait accepté un emploi ayant des heures de travail normales (du lundi au vendredi) tout en étudiant à temps plein. Je ne suis pas convaincue non plus qu’elle aurait abandonné ses cours si on lui avait offert un emploi à ce moment-là. Je trouve plutôt que les démarches de la prestataire pour obtenir un emploi se limitaient aux emplois de serveuse et de barmaid à temps partiel dont l’horaire de travail se situait en dehors des heures de travail habituelles, tout en se concentrant sur son ambition d’être travailleuse autonome.    

[73] Je trouve crédibles les affirmations de la prestataire selon lesquelles depuis janvier 2021 son objectif principal est d’établir son propre salon de tatouage tout en suivant sa formation à temps plein, comme le montre la preuve. Les éléments de preuve comprennent le fait qu’elle suivait trois ou quatre cours universitaires en plus des cours à distance sur le commerce et sur les pathogènes transmissibles par le sang qu’elle terminait. En même temps, elle travaillait sur son portfolio de tatouages, cherchait un mentor, et prenait le temps de trouver un espace à louer pour son commerce. À ce moment-là, elle ne travaillait qu’à temps partiel chez STD, en moyenne cinq heures par semaine.       

[74] Je reconnais que la prestataire a limité sa demande d’emploi aux emplois de serveuse et de barmaid, malgré le fait qu’elle a de l’expérience de travail dans la vente au détail, la restauration rapide et le nettoyage de maisons. Elle a aussi travaillé dans une station-service et elle a peinturé des maisons. Elle a aussi toujours dit que depuis janvier 2021, son objectif principal est de devenir travailleuse autonome dans un salon de tatouage.        

[75] Les éléments de preuve présentés ci-dessus permettent de conclure que la prestataire a établi des conditions personnelles qui ont limité indûment ses chances de retourner pleinement sur le marché du travail, du 11 janvier 2021 au 20 avril 2021, et à compter du 2 septembre 2021. 

La prestataire était-elle capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable d’obtenir un emploi convenable?

[76] Après avoir examiné l’ensemble de mes conclusions pour chaque facteur, je conclus que la prestataire n’a pas démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable, du 11 janvier 2021 au 20 avril 2021, et à compter du 2 septembre 2021Note de bas de page 33. Cela signifie qu’elle n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi durant ces périodes.   

[77] Le régime d’assurance-emploi n’est pas un fonds de pension ni un programme axé sur les besoins. Comme pour les autres régimes d’assurance, les prestataires doivent remplir les conditions d’admissibilité pour recevoir des prestations. Autrement dit, le régime d’assurance-emploi fournit des prestations aux personnes qui remplissent les conditions d’admissibilité énoncées dans la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 34.

[78] Bien que la prestataire ait fait des démarches pour trouver un emploi, ses intentions durant les périodes d’inadmissibilité (du 11 janvier 2021 au 20 avril 2021 et à partir du 2 septembre 2021) n’étaient pas de trouver un emploi convenable durant les heures normales de travail du lundi au vendredi. Au contraire, la preuve permet de conclure que ses intentions étaient axées sur ses études et ses efforts pour créer une entreprise indépendante dans le secteur du tatouage, tout en travaillant à temps partiel.

[79] De plus, les conditions personnelles de la prestataire selon lesquelles elle n’était disponible que pour des emplois de serveuse et barmaid – en dehors des heures de travail et des heures de cours typiques – ont indûment limité ses chances de retourner sur le marché du travail.    

[80] J’estime que la prestataire n’a pas limité indûment sa disponibilité du 21 avril 2021 au 1er septembre 2021. Je reconnais que la prestataire a toujours déclaré que depuis janvier 2021 son objectif principal est de s’établir comme travailleuse autonome. Toutefois, je trouve que ses démarches pour s’établir comme travailleuse autonome étaient négligeables du 21 avril 2021 au 1er septembre 2021. Je trouve aussi qu’elle a présenté assez d’éléments de preuve pour établir qu’elle était disponible et faisait des démarches pour trouver un emploi convenable du 21 avril 2021 au 1er septembre 2021. D’ailleurs, c’est la période qu’elle n’étudiait pas à temps plein, donc qu’elle était disponible pour travailler selon un horaire typique du lundi au vendredi.  

[81] De plus, j’estime que la prestataire a encore limité indûment sa disponibilité à compter du 2 septembre 2021. C’est à ce moment-là qu’elle a commencé à étudier à temps plein et à consacrer plus temps à son travail autonome en travaillant avec son mentor et cherchant un espace à louer pour son commerce. Elle a ensuite signé un bail immobilier pour son salon de tatouage le 29 novembre 2021, ce qui confirme que son travail indépendant n’est plus d’ampleur négligeableNote de bas de page 35.

[82] Ayant examiné la période qui commence le 2 septembre 2021, je conclus que la prestataire demeure inadmissible aux prestations d’assurance-emploi pour une période indéterminée. Sa période de prestations a pris fin le 25 septembre 2021; cela signifie qu’elle demeure inadmissible pour une période indéterminée. Si elle souhaite établir une nouvelle période de prestations, elle devra prouver à ce moment-là qu’elle satisfait aux exigences de disponibilité.

[83] Je salue la prestataire pour ses démarches visant à établir son propre commerce. Toutefois, le programme d’assurance-emploi n’est pas destiné à aider les personnes à lancer leur propre entreprise. Il s’agit plutôt d’un programme destiné à aider les prestataires qui sont disponibles pour travailler et qui cherchent activement un emploi convenable.    

Est-ce que la Commission peut réviser une demande précédente?

[84] Oui. La loi énonce que la Commission peut vérifier, à tout moment après le versement des prestations, que la partie prestataire est admissible aux prestations en exigeant la preuve qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin pour tout jour ouvrable de sa période de prestationsNote de bas de page 36.

[85] La Cour d’appel fédérale reconnaît que la Commission ne peut pas réviser les modifications apportées aux demandes précisément au moment où elles s’effectuent. C’est précisément pour cette raison-là que la Loi sur l’assurance-emploi permet à la Commission d’annuler ou modifier toute décision relative à une demande particulière de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 37. 

[86] Il n’est pas contesté que la prestataire a signalé sa participation à une formation à temps plein lorsqu’elle a présenté sa demande de prestations le 8 avril 2020. Elle a rempli les questionnaires sur les cours de formation en déclarant qu’elle changerait son horaire de cours ou abandonnerait ses cours pour accepter un emploi.

[87] Cette situation est vraiment malheureuse. Je reconnais que le long délai de la Commission (52 semaines) dans l’examen des demandes a entraîné un trop-payé considérable. La prestataire a divulgué sa formation et a parlé avec des agents au sujet de son droit à des prestations.

[88] Dans cette affaire, la Commission ne lui a pas dit qu’il y avait une possibilité qu’elle n’ait pas droit à ces prestations. Au contraire, elle lui a simplement versé les prestations et lui demande maintenant de les rembourser. Dans ces circonstances, toute personne aurait raisonnablement présumé qu’elle avait droit aux prestations qu’elle recevait.

[89] L’évaluation de la Commission a été effectuée conformément à la loi, de sorte que le trop-payé est valide. Je n’ai pas le pouvoir d’annuler le trop-payéNote de bas de page 38. Ce pouvoir appartient à la Commission.

[90] Je n’ai pas non plus le pouvoir d’exiger que la Commission annule le trop-payé. Cela dit, je demanderais à la Commission de songer à annuler le trop-payé, étant donné le long délai de la Commission dans la révision de la demande. C’est raisonnable qu’il ait un certain délai. Toutefois, même en tenant compte des circonstances de la pandémie, un délai d’un an (52 semaines) n’est pas raisonnable. Le trop-payé n’aurait probablement pas atteint le montant qu’il a atteint si la Commission avait pris sa décision plus tôt.

[91] Je sympathise avec la prestataire étant donné les circonstances qu’elle a présentées. Bien qu’elle puisse percevoir ce résultat comme étant injuste, ma décision n’est pas fondée sur l’équité. Ma décision est plutôt fondée sur les faits qui m’ont été présentés et sur l’application de la loi. Il n’y a pas d’exceptions ni de place pour la discrétion. Je ne peux pas interpréter ni réécrire la loi d’une manière contraire à son sens ordinaire, même au nom de la compassionNote de bas de page 39.

Conclusion

[92] La prestataire est inadmissible au bénéfice de prestations d’assurance-emploi du 11 janvier 2021 au 20 avril 2021, et à compter du 2 septembre 2021 pour une période indéterminée. La deuxième période d’inadmissibilité est indéterminée et reste en vigueur jusqu’à ce que la prestataire prouve qu’elle remplit les exigences de disponibilité. 

[93] Cela signifie que je rejette l’appel sous réserve de modifications.

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