Assurance-emploi (AE)

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Citation : PD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 481

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : P. D.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (449878) datée du 27 janvier 2022 rendue par la Commission de l’assuranceemploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 13 avril 2022
Personne présente à l’audience : Appelant

Date de la décision : Le 19 avril 2022
Numéro de dossier : GE-22-742

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Le geste posé par l’appelant constitue une inconduite au sens de la Loi. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 1

Aperçu

[3] L’appelant a perdu son emploi qu’il occupait comme vendeur chez Telus Mobile Inc. Son employeur a affirmé qu’il a été congédié parce qu’il a fait expédier son matériel informatique dans un autre pays et qu’il a travaillé à distance dans ce pays sans autorisation. L’appelant aurait posé ce geste à l’encontre des règles de sécurité qu’il devait respecter et ce geste a eu des conséquences sur la prestation de travail d’autres employés ainsi que de plusieurs clients de l’entreprise puisque le système a dû être mis hors service pendant une période indéterminée.

[4] L’appelant est d’accord qu’il a été congédié pour cette raison. Cependant, il affirme qu’il n’a su qu’après que le système ait été mis hors service qu’il était interdit de se faire livrer le matériel informatique de l’employeur au Sénégal et qu’il a posé ce geste uniquement dans le but de ne pas perdre son emploi alors qu’il avait contracté la Covid-19 et qu’il ne pouvait pas revenir au Canada.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite ?

Analyse

[7] Pour décider si l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelant a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la Loi considère cette raison comme étant une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[8] J’estime que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il n’a pas respecté les règles de sécurité émises par l’employeur concernant l’utilisation du matériel informatique. L’appelant a fait livrer, par une autre personne, du matériel informatique de l’employeur dans un autre pays et il a utilisé la carte SIM du téléphone cellulaire fourni par l’employeur ainsi que son ordinateur pour travailler dans ce pays sans avoir reçu l’autorisation de son employeur.

[9] La Commission et l’appelant s’entendent sur la raison pour laquelle ce dernier a perdu son emploi.

[10] L’appelant admet avoir demandé à une autre personne de manipuler son matériel informatique afin de le lui livrer au Sénégal et il admet avoir utilisé la carte SIM du téléphone cellulaire ainsi que l’ordinateur qui lui étaient fournis par l’employeur pour travailler dans un autre pays. Je conclus que l’appelant a posé les gestes reprochés par l’employeur.

La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite selon la loi ?

[11] Un travailleur qui est congédié en raison de son inconduite ne peut recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[12] Pour être considérée comme une inconduite selon la Loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle est consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas de page 2 Une inconduite est une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibérée.Note de bas de page 3 Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal).Note de bas de page 4

[13] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raison.Note de bas de page 5

[14] La Commission doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.Note de bas de page 6

[15] L’appelant a expliqué qu’il était en vacances au Sénégal jusqu’au 9 août 2021. Pendant ses vacances, il a contracté la Covid-19. Il explique qu’il avait peur de perdre son emploi et qu’il a alors décidé de faire livrer son matériel informatique au Sénégal pour continuer à travailler jusqu’à ce qu’il puisse revenir au Canada.

[16] La Commission fait valoir que l’appelant connaissait les règles de l’employeur et qu’il savait qu’il pourrait être congédié s’il ne respectait pas ces règles de sécurité parce qu’il recevait une formation chaque année à ce sujet. La Commission soutient que l’appelant devait savoir que faire expédier son matériel informatique à l’extérieur du pays et travailler à partir de l’extérieur du Canada était contraire aux politiques émises par l’employeur.

[17] Selon un responsable chez l’employeur, afin de ne pas compromettre la sécurité des informations personnelles des clients, il est interdit d’expédier du matériel informatique à l’étranger sans autorisation parce que les règles de l’entreprise prévoient qu’un employé doit toujours avoir son matériel informatique avec lui s’il se déplace. Cette personne fait valoir que si l’appelant ne pouvait revenir au Canada, il aurait pu simplement expliquer la situation et un congé lui aurait été autorisé.

[18] L’appelant a déclaré à la Commission qu’il n’a jamais été informé des règles de sécurité lorsqu’un employé est en télétravail et il soutient qu’il n’y avait pas de mauvaises intentions derrière son geste. Il affirme que l’employeur devait forcément savoir qu’il travaillait à partir du Sénégal puisqu’il l’avait informé qu’il prenait ses vacances dans ce pays.

[19] Les vacances de l’appelant se sont terminées le 9 août 2021. Il a alors contacté son superviseur par courriel pour l’aviser de son absence cette journée-là, mais il a reçu un message automatique l’informant que ce dernier était en vacances. Il aurait alors contacté la personne qui remplaçait son superviseur pour l’informer qu’il serait absent une journée et qu’il travaillerait à distance par la suite.

[20] L’appelant explique qu’il avait déjà l’autorisation de travailler en télétravail et qu’il avait déjà déclaré à l’employeur le nom des personnes qui résidaient avec lui et qui avaient accès à son matériel informatique. Il affirme que c’est une de ces personnes qui a préparé son matériel pour le livrer. L’appelant explique que la seule chose qui lui a été livrée est un boitier informatique puisqu’il s’est procuré un écran, un clavier, une souris et d’autres accessoires au Sénégal.

[21] De plus, pour pouvoir se connecter à distance, l’appelant explique qu’il avait besoin d’un code autorisé par un supérieur. Comme son superviseur était en vacances, ce code lui a été acheminé par une autre personne.

[22] L’appelant explique qu’il aurait été en contact avec le service informatique chez Telus pour obtenir de l’aide pour se connecter à distance et il affirme que, pour cette raison, l’employeur savait qu’il se connectait à partir d’un autre pays.

[23] L’appelant a travaillé à distance au Sénégal du 10 août 2021 au 26 août 2021. Le 26 août 2021, l’appelant a été informé par le département des fraudes qu’il était interdit de travailler à partir du Sénégal.

[24] Puisque l’appelant n’avait pas informé l’employeur qu’il travaillait à partir de ce pays, l’employeur a dû mettre hors service certains des services offerts pour découvrir quel employé était connecté à l’extérieur du Canada. La responsable des ressources humaines chez l’employeur a expliqué que ce geste a eu des conséquences pour 250 employés et près de 5000 clients de Telus n’ont pas été répondus par un agent pendant la période de la mise hors service.

[25] Lors de son retour de vacances, le superviseur a indiqué à l’appelant qu’il était interdit de travailler à partir du Sénégal, il lui a demandé de revenir au Canada le plus rapidement possible et, enfin, il a congédié l’appelant pour ne pas avoir respecté les règles de sécurité de l’entreprise.

[26] L’employeur fait valoir que l’appelant ainsi que tous les employés reçoivent une formation sur les règles de sécurité dès l’embauche et que tous les employés sont informés annuellement afin de rafraîchir les informations relatives aux règles de sécurité. Il explique que, dans son cas, l’appelant traitait des données confidentielles.

[27] La responsable des ressources humaines a transmis un document sur lequel sont indiqués les quatre critères permettant à un employé de travailler en télétravail. Entre autres, il faut un espace de travail sécuritaire et l’employé ne peut travailler à plus de 150 kilomètres du bureau.Note de bas de page 7

[28] Bien que l’appelant ait fait valoir qu’il n’a reçu aucune formation concernant les règles de sécurité, qu’aucune formation n’a été dispensée concernant le télétravail et qu’on ne lui a jamais dit qu’il ne pouvait pas travailler à partir d’un autre pays, lorsqu’il a volontairement accepté de travailler en télétravail, il a accepté les quatre critères. Il devait disposer d’un espace de travail sécuritaire afin de ne pas compromettre les données confidentielles des clients et il ne pouvait pas travailler dans un endroit situé à plus de 150 kilomètres du bureau. Le document est explicite.Note de bas de page 8

[29] Dans ce document, il est expliqué que les données confidentielles doivent être préservées et que les règles de sécurité du télétravail sont acceptées par l’employé afin qu’il n’y ait pas d’accès non autorisés. Pour cette raison, il n’est pas permis de partager l’ordinateur fourni par l’employeur.

[30] Je dois rendre cette décision suivant la balance des probabilités. Bien que je comprenne que l’appelant n’avait pas de mauvaises intentions et qu’il n’a pas voulu faire de mal en agissant de la sorte, il a compromis les données personnelles de plusieurs clients en agissant de façon contraire aux politiques de l’employeur. L’appelant ne voulait pas perdre son emploi et il a agi sans obtenir l’autorisation de l’employeur et sans fournir à l’employeur les éléments essentiels à sa situation. Il a obtenu un code pour travailler à distance, mais il n’a pas informé le département d’informatique ou le remplaçant de son superviseur qu’il était toujours au Sénégal, qu’il avait demandé à quelqu’un de livrer son matériel informatique au Sénégal et qu’il travaillerait à partir de ce pays.

[31] En agissant de la sorte, l’appelant a enfreint les règles de sécurité de l’entreprise.

[32] Bien qu’il ne voulait pas perdre son emploi, l’appelant pouvait présumer qu’il serait congédié en omettant d’informer l’employeur qu’il faisait livrer son boitier informatique ou son portable dans un autre pays que le Canada et qu’il travaillait à distance à partir d’un autre pays. Bien que l’appelant ait témoigné qu’il a reçu un code lui donnant un accès pour travailler à distance que seul un superviseur pouvait lui donner, il n’a pas précisé à cette personne qu’il travaillait à partir du Sénégal.

[33] L’appelant a agi sans l’autorisation de l’employeur et s’est fait livrer son boitier informatique pendant ses vacances puisqu’il n’a été absent qu’une seule journée. Il a reçu au Sénégal son matériel informatique qui a été posté à partir du Canada par une autre personne et il a pu travailler à compter du lendemain de la fin de ses vacances. Cependant, son boitier s’est retrouvé manipuler par une tierce personne et posté alors que les règles prévoient que l’employé qui accepter de travailler à distance doit toujours être en présence du matériel informatique lorsqu’il se déplace ou que celui-ci soit disposé dans un lieu sécuritaire afin de ne pas compromettre les données confidentielles des clients. De plus, il était interdit de travailler à plus de 150 kilomètres du bureau de Telus. Dans le doute, l’appelant aurait dû s’informer s’il était possible de le faire.

[34] En omettant des informations aussi importantes à l’employeur, l’appelant a agi sans autorisation et, cette situation laisse croire qu’il a complètement fait fi des règles de l’employeur pour lui cacher des éléments importants qui contrevenaient aux règles.

[35] Pour cette raison, je suis d’avis que l’appelant pouvait présumer qu’il serait congédié s’il agissait de la sorte.

[36] Contrairement à ce qu’il a fait valoir, l’appelant a été informé des règles concernant le télétravail puisqu’il devait les accepter afin d’obtenir l’autorisation de travailler à distance. Même si l’appelant a expliqué que l’employeur devait bien savoir qu’il travaillait à partir du Sénégal parce qu’il l’avait informé qu’il passait ses vacances là-bas, l’appelant a délibérément omis de demander l’autorisation de poster le matériel informatique à l’étranger et il a omis d’indiquer clairement à l’employeur qu’il avait l’intention de travailler à partir du Sénégal.

[37] L’appelant a posé un geste répréhensible puisqu’il n’a pas respecté les règles de sécurité, qu’il s’est fait livrer et qu’il a utilisé le matériel informatique de l’employeur dans un autre pays à l’encontre des règles de sécurité de l’employeur et ce geste a eu des conséquences pour l’employeur. Ce geste constitue une inconduite au sens de la Loi. Les faits démontrent que l’appelant n’a pas tenu compte des règles émises par l’employeur concernant les données confidentielles qu’il manipule et qu’il a omis de déclarer clairement sa situation à son employeur.

[38] Cette situation a engendré des conséquences graves pour l’employeur qui a dû restreindre l’accès informatique à plus de 250 employés et près de 4500 appels provenant de clients de Telus n’ont pas pu être répondus.

[39] Le superviseur a congédié l’appelant pour grave négligence parce qu’il n’avait pas respecté les règles de l’entreprise. L’employeur ne savait pas que l’appelant travaillait à partir du Sénégal parce que le département des fraudes a dû faire une enquête pour déterminer qui travaillait à partir de ce pays.

[40] Je suis d’avis que les consignes émises par l’employeur étaient claires pour l’appelant et que celui-ci doit non seulement respecter les règles de sécurité, mais il doit également respecter les renseignements personnels des clients de l’entreprise.

[41] L’appelant a été congédié parce qu’il s’est fait livrer du matériel informatique au Sénégal et qu’il s’est connecté à partir d’un autre pays pour travailler sans autorisation. Je conclus que ce geste constitue une inconduite.

Alors, l’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[42] En l’espèce, je dois déterminer si l’appelant a posé les gestes que l’employeur lui reproche et si ces gestes constituent une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[43] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. L’appelant n’a pas reçu l’autorisation lui permettant de livrer du matériel informatique fourni par l’employeur au Sénégal et il n’a pas reçu l’autorisation de travailler à partir du Sénégal. L’appelant a délibérément omis d’informer l’employeur de sa situation.

Conclusion

[44] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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