Assurance-emploi (AE)

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Citation : CJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 608

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. J
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (458587) datée du 24 février 2022 rendue par la Commission de l’assuranceemploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 2 juin 2022
Personnes présentes à l’audience : L’appelant
Un témoin accompagnant l’appelant
Date de la décision : Le 30 juin 2022
Numéro de dossier : GE-22-1039

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Décision

[1] L’appel est accueilli en partie. Je conclus que l’appelant n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi de compassion (prestations spéciales) à compter du 30 août 2021Note de bas de page 1. Toutefois, il n’a pas à rembourser la somme d’argent qui lui est réclamée par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) pour les prestations de compassion qui lui ont été versées pour la période du 30 août 2021 au 11 décembre 2021Note de bas de page 2. La Commission indique que la preuve médicale fournie par l’appelant a fait en sorte que les prestations de compassion payées en trop ont été converties en prestations de maladie (prestations spéciales)Note de bas de page 3.

Aperçu

[2] Du 19 avril 2021 au 23 juillet 2021 inclusivement, l’appelant a travaillé comme ouvrier agricole pour l’employeur X, et a cessé de travailler pour cet employeur en raison d’un « congé de compassion/proches aidants »Note de bas de page 4.

[3] Le 1er août 2021, il présente une demande renouvelée de prestations d’assurance-emploi dans le but de recevoir des « prestations de compassion » pour fournir des soins ou du soutien à un membre de sa famille gravement malade et qui risque de décéder dans les 26 prochaines semainesNote de bas de page 5. Cette demande a été réactivée le 1er août 2021Note de bas de page 6.

[4] Le 19 août 2021, la Commission l’informe que sa demande de prestations de compassion a été approuvée pour une période de 26 semaines, à compter du 1er août 2021. Elle lui indique aussi de communiquer avec elle, le plus rapidement possible, dans les cas suivants : il travaille, reçoit un revenu ou une autre somme d’argent, ou participe à un programme de formation; la personne qui est malade décède ou si elle prend du mieux et ne nécessite plus de soins ou de soutien; il se trouve dans une autre situation qui pourrait avoir des répercussions sur ses prestationsNote de bas de page 7.

[5] Le 12 janvier 2022, après avoir été informée par l’appelant que la conjointe de ce dernier était décédée, la Commission l’informe qu’il n’a pas droit aux prestations de compassion à partir du 30 août 2021 parce que la personne à qui il fournissait des soins ou du soutien est décédée. La Commission lui explique que s’il doit de l’argent, il recevra un avis de detteNote de bas de page 8.

[6] Un avis de dette, en date du 15 janvier 2022, a été envoyé à l’appelant lui demandant de rembourser les prestations de compassion qu’il avait reçues, étant donné qu’il n’y était pas admissibleNote de bas de page 9.

[7] Le 24 février 2022, à la suite d’une demande de révision, la Commission l’informe qu’elle maintient la décision rendue à son endroit, en date du 12 janvier 2022, concernant son inadmissibilité au bénéfice des prestations de compassionNote de bas de page 10.

[8] Le 28 juin 2022, à la suite d’une demande du Tribunal, la Commission indique que l’appelant a fourni des documents médicaux attestant un arrêt de travail pour la période du 25 mai 2021 au 11 décembre 2021Note de bas de page 11. Elle explique que ces documents ont fait en sorte que les prestations de compassion versées à l’appelant pour la période du 29 mai 2021 au 11 décembre 2021 ont été converties en prestations de maladieNote de bas de page 12.

[9] L’appelant explique avoir été informé par la Commission qu’il avait le droit de recevoir des prestations de compassion pour une période de 26 semaines. Il affirme qu’il ignorait qu’il devait aviser la Commission en cas du décès de son épouse ou de sa conjointe de fait, car personne ne lui a donné d’explications à ce sujet. L’appelant précise que puisqu’il n’avait pas à remplir ses déclarations du prestataire, il ne s’est pas soucié de le faire. Il indique que sa conjointe est décédée le 25 août 2021. L’appelant fait valoir qu’il a été dans l’incapacité de travailler pour des raisons médicales au cours de la période du 23 juillet 2021 au 29 novembre 2021. Il indique avoir transmis des documents à la Commission à cet effet. Il soutient avoir le droit de recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi ou des prestations de maladie (prestations spéciales) s’il ne peut recevoir des prestations de compassion. Le 16 mars 2022, l’appelant conteste auprès du Tribunal la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet de son recours devant le Tribunal.

Questions en litige

[10] Je dois déterminer si l’appelant est admissible au bénéfice des prestations de compassion (prestations spéciales)Note de bas de page 13.

[11] Je dois également déterminer si les prestations de compassion versées en trop à l’appelant doivent être rembourséesNote de bas de page 14.

Analyse

Admissibilité au bénéfice des prestations de compassion

[12] La Loi prévoit que des prestations de compassion doivent être payées à un prestataire si un médecin ou un infirmier praticien délivre un certificat donnant les précisions suivantes :

  1. a) Un membre de la famille du prestataire est gravement malade et le risque de décès est important au cours des vingt-six semaines qui suivent : soit le jour de la délivrance du certificat, soit le jour où le médecin ou l’infirmier praticien atteste que le membre de la famille est gravement malade, dans le cas où la demande de prestations est présentée avant le jour de la délivrance du certificat, soit le jour déterminé conformément aux paragraphes 10(4) ou (5), dans le cas où une demande est considérée comme ayant été présentée à une date antérieure au titre d’un de ces paragraphesNote de bas de page 15 
  2. b) Le membre de la famille requiert les soins ou le soutien d’un ou de plusieurs autres membres de sa familleNote de bas de page 16.

[13] La Loi prévoit aussi que des prestations de compassion peuvent être payées après l’expiration de la période de 26 semaines sans que ne soit délivré un autre certificat, comme prévu à l’article 23.1 (2) de la LoiNote de bas de page 17.

[14] Relativement à la personne en cause (prestataire), le terme « membre de la famille » réfère entre autres à son époux ou conjoint de faitNote de bas de page 18.

[15] Le terme « soins » réfère aux soins que nécessite l’état de santé d’un membre de la famille, autres que ceux prodigués par un professionnel de la santé. Le terme « soutien » signifie tout soutien psychologique ou émotionnel que nécessite l’état de santé d’un membre de la familleNote de bas de page 19.

[16] Dans le présent dossier, l’appelant ne démontre pas qu’il peut être admissible au bénéfice des prestations de compassion à compter du 30 août 2021.

[17] Le témoignage et les déclarations de l’appelant indiquent les éléments suivants :

  1. a) La Commission l’a informé qu’il avait le droit de recevoir des prestations de compassion pour une période de 26 semaines à compter du 1er août 2021Note de bas de page 20;
  2. b) Il a continué de recevoir ce type de prestations à la suite du décès de sa conjointe le 25 août 2021Note de bas de page 21 
  3. c) Le 22 décembre 2021, il a communiqué avec la Commission pour l’aviser que sa conjointe était décédéeNote de bas de page 22 
  4. d) Il ne savait pas qu’il devait aviser la Commission en cas du décès de sa conjointe. Il n’a pas reçu d’explications à ce sujet et ne s’est donc pas préoccupé pour le faire, d’autant plus qu’il n’avait pas à remplir ses déclarations du prestataireNote de bas de page 23 
  5. e) Il été dans l’incapacité de travailler pour des raisons médicales au cours de la période du 23 juillet 2021 au 29 novembre 2021Note de bas de page 24 
  6. f)  S’il ne peut recevoir des prestations de compassion, il devrait avoir le droit de recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi ou des prestations de maladie (prestations spéciales). Il a oublié de présenter une demande pour recevoir un autre type de prestations que les prestations de compassion à compter du 30 août 2021Note de bas de page 25.

[18] De son côté, la Commission soutient que l’appelant n’a pas démontré son admissibilité au bénéfice des prestations de compassion à compter du 30 août 2021 parce que sa conjointe est décédée le 25 août 2021Note de bas de page 26.

[19] Elle précise que celui-ci n’avait donc pas le droit de recevoir ce type de prestations au cours de la période du 30 août 2021 au 11 décembre 2021Note de bas de page 27.

[20] Je considère que les explications de l’appelant et les documents qu’il présente ne peuvent faire en sorte de le rendre admissible au bénéfice des prestations de compassion à compter du 30 août 2021, à la suite du décès de sa conjointe, survenu le 25 août 2021.

[21] En résumé, je considère que l’inadmissibilité aux prestations de compassion imposée à l’appelant à compter du 30 août 2021 est justifiée dans les circonstances puisqu’il ne satisfait les critères pour recevoir ce type de prestations, à compter de cette date, puisque sa conjointe est décédée le 25 août 2021.

[22] Bien que sympathique à la cause de l’appelant, la Cour d’appel fédérale (la Cour) nous informe qu’il n’est pas permis aux arbitres, ce qui inclut le Tribunal, de réécrire la loi ou de l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaireNote de bas de page 28.

Remboursement des prestations de compassion versées en trop

[23] Si une personne a reçu des prestations d’assurance-emploi, ce qui inclut des prestations de compassion, auxquelles elle n’était pas admissible ou parce qu’elle était exclue du bénéfice de ces prestations, elle est tenue de les rembourser ou de rembourser le versement excédentaire qui en a découléNote de bas de page 29

[24] La Commission dispose d’un délai de 36 mois pour examiner de nouveau toute demande au sujet de prestations payées ou payables à un prestataire, et ce délai est de 72 mois si elle estime qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestationsNote de bas de page 30.

[25] La Cour nous informe que le montant du versement excédentaire indiqué dans un avis de dette devient remboursable à la date de notification et que la personne qui reçoit un versement excédentaire de prestations est tenue d’en restituer immédiatement le montantNote de bas de page 31.

[26] Dans son argumentation supplémentaire présentée à la suite d’une demande du Tribunal, la Commission indique que l’appelant lui a fourni des documents médicaux attestant un arrêt de travail pour la période du 25 mai 2021 au 11 décembre 2021Note de bas de page 32. Elle mentionne que ces documents ont été traités « par les services de traitement de l’assurance-emploi depuis le 27 mai 2022 »Note de bas de page 33.

[27] La Commission fait valoir que même si l’appelant n’avait pas le droit de recevoir des prestations de compassion pour la période du 30 août 2021 au 11 décembre 2021, il démontre qu’il avait droit aux prestations de maladie pour cette même périodeNote de bas de page 34.

[28] La Commission explique qu’à la suite de la présentation des documents médicaux par l’appelant, elle a converti ses prestations de compassion en prestations de maladie pour la période échelonnée du 29 mai 2021 au 11 décembre 2021Note de bas de page 35.

[29] Elle précise que cette conversion a fait en sorte d’annuler en totalité le trop-payé dans le dossier de l’appelant relativement aux prestations de compassion qui lui ont été versées pour la période du 30 août 2021 au 11 décembre 2021Note de bas de page 36.

[30] Dans le cas présent, l’appelant a reçu des prestations de compassion pour la période du 30 août 2021 au 11 décembre 2021 alors qu’il n’y avait pas droit.

[31] La Commission a rendu une décision lui indiquant qu’il n’y était pas admissible et un avis de dette lui a été envoyé afin qu’il rembourse les prestations qu’il avait reçues en trop à ce titre.

[32] Je considère que l’avis de dette envoyé à l’appelant fait partie de la décision rendue à son endroit par la Commission, en date du 12 janvier 2022, étant donné que dans cette décision, elle lui mentionne que s’il doit de l’argent, il allait recevoir un avis de detteNote de bas de page 37. Ce qui a été le cas.

[33] J’estime toutefois que par la suite, la Commission a correctement déterminé que l’appelant n’avait pas à rembourser la somme d’argent qu’elle lui a réclamé, étant donné la preuve médicale qu’il lui a fournie.

[34] Je souligne que cette preuve a été traitée « par les services de traitement de l’assurance-emploi depuis le 27 mai 2022 », comme l’indique la CommissionNote de bas de page 38, soit après que l’appelant ait présenté son appel au Tribunal.

[35] La Cour nous informe que lorsqu’une décision de la Commission a été portée en appel, cette décision n’est plus de son ressort et toute modification à une décision après que celle-ci ait été portée en appel est nulleNote de bas de page 39.

[36] Je suis toutefois d’accord avec la conclusion de la Commission selon laquelle les documents médicaux que l’appelant lui a fournis font en sorte qu’il n’a pas à rembourser la somme d’argent représentant les prestations de compassion lui ayant été versées en trop.

[37] Je souligne que la preuve médicale que l’appelant a également transmise au Tribunal indiquant qu’il avait été dans l’incapacité de travailler pour des raisons médicales au cours de la période du 23 juillet 2021 au 29 novembre 2021 supporte celle qu’il a d’abord présentée à la Commission, malgré des différences concernant la durée de sa période d’incapacitéNote de bas de page 40.

[38] En résumé, je considère que la Commission n’est plus justifiée de réclamer le montant du trop-payé à l’appelant pour les prestations de compassion qui lui ont été versées en trop.

Conclusion

[39] Je conclus que l’appelant n’est pas admissible au bénéfice des prestations de compassion pour la période du 30 août 2021 au 11 décembre 2021.

[40] Toutefois, puisque la Commission a déterminé qu’il était admissible au bénéfice de prestations de maladie pour cette période, il n’a donc pas à rembourser la somme d’argent représentant les prestations de compassion qui lui ont été versées en trop pour la période en cause.

[41] Par conséquent, l’appel est accueilli en partie.

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