Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 416

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. N.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décisions de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (438789 et 440375) datées du 9 novembre 2021 (communiquées par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 24 janvier 2022
Personne présente à l’audience : Prestataire
Date de la décision : Le 25 janvier 2022
Numéro de dossier : GE-21-2452 et GE-21-2453

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’il n’avait pas une raison acceptable selon la loi pour le faire) quand il l’a fait. Le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi parce que le départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi et il est inadmissible au bénéfice des prestations.

Aperçu

[3] Le prestataire a été mis à pied de son emploi principal. Il a obtenu un autre emploi, mais a quitté ce poste le 15 janvier 2021, alors qu’il suivait une formation, et a demandé des prestations d’assurance-emploi. Le prestataire a été rappelé au travail par son employeur principal en juillet 2021, mais il a pris congé de son emploi à partir du 12 juillet 2021. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons pour lesquelles le prestataire a quitté les deux emplois. Elle a conclu que ce dernier a quitté volontairement ses emplois (c’est-à-dire qu’il a choisi de démissionner et qu’il a choisi de prendre congé de son emploi) sans justification prévue par la loi. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations.

[4] Je dois décider si le prestataire a prouvé que quitter ses emplois était la seule solution raisonnable dans son cas.

[5] La Commission affirme que le prestataire aurait pu demander une exemption pour raisons médicales ou discuter d’autres solutions avec l’employeur au lieu de démissionner lorsqu’il l’a fait. En ce qui concerne le congé, la Commission dit que puisque le prestataire n’a pas expliqué pourquoi il a pris congé de son emploi, il n’a pas prouvé que le départ était la seule solution raisonnable dans son cas.

[6] Le prestataire n’est pas d’accord. Il affirme que l’employeur de son nouveau poste a refusé de l’exempter de la formation défensive, qu’il ne pouvait pas suivre à cause de son hypertension. En ce qui concerne le congé de son emploi, il affirme qu’il ne connaissait pas les lois. Il dit qu’il pensait qu’il avait droit à des prestations d’assurance-emploi jusqu’en octobre 2021 comme l’indiquait son compte Mon dossier Service Canada.

Question que je dois examiner en premier

Le prestataire fait appel de deux décisions de révision

[7] Le prestataire a déposé un avis d’appel concernant deux décisions rendues par la Commission. Il y a des faits communs reliés aux deux appels. Pour cette raison, et parce qu’une telle mesure ne risque pas de causer d’injustice aux parties, j’ai joint les deux appelsNote de bas de page 1. Le 22 décembre 2021, le Tribunal a avisé le prestataire de la jonction des appels.

La Commission corrige le numéro du dossier de révision

[8] La Commission a envoyé une deuxième copie du dossier de révision sur la question de la période de congé sans justification. Elle affirme que le bon numéro du dossier de révision est le 440375 plutôt que le 440357.

Questions en litige

[9] Le prestataire est-il exclu du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son deuxième emploi sans justification?

[10] Le prestataire est-il exclu du bénéfice des prestations pour avoir volontairement pris congé de son emploi principal sans justification?

[11] Pour répondre à ces questions, je dois d’abord traiter de la question du départ volontaire du prestataire. Je dois ensuite décider s’il était fondé à quitter ses emplois.

Analyse

Les parties sont d’accord pour dire que le prestataire a quitté volontairement son deuxième emploi et qu’il a volontairement pris congé de son emploi principal

[12] J’accepte le fait que le prestataire a quitté volontairement son deuxième emploi. Le prestataire reconnaît qu’il a démissionné le 15 janvier 2021. Je n’ai aucune preuve du contraire.

[13] J’accepte également le fait que le prestataire a volontairement pris une période de congé de son emploi principal le 12 juillet 2021. Il a confirmé cela à l’audience.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement ses emplois

[14] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement ses emplois lorsqu’il l’a fait.

[15] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 2. Elle prévoit également qu’une partie prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations si elle prend volontairement une période de congé sans justificationNote de bas de page 3. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[16] La loi explique ce que veut dire « être fondé à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ ou sa période de congé est la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 4.

[17] Le prestataire est responsable de prouver que son départ était fondé. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi et prendre une période de congé de son emploi était la seule solution raisonnableNote de bas de page 5.

[18] Pour prendre une décision sur la question de savoir si le départ du prestataire était fondé, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand le prestataire a quitté ses emplois. La loi énonce certaines des circonstances que je dois examinerNote de bas de page 6.

[19] Une fois que j’aurai établi les circonstances qui s’appliquent au prestataire, celui-ci devra démontrer que son départ était la seule solution raisonnable à ce moment-làNote de bas de page 7.

Circonstances présentes quand le prestataire a démissionné de son deuxième emploi

[20] Le prestataire affirme que l’une des circonstances énoncées dans la loi s’applique. Plus précisément, il dit que la formation à son deuxième emploi constituait un danger pour sa santé et sa sécurité en raison de sa tension artérielle.

[21] Après qu’il ait été mis à pied de son emploi principal, le prestataire a obtenu un deuxième emploi. Il a terminé la première partie de la formation requise. La partie suivante portait sur les tactiques de défense. Le prestataire a affirmé qu’à cause de son hypertension, il ne pouvait pas faire la formation. Il a déclaré que personne ne lui avait dit pendant son entretien d’embauche qu’il devrait suivre une formation sur les tactiques de défense.

[22] J’ai demandé au prestataire s’il avait parlé à son médecin de suivre la formation sur les tactiques défensives avant de démissionner de l’emploi. Le prestataire affirme qu’il prend un médicament pour l’hypertension depuis septembre 2019. Il a déclaré qu’il avait cessé de prendre le médicament et qu’il a ensuite commencé à avoir des maux de tête. Le médecin lui a dit de ne pas arrêter le médicament sans le consulter. Le prestataire a ajouté que le médecin a dit qu’il devait faire attention à son alimentation et éviter tout ce qui ferait [traduction] « augmenter le débit sanguin de son corps ».

[23] Le prestataire n’a pas répondu directement à la question. Puisqu’il a démissionné de son emploi le jour où il a été mis au courant de la formation, j’estime qu’il est probable qu’il n’ait pas parlé à son médecin avant de quitter son emploi.

[24] Je n’ai pas de raison de douter du témoignage du prestataire selon lequel il fait de l’hypertension et qu’il s’agit de la raison pour laquelle il ne voulait pas faire la formation sur les tactiques défensives. J’ai trouvé que le prestataire sait s’exprimer, et qu’il est ouvert et honnête. Cependant, sans élément de preuve d’un professionnel de la santé, je n’ai pas suffisamment de renseignements pour conclure que faire la formation sur les tactiques défensives constituait un danger pour la santé ou la sécurité du prestataire.

Le prestataire avait des solutions raisonnables autres que démissionner de son deuxième emploi

[25] Je dois maintenant examiner si le prestataire n’avait aucune solution raisonnable autre que celle de quitter son emploi au moment où il l’a fait.

[26] Le prestataire déclare qu’il n’avait aucune autre solution raisonnable parce que l’employeur a refusé de l’exempter de la formation sur les tactiques défensives. Il maintient qu’il ne pouvait pas faire la formation en raison de son hypertension.

[27] La Commission n’est pas d’accord et affirme que le prestataire aurait pu demander une exemption pour raisons médicales.

[28] J’estime que le prestataire n’a pas démontré que démissionner de son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[29] Le prestataire a déclaré avoir parlé à son gestionnaire par téléphone. Il a demandé au gestionnaire s’il pouvait l’exempter de la formation. Le gestionnaire a dit au prestataire qu’il ne pouvait pas faire cela. Le prestataire a ensuite démissionné de son emploi.

[30] Le prestataire affirme que l’employeur ne lui a pas parlé de la formation pendant le processus de sélection. Il a également déclaré qu’il a parlé de son hypertension à l’employeur.

[31] La Commission a parlé avec une représentante du service des ressources humaines de l’employeur. La représentante a dit à la Commission que le prestataire avait déclaré ne pas avoir demandé de mesure d’adaptation médicale. Je note que le prestataire affirme qu’il a parlé à son gestionnaire. Étant donné le témoignage du prestataire sous serment, et puisque la Commission n’a pas parlé au gestionnaire du prestataire, j’accorde plus d’importance à son témoignage selon lequel il a parlé au gestionnaire de son hypertension. Je considère également comme vrai le fait qu’il ait demandé d’être exempté de la formation pour cette raison.

[32] Bien que j’accepte les déclarations du prestataire au sujet de sa santé, j’estime qu’il aurait pu essayer la formation pour voir s’il pouvait la suivre sans nuire à sa tension artérielle. J’estime également qu’il aurait pu vérifier auprès de son médecin pour avoir un avis quant à savoir s’il devait suivre la formation ou non.

[33] Le prestataire a demandé que je tienne compte de sa situation personnelle ainsi que de la loi. Je comprends qu’il a immigré relativement récemment au Canada et qu’il ne connaît pas la loi. Toutefois, je ne peux pas déroger à la loi pour quelque raison que ce soit, même lorsque les circonstances le justifieraientNote de bas de page 8.

[34] Compte tenu des circonstances présentes lorsque le prestataire a démissionné, son départ n’était pas la seule solution raisonnable, et ce pour les motifs énoncés ci-dessus.

[35] Autrement dit, le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi.

Le prestataire avait des solutions raisonnables autres que prendre une période de congé de son emploi principal

[36] Le prestataire a dit à la Commission qu’il a pris une période de congé de son emploi principal pour des raisons personnelles. À l’audience, il en a donné les raisons. Il a dit que son épouse est tombée enceinte de façon inattendue et qu’ils devaient déménager. Il s’est absenté du travail pour être avec son épouse et pour trouver un nouvel endroit où vivre pour sa famille. Il a confirmé avoir pris la période de congé du 12 juillet 2021 au 30 septembre 2021.

[37] J’estime que les raisons pour lesquelles le prestataire a pris la période de congé sont personnelles. Le prestataire a déclaré qu’il a vu dans son compte Mon Service Canada que ses prestations d’assurance-emploi avaient été approuvées jusqu’en octobre 2021. Il pensait qu’il pouvait obtenir des prestations d’assurance-emploi jusque-là; il a donc pris la période de congé.

[38] Le prestataire a fait remarquer qu’il n’avait pas d’argument concernant l’inadmissibilité pour la période de congé qu’il a prise. J’estime qu’il aurait pu rester au travail sans prendre la période de congé et tenter de gérer ses affaires personnelles en tenant compte de son horaire de travail. Cela vaut en particulier puisque le prestataire a dit qu’il travaille à temps partiel. Je suis d’accord avec la Commission et je conclus que le prestataire n’a pas démontré qu’il n’avait pas de solutions raisonnables autres que prendre la période de congé.

[39] Du fait de la présente décision, le prestataire devra rembourser un trop payé, ce qui peut causer des difficultés financières. Comme le prestataire l’a mentionné, il est malheureux que la Commission ait mis si longtemps à l’exclure du bénéfice des prestations et à le déclarer inadmissible au bénéfice des prestations. La Commission recommande que le prestataire communique avec l’Agence du revenu du Canada afin de prendre une entente de remboursement, vu sa situation. Je l’encourage à le faire.

Conclusion

[40] Je conclus que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a démissionné de son deuxième emploi. Je suis d’avis que le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’il a pris une période de congé de son emploi principal.

[41] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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