Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 455

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : L. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (454470) datée du 4 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Mark Leonard
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 avril 2022
Personnes présentes à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 12 avril 2022
Numéro de dossier : GE-22-569

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler. Cela signifie qu’elle ne peut pas recevoir des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que la prestataire était inadmissible au bénéfice de prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 31 octobre 2021, car elle n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi, les prestataires doivent être disponibles pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que les prestataires doivent être à la recherche d’un emploi.

[4] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. La prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était disponible pour travailler.

[5] La Commission affirme que la prestataire n’était pas disponible pour travailler parce qu’elle n’a pas effectué de recherches d’emploi lorsqu’elle a été mise en congé administratif pendant six semaines. 

[6] La prestataire ne conteste pas le fait qu’elle n’a pas cherché d’emploi. Elle soutient qu’elle ne devrait pas être obligée de chercher un autre emploi parce qu’elle allait retourner de toute façon à son emploi.

Question en litige

[7] Est-ce que la prestataire était disponible pour travailler?

Analyse

[8] Il y a deux articles de loi qui exigent que les prestataires démontrent leur disponibilité pour travailler. La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible selon les deux articles. Elle doit donc remplir les critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[9] En premier lieu, la Loi sur l’assurance-emploi établit qu’une personne qui demande des prestations doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 1. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce qui constitue des « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 2 ». Je vais examiner ces critères plus bas.

[10] En deuxième lieu, la Loi prévoit que la personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 3. La jurisprudence donne trois éléments que la personne doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 4. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[11] La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler selon les deux articles de loi.

[12] Je vais maintenant examiner ces deux articles pour décider si la prestataire était disponible pour travailler. 

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi (Article 50(8))

[13] Le droit énonce les critères que je dois prendre en considération pour décider si les démarches de la prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 5. Je dois décider si ces démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, la prestataire doit avoir continué à chercher un emploi convenable.

[14] Je dois aussi évaluer les démarches que la prestataire a faites pour se trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. Voici quelques exemples de ces activitésNote de bas de page 6 :  

  • évaluer les possibilités d’emploi;
  • s’inscrire à des outils de recherche d’emploi, des banques d’emploi en ligne ou auprès de bureaux de placement;
  • postuler des emplois.

[15] La prestataire travaille de la maison; elle fait de la saisie de données et assure le service clientèle par téléphone pour un grand réseau de prestataires de santé. L’employeur a ordonné que tous les employés soient entièrement vaccinés contre la Covid-19 au plus tard le 31 octobre 2021.   

[16] La prestataire a une affection neurologique qui limite sa mobilité. Elle a déclaré que des médecins lui ont déjà dit qu’elle ne devrait pas recevoir de vaccins. Elle a ajouté qu’elle craignait les effets secondaires négatifs du vaccin et donc qu’elle était effrayée à l’idée de le recevoir.

[17] Pour ne pas perdre son emploi, toutefois, elle a accepté de recevoir sa première dose de vaccin avant l’échéance d’octobre 2021. La prestataire devait ensuite attendre quatre semaines pour être admissible à recevoir la deuxième dose du vaccin et, finalement, elle devait attendre deux semaines de plus pour que la dose soit considérée comme pleinement active.

[18] Le 31 octobre 2021, la prestataire n’était pas entièrement vaccinée donc elle ne respectait pas la politique de l’employeur en matière de vaccin. L’employeur l’a mise en congé administratif sans solde jusqu’à ce qu’elle soit entièrement vaccinée. La prestataire affirme qu’elle pouvait retourner travailler le 8 décembre 2021. Je signale, cependant, qu’elle n’est pas retournée avant le 13 décembre 2021. En somme, la prestataire n’était pas au travail pendant une période de six semaines, soit du 31 octobre 2021 au 12 décembre 2021.  

[19] La prestataire a présenté une demande initiale de prestations prenant effet le 31 octobre 2021. La Commission a examiné son cas. En janvier 2022, elle a conclu que la prestataire n’avait pas fait de démarches pour trouver un emploi pendant l’absence du travail de six semaines. La Commission l’a rendue inadmissible au bénéfice de prestations parce qu’elle n’« était pas disponible » selon la loi.   

[20] La Commission affirme que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable. Elle affirme que la prestataire n’a pas fait de recherches d’emploi conformément aux exigences de l’article 50(8). La Commission dit qu’il faut satisfaire à l’exigence de la recherche d’emploi pour avoir droit au bénéfice de prestations.

[21] La prestataire a confirmé qu’elle n’a pas fait des démarches pour obtenir un autre emploi. Elle dit que le fait d’accepter l’offre d’emploi d’un nouvel employeur sachant qu’elle retournerait à son ancien employeur éventuellement c’est agir de façon injuste.

[22] Elle a ajouté qu’en raison de son invalidité, elle aurait de la difficulté à trouver un emploi. Elle dit qu’elle ne peut taper qu’avec une seule main à l’ordinateur et suppose que la plupart des employeurs exigeraient d’elle un niveau de compétence plus élevé.

[23] Elle soutient que la pandémie de Covid-19 constitue une circonstance exceptionnelle. Elle dit qu’il n’y avait pas de directives à l’intention des prestataires leur indiquant qu’ils devraient faire des démarches pour obtenir un emploi pendant des périodes de chômage au cours de la pandémie. Elle a déclaré qu’elle n’a pas été mise à pied en raison d’un manque de travail, mais plutôt qu’on la mise en congé en attendant qu’elle soit entièrement vaccinée. Elle a réitéré qu’elle avait toujours son emploi et même sa date de retour au travail.

[24] Elle déclare qu’elle ne devrait pas être obligée de chercher un autre emploi étant donné ces circonstances.

[25] Je ne suis pas d’accord avec la prestataire.  

[26] J’estime que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi. Selon ses propres dires, la prestataire n’a pas cherché d’emploi pendant qu’elle était en période de chômage.

[27] La prestataire soutient qu’elle ne devrait pas être obligée de chercher un autre emploi pendant son congé administratif parce qu’elle avait une date précise de retour au travail.  

[28] Elle a choisi d’attendre d’être rappelée au travail par son employeur une fois qu’elle serait en mesure de prouver son statut vaccinal. Pendant sa période de chômage de six semaines, il y avait une période de quatre semaines au cours de laquelle elle n’avait pas reçu sa deuxième dose. Avant d’avoir reçu cette deuxième dose, il y avait une période de quatre semaines au cours de laquelle il n’était pas certain qu’elle retournerait au travail. En choisissant de n’attendre qu’un rappel au travail, elle a renoncé à faire des démarches raisonnables et habituelles pour trouver un autre emploi convenable.

[29] Le droit est clair. Les prestataires ne peuvent pas attendre d’être rappelés au travail. Les prestataires doivent être à la recherche d’un emploi pour avoir droit aux prestationsNote de bas de page 7.

[30] La prestataire a déclaré qu’on l’a avisée par courriel en septembre 2021 qu’elle devait être entièrement vaccinée au plus tard le 31 octobre 2021 afin de pouvoir continuer de travailler. Je suis convaincu que l’employeur a donné à la prestataire un préavis adéquat afin qu’elle puisse être entièrement vaccinée avant l’échéance, de sorte qu’un arrêt de travail ne se produise pas.

[31] Une fois qu’on a averti la prestataire, deux options s’offraient à elle. Elle pouvait immédiatement commencer le processus de vaccination et ainsi respecter l’échéance ou elle pouvait demander une dispense auprès d’un professionnel de la santé.

[32] La prestataire affirme qu’elle a contacté trois médecins : son médecin généraliste, son chirurgien et son neurologue. Elle a déclaré qu’aucun des médecins n’a fourni de dispense. Elle pense qu’ils ne l’ont pas fait parce qu’ils craignent de perdre leurs emplois (licences). 

[33] Je ne suis pas d’accord avec ce qu’avance la prestataire ici. Je ne suis pas convaincu qu’un professionnel de la santé refuserait d’émettre une dispense si cette personne était convaincue que la vaccination présentait un risque pour la santé de la prestataire. J’estime qu’il est plus probable que les professionnels de la santé ne pouvaient simplement pas conclure que le risque l’emportait sur les avantages étant donné sa situation particulière. Ils ont donc refusé de fournir la dispense.

[34] Par conséquent, je conclus que la prestataire a décidé de reporter le début de sa vaccination vu ses propres préoccupations au sujet de sa sécurité. Elle est devenue chômeuse en raison de ses propres actions et non à cause des circonstances déclenchées par la pandémie de Covid-19.

[35] On verse des prestations d’assurance-emploi aux personnes qui se retrouvent au chômage sans en être responsables; on n’en verse pas aux personnes qui ont créé leur propre situation de chômage lorsqu’elles avaient d’autres solutions. Dans cette affaire, la prestataire a créé sa propre situation de chômage lorsqu’elle n’a pas satisfait aux exigences de son employeur en matière de vaccination avant l’échéance, bien qu’elle disposait de suffisamment de temps pour le faire.

[36] La prestataire a aussi avancé que son invalidité limiterait considérablement l’étendue de sa recherche d’emploi. Elle a déclaré qu’elle fait de la saisie de données et assure le service à la clientèle par téléphone de la maison. Elle dit que son employeur fournit des mesures d’adaptation pour ses exigences physiques, mais elle suppose que les autres employeurs ne voudraient pas l’embaucher étant donné son état de santé. Elle a expliqué que son invalidité limite sa capacité de saisir des données, car elle ne peut taper qu’avec une seule main à l’ordinateur.

[37] Je ne suis pas convaincu que l’invalidité de la prestataire équivaut à un manque de capacité de travailler à son poste ou à des postes similaires. La prestataire était en mesure d’exécuter ses tâches conformément à son emploi régulier ou habituel. La raison pour laquelle elle était en congé de son emploi était qu’elle ne remplissait pas une condition d’emploi imposée par l’employeur, et non qu’elle était incapable d’accomplir ses tâches habituelles.   

[38] J’étends donc cette capacité pour qu’elle inclue les emplois similaires de saisie de données et de service à la clientèle par téléphone. Je conclus que la prestataire aurait pu faire des démarches raisonnables et habituelles pour trouver un emploi similaire à son emploi actuel et, si on lui avait offert un poste, elle aurait pu décider si elle était capable d’effectuer les tâches de l’emploi.

Capable de travailler et disponible à cette fin (Article 18(1))

[39] La jurisprudence établit trois éléments à examiner pour déterminer si une partie prestataire est capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. La partie prestataire doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 8 :

  1. a) le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert;
  2. b) l’expression de ce désir par des démarches pour se trouver un emploi convenable;  
  3. c) l’absence de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retourner sur le marché du travail.

[40] Je dois tenir compte de chacun de ces facteurs en examinant l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas de page 9.

Le désir de retourner sur le marché du travail

[41] La prestataire n’a pas démontré qu’elle désirait retourner au travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert.     

[42] La Commission affirme qu’au cours de sa période de chômage, la prestataire ne désirait pas retourner sur le marché du travail, elle ne pensait qu’à retourner travailler pour son ancien employeur.  

[43] La prestataire a confirmé qu’elle n’a pas fait des démarches pour obtenir un autre emploi. Elle n’est pas de l’avis qu’elle aurait dû signaler à son employeur sa date de retour prévue. Elle dit que le fait d’accepter l’offre d’emploi d’un nouvel employeur sachant qu’elle retournerait bientôt à son ancien employeur c’est agir de façon injuste.

[44] Ayant examiné l’attitude et le comportement de la prestataire, je suis convaincu qu’elle ne désirait pas obtenir un emploi, lequel aurait fait en sorte qu’elle ne dépendrait pas des prestations d’assurance-emploi. Le moment qu’elle a décidé de commencer son processus de vaccination a fait en sorte qu’elle ne pouvait pas travailler. Ensuite, une fois qu’elle a été mise en congé administratif, elle était seulement prête à revenir au travail une fois qu’elle était entièrement vaccinée.

[45] Cela ne prouve pas le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’elle aurait pu le faire si elle avait fait des démarches pour obtenir un emploi convenable.

Démarches pour se trouver un emploi convenable

[46] Selon ses propres dires, la prestataire n’a pas fait de démarches pour obtenir un emploi. Il est inutile d’examiner si la prestataire a fait assez de démarches puisqu’elle n’a pas essayé de trouver un autre emploi convenable.

[47] Comme je l’ai indiqué ci-dessus, la prestataire ne pouvait pas simplement attendre de retourner à son ancien emploi une fois qu’elle serait en mesure de satisfaire aux exigences de son employeur en matière de vaccination. Pour avoir droit aux prestations, elle était obligée de faire une recherche d’emploi. La prestataire aurait peut-être eu plus de difficulté à obtenir un nouvel emploi, mais cela ne la dispense pas de faire des démarches.

[48] Clairement, si la prestataire n’a pas fait de démarches pour obtenir un autre emploi, elle n’a pas rempli les conditions de ce deuxième élément.

Limiter indûment les chances de retourner sur le marché du travail

[49] La prestataire a établi des conditions personnelles qui pouvaient limiter indûment ses chances de retourner au travail.

[50] Lorsque la prestataire a décidé qu’elle attendrait un rappel à son ancien emploi une fois qu’elle aurait satisfait aux exigences en matière de vaccins de l’employeur, elle a établi une condition personnelle. Elle a éliminé la possibilité d’entreprendre la recherche d’emploi obligatoire. Elle a déclaré que retourner chez son employeur était sa meilleure option parce qu’elle pouvait effectuer le travail, parce qu’il fournissait des mesures d’adaptation pour son invalidité et parce qu’elle ne serait sans emploi que pour une courte période avec une date de retour fixée. Toutefois, ce n’était pas sa seule option.

[51] Je conclus que la prestataire a établi une condition personnelle lorsqu’elle a décidé que retourner à son ancien emploi constituait sa meilleure (et seule) option. Cela a limité indûment ses chances d’obtenir un autre emploi convenable.

Donc, la prestataire était-elle capable de travailler et disponible à cette fin?

[52] Étant donné mes conclusions quant à ces trois éléments, j’estime que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin, et incapable de trouver un emploi convenable.

[53] La prestataire a fait allusion au fait qu’elle ne savait pas qu’elle devait chercher un emploi pour être admissible aux prestations. Elle prétend que l’information concernant les obligations entourant la disponibilité n’est pas clairement communiquée par la Commission. Il existe un lien qui mène à une liste complète de droits et de responsabilités incluse dans la demande initiale de prestations remplie par tous les prestataires. Le fait de ne pas être au courant de ces responsabilités n’est pas une raison suffisante pour accorder des prestations.

[54] La prestataire a également fait valoir qu’elle avait cotisé au programme d’assurance-emploi pendant toute sa vie professionnelle et que, maintenant qu’elle était dans le besoin, on lui refusait des prestations. Le fait d’avoir cotisé au programme d’assurance-emploi ne donne pas droit aux prestations. La disponibilité est l’un des critères d’admissibilité prévus par la loi qui doivent être respectés pour en bénéficier.

Conclusion

[55] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi. Par conséquent, je conclus que la prestataire ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi pour la période qui s’étend du 31 octobre 2021 au 13 décembre 2021.

[56] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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