Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : YW c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 467

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse : Y. W.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 3 mars 2022 (GE-22-191)

Membre du Tribunal : Charlotte McQuade
Date de la décision : Le 3 juin 2022
Numéro de dossier : AD-22-212

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Décision

[1] Je refuse la permission d’en appeler. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Y. W. est la prestataire. Elle a été mise à pied le 11 mars 2021. Elle a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi le 2 août 2021. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a fait commencer sa demande le 1er août 2021. La prestataire a demandé que sa demande soit antidatée au 14 mars 2021, c’est-à-dire qu’elle commence plus tôt. La Commission a rejeté cette demande parce qu’elle a décidé que la prestataire n’avait pas démontré un motif valable justifiant son retard. La prestataire a fait appel de cette décision devant la division générale du Tribunal.

[3] La prestataire a dit à la division générale qu’au départ, elle avait attendu pour demander des prestations d’assurance-emploi parce que son employeur lui avait donné trois semaines de salaire. Elle avait aussi quelques économies et espérait retourner travailler dès que possible. De plus, elle se concentrait à s’occuper de son fils qui faisait ses études en ligne, à déménager et à chercher du travail. La prestataire ignorait qu’il y avait une date limite pour demander des prestations d’assurance-emploi. Elle pensait qu’elle recevrait des versements rétroactifs après sa demande.

[4] La division générale a décidé que la prestataire n’avait pas démontré de motif valable justifiant son retard et que sa demande ne pouvait pas débuter le 14 mars 2021. La prestataire est en désaccord avec la décision de la division générale. Elle souhaite maintenant porter en appel la décision de la division générale devant la division d’appel. Cependant, elle a besoin d’une permission pour que son appel puisse aller de l’avant. La prestataire soutient que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale. 

[5] Je suis convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, donc je refuse la permission d’en appeler.

Question en litige

[6] La prestataire soulève une question en litige principale : peut-on soutenir que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale?

Analyse

[7] La division d’appel a un processus en deux étapes. Premièrement, une partie prestataire doit obtenir la permission d’en appeler. Si la permission est refusée, l’appel s’arrête là. Si la permission est accordée, l’appel passe à la deuxième étape. Celle-ci consiste à décider du bien-fondé de l’appel.

[8] Je dois refuser la permission d’en appeler si je suis convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1. La loi dit que je peux seulement considérer certains types d’erreursNote de bas de page 2. Une chance raisonnable de succès signifie qu’il est possible de soutenir que la division générale a commis au moins une de ces erreursNote de bas de page 3.

[9] Il s’agit d’un critère peu exigeant. Répondre à ce critère ne veut pas nécessairement dire que l’appel sera accueilli.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a omis de respecter l’équité procédurale

[10] Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a omis de respecter l’équité procédurale en arrivant à une conclusion que la prestataire estime injuste. 

[11] Pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi, une personne doit présenter une demande initiale de prestations ainsi que des demandes continues pour chaque semaine de prestationsNote de bas de page 4. Il y a des dates limites pour le dépôt des demandesNote de bas de page 5.

[12] Si une demande initiale est présentée en retard, elle peut être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt. Cependant, la partie prestataire doit prouver qu’elle avait un motif valable justifiant toute la période du retard et qu’elle était admissible au bénéfice des prestations à la date antérieureNote de bas de page 6.

[13] Pour démontrer un motif valable, la loi dit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances similairesNote de bas de page 7. Elle doit aussi démontrer qu’elle a pris des mesures raisonnablement rapides pour comprendre son admissibilité aux prestations et ses obligations aux termes de la loiNote de bas de page 8. Si la partie prestataire ne l’a pas fait, elle doit démontrer qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui l’en ont empêchéeNote de bas de page 9.

[14] Il n’est pas contesté que la demande initiale de la prestataire était tardive. La division générale devait décider si la prestataire avait démontré un motif valable justifiant toute la période du retard, soit du 14 mars 2021 au 2 août 2021.

[15] La division générale a décidé que la prestataire n’avait pas démontré de motif valable justifiant son retard et que sa demande ne pouvait donc pas être établie à compter du 14 mars 2021.

[16] Dans sa demande à la division d’appel, la prestataire a affirmé que la division générale n’avait pas respecté l’équité procédurale, mais elle n’a pas expliqué comment. J’ai donc demandé au Tribunal de lui envoyer une lettre lui demandant d’expliquer en détail ce qui était injuste dans le processus de la division générale. 

[17] La prestataire a répondu par une lettre le 25 mai 2022, mais son explication ne soulève aucunement que la division générale a omis de respecter l’équité procédurale. La prestataire semble plutôt soutenir que la conclusion de la division générale selon laquelle sa demande ne peut pas commencer le 14 mars 2021 est injuste.

[18] Plus précisément, la prestataire a affirmé qu’elle avait décidé de faire appel pour obtenir justice et équité dans sa demande d’assurance-emploiNote de bas de page 10. Elle dit qu’elle a tardé à déposer sa demande parce qu’elle ne voulait pas demander des prestations si elle n’en avait pas besoin et qu’elle espérait pouvoir retourner travailler dans deux ou trois mois. Cependant, cela a pris plus de temps qu’elle le pensait et elle ne s’est pas rendu compte qu’il y avait une date limite pour déposer sa demande.

[19] La prestataire a aussi affirmé qu’elle a subi du stress mental d’avril à juillet 2022. Elle a souligné qu’elle était une mère monoparentale qui prenait soin d’un mineur qui étudiait à la maison. Elle devait aussi s’occuper d’un déménagement et cherchait activement un emploi. La prestataire a dit qu’il y avait des limites à ce qu’elle pouvait faire et que ces activités prenaient tout son temps et son énergie. La prestataire a soutenu que c’était plus que ce qu’une personne ordinaire est capable de gérer, donc elle se questionne au sujet de la définition de « raisonnable » selon la division généraleNote de bas de page 11. 

[20] Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a manqué à l’équité procédurale envers la prestataire. L’équité du résultat n’est pas la même chose qu’un manquement à l’équité procédurale. Je ne peux intervenir dans une question d’équité que si elle concerne la manière dont la division générale a procédé. Par exemple, je peux intervenir si la division générale a fait quelque chose qui aurait pu compromettre la capacité de la prestataire à connaître ou à répondre à la preuve qui pesait contre elle. La prestataire n’a pas soulevé d’injustice de ce type de la part de la division générale et je ne vois aucune preuve d’un manquement à l’équité procédurale.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis d’autres erreurs révisables

[21] Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit, une erreur de fait importante ou une erreur de compétence.

[22] Le droit est bien établi en ce qui concerne les exigences qui doivent être satisfaites pour antidater une demande. La division générale n’a pas mal interprété ou mal appliqué ce droit. La division générale a examiné si la prestataire avait agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans les mêmes circonstances. La division générale a aussi examiné si la prestataire avait pris des mesures raisonnablement rapides pour établir son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi et, si ce n’est pas le cas, s’il y avait des circonstances exceptionnelles qui la dispensaient de cette obligation.

[23] La division générale a compris qu’elle devait décider comment une personne raisonnable et prudente aurait agi dans les circonstances particulières de la prestataire et elle a examiné les circonstances particulières de la prestataire.

[24] Plus précisément, la division générale a reconnu les raisons du retard de la prestataire. Celles-ci étaient que son employeur l’avait payée jusqu’au 31 mars 2021 et qu’elle pensait qu’elle serait sans travail pendant seulement quelques mois. Elle était mère monoparentale d’un fils de 16 ans qui faisait ses études en ligne. Elle déménageait et cherchait du travail. Elle ignorait qu’il y avait une date limite pour présenter une demande et pensait que lorsqu’elle le ferait, les prestations seraient versées rétroactivementNote de bas de page 12.

[25] Cependant, la division générale a conclu qu’une personne raisonnable et prudente dans de telles circonstances aurait fait des démarches pour parler à un agent de Service Canada afin d’examiner les options qui s’offraient à elle dans les deux à quatre semaines après sa mise à pied, surtout si elle était confrontée à la perspective d’épuiser ses économies ou de s’endetter pour survivre entre deux emplois. La division générale a souligné que la prestataire a admis d’elle-même qu’au fil des semaines, elle ne pensait pas qu’il serait nécessaire de demander des prestations d’assurance-emploi si elle était sans travail pendant [traduction] « quelques mois » seulementNote de bas de page 13.

[26] La division générale a aussi conclu que la prestataire n’avait pas pris de mesures raisonnablement rapides pour comprendre ses droits et ses obligations. La division générale a décidé qu’attendre 20 semaines avant de présenter une demande ne constituait pas des mesures raisonnablement rapides, d’autant plus que les semaines passaient et que la prestataire n’a pas été rappelée au travail. La prestataire s’est plutôt fiée à sa supposition non vérifiée qu’elle serait payée rétroactivement si sa demande était tardiveNote de bas de page 14.

[27] La division générale a aussi examiné si le déménagement de la prestataire et le fait qu’elle s’occupait de son fils qui faisait ses études en ligne étaient des circonstances exceptionnelles qui l’auraient dispensée de l’obligation de prendre des mesures raisonnablement rapides pour comprendre ses droits et obligations de demander des prestations d’assurance-emploi. La division générale a reconnu qu’il s’agissait d’expériences stressantes, mais a décidé que celles-ci n’étaient pas des circonstances exceptionnelles parce qu’assumer le rôle de parent et déménager sont des activités normales du cours de la vie et n’auraient pas empêché la prestataire de communiquer avec Service Canada pour connaître ses droits et obligations avant le 2 août 2021.

[28] Je comprends que la prestataire est en désaccord avec la conclusion de la division générale. Elle a répété les mêmes arguments qu’elle avait présentés à la division générale et m’a demandé de tirer une conclusion différente. Cependant, je ne peux pas intervenir dans la conclusion de la division générale lorsqu’elle applique correctement le droit établi aux faitsNote de bas de page 15. Un appel devant la division d’appel du Tribunal n’est pas une nouvelle audience où une partie peut présenter à nouveau ses preuves et ses arguments et demander un résultat différent.

[29] Outre les arguments de la prestataire, j’ai aussi examiné les documents au dossier et écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division généraleNote de bas de page 16. La preuve appuie la décision de la division générale. Je n’ai pas trouvé d’élément de preuve que la division générale aurait pu ignorer ou mal interpréter.

[30] La prestataire n’a pas soulevé d’erreur de compétence et je ne vois rien qui indique qu’une telle erreur se soit produite. La division générale a tranché la question qu’elle devait trancher et n’a pas tranché de questions qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.

[31] La prestataire n’a pas soulevé d’erreurs révisables qui pourraient conférer à son appel une chance raisonnable de succès. 

Conclusion

[32] Je refuse la permission d’en appeler. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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