Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 506

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. N.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (451057) datée du 4 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : John Noonan
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 4 avril 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Témoin de l’appelante

Date de la décision : Le 13 avril 2022
Numéro de dossier : GE-22-585

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Décision

[1] L’appel est rejeté en ce qui concerne la question de la disponibilité et accueilli en ce qui concerne la question de la pénalité.

Aperçu

[2] À la suite de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada, l’appelante, A. N., une travailleuse de l’Ontario, a été avisée qu’elle n’était pas en mesure de recevoir ses prestations d’assurance-emploi à compter du 27 septembre 2020, parce qu’elle ne pouvait pas prouver sa disponibilité pour travailler. Il s’agit en fait d’une condition d’admissibilité aux prestations. Comme il a été conclu que l’appelante a sciemment fait de fausses déclarations, une pénalité non pécuniaire a été imposée. Selon l’appelante, il est injuste qu’elle doive rembourser des prestations, parce que sa demande a été accueillie et qu’elle ne savait pas qu’elle devait chercher un emploi et être disposée à l’accepter (voir les pages GD3‑163, GD3‑164 et GD3‑167 du dossier d’appel). Le Tribunal de la sécurité sociale doit décider si l’appelante a prouvé sa disponibilité au titre des articles 18 et 50 de la Loi sur l’assurance-emploi et des articles 9.001 et 9.002 du Règlement sur l’assurance-emploi, et si l’avis de violation émis en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi doit être maintenu.

Questions en litige

[3] Question en litige no 1 : L’appelante était-elle disponible pour travailler?

Question en litige no 2 : L’appelante faisait-elle des démarches habituelles et raisonnables pour obtenir un emploi?

Question en litige no 3 : L’appelante a‑t‑elle établi des conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail?

Question en litige no 4 : L’appelante a-t-elle fait de fausses déclarations, soit en fournissant sciemment des renseignements faux ou trompeurs à la Commission, soit en retenant des renseignements exacts, ce qui devrait entraîner une pénalité en vertu de l’article 38 de la Loi sur l’assurance-emploi et un trop-payé à l’égard de cette demande? Dans l’affirmative, l’avis de violation émis en vertu de la loi doit-il être maintenu?

Analyse

[4] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites au document GD4.

[5] Pour être considérée comme disponible pour travailler, la partie prestataire doit : a) avoir le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert; b) exprimer ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable; et c) ne pas établir de conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. Ces trois facteurs doivent être pris en compte pour rendre une décision (voir les décisions Faucher, A‑56‑96 et Faucher, A‑57‑96).

[6] Voir la décision Canada (Procureur général) c Kaur, 2007 CAF 287.La décision de la Commission peut être modifiée seulement si celle-ci a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon non judiciaire ou si elle a agi de façon abusive ou arbitraire sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance (voir la décision Canada (Procureur général) c Tong, 2003 CAF 281). Le pouvoir discrétionnaire est exercé de façon non judiciaire si le décideur a agi de mauvaise foi, dans un but ou un motif inapproprié, s’il a tenu compte d’un facteur non pertinent ou a ignoré un facteur pertinent, ou s’il a agi de façon discriminatoire (voir la décision Canada (Procureur général) c Purcell, A‑694‑94).

Question en litige no 1 : L’appelante était-elle disponible pour travailler?

[7] Non.

[8] Selon ses déclarations et ses observations, l’appelante ne cherchait pas à travailler à temps plein parce qu’elle était à la maison pour s’occuper de son fils, qui était trop jeune pour être vacciné, et qu’il y avait très peu de services de garde disponibles dans sa région.

[9] Toutefois, l’appelante a déclaré que lorsque les entreprises ont fermé leurs portes en raison de la pandémie, elle a reçu la Prestation canadienne d’urgence, qui est devenue une prestation régulière d’assurance-emploi.

[10] En tant qu’éducatrice de la petite enfance, l’appelante avait peu de possibilités d’emploi dans son domaine en raison des fermetures.

[11] Elle a posé sa candidature à trois postes en juin 2020 et a participé à un entretien pour l’un d’eux, mais n’a pas reçu d’offre d’emploi.

[12] Elle a déclaré qu’elle devait être vaccinée pour retourner chez son ancien employeur.

[13] Elle est devenue très stressée en juillet 2021 lorsque son père est décédé. Elle a dû refuser un emploi parce qu’elle n’était pas prête à retourner sur le marché du travail. Elle a informé son employeur qu’elle communiquerait avec lui lorsqu’elle se sentirait prête.

[14] Entre-temps, sa famille a emménagé dans une nouvelle maison, et l’appelante a été laissée à elle-même, car son époux devait faire face à une urgence familiale. Une fois le déménagement terminé en septembre 2021, l’appelante a cherché un emploi et a commencé à travailler peu après.

[15] J’estime que les actions ou l’absence d’actions de la part de l’appelante au cours de la période en question ne démontrent pas un désir sincère de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable à temps plein est offert.

Question en litige no 2 : L’appelant faisait-il [sic] des démarches habituelles et raisonnables pour obtenir un emploi?

[16] Non.

[17] Selon ses observations et son témoignage à l’audience, l’appelante n’a pas effectué de recherche d’emploi exhaustive au cours de la période en question.

[18] Les observations de l’appelante et son témoignage à l’audience précisent qu’elle n’a fait aucune démarche continue pour obtenir un emploi pendant cette période, à l’exception de trois demandes d’emploi qu’elle a présentées en juin 2020.

[19] La Cour fédérale a déclaré qu’une recherche d’emploi exhaustive et continue est une condition d’admissibilité aux prestations d’assurance-emploi, même si une telle recherche semble futile.

[20] La Cour a conclu que « le fardeau qui incombe à la partie prestataire de prouver sa disponibilité constitue une exigence légale dont une partie prestataire ne peut faire abstraction. Afin d’obtenir des prestations d’assurance-emploi, une partie prestataire doit chercher activement un emploi convenable, même s’il lui semble raisonnable de ne pas le faire. » Voir les décisions Canada (Procureur général) c Cornelissen‑O’Neil, A‑652‑93 et De Lamirande c Canada (Procureur général), 2004 CAF 311.

[21] Je juge que l’appelante n’a pas démontré qu’elle faisait des démarches habituelles et raisonnables pour obtenir un emploi convenable.

Question en litige no 3 : L’appelante a‑t‑elle établi des conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail?

[22] Oui.

[23] Encore une fois, les observations de l’appelante et son témoignage à l’audience précisent qu’elle n’a fait aucune démarche continue pour obtenir un emploi.

[24] L’appelante a décidé de rester à la maison pour s’occuper de son fils. L’appelante, son témoin et son époux ont mentionné que le premier ministre a demandé à toutes les personnes de rester à la maison pour freiner la propagation de la COVID-19. Cela s’appliquait évidemment aux personnes qui pouvaient travailler à distance et qui n’avaient pas à quitter leur maison inutilement.

[25] L’appelante, comme l’a attesté son époux, a choisi de rester à la maison pour s’occuper de son fils. Il s’agissait d’un choix personnel.

[26] L’appelante a fait valoir qu’elle comprenait qu’elle était censée chercher un emploi pendant la période où elle recevait des prestations d’assurance-emploi. Toutefois, elle a décidé de rester à la maison et de ne pas faire de recherche d’emploi continue, encore une fois en raison d’une restriction personnelle.

[27] J’estime que l’appelante a établi des conditions personnelles qui ont limité indûment ses chances de trouver et d’accepter un emploi à temps plein, une condition d’admissibilité aux prestations.

[28] En soi, une simple déclaration de disponibilité ne suffit pas pour s’acquitter du fardeau de la preuve (voir les décisions CUB 18828 et 33717).

[29] J’estime que l’appelante, par ses observations et ses actions, ne s’est pas acquittée du fardeau de prouver qu’elle était effectivement disponible pour travailler durant la période en question.

Question en litige no 4 : L’appelante a-t-elle fait de fausses déclarations, soit en fournissant sciemment des renseignements faux ou trompeurs à la Commission, soit en retenant des renseignements exacts, ce qui devrait entraîner une pénalité en vertu de l’article 38 de la Loi sur l’assurance-emploi et un trop-payé à l’égard de cette demande? Dans l’affirmative, l’avis de violation émis en vertu de la loi doit-il être maintenu?

[30] L’appelante a admis qu’elle n’était pas disponible pour travailler parce qu’elle avait choisi de rester à la maison pour s’occuper de son fils. Elle savait qu’elle devait chercher activement un emploi, mais elle a choisi de ne pas le faire.

[31] Encore une fois, l’appelante n’a pas indiqué son indisponibilité dans ses déclarations bimensuelles.

[32] L’appelante a lu et a mentionné à la Commission qu’elle ne comprenait pas ses droits et ses obligations concernant sa demande de prestations. L’une de ces obligations était de déclarer toute période où elle n’était pas disponible pour travailler. La Commission a accepté le raisonnement de l’appelante concernant cette question et a infirmé sa décision d’imposer une pénalité.

[33] Je juge que la Commission a rendu sa décision de façon judiciaire, car toutes les circonstances pertinentes ont été prises en compte lorsqu’elle a choisi de ne pas imposer la pénalité non pécuniaire.

[34] La Cour d’appel fédérale a confirmé le principe selon lequel la Commission a le pouvoir discrétionnaire exclusif d’imposer une pénalité en vertu de l’article 38 de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a en outre réitéré qu’aucune cour ni aucun juge‑arbitre ou tribunal n’a le droit de s’ingérer dans une décision de la Commission à propos de la pénalité, à condition que la Commission puisse prouver qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire « de façon judiciaire ». Autrement dit, la Commission doit démontrer qu’elle a agi de bonne foi en tenant compte de tous les facteurs pertinents et en ignorant tout facteur non pertinent (voir les décisions Canada (Procureur général) c Uppal, 2008 CAF 388 et Canada (Procureur général) c Tong, 2003 CAF 281).

[35] J’estime que l’appelante a démontré que ses actions pourraient avoir été interprétées en faveur de son innocence lorsqu’elle a omis de divulguer les renseignements exacts concernant sa disponibilité alors qu’elle recevait des prestations. Par conséquent, la violation doit, comme la Commission l’a précisé, être annulée.

[36] Selon l’appelante, [traduction] « il est injuste qu’elle doive rembourser des prestations, parce que sa demande a été accueillie et qu’elle ne savait pas qu’elle devait chercher un emploi et être disposée à l’accepter ».

[37] Bien que la demande de l’appelante ait été accueillie, le versement continu des prestations était fondé sur les réponses aux questions figurant dans ses déclarations bimensuelles. À chacune des questions, elle a répondu qu’elle était disponible pour travailler alors qu’en fait, il a été démontré qu’elle ne l’était pas. Son inadmissibilité, et donc le trop-payé, sont dus au fait qu’elle n’était pas disponible pour travailler alors qu’elle a affirmé le contraire.

[38] L’appelante s’attendait à ce que le Tribunal puisse annuler le trop-payé. Toutefois, il s’agit d’une décision que seule la Commission peut rendre. Le Tribunal n’a pas compétence en la matière. La décision de la Commission à ce sujet ne peut pas faire l’objet d’un appel devant le Tribunal. Seule la décision de la Commission ayant entraîné le trop-payé est assujettie à une révision au titre de l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi. La responsabilité de la partie prestataire de rembourser un trop‑payé et les intérêts imputés sur un trop-payé ne peuvent faire l’objet d’une révision parce qu’il ne s’agit pas de décisions rendues par la Commission. De plus, la responsabilité de la partie prestataire est celle d’un « débiteur » plutôt que celle d’une « partie prestataire ». Le recours de la partie prestataire à l’égard de ces questions consiste à demander un contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale.

[39] Je n’ai pas le pouvoir de réduire ou de radier le trop-payé. Le Tribunal n’a pas compétence pour trancher des questions relatives à la réduction ou à la radiation d’une dette. C’est à la Commission que revient un tel pouvoir.

[40] L’appelante demande que le trop-payé soit effacé. Je suis d’accord avec la position énoncée par la Commission et je note que la loi stipule que sa décision concernant la radiation d’un montant dû ne peut être portée en appel devant le Tribunal. Cela signifie que je ne peux pas trancher les questions relatives à une demande de radiation ou de réduction d’un trop-payé.

[41] La Cour fédérale a compétence pour instruire un appel concernant une question de radiation. Cela signifie que si la prestataire souhaite faire appel de sa demande de radiation du trop-payé, elle doit s’adresser à la Cour fédérale.

[42] Enfin, je ne vois aucune preuve dans le dossier que la Commission a informé l’appelante au sujet du programme d’annulation des dettes de l’Agence du revenu du Canada. Si le remboursement immédiat du trop-payé au titre de l’article 44 de la Loi sur l’assurance-emploi cause des difficultés financières, l’appelante peut appeler le Centre d’appels de la gestion des créances de l’Agence en composant le 1‑866‑864‑5823. Elle pourrait être en mesure de prendre d’autres modalités de remboursement en fonction de sa situation financière personnelle.

[43] Ni le Tribunal ni la Commission n’ont le pouvoir, qu’il soit discrétionnaire ou non, de déroger à des dispositions législatives et à des conditions qui sont claires et imposées par la Loi sur l’assurance-emploi ou le Règlement sur l’assurance-emploi, pas même pour des raisons financières, d’équité ou de compassion, ou des circonstances atténuantes.

Conclusion

[44] Après avoir dûment tenu compte de toutes les circonstances, je conclus que l’appel est rejeté concernant la question de la disponibilité et accueilli concernant la question de la pénalité.

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