Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 475

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. H.
Représentante ou représentant : Alberta Carey
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (448058) datée du 17 janvier 2022 communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Angela Ryan Bourgeois
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date d’audience : Le 3 mai 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
La personne qui représente l’appelante
Date de la décision : Le 6 mai 2022
Numéro de dossier : GE-22-755

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Décision

[1] Je rejette l’appel. L’appelante (prestataire) n’a pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi, car sa démission n’était pas la seule solution raisonnable. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[2] Une personne qui quitte volontairement son emploi sans justification est exclue du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas page 1. Autrement dit, la Commission de l’assurance-emploi du Canada ne peut pas lui verser de prestations.

[3] La prestataire est une éducatrice de la petite enfance. Elle a quitté son emploi à temps plein dans un service de garde le 10 septembre 2021, après avoir reçu une offre d’emploi occasionnel au conseil scolaire à titre d’enseignante de prématernelle. Toutefois, elle n’a pas été appelée pour travailler. Elle a donc fait une demande de prestations le 28 septembre 2021.

[4] La Commission a refusé de verser des prestations à la prestataire puisqu’elle avait quitté volontairement son emploi en service de garde sans justification.

[5] La Commission soutient que l’appelante a pris une décision personnelle de quitter un emploi permanent à temps plein pour un autre qui ne lui offrait aucune garantie d’heures de travail. La Commission reconnait que l’appelante a fait des efforts louables pour progresser, mais affirme qu’en prenant cette décision personnelle, elle s’est consciemment placée en chômage. Selon la Commission, cette situation ne constitue pas une justification aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.

[6] La prestataire est en désaccord. Elle dit ne pas avoir pris sa décision à la légère. Après 10 ans en service de garde, son anxiété devenait plus apparente. Elle a postulé au poste d’enseignante de prématernelle parce que c’était une occasion de faire progresser sa carrière. Ce poste offrait un salaire plus élevé, une affiliation syndicale et de meilleures heures de travail. Quand elle a quitté son emploi, la prestataire pensait que le poste en prématernelle serait presqu’à temps plein.

Question en litige

[7] Je dois décider si la prestataire a quitté son emploi volontairement et, si oui, si elle avait une justification pour sa démission. Sans justification, elle est exclue du bénéfice des prestations, et la Commission ne peut pas lui verser de prestations.

Analyse

La prestataire a quitté volontairement son emploi

[8] J’estime que la prestataire a volontairement quitté son emploi. La prestataire dit avoir démissionné le 10 septembre 2021. Aucune preuve ne la contredit.

Qu’est-ce que signifie être fondé à quitter un emploi?

[9] Selon la loi, une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas page 2. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ est justifié.

[10] Pour démontrer qu’elle était fondée à quitter son emploi, la prestataire doit prouver que quitter son emploi était la seule solution raisonnable à ce moment, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas page 3. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’il est plus probable qu’improbable que son départ était la seule solution raisonnable.

Quelles étaient les circonstances au moment de son départ?

Autre emploi

[11] Je dois décider si la prestataire avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiatNote de bas page 4.

[12] J’estime que la prestataire avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat. On ne peut contester le fait qu’elle a obtenu un poste occasionnel d’enseignante de prématernelle au conseil scolaire avant de quitter son emploi en service de gardeNote de bas page 5.

[13] Je dois aussi déterminer ce que la prestataire savait à propos de son nouveau poste quand elle a décidé de quitter son emploi en service de garde. Elle savait ce qui suit :

  • Il s’agissait d’un poste occasionnel. La prestataire dit que tous les postes au conseil scolaire débutent ainsi.
  • Elle aurait probablement moins d’heures de travail qu’au service de garde, ce qu’elle a déclaré dans son formulaire de demande ainsi qu’à l’audienceNote de bas page 6.
  • Elle savait qu’il n’y avait pas de garantie d’heures de travail, mais pensait qu’elle pourrait travailler quelques jours par semaine.
  • Il était possible que le conseil scolaire étende le programme de prématernelle. Elle aurait alors plus de chances de décrocher un poste permanent dans l’avenir.
  • Elle serait en chômage durant l’été.

[14] Même si la prestataire savait qu’elle aurait probablement moins d’heures de travail, elle croyait que les perspectives à long terme étaient plus favorables au conseil scolaire. Voici quelques avantages du nouveau poste :

  • un salaire plus élevé;
  • une affiliation syndicale;
  • une préférence pour un poste permanent (avec assurance pour soins médicaux et dentaires);
  • le même horaire que l’école de sa fille;
  • une possibilité de promotion (comme enseignante principale).

[15] Il s’est avéré que la prestataire a eu moins d’heures de travail que prévu. Elle n’as pas été appelée pour travailler avant octobre 2021Note de bas page 7. Les politiques et les fermetures de l’école durant la pandémie ont eu des répercussions sur ses heures de travail.

Trouble anxieux et emploi en service de garde

[16] Je dois aussi tenir compte du trouble anxieux de la prestataire.

[17] La prestataire soutient que son emploi en service de garde augmentait son anxiété. Elle était stressée de devoir à la fois réaliser des tâches administratives et s’occuper des enfants. Elle était insatisfaite de son emploi. Elle se sentait découragée par l’absence de possibilité de promotion, puisqu’elle était déjà au niveau le plus haut.

[18] Elle a déclaré qu’elle n’était pas en recherche d’emploi, mais lorsqu’elle a vu le poste en prématernelle, elle a décidé de postuler.

[19] Maintenant, je dois décider si le départ de la prestataire de son emploi en service de garde était la seule solution raisonnable dans les circonstances.

Le départ de la prestataire n’était pas la seule solution raisonnable

[20] La prestataire avait plusieurs bonnes raisons de quitter son emploi en service de garde. Cependant, ses raisons ne constituent pas une justification aux termes de la loi.

[21] La prestataire fait de l’anxiété et était insatisfaite de son poste lorsqu’elle l’a quitté. Toutefois, elle n’a pas montré qu’il existait aucune autre solution à son départ au moment en question. Elle n’avait pas parlé de la situation à son employeur, et n’était pas à la recherche d’un autre emploi.

[22] Je reconnais que le poste en prématernelle présentait des avantages pour la prestataire. Je reconnais qu’accepter le poste occasionnel plaçait probablement la prestataire en bonne position pour un emploi permanent. Cependant, quitter un poste permanent à temps plein pour un poste occasionnel sans heures de travail garanties ne confère pas de justification à la prestataire.

[23] Quand la prestataire a quitté son emploi, elle risquait de se retrouver en chômage. La pandémie a peut-être réduit le nombre de jours où elle a été appelée à travailler, mais cette pandémie n’était pas une nouveauté. En septembre 2021, il était raisonnable de s’attendre à des fermetures d’école, à l’apprentissage à domicile et à des restrictions empêchant le personnel enseignant de travailler dans plus d’une école. Ces paramètres ont augmenté le risque pour la prestataire de se retrouver sans emploi.

[24] Je sais que la prestataire n’a pas pris à la légère sa décision de quitter son emploi, mais elle a tout de même décidé de prendre le risque d’un emploi occasionnel sans garantie d’heures de travail. C’était une décision personnelle.

[25] Je dois suivre la loi même si le résultat peut sembler sévère. Selon la Cour fédérale, s’il est légitime pour une employée de vouloir améliorer son sort en changeant d’employeur ou la nature de son travail, elle ne peut faire supporter le coût de cette décision par toutes les personnes qui contribuent à la caisse de l’assurance-emploiNote de bas page 8.

[26] Compte tenu des circonstances au moment où la prestataire a quitté son emploi, son départ n’était pas la seule solution raisonnable au moment de sa démission. Elle aurait pu garder son poste permanent à temps plein, parler de ses préoccupations à son employeur et chercher un autre poste plus sûr.

Conclusion

[27] Puisque son départ n’était pas la seule solution raisonnable, la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi. Elle avait bien sûr de bonnes raisons, mais les circonstances ne lui permettent pas de recevoir des prestations. Elle est donc exclue du bénéfice des prestations.

[28] L’appel est rejeté.

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