Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 513

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. S.
Représentant : S. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (446758) datée du 17 janvier 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Teresa M. Day
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 5 avril 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 7 avril 2022
Numéro de dossier : GE-22-532

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante n’est pas admissible aux prestations de maladie de l’assurance‑emploi du 14 septembre 2021 au 9 janvier 2022 parce qu’elle était à l’étranger.

Aperçu

[3] L’appelante travaille comme administratrice chez X à Vancouver, en Colombie‑Britannique. Son travail consiste à planifier les services de santé et les soins infirmiers pour les patients de X. Elle a pris un congé de maladie prolongé à compter du 28 février 2021 afin de se rendre en Inde pour un traitement de fécondation in vitro (FIV).

[4] Le 14 septembre 2021, alors qu’elle se trouvait en Inde, elle a demandé des prestations de maladie parce qu’elle était tombée malade et ne pouvait pas retourner au Canada. Elle était enceinte de jumeaux, mais éprouvait des complications de grossesse et son état de santé se détériorait. Son médecin en Inde lui a dit qu’elle ne pouvait pas prendre l’avion en raison du risque élevé de fausse couche. Elle a été admise à l’hôpital et on lui a prescrit un repos complet au lit. La Commission a décidé qu’elle n’était pas admissible aux prestations parce qu’elle était à l’étranger et qu’elle n’a pas prouvé qu’elle aurait été disponible pour travailler si elle n’avait pas été malade.

[5] L’appelante a demandé à la Commission de réviser sa décision. Elle a expliqué qu’elle s’était rendue en Inde pour suivre un traitement de FIV parce qu’il était moins coûteux de le faire là-bas qu’à Vancouver. Elle a également présenté des courriels montrant qu’elle était restée en contact avec son employeur pendant son séjour en Inde et qu’elle avait la ferme intention de reprendre son travail dès qu’elle en serait capable.

[6] La Commission a cependant maintenu sa décision concernant l’inadmissibilité de l’appelante. Elle a affirmé que l’appelante n’avait pas fourni de certificat médical d’un médecin canadien confirmant que le traitement médical n’était pas immédiatement disponible au CanadaNote de bas de page 1 et qu’elle n’avait pas prouvé qu’elle aurait été disponible pour travailler si elle n’avait pas été maladeNote de bas de page 2. L’appelante a fait appel de cette décision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[7] L’appelante a fait une fausse couche en Inde le 12 décembre 2021 et est revenue au Canada par la suite. Elle demande au Tribunal d’approuver sa demande de prestations de maladie du 14 septembre 2021 au 9 janvier 2022Note de bas de page 3.

Question en litige

[8] L’appelante est-elle admissible à des prestations de maladie dans le cadre de sa demande?

Analyse

[9] La loi précise de façon claire et nette que les prestataires ne sont pas admissibles aux prestations pour toute période passée à l’étrangerNote de bas de page 4, à moins qu’une des exceptions prévues par la loi ne s’appliqueNote de bas de page 5.

[10] Il y a une exception pour les traitements médicaux, mais elle est limitée. Elle prévoit qu’une partie prestataire peut recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant qu’elle est à l’étranger si le voyage a pour but précis de subir un traitement médical qui n’est pas immédiatement ou promptement disponible au CanadaNote de bas de page 6.

[11] L’appelante invoque l’exception pour les traitements médicaux. Cela signifie qu’elle doit prouver que le traitement médical pour lequel elle s’est rendue en Inde n’est pas disponible au CanadaNote de bas de page 7.

[12] Si l’appelante répond à l’exception pour les traitements médicaux, elle doit alors démontrer qu’elle aurait été disponible pour travailler si elle n’avait pas été maladeNote de bas de page 8.

[13] L’appelante ne peut recevoir les prestations de maladie qu’elle a demandées que si elle répond à l’exception pour les traitements médicaux ET qu’elle prouve que sa maladie était la seule raison pour laquelle elle n’était pas disponible pour travailler.

Question en litige no 1 : L’appelante répond-elle à l’exception pour les traitements médicaux?

[14] Pour satisfaire à l’exception pour les traitements médicaux, l’appelante doit prouver qu’elle s’est rendue en Inde à la demande d’un médecin pour subir un traitement médical qui n’était pas immédiatement ou promptement disponible au CanadaNote de bas de page 9.

[15] Les mots « immédiatement disponible » doivent être interprétés comme étant immédiatement disponible dans le contexte réel du système de santé du CanadaNote de bas de page 10.

[16] L’appelante reconnaît que le traitement de FIV est immédiatement et promptement disponible au Canada, mais elle dit qu’elle avait des raisons valables de se rendre en Inde pour en suivre un.

[17] Voici le témoignage que l’appelante a livré à l’audienceNote de bas de page 11 :

  • Elle a fait une fausse couche en 2015. Ses médecins n’ont pas été en mesure d’en établir les causes. Depuis, elle a suivi de multiples traitements de fertilité au Canada qui n’ont pas fonctionné. Ses médecins ne lui ont jamais expliqué pourquoi. Ces événements l’ont amenée à perdre confiance dans les services de fertilité au Canada.
  • Son beau-frère connaissait un médecin en Inde qui examinerait les raisons pour lesquelles elle n’arrivait pas à tomber enceinte.
  • La FIV était également disponible en Inde à un coût beaucoup plus raisonnable qu’au Canada.
  • Son mari et elle ne voulaient pas attendre deux ans pour épargner en vue d’une FIV au Canada, alors que celle-ci était bien moins coûteuse en Inde.
  • De plus, la FIV au Canada [traduction] « a un taux de réussite de 70 % », mais en Inde, il est [traduction] « nettement supérieur à 70 % ». Il s’est avéré que les deux fois où elle a suivi un traitement de FIV en Inde, elle est tombée enceinte. L’établissement [traduction] « n’était peut-être pas le meilleur », mais ils estimaient qu’il [traduction] « garantissait » un taux de réussite plus élevé.
  • Malheureusement, elle a eu des complications de grossesse pendant son séjour en Inde, a dû être hospitalisée et a finalement fait une fausse couche.

[18] Je suis très sensible à la situation et aux expériences de l’appelante. Il est compréhensible qu’elle ait été dévastée par les résultats de ses traitements de FIV en Inde.

[19] Toutefois, elle n’a pas prouvé qu’elle s’était rendue en Inde dans le but de recevoir un traitement médical qui n’était pas immédiatement ou promptement disponible au Canada.

[20] Il ne fait aucun doute que le traitement de FIV est immédiatement et promptement disponible à Vancouver, sa région de résidence au Canada. Les différences de traitement et de coût ne sont pas pertinentes pour décider si le traitement médical est disponible ou non au CanadaNote de bas de page 12.

[21] De plus, l’appelante doit avoir quitté le Canada pour recevoir des traitements médicaux qui ne sont pas disponibles ici, et non être tombée malade pendant son absenceNote de bas de page 13.

[22] Cela signifie qu’elle ne répondait pas à l’exception pour traitements médicaux et qu’elle n’est donc pas admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant son séjour en Inde.

[23] Comme l’appelante ne répond pas à une exception à la règle selon laquelle les prestataires ne peuvent pas recevoir de prestations d’assurance-emploi pour toute période passée à l’étranger, elle ne peut pas recevoir de prestations de maladie du 14 septembre 2021 au 9 janvier 2022 parce qu’elle était à l’étranger pendant cette période.

Question en litige no 2 : Disponibilité pour travailler

[24] La loi dit que les prestataires ne sont pas admissibles aux prestations pour toute période passée à l’étranger, à moins qu’une des exceptions prévues par la loi ne s’applique.

[25] De plus, une partie prestataire ne peut invoquer une exception que si elle peut également démontrer qu’elle était disponible pour travaillerNote de bas de page 14 (ou, dans le cas des prestations de maladie, qu’elle aurait été disponible pour travailler n’eût été de sa maladie ou de sa blessure) pendant qu’elle était à l’étranger.

[26] L’appelante ne répond pas à l’exception pour les traitements médicaux, et, par conséquent, je n’ai pas à décider si elle a prouvé sa disponibilité pour travailler aux fins des prestations de maladie.

[27] Toutefois, l’appelante a livré un témoignage passionné et émotif pour réfuter la décision de la Commission selon laquelle elle n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler. Je vais donc résumer son témoignage et analyser sa disponibilité pour travailler afin de reconnaître les efforts qu’elle a déployés pour communiquer avec son employeur pendant qu’elle était en Inde.

[28] L’appelante a livré le témoignageNote de bas de page 15 suivant :

  • Son intention était d’aller en Inde pour un traitement de FIV, de tomber enceinte, puis de revenir au Canada et de travailler jusqu’à environ un mois avant la date prévue de son accouchement, après quoi elle demanderait des prestations de maternité et des prestations parentales de l’assurance-emploi.
  • Son employeur ne lui a pas permis de travailler à distance depuis l’Inde, mais lui a dit qu’elle pourrait revenir au travail à son retour au Canada.
  • Elle a pris un congé de maladie prolongé à compter du 28 février 2021, mais a communiqué régulièrement par courriel avec son employeur tout au long de son congé pour lui donner des nouvelles sur ses traitements et ses projets de retour au Canada.
  • Elle a produit des copies de ces échanges de courrielsNote de bas de page 16. Ceux-ci prouvent qu’elle avait l’intention de revenir au Canada le plus tôt possible et de retourner au travail.
  • Cependant, elle a eu des complications de grossesse en septembre 2021. Son médecin lui a dit qu’il était trop risqué pour elle de rentrer au Canada par avion.
  • Elle a demandé des prestations de maladie le 14 septembre 2021 parce qu’elle était malade et qu’elle ne pouvait pas revenir au Canada.
  • Pendant tout le temps qu’elle a été malade en Inde, elle voulait revenir au Canada et travailler.
  • La seule raison pour laquelle elle n’a pas pu revenir au Canada et reprendre son travail est que son médecin a dit qu’elle ferait une fausse couche si elle tentait de rentrer au pays par avion. Elle a fourni un certificat médical pour le prouverNote de bas de page 17.

[29] La jurisprudence établit trois éléments que je dois examiner pour décider si une personne est disponible pour travailler. La personne doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 18 :

  1. a) qu’elle voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable était offert;
  2. b) qu’elle a fait des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. c) qu’elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est‑à‑dire trop) ses chances de retourner au travail.

[30] Pour ce qui est des prestations de maladie, l’appelante n’a pas à démontrer qu’elle était effectivement disponible pour travailler. Elle doit démontrer qu’elle aurait été en mesure de satisfaire aux exigences liées à ces trois éléments si elle n’avait pas été malade.

[31] Autrement dit, l’appelante doit démontrer que sa maladie est la seule raison pour laquelle elle ne pouvait pas retourner au travail entre le 14 septembre 2021 et le 9 janvier 2022.

[32] Je n’ai aucune hésitation à conclure que l’appelante a satisfait aux deux premières exigences. Je juge que son témoignage passionné à l’audience et ses communications par courriel prouvent clairement qu’elle souhaitait retourner au travail le plus tôt possible et qu’elle a déployé des efforts pour protéger et maintenir sa relation d’emploi avec X.

[33] Son problème concerne la troisième exigence. La Commission a souligné à juste titre que sa maladie n’était pas la seule raison pour laquelle elle ne pouvait pas retourner au travail. Il y avait aussi le fait qu’elle se trouvait en Inde et qu’elle était incapable de faire son travail de là-bas ou de revenir au Canada pour reprendre son emploi. Elle avait manifestement des raisons personnelles valables de rester en Inde. Toutefois, son absence du Canada entre le 14 septembre 2021 et le 9 janvier 2022 était une condition personnelle qui aurait limité indûment ses chances de retourner au travail si elle n’avait pas été malade.

[34] Comme l’appelante n’a pas satisfait aux trois éléments, elle n’a pas prouvé qu’elle aurait été disponible pour travailler même si elle n’avait pas été malade entre le 14 septembre 2021 et le 9 janvier 2022.

[35] Cela signifie qu’elle ne serait pas admissible aux prestations de maladie de l’assurance-emploi même si elle avait répondu à l’exception pour les traitements médicaux.

Conclusion

[36] L’appelante n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’elle était à l’étranger et qu’elle n’a pas prouvé qu’elle répond à l’une des exceptions prévues à l’article 55(1) du Règlement sur l’assurance-emploi.

[37] L’appel est rejeté.

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