Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 508

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (441860) datée du 20 janvier 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Paul Dusome
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 28 mars 2022
Personne présente à l’audience : Appelante

Date de la décision : Le 29 mars 2022
Numéro de dossier : GE-22-513

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

Aperçu

[2] La prestataire a fait une demande de prestations régulières d’assurance-emploi le 10 janvier 2021, après avoir été mise à pied temporairement par son employeur. Elle est retournée travailler le 30 janvier 2021. La prestataire était membre d’un syndicat. Le syndicat a entamé une action de grève le 1er mai 2021. La prestataire était en vacances à ce moment-là. La grève a pris fin le 19 mai 2021. La prestataire est retournée travailler le 25 mai 2021. La Commission a décidé qu’elle n’aurait pas dû verser de prestations d’assurance-emploi pendant la grève, car la prestataire a perdu son travail en raison d’un conflit collectif. L’inadmissibilité a commencé le 3 mai 2021 et s’est terminée le 18 juin 2021.

[3] La Commission affirme que la prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi, car elle était en arrêt de travail en raison d’une grève. Elle ne remplissait pas les conditions requises pour bénéficier d’une exemption de la règle.

[4] La prestataire affirme qu’elle ne savait pas qu’elle n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi en raison de la grève. Cela n’est pas juste. Le gouvernement devrait soutenir les travailleuses et travailleurs pendant une grève. Elle est une mère célibataire et n’a pas les moyens de rembourser les prestations qu’elle a reçues. Elle a cotisé à l’assurance-emploi et payé des impôts au fil des ans.

Questions en litige

[5] La prestataire était-elle inadmissible aux prestations d’assurance-emploi en raison d’une grève?

[6] La prestataire était-elle exemptée de l’inadmissibilité?

[7] L’inadmissibilité a-t-elle été suspendue?

[8] La prestataire peut-elle obtenir gain de cause en fonction des raisons pour lesquelles elle fait appel?

Analyse

[9] La Commission peut imposer une inadmissibilité à une partie prestataire si quatre conditions sont remplies : 1) la perte d’un emploi ou l’incapacité de reprendre l’emploi; 2) à cause d’un arrêt de travail, 3) qui est attribuable à un conflit collectif, 4) dans le lieu où la partie prestataire exercerait son emploi. Le terme « conflit collectif » inclut les grèves et les fermetures des installations. L’inadmissibilité dure jusqu’à la fin de l’arrêt de travail ou jusqu’à ce que la partie prestataire occupe un autre emploi assurableNote de bas page 1. L’arrêt de travail prend fin lorsque deux conditions sont remplies. Premièrement, le nombre d’employés présents au travail doit représenter au moins 85 % du niveau normal. Deuxièmement, la production de l’usine doit atteindre 85 % de son niveau normalNote de bas page 2. Ce Règlement est en vigueur et permet à la Commission de déterminer quand l’arrêt de travail a pris finNote de bas page 3.

[10] Il existe une exemption à l’inadmissibilité. La partie prestataire doit prouver qu’elle ne « participe pas au conflit collectif qui a causé l’arrêt de travail, qu’ [elle] ne le finance pas et qu’ [elle] n’y est pas directement intéressé.Note de bas page 4 » Pour tirer profit de cette exemption, la personne qui fait appel doit démontrer qu’elle ne fait pas l’une des trois choses suivantes : participer au conflit collectif, le financer ou y être directement intéresséeNote de bas page 5.

[11] L’inadmissibilité peut être suspendue dans des circonstances limitéesNote de bas page 6. Cette suspension ne s’applique que si la partie prestataire remplit deux conditions. Premièrement, la partie prestataire est autrement admissible à des prestations spéciales (comme des prestations de maladie) ou à des prestations de formation pendant qu’elle suit un cours approuvé par la Commission. Deuxièmement, avant la grève, la prestataire avait prévu de s’absenter du travail pour bénéficier de prestations spéciales ou de prestations de formation, et avait commencé à prendre des dispositions pour s’absenter. La suspension ne dure que tant que la prestataire continue à remplir les deux conditions.

La prestataire était-elle inadmissible aux prestations d’assurance-emploi en raison d’une grève?

[12] La prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle était en grève.

[13] La prestataire travaillait à temps plein dans une usine de pâtisserie. Elle était membre du syndicat qui la représentait ainsi que d’autres employés. Elle versait des cotisations syndicales, déduites de ses chèques de paye.

[14] Le syndicat a donné un préavis de grève à l’employeur. La grève a commencé le samedi 1er mai 2021. De ce fait, la prestataire et ses collègues de travail ont cessé de travailler dans l’établissement de l’employeur. L’employeur et le syndicat ont conclu un accord de principe le 19 mai 2021. Les membres du syndicat ont ratifié l’accord le jour suivant. Le travail a repris le lundi 24 mai 2021. La prestataire est retournée travailler le 25 mai 2021. Au total, 85 % des employés en grève avaient repris le travail le 8 juin 2021. L’employeur a atteint 85 % de la production d’avant la grève le 19 juin 2021.

[15] J’estime que la Commission a démontré que la prestataire ne travaillait pas en raison d’un arrêt de travail, c’est-à-dire d’une grève. Elle n’était donc pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. La Commission a prouvé les quatre conditions permettant d’étayer cette conclusion. Premièrement, la prestataire a été incapable de reprendre le travail du lundi 3 mai au vendredi 18 juin 2021 (voir le paragraphe suivant pour une explication de la date du 18 juin). Deuxièmement, elle n’a pas pu reprendre le travail en raison d’un arrêt de travail, c’est-à-dire d’une grève. Troisièmement, l’arrêt de travail est imputable à un conflit collectif, soit la grève. Quatrièmement, l’arrêt de travail a eu lieu dans l’usine où travaillait la prestataire.

[16] La Commission a rendu la prestataire inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du 3 mai au 18 juin 2021. Cette dernière date était fondée sur le fait que l’employeur avait atteint 85 % de sa production normale le jour suivant. La prestataire, comme d’autres employés, est retournée au travail à une date antérieure. En effet, elle est retournée au travail le 25 mai 2021. Son retour au travail à cette date n’a pas mis fin à l’inadmissibilité. C’est en raison du texte de l’article 36(1) de la Loi sur l’assurance-emploi. Une partie prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations avant, soit la fin de l’arrêt de travail, soit, s’il est antérieur, le jour où elle a commencé à exercer un emploi ailleurs. La prestataire n’a pas commencé à travailler ailleurs pendant son arrêt de travail en raison de la grève. Elle a repris son emploi à temps plein chez l’employeur. Donc, l’inadmissibilité a seulement pris fin lorsque l’employeur a atteint 85 % de sa production normale après l’arrêt de travailNote de bas page 7.

La prestataire était-elle exemptée de l’inadmissibilité?

[17] La prestataire doit prouver qu’elle ne « participe pas au conflit collectif qui a causé l’arrêt de travail, qu’ [elle] ne le finance pas et qu’ [elle] n’y est pas directement intéressé.Note de bas page 8 » Dans le présent appel, la prestataire avait un intérêt financier direct dans la grève. Les enjeux de la grève étaient les salaires, les avantages sociaux et les pensions. Une partie prestataire a un intérêt direct dans le conflit collectif si elle a quelque chose à gagner ou à craindre de ce conflitNote de bas page 9. La prestataire avait tout à gagner financièrement si le syndicat obtenait les augmentations revendiquées. Elle avait également quelque chose à craindre : elle risquait de souffrir financièrement si l’employeur obtenait plutôt des diminutions. Puisque la prestataire ne peut pas prouver qu’elle n’avait pas un intérêt financier direct dans la grève, elle ne satisfait pas aux conditions requises pour bénéficier de cette exemption.

L’inadmissibilité a-t-elle été suspendue?

[18] La prestataire ne remplit pas les conditions requises pour que l’inadmissibilité soit suspendue. Pendant la période d’inadmissibilité, du 3 mai au 18 juin 2021, la prestataire était en vacances du 24 avril au 16 mai 2021. Elle a repris le travail à temps plein le 25 mai 2021 et a travaillé par la suite. La prestataire ne satisfaisait pas à la première condition requise pour bénéficier d’une suspension. Elle n’a pas suivi de cours de formation approuvé par la Commission pendant la période d’inadmissibilité. Elle n’a pas non plus prouvé qu’elle était admissible à des prestations spéciales (y compris des prestations de maladie) pendant cette période. La prestataire n’a pas non plus satisfait à la deuxième condition, à savoir qu’elle avait prévu, avant la grève, qu’elle serait absente du travail pour bénéficier de prestations spéciales ou suivre un cours de formation, et qu’elle avait commencé à prendre des dispositions en vue de cette absence.

La prestataire peut-elle obtenir gain de cause en fonction des raisons pour lesquelles elle fait appel?

[19] La prestataire affirme qu’elle ne savait pas qu’elle n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi en raison de la grève. Cela n’est pas juste. Le gouvernement devrait soutenir les travailleuses et travailleurs pendant une grève. Elle est une mère célibataire et n’a pas les moyens de rembourser les prestations qu’elle a reçues. Elle a cotisé à l’assurance-emploi et payé des impôts au fil des ans.

[20] La prestataire se retrouve dans l’obligation de rembourser les prestations d’assurance-emploi. Je compatis à sa situation. Elle a fait une erreur, ne sachant pas qu’elle n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Elle est une mère célibataire, qui subvient à ses besoins et à ceux de ses enfants. Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale, aussi tentant que cela puisse être dans de telles situations, il n’est pas permis aux arbitres de réécrire la loi. Ils ne sont pas non plus autorisés à interpréter la loi d’une manière contraire à son sens ordinaireNote de bas page 10. Dans une autre décision, la Cour a jugé qu’une telle situation ne permet pas au Tribunal de refuser d’appliquer la loi, même pour des raisons d’équité ou de justiceNote de bas page 11. Le résultat final est que je dois appliquer la loi telle qu’elle est exposée ci-dessus pour parvenir à la conclusion dans la présente affaire.

[21] Le gouvernement a rendu une décision de principe de ne soutenir aucune des parties dans un conflit collectif, ni les employeurs ni les employés. Cette décision est à l’origine de l’article 36 de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas réécrire la Loi sur l’assurance-emploi pour donner effet à la déclaration de la prestataire selon laquelle le gouvernement devrait soutenir les travailleuses et travailleurs pendant une grève.

[22] La prestataire a également soulevé comme moyen d’appel qu’elle avait cotisé au régime d’assurance-emploi pendant des années et qu’elle était donc admissible aux prestations d’assurance-emploi. Cet énoncé de la loi est incorrect. Le régime d’assurance-emploi n’est pas comme un régime de retraite, tel que la pension de retraite du Régime de pensions du Canada. Dans le cadre du régime de retraite du Régime de pensions du Canada, une cotisante ou un cotisant verse des cotisations tout au long de sa vie active et, à sa retraite, a le droit de recevoir une pension mensuelle calculée en fonction des cotisations versées au fil des ans. Le régime d’assurance-emploi ne rend pas automatiquement admissible aux prestations d’assurance-emploi une personne qui a cotisé au régime et qui est devenue chômeuse. Dans le cadre du régime d’assurance-emploi, la partie prestataire doit prouver qu’elle satisfait à un certain nombre de critères d’admissibilité. Si elle ne le fait pas, elle n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi. La partie prestataire n’est pas admissible à des prestations d’assurance-emploi en situation de grève ou de fermeture des installations dans le cadre d’un conflit collectif. La prestataire est dans une telle situation. Je dois appliquer la loi, pas l’ignorer.

Conclusion

[23] Je conclus que la prestataire est exclue du bénéfice des prestations. Cela signifie que l’appel est rejeté.

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