Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 545

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. K.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (446210) datée du 17 janvier 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Leanne Bourassa
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 22 février 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante

Date de la décision : Le 3 mars 2022
Numéro de dossier : GE-22-293

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La prestataire n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande initiale de prestations. Un motif valable est une raison acceptable selon la loi pour expliquer le retard. Par conséquent, sa demande initiale ne peut être traitée comme si elle avait été présentée plus tôtNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi le 19 décembre 2019. Elle demande maintenant que la demande initiale soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 14 juillet 2019. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a déjà refusé cette demande.

[4] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle avait un motif valable de ne pas demander des prestations plus tôt.

[5] La Commission affirme que la prestataire n’avait pas de motif valable parce que durant toute la période écoulée, elle n’a fait aucune démarche pour communiquer avec Service Canada afin de vérifier ses droits et ses obligations aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.

[6] La prestataire n’est pas d’accord et affirme qu’il y a eu retard parce qu’elle suivait la directive de Service Canada demandant de communiquer avec la Commission des normes, d’équité, de la santé de la sécurité du travail (CNESST) avant de déposer sa demande. Une fois que la CNESST lui a communiqué une décision montrant qu’elle a fait l’objet d’un congédiement déguisé, elle a déposé sa demande de prestations.

Question en litige

[7] La demande initiale de prestations de la prestataire peut-elle être traitée comme si elle avait été présentée le 14 juillet 2019? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande initiale.

Analyse

[8] Pour que sa demande initiale de prestations soit antidatée, une personne doit prouver les deux choses suivantesNote de bas de page 2 :

  1. a) qu’elle avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période écoulée. Autrement dit, qu’elle avait une explication acceptable selon la loi.
  2. b) qu’à la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle elle veut que sa demande initiale soit antidatée) elle remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations.

[9] Les arguments principaux dans cette affaire servent à décider si la prestataire avait un motif valable. C’est donc par cela que je commencerai.

[10] Pour démontrer qu’elle avait un motif valable, la prestataire doit prouver qu’elle a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 3. Autrement dit, elle doit démontrer qu’elle a agi comme une personne raisonnable et réfléchie aurait agi dans une situation semblable.

[11] La prestataire doit le prouver pour toute la période du retardNote de bas de page 4. Cette période s’étend du jour où elle veut que sa demande initiale soit antidatée au jour où elle a présenté cette demande. Par conséquent, la période de retard de la prestataire va du 14 juillet 2019 au 19 décembre 2019.

[12] La prestataire doit aussi démontrer qu’elle a vérifié assez rapidement si elle avait droit à des prestations et quelles obligations la loi lui imposaitNote de bas de page 5. Cela veut dire que la prestataire a démontré qu’elle a fait de son mieux pour essayer de s’informer sur ses droits et ses responsabilités dès que possible. Si la prestataire ne l’a pas fait, elle doit alors démontrer les circonstances exceptionnelles qui l’en ont empêchéeNote de bas de page 6.

[13] La prestataire doit le démontrer selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle avait un motif valable justifiant son retard.

[14] La prestataire affirme qu’elle avait un motif justifiant son retard parce qu’elle faisait ce que Service Canada lui avait dit de faire avant de demander des prestations. Plus précisément, elle déposait une plainte de congédiement injustifié auprès de la CNESST.

[15] La Commission affirme que la prestataire n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant son retard parce qu’elle n’a répondu à aucun de ses messages ni présenté d’explication raisonnable du retard. La Commission soutient que la prestataire n’a fait aucune démarche pour communiquer avec elle afin de vérifier ses droits et ses obligations aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.

[16] J’estime que la prestataire n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations durant toute la période écoulée pour deux raisons : premièrement, parce qu’une instance devant la CNESST ne l’aurait pas empêchée de déposer une demande ou de communiquer avec Service Canada. Deuxièmement, une fois que sa plainte auprès de la CNESST a été réglée, elle a encore attendu plus d’un mois avant de communiquer avec Service Canada et de déposer sa demande de prestations.

[17] La prestataire a déclaré que le jour où elle a cessé de travailler, elle a communiqué avec Service Canada pour se renseigner sur la présentation d’une demande de prestations d’assurance-emploi. Elle affirme que l’agente ou l’agent lui a dit que sa situation était compliquée et qu’elle devrait parler à la CNESST pour prouver qu’elle n’avait pas tout simplement démissionné de son emploi.

[18] D’après cette conversation, la prestataire affirme avoir compris qu’elle ne pouvait pas faire une demande de prestations avant d’avoir une décision de la CNESST. Lorsque je l’ai interrogée concernant cette déclaration, elle a confirmé que d’après sa discussion avec Service Canada, il était évident qu’elle ne pouvait rien obtenir avant que la CNESST ait rendu une décision. Elle pensait que c’était la procédure. Elle a présenté sa demande auprès de la CNESST le même jour.

[19] Je crois que la prestataire pensait sincèrement qu’elle n’obtiendrait pas de prestations si elle ne pouvait pas démontrer qu’elle avait fait l’objet d’un congédiement déguisé. Elle a expliqué qu’elle avait prévu de déposer une demande de prestations jusqu’à ce qu’elle parle à une représentante ou un représentant de Service Canada, et qu’elle a ensuite fait des démarches auprès de la CNESST immédiatement. Ses actes semblent correspondre à son témoignage.

[20] Cependant, après avoir déposé sa plainte auprès de la CNESST, la prestataire a attendu plusieurs mois avant de s’adresser à Service Canada. Elle n’a pas communiqué avec eux pour dire qu’elle avait déposé une plainte à la CNESST, qu’une date d’audience approchait ou qu’elle explorait d’autres options de prestations alors qu’elle attendait. Toutes ces démarches auraient été raisonnables et auraient démontré qu’elle avait toujours l’intention de présenter une demande de prestations. Elles auraient aussi pu permettre à Service Canada d’expliquer qu’elle pouvait encore demander des prestations tout en attendant le résultat de sa plainte à la CNESST.

[21] Plus important encore, j’estime que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations une fois qu’elle est parvenue au règlement final de sa plainte à la CNESST.

[22] La prestataire a présenté une copie de l’entente de règlement qu’elle a signé avec son employeur devant la CNESST. Je note que cette entente a été signée le 12 novembre 2019.

[23] Le formulaire de demande de prestations au dossier montre que la prestataire a présenté une demande de prestations le 19 décembre 2019.

[24] J’ai demandé à la prestataire pourquoi elle a attendu un mois après la signature de l’entente pour demander des prestations. Elle affirme qu’elle avait des communications avec la CNESST et que son dossier avait été confié à une nouvelle inspectrice qui ne lui répondait pas.

[25] Après l’audience, la prestataire a envoyé au Tribunal certaines de ses communications par courriel avec la CNESST. Ces discussions, qui font bien état de conversations sur un changement d’inspecteur, datent d’avant la signature par la prestataire de l’entente de règlement avec son employeur. J’estime qu’ils ne sont pas pertinents pour expliquer le retard à demander des prestations qui s’est écoulé entre le 12 novembre et le 19 décembre 2019.

[26] La prestataire affirme également qu’à ce moment-là, son père combattait un cancer et est finalement décédé en décembre 2019. Je peux comprendre que ce devait être difficile pour la prestataire; toutefois, je ne crois pas que cela explique pourquoi elle n’a pas déposé sa demande de prestations.

[27] Enfin, je note que la Commission dit avoir tenté de communiquer avec la prestataire en février 2020 pour obtenir une explication de son retard à demander des prestations, afin de décider d’accepter ou non la demande d’antidatation.

[28] Le dossier montre qu’avant de refuser sa demande d’antidatation, la Commission a essayé à deux reprises de communiquer avec la prestataire par téléphone. La Commission fait remarquer qu’elle avait laissé des messages vocaux et avait également essayé de la joindre par courriel.

[29] La prestataire affirme qu’elle n’a pas reçu ces messages, ou qu’elle n’y a peut-être pas répondu parce qu’ils provenaient d’un numéro privé.

[30] Je vois, à partir des documents, que le numéro de téléphone et l’adresse de courriel que la Commission a au dossier pour la prestataire sont les mêmes que maintenant. Elle a confirmé qu’il s’agissait de ses coordonnées à ce moment-là. Il semble peu probable que la prestataire n’aurait pas reçu ces messages. Puisqu’elle n’a pas communiqué avec la Commission pour expliquer le retard de sa demande de prestations, il était raisonnable que cette dernière affirme que la prestataire n’avait pas donné d’explication pour le retard à présenter une demande de prestations. 

[31] La prestataire a fondé ses décisions sur un appel initial à Service Canada et ne montre pas qu’elle a effectué un suivi auprès d’eux avant d’avoir présenté une demande de prestations. En ne confirmant pas qu’elle n’avait accès à aucune prestation, ou qu’elle avait présenté une demande auprès de la CNESST, et en retardant sa demande de prestations après être parvenue à une entente avec son employeur, la prestataire n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans la même situation en s’informant de ses droits et de ses obligations aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.

[32] Je n’ai pas besoin d’examiner si la prestataire remplissait les conditions requises, à la date antérieure, pour recevoir des prestations. Si elle n’a pas de motif valable, sa demande initiale ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

Conclusion

[33] La prestataire n’a pas prouvé qu’elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande initiale de prestations pendant toute la période écoulée.

[34] L’appel est rejeté.

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