Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 544

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : A. K.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant :

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 3 mars 2022 (GE-22-293)

Membre du Tribunal : Charlotte McQuade
Mode d’audience : Sur la foi du dossier
Date de la décision : Le 22 juin 2022
Numéro de dossier : AD-22-174

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit en appliquant mal le critère relatif à l’antidatation d’une demande initiale de prestations. Ma décision remplace celle de la division générale. La demande initiale de la prestataire peut être considérée comme ayant été présentée le 14 juillet 2019.

Aperçu

[2] A. K. est la prestataire. Elle a demandé des prestations régulières de l’assurance-emploi le 19 décembre 2019. Sa demande était en retard. Elle a demandé à la Commission de l’assurance-emploi du Canada de traiter sa demande comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 14 juillet 2019. La Commission a décidé que la prestataire n’avait pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant son retard et a refusé cette demande.

[3] La prestataire a fait appel de la décision de la Commission à la division générale du Tribunal. Cette dernière a décidé que la demande de la prestataire ne pouvait pas être considérée comme ayant été présentée le 14 juillet 2019 parce qu’elle n’avait pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant son retard. La prestataire était en désaccord avec la décision de la division générale, qu’elle porte maintenant en appel à la division d’appel.

[4] Les parties conviennent que la division générale a commis une erreur de droit en appliquant mal le critère juridique servant à antidater sa demande initiale. Les deux parties s’entendent pour dire que je devrais corriger cette erreur en rendant la décision que la division générale aurait dû rendre : la demande initiale de la prestataire peut être considérée comme ayant été présentée le 14 juillet 2019Note de bas de page 1.

[5] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit. Ma décision remplace celle de la division générale et je conclus que la demande initiale de la prestataire peut être considérée comme ayant été présentée le 14 juillet 2019Note de bas de page 2.

Les parties s’entendent sur l’issue de l’appel

[6] Avant l’audience de l’appel, la Commission a fourni des observations admettant que la division générale avait commis une erreur de droit en appliquant mal le critère relatif à l’antidatation.

[7] Les deux parties s’entendent pour dire que je devrais accueillir l’appel, remplacer la décision de la division générale par ma décision et conclure que la demande initiale de la prestataire doit être considérée comme ayant été présentée le 14 juillet 2019Note de bas de page 3.

J’accepte l’issue proposée

[8] J’accepte que la division générale ait mal appliqué le critère juridique servant à antidater une demande initiale.

[9] Lorsqu’une personne présente une demande initiale de prestations après le premier jour où elle remplissait les conditions requises pour la présenter, elle peut faire une requête pour que sa demande soit antidatée et considérée comme ayant été présentée à une date antérieure.

[10] Pour que sa demande soit considérée comme ayant été présentée plus tôt, la personne doit démontrer qu’elle remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à la date antérieure et qu’elle avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période écouléeNote de bas de page 4.

[11] Pour démontrer qu’elle avait un motif valable, une personne doit montrer qu’elle a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 5. Elle doit aussi prouver qu’elle a qu’elle a vérifié assez rapidement si elle avait droit à des prestations et quelles obligations la loi lui imposaitNote de bas de page 6. Si la personne ne l’a pas fait, elle doit alors démontrer les circonstances exceptionnelles qui l’en ont empêchéeNote de bas de page 7.

[12] La division générale a décidé que la prestataire n’avait pas de motif valable justifiant son retard.

[13] La division générale a décrit correctement le critère juridique relatif à l’antidatation. Elle a cependant appliqué un critère juridique différent aux faits.

[14] La division générale a conclu que la prestataire avait reporté sa demande de prestations en fonction d’une demande de renseignements au téléphone auprès de la Commission lorsque son travail a pris fin. La division générale a accepté que, d’après cette conversation, la prestataire avait compris qu’elle ne pouvait pas faire une demande de prestations d’assurance-emploi avant d’avoir une décision de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), selon laquelle elle avait fait l’objet d’un congédiement déguiséNote de bas de page 8.

[15] La division générale a conclu que la prestataire n’avait pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant son retard. La division générale a décidé que l’une des raisons pour lesquelles la prestataire n’avait pas démontré de motif valable était qu’après avoir déposé sa plainte auprès de la CNESST, elle n’a pas communiqué avec Service Canada pour dire qu’elle avait fait une plainte à la CNESST, qu’une date d’audience approchait ou qu’elle explorait d’autres options de prestations alors qu’elle attendait.

[16] La division générale a jugé que toutes ces démarches auraient été raisonnables et auraient démontré que la prestataire avait toujours l’intention de présenter une demande de prestations. Ces mesures auraient aussi pu permettre à Service Canada d’expliquer qu’elle pouvait encore demander des prestations tout en attendant le résultat de sa plainte à la CNESSTNote de bas de page 9.

[17] En se demandant si les actes de la prestataire étaient raisonnables et s’ils démontraient qu’elle avait toujours l’intention de présenter une demande de prestations, la division générale a mal appliqué le critère juridique servant à décider si la prestataire avait démontré « un motif valable justifiant son retard ». La division générale aurait dû se demander si la prestataire avait agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblables.

[18] Puisque la division générale a commis une erreur de droit, je peux intervenir dans la présente affaire.

Réparation

[19] La prestataire et la Commission conviennent toutes deux que je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 10. Elles sont également d’accord sur ce que cette décision devrait être. Les parties s’entendent pour dire que la prestataire avait un motif valable justifiant son retard et que sa demande devrait être antidatée au 14 juillet 2019.

[20] La prestataire a eu une occasion équitable de fournir des éléments de preuve à l’audience de la division générale et le dossier est complet. Ma décision remplacera donc celle de la division générale.

[21] L’entente des parties, selon laquelle la demande initiale de la prestataire devrait être antidatée et considérée comme ayant été présentée le 14 juillet 2019, est une issue qui est conforme avec le droit et les faits au dossier.

[22] Le dernier jour de travail de la prestataire était le 18 juillet 2019Note de bas de page 11. D’après une conversation avec la Commission le 18 juillet 2019, la prestataire a compris qu’elle ne pouvait pas faire une demande de prestations d’assurance-emploi avant d’avoir une décision de la CNESST.

[23] La prestataire a suivi la directive de Service Canada et a déposé une plainte auprès de la CNESST le 18 juillet 2019. Elle a signé une entente de règlement avec son employeur concernant cette plainte à la CNESST le 12 novembre 2019, puis elle a demandé des prestations d’assurance-emploi le 19 décembre 2019.

[24] La prestataire a témoigné au sujet de la raison de son retard qui s’est écoulé entre le 12 novembre 2019 et le 19 décembre 2019. Elle a affirmé avoir communiqué avec la Commission lorsqu’elle a eu l’entente de règlement de la CNESST et qu’on lui a dit qu’il était trop tard pour déposer sa demande d’assurance-emploi. Elle a ensuite échangé des courriels avec la CNESST, essayant de joindre une personne de là-bas. Elle a également communiqué avec son avocat, qui a communiqué avec la Commission et à qui l’on a répondu qu’il était trop tard pour que la prestataire présente une demande. Son avocat lui a dit de présenter une demande de toute façon, et c’est ce qu’elle a fait. De plus, au cours de cette période, son père était très malade à cause d’un cancer et il est décédé en décembre 2019Note de bas de page 12.

[25] La prestataire a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans sa situation. Elle a également vérifié assez rapidement si elle avait droit à des prestations et les obligations que la loi lui imposait.

[26] J’estime qu’une personne raisonnable et prudente à qui l’on avait dit de reporter sa demande de prestations d’assurance-emploi jusqu’à ce qu’elle ait une décision de la part de la CNESST aurait fait la même chose que la prestataire et aurait suivi cette directive.

[27] La prestataire a continué à agir comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans sa situation, pendant la période écoulée entre le 12 novembre 2019 et le 19 décembre 2019. Une personne raisonnable et prudente qui se serait retrouvée dans la même situation aurait fait la même chose que la prestataire et aurait communiqué avec la Commission une fois qu’elle aurait obtenu l’entente de règlement le 12 novembre 2019, pour ensuite communiquer avec son avocat quand elle s’est sentie incapable de résoudre la situation par elle-même. Une personne raisonnable et prudente dans la même situation aurait fait la même chose que la prestataire et aurait suivi le conseil de son avocat et aurait déposé la demande d’assurance-emploi même si la Commission avait dit qu’il était trop tard.

[28] J’estime que la prestataire a vérifié assez rapidement si elle avait droit à des prestations et les obligations que la loi lui imposait. Elle a communiqué avec la Commission immédiatement après la fin de son emploi et a suivi les directives de la Commission de déposer une plainte auprès de la CNESST. Elle a ensuite rapidement communiqué avec la Commission une fois qu’elle a eu l’entente de règlement de la plainte à la CNESST et a tenté de déposer sa demande d’assurance-emploi. En apprenant qu’il était trop tard, elle a appelé son avocat pour demander l’aide de celui-ci, elle a rapidement suivi ses conseils et a déposé une demande d’assurance-emploi.

[29] La prestataire a démontré qu’elle avait un motif valable justifiant son retard qui s’est écoulé entre le 14 juillet 2019 et le 19 décembre 2019.

[30] La Commission n’a fourni aucune observation indiquant que la prestataire ne remplit pas les conditions requises pour recevoir des prestations en date du 14 juillet 2019. Elle soutient plutôt que la prestataire satisfait au critère servant à antidater sa demandeNote de bas de page 13. J’accepte donc le fait que la prestataire remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations le 14 juillet 2019.

[31] La demande initiale de la prestataire doit être considérée comme ayant été présentée le 14 juillet 2019.

Conclusion

[32] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit. J’ai remplacé la décision de la division générale par ma décision et je conclus que la demande initiale de la prestataire est antidatée au 14 juillet 2019.

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