Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 520

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse : J. F.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 21 mars 2022 (GE-22-131)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 15 juin 2022
Numéro de dossier : AD-22-247

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée, car l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse, J. F. (prestataire), fait appel de la décision de la division générale. La division générale a conclu que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Autrement dit, elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi. Elle ne s’est pas conformée à la politique de son employeur qui exigeait qu’elle soit vaccinée.  

[3] Ayant établi qu’il y avait eu inconduite, la division générale a conclu que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[4] La prestataire ne conteste pas les faits de base. Elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination de son employeur, car elle n’était pas d’accord avec celle-ci pour diverses raisons.

[5] Cependant, la prestataire fait valoir que la division générale a commis deux erreurs : (1) elle n’a pas examiné si la politique de vaccination de son employeur était raisonnable et (2) elle a ignoré la convention collective qui lui donnait le droit de refuser d’être vaccinée. Elle soutient qu’elle n’était pas tenue de se conformer à la politique de vaccination de son employeur aux termes de sa convention collective. Elle affirme également qu’elle n’était pas tenue de s’y conformer, car, selon elle, la politique de vaccination était déraisonnable. Elle fait valoir que, comme elle n’avait pas à se conformer à la politique, il n’y a pas eu d’inconduite.

[6] Avant que la prestataire puisse aller de l’avant avec son appel, je dois décider si l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1. Avoir une chance raisonnable de succès équivaut à avoir une cause défendableNote de bas de page 2. Si l’appel n’a pas de chance raisonnable de succès, l’affaire prend fin.

[7] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je ne donne pas la permission à la prestataire d’aller de l’avant avec son appel.

Questions en litige

[8] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. a) Peut-on soutenir que la division générale a omis de décider si la politique de vaccination de l’employeur était raisonnable?
  2. b) Peut-on soutenir que la division générale a ignoré la convention collective entre l’employeur de la prestataire et son syndicat?

Analyse

[9] La division d’appel doit accorder la permission d’en appeler sauf si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. L’appel a une chance raisonnable de succès s’il est possible qu’il y ait eu une erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreur de faitNote de bas de page 3.

[10] Lorsqu’une partie demanderesse obtient la permission de la division d’appel, elle passe alors à l’appel en tant que tel. C’est à cette étape que la division d’appel décide si la division générale a commis une erreur. Si elle décide que la division générale a commis une erreur, elle décide alors comment réparer cette erreur.

Peut-on soutenir que la division générale a omis de décider si la politique de vaccination de l’employeur était raisonnable?

[11] La prestataire soutient que la division générale a omis de décider si la politique de vaccination de son employeur était raisonnable. Elle laisse entendre que, si la division générale avait examiné cette question, elle aurait conclu que la politique de vaccination de l’employeur était déraisonnable. De plus, elle affirme qu’une fois arrivée à cette conclusion, la division générale aurait décidé qu’elle n’était pas obligée de s’y conformer.

[12] La prestataire note que la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a déclaré que la politique de l’employeur était raisonnable, car elle visait à assurer la sécurité du personnel et des patients vulnérables pendant la pandémieNote de bas de page 4.

[13] La prestataire soutient toutefois que la politique de vaccination de son employeur n’était pas raisonnable puisque les vaccins sont inefficaces pour prévenir la transmission. Elle affirme également que les vaccins pourraient lui faire courir un risque élevé de maladie grave. Elle fait également valoir que la politique de l’employeur est tout à fait inutile pour une personne comme elle qui travaille à domicile.

[14] Compte tenu de tous ces éléments, la prestataire soutient que la division générale aurait dû décider que la politique de vaccination de l’employeur était déraisonnable. Elle fait valoir que, puisque la politique de vaccination de son employeur était déraisonnable, en définitive, elle n’avait pas et n’aurait pas dû avoir à s’y conformer.

[15] La division générale a pris connaissance des arguments de la prestataire concernant le caractère raisonnable de la politique de vaccination de son employeurNote de bas de page 5. La division générale a conclu que le caractère raisonnable de la politique n’était pas pertinent pour la question de l’inconduite. La division générale a écrit ce qui suit :

Je comprends que [la prestataire] est catégorique sur le fait que la politique de l’employeur n’est pas raisonnable. Ce n’est pas au Tribunal d’en décider. Mon rôle est de décider pourquoi [la prestataire] a été congédiée et si la conduite en question constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Tout le reste est mieux débattu devant un tribunal civil ou un arbitre du travail.

[16] Je ne connais pas d’affaires dans le cadre desquelles les tribunaux ont examiné le caractère raisonnable des politiques d’un employeur lorsqu’il s’agit de décider si la conduite d’une partie prestataire constitue une inconduite. L’introduction d’une telle mesure pourrait conduire à une évaluation onéreuse et subjective d’une inconduite. Les tribunaux semblent avoir rejeté cette approche. 

[17] En effet, dans une affaire, la Cour d’appel fédérale a laissé entendre que, tant que les directives d’un employeur sont légales, une employée ou un employé doit se conformer à ces directivesNote de bas de page 6. Dans le cas contraire, le manquement à cette obligation serait considéré comme une inconduite.

[18] La Cour d’appel fédérale a établi depuis longtemps qu’il n’appartient pas aux tribunaux et aux cours de justice de décider si un congédiement ou une autre sanction par un employeur est justifié. Si les tribunaux et les cours devaient décider si les sanctions sont justifiées, cela impliquerait nécessairement d’examiner la conduite de la partie prestataire par rapport au caractère raisonnable de la loi, de la politique ou des directives de l’employeur. Le caractère raisonnable de la loi, de la politique ou des directives de l’employeur ne doit donc pas être établi par les tribunaux et les cours de justice.

[19] Je ne suis pas convaincue que la division générale a omis de décider si la politique de vaccination de l’employeur de la prestataire était raisonnable parce que ce n’est pas un facteur à prendre en considération pour évaluer une inconduite.

Peut-on soutenir que la division générale a ignoré la convention collective entre l’employeur de la prestataire et son syndicat?

[20] La prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte de la convention collective entre son employeur et le syndicat. Elle affirme que, selon l’accord, elle n’était pas obligée de se faire vacciner. Elle affirme donc que si elle n’avait pas à se conformer à la politique de vaccination de l’employeur, il ne peut y avoir eu une inconduite.

[21] La division générale n’a pas examiné cet argument. Cependant, je ne constate pas aisément que la prestataire a soulevé cet argument précis, que ce soit dans les documents qu’elle a déposés ou dans ses observations orales. Tout au plus, la prestataire a soutenu que son employeur aurait pu la réaffecter au travail à domicileNote de bas de page 7. Cet argument porte sur les conséquences de toute conduite ou de tout comportement.

[22] Les conséquences d’un comportement sont une question différente de celle de savoir s’il y a, à la base, une inconduite. Ainsi, bien que la prestataire ait soutenu que son employeur aurait pu imposer d’autres pénalités pour sa non-conformité, il ne s’ensuit pas que la division générale aurait dû également aborder la question de savoir si la prestataire devait se conformer à la politique de l’employeur en premier lieu.

[23] Cela dit, je constate que les dispositions de la convention collective portent sur la vaccination contre la grippeNote de bas de page 8. Les dispositions ne disent rien sur les vaccins contre la COVID-19 ou, plus généralement, sur les vaccins contre les coronavirus. On peut même se demander si ces dispositions de la convention collective couvrent les vaccins contre la COVID-19. En d’autres termes, on ne peut pas supposer que les exemptions que la convention collective pourrait offrir pour la grippe s’appliquent également à la COVID-19.

[24] Étant donné que la prestataire n’a pas soulevé cet argument précis, on ne pouvait pas s’attendre à ce que la division générale l’aborde. En outre, la convention collective ne faisait référence qu’aux vaccins contre la grippe.

[25] Je ne suis pas convaincue qu’il y ait une cause défendable selon laquelle la division générale aurait dû tenir compte des conditions de la convention collective et de la question de savoir si elle exemptait la prestataire de se faire vacciner contre la COVID-19.

Conclusion

[26] La permission d’en appeler est refusée, car l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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