Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c CF, 2022 TSS 546

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : A. Fricker
Partie intimée : C. F.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 17 février 2022 (GE-22-208)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 juin 2022
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Intimée
Date de la décision : Le 21 juin 2022
Numéro de dossier : AD-22-158

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La prestataire a choisi les prestations parentales prolongées et son choix était irrévocable (ne pouvait plus être changé).

Aperçu

[2] L’intimée, C. F. (prestataire), a demandé et reçu des prestations de maternité, suivies de prestations parentales de l’assurance-emploi. Elle a choisi les prestations parentales prolongées dans sa demande de prestations, ce qui lui permet de recevoir des prestations moins élevées sur une plus longue période.

[3] La prestataire a écrit dans son formulaire de demande qu’elle voulait recevoir 52 semaines de prestations. Elle a reçu son premier versement de prestations parentales vers le 8 octobre 2021. Le 18 novembre 2021, elle a communiqué avec l’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, et lui a demandé de passer aux prestations standards.

[4] La Commission a rejeté la demande de la prestataire, affirmant qu’il était trop tard pour changer d’option parce que des prestations lui avaient déjà été versées. La prestataire a demandé une révision de cette décision. La Commission a maintenu sa décision après révision.

[5] La prestataire a porté la décision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal. Son appel a été accueilli. La division générale a décidé que la prestataire avait fait une erreur en cochant le bouton permettant de choisir les prestations parentales prolongées. Elle a conclu que la prestataire voulait en fait choisir les prestations parentales standards et recevoir une année de prestations de maternité et de prestations parentales combinées.

[6] La Commission porte maintenant la décision de la division générale en appel à la division d’appel du Tribunal. Elle soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et que sa décision d’accueillir l’appel est fondée sur une conclusion de fait erronée.

[7] J’ai conclu que la division générale a commis une erreur de droit. J’ai aussi décidé de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, à savoir que la prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées et que ce choix était irrévocable.

Questions en litige

[8] Je me suis concentrée sur les questions suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de prendre en compte et d’appliquer la jurisprudence contraignante?
  2. b) Si oui, quelle est la meilleure façon de corriger l’erreur de la division générale?

Analyse

[9] Je peux intervenir dans la présente affaire seulement si la division générale a commis une erreur pertinente. Je dois donc me demander si la division généraleNote de bas page 1 :

  • n’a pas offert un processus équitable;
  • n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher ou a décidé d’une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  • a mal interprété ou mal appliqué la loi;
  • a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

Contexte

[10] Il y a deux types de prestations parentales :

  • les prestations parentales standards, qui permettent à un parent de recevoir jusqu’à 35 semaines de prestations à un taux de 55 % de sa rémunération hebdomadaire assurable, jusqu’à concurrence d’un montant maximal;
  • les prestations parentales prolongées, qui permettent à un parent de recevoir jusqu’à 61 semaines de prestations à un taux de 33 % de sa rémunération hebdomadaire assurable, jusqu’à concurrence d’un montant maximal.

[11] La prestataire a demandé des prestations de maternité et des prestations parentales le 20 juin 2021Note de bas page 2. Dans sa demande, elle a indiqué qu’elle voulait recevoir des prestations parentales immédiatement après les prestations de maternité. Elle a choisi les prestations parentales prolongées. À la question sur le nombre de semaines pendant lesquelles elle désirait recevoir des prestations, elle a choisi 61 semaines dans le menu déroulantNote de bas page 3.

[12] La prestataire a commencé à recevoir des prestations prolongées le 8 octobre 2021. Elle a communiqué avec la Commission le 18 novembre 2021 pour changer ses prestations standards pour des prestations prolongéesNote de bas page 4.

[13] La Commission a rejeté la demande de la prestataire. Elle lui a expliqué qu’il était trop tard pour changer d’option parce qu’elle avait déjà reçu des prestations parentales. La prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision, mais cette dernière a maintenu sa décision.

Décision de la division générale

[14] La division générale a accueilli l’appel de la prestataire. Elle a conclu que la prestataire voulait choisir l’option standard dans son formulaire de demandeNote de bas page 5. Elle a jugé que la prestataire avait écrit qu’elle voulait recevoir 52 semaines de prestations et que cela coïncidait avec son intention de retourner au travail en juin 2022. La division générale a reconnu qu’aucune date de retour au travail n’était inscrite dans le relevé d’emploi de la prestataire, mais elle a accepté son témoignage au sujet du moment où elle prévoyait retourner au travailNote de bas page 6.

[15] La division générale a accepté le témoignage de la prestataire selon lequel elle voulait choisir l’option standard lorsqu’elle a demandé des prestations de maternité et des prestations parentalesNote de bas page 7.

[16] La division générale a conclu qu’elle devait prendre en compte tous les éléments de preuve pertinents pour établir quelle option une partie prestataire a choisie, y compris les éléments de preuve concernant ce qu’elle voulait réellement lorsqu’elle a fait son choixNote de bas page 8. En se fondant sur les éléments de preuve concernant l’intention de la prestataire, la division générale a conclu qu’elle voulait choisir les prestations parentales standards.

Appel de la Commission à la division d’appel

[17] La Commission soutient que la division générale a commis plusieurs erreurs de droit dans sa décision. Elle avance les arguments suivants :

  • La division générale a commis une erreur de droit en modifiant le choix de la prestataire de recevoir des prestations standards pour des prestations prolongées après que des prestations lui aient été versées.
  • La division générale a outrepassé sa compétence en décidant de l’option que le prestataire avait choisie dans son formulaire de demande ainsi que de la validité de ce choix.
  • La division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la jurisprudence pertinente de la Cour fédérale.
  • La division générale a commis une erreur de droit en n’obligeant pas la prestataire à respecter son obligation de se renseigner sur ses droits et privilèges.

[18] La prestataire affirme que la division générale n’a commis aucune erreur. Elle soutient qu’elle a toujours voulu choisir les prestations parentales standards. Elle dit que le montant qu’elle reçoit en prestations parentales prolongées ne lui permet de subvenir à ses besoins. Elle avait toujours prévu de prendre un an de congé et de retourner au travail en juin 2022.

La division générale a commis une erreur de droit en ne respectant pas la jurisprudence contraignante

[19] Dans sa décision, la division générale n’a pas tenu compte de la décision Karval de la Cour fédéraleNote de bas page 9. La Cour fédérale y a conclu qu’il incombe aux prestataires d’analyser soigneusement les options possibles et de tenter de les comprendre. En cas de doutes, les prestataires doivent poser des questions à la Commission. La Cour a conclu que le taux de prestations et l’irrévocabilité du choix étaient clairement indiqués dans le formulaire de demandeNote de bas page 10.

[20] La décision Karval est contraignante. Cela signifie que la division générale devait en tenir compte. Si la division générale a choisi de ne pas suivre les principes énoncés dans celle-ci, elle devait expliquer pourquoiNote de bas page 11.

[21] Le juge de la Cour fédérale dans l’affaire Karval a conclu que les prestataires qui commettent une erreur et qui fondent leur choix sur une mauvaise compréhension du régime de prestations parentales n’ont aucun recours juridiqueNote de bas page 12. La division générale a conclu que la prestataire avait fait une erreur, puis a tenté de la corriger. Elle a commis une erreur de droit en omettant de prendre en considération et d’appliquer la décision contraignante de la Cour fédérale dans l’affaire Karval lorsqu’elle a rendu sa décision.

[22] Comme j’ai conclu que la division générale a commis une erreur, je n’ai pas à examiner les autres arguments de la Commission.

Je vais corriger l’erreur de la division générale en rendant la décision qu’elle aurait dû rendre

[23] À l’audience, les deux parties ont fait valoir que si la division générale avait fait une erreur, je devais rendre la décision qu’elle aurait dû rendreNote de bas page 13.

[24] Je suis d’accord. Je conclus qu’il convient dans la présente affaire de remplacer la décision de la division générale par ma propre décision. Les faits ne sont pas contestés et la preuve au dossier est suffisante pour me permettre de rendre une décision.

La prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées et son choix était irrévocable

[25] La division d’appel et la division générale ont rendu un certain nombre de décisions concernant le choix des prestations parentales. Dans bon nombre de ces décisions, le Tribunal a examiné quel type de prestations les prestataires avaient effectivement choisi. Lorsque le formulaire de demande contenait des renseignements contradictoires, le Tribunal a déterminé le choix qui était le plus probable. Dans d’autres cas, le Tribunal a tenu compte de l’intention des prestataires lorsqu’ils ont fait leur choix.

[26] Dans la décision récente Canada (Procureur général) c Hull, la Cour d’appel fédérale a examiné quelle est l’interprétation appropriée à donner aux articles 23(1.1) et 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 14.

[27] Dans la décision Hull, la prestataire avait choisi l’option des prestations parentales prolongées dans son formulaire de demande et demandé 52 semaines de prestations parentales après les prestations de maternité. Elle a reçu des prestations parentales prolongées pendant plusieurs mois avant de se rendre compte de son erreur, lorsqu’elle a reçu un versement de prestations après son retour au travail.

[28] La prestataire dans l’affaire Hull a été déroutée par le formulaire de demande et avait l’intention de recevoir une année de prestations de maternité et de prestations parentales combinées. La division générale a conclu, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle avait choisi de recevoir des prestations parentales standards.

[29] La Cour a affirmé ce qui suit dans la décision Hull :

[traduction]

La question de droit aux fins de l’article 23(1.1) de la Loi sur l’assurance-emploi est la suivante : le mot « choisit » signifie-t-il ce qu’une partie prestataire indique comme étant son choix de prestations parentales dans le formulaire de demande ou ce que la partie prestataire « avait l’intention » de choisirNote de bas page 15?

[30] La Cour a conclu que le choix d’une partie prestataire correspond à ce qu’elle a choisi dans son formulaire de demande, et non ce qu’elle a pu vouloirNote de bas page 16. Elle a également conclu qu’une fois que les versements de prestations parentales ont commencé, il est impossible pour la partie prestataire, la Commission ou le Tribunal de révoquer le choixNote de bas page 17.

[31] Lorsqu’on applique la décision Hull de la Cour à la situation de la prestataire, il est clair qu’elle a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées. C’est l’option qu’elle a choisie de recevoir pendant 52 semaines dans son formulaire de demande. Une fois le versement de ces prestations commencé, son choix était irrévocable.

[32] Le Parlement n’a prévu aucune exception à l’irrévocabilité du choix de prestations. Il est malheureux pour la prestataire qu’une simple erreur dans un formulaire de demande puisse avoir des conséquences importantes sur ses finances. Je suis sensible à sa situation. Cependant, je dois appliquer la loi telle qu’elle est écriteNote de bas page 18. Je conclus que la loi et la jurisprudence confirment qu’un choix ne peut être révoqué sur la base d’une erreur.

[33] Les prestataires peuvent modifier leur choix après avoir envoyé le formulaire de demande, mais avant de recevoir des prestations parentales. Les prestataires peuvent créer un compte auprès de Service Canada pour vérifier le taux et la date du début de leurs prestations de maternité et de leurs prestations parentales. Cela leur permet de s’assurer que le choix fait dans le formulaire de demande correspond à leur intention.

[34] Je comprends que la prestataire a choisi les prestations parentales prolongées par erreur. Elle voulait choisir les prestations parentales standards. Cependant, la Cour d’appel fédérale a clairement dit que l’option qu’elle a choisie dans le formulaire de demande constitue son choix.

[35] La prestataire a choisi les prestations parentales prolongées dans son formulaire de demande. C’était son choix et, après que des prestations lui ont été versées, il est devenu irrévocable.

Conclusion

[36] L’appel est accueilli. La prestataire a choisi les prestations parentales prolongées et son choix était irrévocable.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.