Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : AH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 701

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (410226) datée du 23 novembre 2020 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 1er mars 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 4 avril 2022
Numéro de dossier : GE-21-2367

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] J’ai accordé une prolongation du délai pour présenter une demande de révision.

[3] La Commission devra maintenant réviser sa décision du 16 août 2018 et informer le prestataire des résultats de cette révision.

Aperçu

[4] Le prestataire a fait une demande de prestations d’assurance-emploi le 11 janvier 2015. Il a reçu des prestations d’assurance-emploi après cette date. La Commission a écrit au prestataire le 16 août 2018 pour l’informer qu’il avait touché une rémunération pendant sept des semaines où il recevait des prestations d’assurance-emploi et qu’il n’avait pas déclaré cette rémunérationNote de bas de page 1.

[5] Compte tenu des renseignements dont elle disposait, la Commission a décidé que le prestataire avait sciemment fait de fausses déclarations en ne déclarant pas cette rémunérationNote de bas de page 2. Elle lui a ordonné de rembourser les prestations d’assurance-emploi, et elle lui a également imposé une pénalité de 632 $ et donné un avis de violation grave. L’avis de violation grave signifiait que le prestataire devait travailler plus d’heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi pour les cinq prochaines années ou pour ses deux prochaines demandes admissibles, selon la première éventualité.

[6] Le prestataire a demandé une révision à la Commission le 20 novembre 2020. La Commission a refusé de réviser sa décision du 16 août 2018 parce que le prestataire n’avait pas présenté sa demande de révision dans les 30 jours suivant le 16 août 2018 et qu’il n’avait pas fourni d’explication raisonnable pour son retard. Le prestataire fait appel au Tribunal de la sécurité sociale.

Question que je dois examiner en premier

J’accepte les documents envoyés après l’audience.

[7] À l’audience, le prestataire a affirmé qu’il avait communiqué à plusieurs reprises avec Service Canada au sujet de la lettre du 16 août 2018. Il voulait une copie de ce que Service Canada lui avait écrit le 17 janvier 2018. Jusqu’à la date de l’audience, la Commission n’était pas en mesure de lui fournir une copie du document du 17 janvier 2018. Le prestataire a déclaré qu’il n’avait pas reçu le document du 17 janvier 2018, qu’il ne pouvait pas être produit, et que le dossier d’appel ne contenait aucun compte rendu des conversations qu’il avait eues avec des agentes ou agents de Service Canada.

[8] Après l’audience, j’ai demandé à la Commission de fournir ce qui suit :

  1. a) les comptes rendus des conversations tenues avec le prestataire du 16 août 2018 au 20 novembre 2020; 
  2. b) toute la correspondance envoyée au prestataire du 16 août 2018 au 20 novembre 2020;
  3. c) toute la correspondance reçue du prestataire du 16 août 2018 au 20 novembre 2020.

[9] La période du 16 août 2018 au 20 novembre 2020 s’étend de la date de la décision de la Commission à la date à laquelle le prestataire a fait sa demande de révision.

[10] La Commission a répondu à ma demande et a fourni les dossiers qu’elle avait sur la correspondance qu’elle avait envoyée au prestataire, les comptes rendus qu’elle avait des conversations qu’elle avait eues avec le prestataire et les dossiers qu’elle avait sur la correspondance (formulaires) qu’elle avait reçue du prestataire pour la période demandée. La Commission a également fourni le document du 17 janvier 2018. J’accepte ces documents en preuve parce qu’ils sont pertinents à la décision que la Commission a rendue le 16 août 2018 et que j’ai tenu compte de ces documents pour rendre ma décision.

[11] Le prestataire a reçu la réponse de la Commission et a eu l’occasion de présenter des observations, ce qu’il a fait le 12 mars 2022. La majorité des observations du prestataire prennent la forme de questions sur le contenu des documents et ses interactions avec Service Canada. Ce n’est pas mon rôle ni celui du Tribunal de répondre à ces questions. Je considérerai plutôt qu’il s’agit de questions rhétoriques et qu’elles font partie des observations du prestataire quant aux raisons pour lesquelles il n’est pas d’accord avec le refus de la Commission de réviser sa décision du 16 août 2018.

Questions en litige

[12] Question en litige no 1 : La demande de révision a-t-elle été présentée en retard?

[13] Question en litige no 2 : La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière judiciaire lorsqu’elle a refusé la demande de prolongation du délai de trente jours du prestataire pour présenter une demande de révision?

[14] Question en litige no 3 : Si la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière judiciaire, le prestataire devrait-il bénéficier d’une prolongation du délai pour demander une révision?

Analyse

[15] Toute personne faisant l’objet d’une décision de la Commission peut demander la révision de cette décision dans les trente jours suivant sa communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorderNote de bas de page 3.

[16] La décision de la Commission d’accorder un délai plus long pour demander une révision est discrétionnaireNote de bas de page 4.

[17] Le pouvoir discrétionnaire de la Commission doit être exercé conformément aux critères énoncés dans le Règlement sur les demandes de révision. La Commission peut accorder plus de temps à une partie prestataire pour demander une révision si elle est convaincue, d’une part, qu’il existe une explication raisonnable appuyant la demande de prolongation du délai et, d’autre part, que la partie prestataire a manifesté l’intention constante de demander une révisionNote de bas de page 5. 

[18] Lorsque la demande de révision d’une partie prestataire est présentée plus de 365 jours après la communication de la décision (comme c’est le cas dans la présente affaire), la Commission doit également être convaincue que la demande a une chance raisonnable d’être accueillie et qu’aucun préjudice ne serait causé à la Commission ou à une autre partie à l’appelNote de bas de page 6.

[19] Je dois décider si, en rejetant la demande de prolongation du délai pour présenter une demande de révision, la Commission a agi de bonne foi, dans un but et pour un motif régulier, qu’elle a pris en compte tous les facteurs pertinents, ignorant tout facteur non pertinent, et qu’elle a agi de manière non discriminatoireNote de bas de page 7.

[20] Je peux seulement intervenir lorsque je conclus que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire judiciairement. Si je conclus que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire judiciairement, je rendrai la décision qu’elle aurait dû rendreNote de bas de page 8.

La demande de révision a été présentée en retard.

[21] J’estime que la demande de révision a été présentée en retard parce qu’elle a été faite plus de trente jours après que la décision de la Commission a été communiquée au prestataire.

[22] Il incombe à la Commission d’informer le prestataire des décisions prises au sujet de sa demande de prestations d’assurance-emploi et de leur incidence. La Commission est responsable de prouver que le prestataire a reçu la décisionNote de bas de page 9.

[23] La Commission a envoyé au prestataire une lettre détaillant sa décision concernant le défaut du prestataire de déclarer sa rémunération pendant qu’il recevait des prestations d’assurance-emploi. La lettre est datée du 16 août 2018. Cette preuve m’indique que la Commission a rendu sa décision le 16 août 2018 et qu’elle l’a communiquée au prestataire le 16 août 2018.

[24] Le prestataire a déclaré que lorsqu’il a lu la lettre du 16 août 2018, celle-ci disait [traduction] « Nous vous avons écrit le 17 janvier 2018 au sujet de la question qui suit. » Cette preuve m’indique que le prestataire a reçu la décision du 16 août 2018 de la Commission.

[25] Le délai de trente jours pour demander une révision de la décision de la Commission a pris fin le 17 septembre 2018Note de bas de page 10.  

[26] Le prestataire [sic] a reçu la demande de révision du prestataire le 20 novembre 2020. Il s’agit d’un délai de 797 jours. Plus de 30 jours se sont écoulés après que le prestataire a pris connaissance de la décision de la Commission. Par conséquent, j’estime que la demande de révision du prestataire a été présentée en retard.

La Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

[27] J’estime que la Commission n’a pas agi judiciairement lorsqu’elle a décidé de ne pas accorder plus de temps au prestataire pour demander une révision.

[28] Le prestataire a déclaré à l’audience qu’il est atteint du trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH). Il a affirmé avoir lu la lettre du 16 août 2018Note de bas de page 11. Il s’est concentré sur la phrase qui disait [traduction] « Nous vous avons écrit le 17 janvier 2018 au sujet de la question qui suit. »

[29] J’accepte le témoignage du prestataire selon lequel il n’a pas reçu le document du 17 janvier 2018.

[30] Le prestataire a expliqué qu’en raison de son TDAH, il doit faire les choses en ordre chronologique. Il a dit qu’il devait avoir le document du 17 janvier 2018 pour voir ce qu’il disait avant de pouvoir passer au contenu de la lettre du 16 août 2018. Il n’aime pas qu’on lui reproche des choses qu’il n’a pas faites. Il a déclaré qu’il croyait que la Commission avait décidé qu’il avait sciemment fait de fausses déclarations selon le document du 17 janvier 2018.

[31] Le prestataire a dit que, durant bon nombre de ses conversations avec Service Canada, il avait demandé une copie du document du 17 janvier 2018, mais qu’on lui avait dit qu’il ne devrait pas se concentrer sur ce document.

[32] Dans son compte rendu de décision, la Commission a examiné l’explication donnée par le prestataire selon laquelle il n’a jamais reçu le document du 17 janvier 2018. Elle a noté qu’il avait parlé à une agente ou un agent de Service Canada en novembre 2018 et de nouveau en novembre 2019.

[33] Lors des deux conversations (et d’une conversation ultérieure avec une agente ou un agent de Service Canada le 26 novembre 2020), le prestataire a mentionné qu’il n’avait pas reçu le document du 17 janvier 2018. La Commission a dit à maintes reprises au prestataire qu’elle ne pouvait pas produire le document du 17 janvier 2018. Même si le document du 17 janvier 2018 n’était pas la décision de la Commission, le prestataire avait besoin de ce document avant de pouvoir traiter de la décision réelle de la Commission rendue le 16 août 2018. 

[34] Le compte rendu de décision souligne l’accent mis par le prestataire sur le document du 17 janvier 2018. Je reconnais que celui-ci ne contient pas de décision de la Commission. Toutefois, la Commission n’a pas tenu compte de ce qui a amené le prestataire à se concentrer sur le document du 17 janvier 2018 et de la façon dont le défaut de lui fournir ce document l’a empêché de présenter sa demande de révision.

[35] À mon avis, le fait que le TDAH du prestataire l’a mené à se concentrer sur le document du 17 janvier 2018 était un facteur pertinent que la Commission n’a pas pris en considération. Le fait que le prestataire croyait qu’il avait besoin du document du 17 janvier 2018 avant de pouvoir traiter de la lettre du 16 août 2018 était un facteur pertinent qui aurait dû être pris en considération. Le fait que l’incapacité de la Commission de fournir le document du 17 janvier 2018 au prestataire ne ferait qu’exacerber l’attention que le prestataire porte à ce document et l’empêcherait de traiter la lettre du 16 août 2018 est un autre facteur pertinent qui aurait dû être pris en considération. En ne tenant pas compte de ces facteurs pertinents, je juge que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

La prolongation du délai pour demander une révision devrait-elle être accordée?

[36] Ayant conclu que le pouvoir discrétionnaire de la Commission n’a pas été exercé judiciairement, je dois maintenant rendre la décision que la Commission aurait dû rendre, à savoir accorder au prestataire une prolongation du délai pour présenter sa demande de révisionNote de bas de page 12.

Explication raisonnable du retard

[37] J’estime que le prestataire avait une explication raisonnable pour son retard à demander une révision. Cela s’explique par le fait que, en raison de son TDAH, le prestataire avait besoin du document du 17 janvier 2018 avant de pouvoir traiter de la lettre du 16 août 2018 de la Commission.

[38] Comme il a été mentionné ci-dessus, le prestataire a déclaré qu’il est atteint d’un TDAH et, par conséquent, qu’il doit traiter les choses dans l’ordre chronologique. Pour lui, cela signifiait qu’il devait d’abord régler le contenu du document du 17 janvier 2018. Le dossier d’appel montre que la Commission n’a pas été en mesure de produire ce documentNote de bas de page 13.

[39] Le prestataire croyait qu’une décision avait été rendue dans le document du 17 janvier 2018, mais cela n’était pas le cas. Néanmoins, je crois qu’il était important que le prestataire puisse lire le document du 17 janvier 2018 avant de décider s’il devait demander une révision de la décision du 16 août 2018. C’est seulement lorsqu’il a parlé à « Lynn », une agente de Service Canada, en novembre 2020, qu’il a pu mettre de côté son attention sur le document du 17 janvier 2018 et demander une révision. Par conséquent, j’estime que l’explication du prestataire selon laquelle il avait besoin du document du 17 janvier 2018 avant de pouvoir demander une révision est une explication raisonnable de son retard.

Intention continue de demander une révision

[40] J’estime que le prestataire avait l’intention continue de demander une révision du 17 septembre 2018 au 20 novembre 2020.

[41] Le compte rendu de décision de la Commission indique que le prestataire a été informé à maintes reprises qu’il [traduction] « devait réexaminer » la décision. Le compte rendu de décision indique que, bien que le prestataire ait été en contact avec la Commission au cours de cette période, il n’a jamais fait de demande de révision officielle ou même verbale. Il dit que le prestataire a été informé de ses droits de demander une révision dans la lettre d’août 2018, et lors de conversations téléphoniques en novembre 2018 et en août 2019. Le compte rendu de décision indique que le prestataire aurait pu demander une révision durant cette période, mais qu’il était frustré contre la Commission, et qu’il avait dit qu’il n’avait pas l’intention de présenter une nouvelle demande de prestations, ce qui ne s’est pas produit.

[42] Selon le témoignage du prestataire, il avait besoin du document du 17 janvier 2018 avant de pouvoir traiter de la lettre du 16 août 2018. Il a expliqué que vu qu’il est atteint du TDAH, il doit traiter les choses dans un ordre chronologique. Le prestataire a affirmé avoir communiqué avec Service Canada après avoir reçu la lettre du 16 août 2018. Il a demandé le document du 17 janvier 2018, mais on lui a répondu qu’il était introuvable.

[43] Le prestataire a demandé à plusieurs reprises une copie du document du 17 janvier 2018, mais la Commission a seulement été en mesure de le lui fournir le 9 mars 2022. Les échanges du prestataire avec la Commission portaient principalement sur le document du 17 janvier 2018. Bien que ce document ne contienne pas de décision de la Commission, je pense que le fait que le prestataire a demandé plusieurs fois qu’on le lui fournisse pour qu’il puisse traiter de la décision du 16 août 2018 démontre qu’il avait l’intention continue de demander une révision.

Chance raisonnable de succès

[44] J’estime qu’il n’est pas clair et évident à première vue que la demande de révision du prestataire est vouée à l’échec. Autrement dit, il n’est pas évident que la Commission ne modifiera pas sa décision après avoir fait une révision.

[45] La décision de la Commission était que le prestataire avait sciemment fait de fausses déclarations alors qu’il ne déclarait pas sa rémunération pendant qu’il recevait des prestations d’assurance-emploi. Par conséquent, il a été décidé que le prestataire devait rembourser les prestations d’assurance-emploi qu’il avait reçues, payer une pénalité et travailler plus d’heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi à l’avenir.

[46] Il ne suffit pas que la déclaration ou l’omission soit fausse ou trompeuse, le prestataire doit sciemment faire des déclarations ou des affirmations fausses ou trompeuses (mis en évidence par la soussignée). Le terme « sciemment » signifie que le prestataire savait que les renseignements fournis étaient faux lorsqu’il a fait la déclaration, et ne comprend aucun élément d’intention de tromperNote de bas de page 14.

[47] Le prestataire a déclaré qu’en 2015 il consommait de la drogue. Il a dit qu’il lui avait fallu beaucoup de temps pour déterminer où il travaillait et s’en souvenir. Il ne savait pas s’il travaillait à ce moment-là, avec qui il travaillait ou quand il était payé. La Commission n’a pas encore eu l’occasion d’examiner ces renseignements pour établir si le prestataire a sciemment fait de fausses déclarations. Comme il peut y avoir un motif pour le prestataire de soutenir qu’il n’a pas sciemment fait de fausses déclarations, il n’est pas clair si la demande de révision du prestataire est vouée à l’échec.

Préjudice à la Commission ou à une autre partie

[48] Je juge qu’aucun préjudice ne serait causé à une partie si le prestataire se voyait accorder une prolongation du délai pour demander la révision de la décision du 16 août 2018. La Commission a été en mesure de produire le document du 17 janvier 2018. Cela m’indique que la Commission est en mesure de produire tous les documents menant à sa décision du 16 août 2018, afin que le prestataire et elle puissent présenter leur cause sur le fond de cette décision.

Conclusion

[49] L’appel est accueilli.

[50] La Commission n’a pas démontré qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé la demande de révision du prestataire.

[51] Le prestataire s’est conformé aux dispositions de l’article 1 du Règlement sur les demandes de révision et a donc droit à une prolongation du délai pour présenter une demande de révision.

[52] La Commission devra maintenant réviser sa décision du 16 août 2018 et informer le prestataire des résultats de cette révision.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.