Assurance-emploi (AE)

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Citation : YS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 476

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : Y. S.
Représentante ou représentant : Sylvain Bergeron

Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (444241) datée du 18 janvier 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 22 mars 2022
Personne présente à l’audience : L’appelant
Le représentant de l’appelant
Date de la décision : Le 8 avril 2022
Numéro de dossier : GE-22-372

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je conclus que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 1. Son exclusion du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 22 août 2021 est donc justifiée.

Aperçu

[2] Du 7 novembre 2011 au 17 août 2021 inclusivement, l’appelant a travaillé comme directeur de succursale à la Banque de Montréal (BMO ou l’employeur) et a cessé de travailler pour cet employeur en raison d’un congédiement. L’employeur explique avoir congédié l’appelant parce qu’il a contrevenu aux procédures et politiques de la banque, de même qu’au code de conduite des employés.

[3] Le 8 novembre 2021, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) l’informe qu’il n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploi à partir du 22 août 2021, car il a cessé de travailler pour l’employeur le 17 août 2021 en raison de son inconduiteNote de bas de page 2.

[4] Le 18 janvier 2022, à la suite d’une demande de révision, la Commission avise l’appelant qu’elle maintient la décision rendue à son endroit le 8 novembre 2021Note de bas de page 3.

[5] L’appelant soutient ne pas avoir perdu son emploi en raison de son inconduite. Il fait valoir que bien qu’il ait contrevenu aux procédures et politiques de l’employeur, de même qu’au code de conduite des employés en demandant à une employée relevant de lui de traiter sa demande personnelle de prêt hypothécaire, son objectif était de faire traiter son dossier dans le temps requis, à la suite de l’acceptation d’une offre qu’il avait faite pour acheter une résidence. L’appelant explique n’avoir eu aucune intention ou pensée malveillante à l’endroit de l’employeur malgré les gestes qui lui ont été reprochés. Il affirme ne pas être intervenu dans les différentes étapes de l’analyse de son dossier pour obtenir le prêt hypothécaire demandé ou en tirer un avantage. Il ignorait qu’il pouvait être congédié en raison des gestes qui lui ont été reprochés. Le 31 janvier 2022, l’appelant conteste auprès du Tribunal la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet du présent recours devant le Tribunal.

Questions en litige

[6] Je dois déterminer si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. Pour cela, je dois répondre aux questions suivantes :

  • Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?
  • La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite selon la Loi?

Analyse

[7] Le terme d’inconduite n’est pas défini dans la Loi. Des décisions rendues par la Cour d’appel fédérale (la Cour) donnent les caractéristiques de la notion d’inconduite.

[8] Dans l’une de ses décisions, la Cour mentionne que pour constituer de l’inconduite, « l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail »Note de bas de page 4.

[9] Pour être considérée comme une inconduite selon la Loi, la façon d’agir doit être délibérée. C’est-à-dire qu’elle doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle « frôle le caractère délibéré », c’est-à-dire qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 6. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la Loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable, c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de malNote de bas de page 7.

[10] Il y a inconduite si un prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 8.

[11] Pour déterminer si l’inconduite peut mener à un congédiement, il doit exister un lien entre l’inconduite reprochée au prestataire et la perte de son emploi. L’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travailNote de bas de page 9. 

[12] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilitésNote de bas de page 10. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 11. 

Question no 1 : Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[13] Dans le cas présent, l’employeur explique avoir congédié l’appelant pour avoir contrevenu aux procédures et politiques de la banque, ce qui inclut le code de conduite des employés, en faisant traiter sa demande de prêt hypothécaire par une employée qui relevait de luiNote de bas de page 12.

[14] Dans une lettre adressée à l’appelant (objet : Fin d’emploi), en date du 23 août 2021, l’employeur lui explique qu’il met fin à son emploi pour avoir contrevenu gravement aux procédures et politiques de la banque, de même qu’au code de conduite. L’employeur lui indique qu’il y a un bris définitif du lien de confiance nécessaire pour maintenir son lien d’emploi au sein de l’institutionNote de bas de page 13. Dans cette lettre, l’employeur lui explique qu’il a avoué avoir, entre autres, posé les gestes suivants :

  1. a) Avoir fait traiter sa demande de prêt hypothécaire par une employée qui relevait de lui (subordonnée directe) ;
  2. b) Avoir apporté des documents pour l’hypothèque à faire signer par sa conjointe à l’extérieur de la banque sachant que ce n’est pas une pratique autorisée  ;
  3. c) Avoir vérifié son dossier de crédit à l’aide de son opérateur « Pathway Connect » à 11 reprises ;
  4. d) Avoir autorisé le remboursement de ses propres frais de notaire pour un montant de 750,00 $, sans avoir obtenu l’autorisation de sa vice-présidente régionale (VPR) ;
  5. e) Avoir fait traiter la transaction par une employée qui relevait de lui (subordonnée) en utilisant le nom de sa conjointe (conjointe de l’appelant) dans le commentaire pour dissimuler le fait qu’il rembourse ses propres frais ;
  6. f) Avoir autorisé des remboursements de frais de notaire pour des clients, à plusieurs reprises, sans obtenir l’autorisation de sa VPRNote de bas de page 14.

[15] Les déclarations de l’employeur à la Commission fournissent également les renseignements suivants :

  1. a) L’appelant travaillait depuis plus de 10 ans. Il était directeur de succursale. Il a profité de son statut de directeur pour organiser son prêt hypothécaire personnel en le faisant traiter par une employée qui relevait de lui. Ce qui est interditNote de bas de page 15 ;
  2. b) En apportant ses documents de prêt hypothécaire à la maison, l’appelant aurait pu les faire signer par n’importe qui, à l’insu de sa conjointe, et ainsi obtenir un prêt au nom de cette dernièreNote de bas de page 16 ;
  3. c) Il a consulté son dossier personnel de prêt hypothécaire en cours de traitement alors qu’il doit attendre, comme toute personne qui demande un prêt. Il avait accès aux notes alors qu’il devait attendre le résultat de la vérification de crédit, comme tout clientNote de bas de page 17 ;
  4. d) Il a contrevenu au code de conduite des employés en raison d’un conflit d'intérêts et d’un abus de pouvoir. Chaque année, il a signé le code de conduite (document intitulé « Code de conduite de BMO ») pour s’engager à le respecterNote de bas de page 18.

[16] L’employeur transmet également à la Commission une copie des documents suivants :

  1. a) « Code de conduite de BMO »Note de bas de page 19 ;
  2. b) « Gestion des conflits d’intérêts touchant les employés – Directive d’exploitation »Note de bas de page 20 ;
  3. c) Document attestant la formation suivie par l’appelant sur le code de conduite de l’employeurNote de bas de page 21.

[17] Le document intitulé « Code de conduite de BMO » donne entre autres les renseignements suivants :

  1. a) Quiconque enfreint le Code s’expose à des mesures disciplinaires qui peuvent aller jusqu’au congédiement et à des poursuites en justiceNote de bas de page 22 ;
  2. b) S’assurer que ses affaires personnelles et professionnelles n’entrent pas en conflit, de façon réelle ou apparente, avec les intérêts de BMO ou ceux de ses clients, contreparties ou fournisseurs actuels ou éventuelsNote de bas de page 23 ;
  3. c) N’utilisez pas vos fonctions ou votre lien avec BMO pour en tirer profit, que ce soit pour vous ou pour une autre personne avec qui vous avez un lien, notamment un parent, un ami, un associé ou un collègue. N’utilisez pas les privilèges bancaires qui vous sont accordés à titre d’employé au bénéfice de tiers ou pour réaliser un profit personnelNote de bas de page 24.

[18] Le document intitulé « Gestion des conflits d’intérêts touchant les employés – Directive d’exploitation » donne entre autres les renseignements suivants :

  1. a) Afin d’éviter tout conflit d’intérêts potentiel, apparent ou réel, un employé n’a pas le droit de traiter ou d’autoriser des transactions ou des dépenses, d’octroyer un crédit, de gérer des relations, ni de participer à une autre activité pour le compte de BMO afin d’en retirer des avantages pour lui-même, des membres de sa famille immédiate […]Note de bas de page 25 ;
  2. b) Tout intérêt de ce genre doit être signalé au gestionnaire de l’employé, qui déterminera si la transaction peut être effectuée et, le cas échéant, sous quelles conditions ou restrictions. […] Les employés ne peuvent pas utiliser leur fonction pour influencer une autre personne à traiter les transactions. Il est également interdit aux employés de tenter d’influencer d’autres secteurs de BMONote de bas de page 26 ;
  3. c) Afin de gérer efficacement les conflits d’intérêts personnels apparents, potentiels ou réels, tous les employés doivent soumettre une demande d’approbation de leurs transactions financières personnelles, de leurs activités externes et de leurs placements privés. […] Les employés ne sont pas autorisés à participer à l’activité avant que toutes les possibilités de conflits aient été évaluées et avant d’avoir reçu un avis écrit de l’approbation finaleNote de bas de page 27 ;
  4. d) Certaines activités de transactions financières personnelles sont interdites. Les exceptions à ces interdictions ne peuvent être accordées qu’avec l’approbation de la direction et de l’équipe ConformitéNote de bas de page 28 ;
  5. e) Les dispositions particulières suivantes (a. emprunter ou prêter personnellement de l’argent ou des titres) sont interdites, car elles peuvent créer des conflits d’intérêts réels ou potentielsNote de bas de page 29 ;
  6. f) Le non-respect des exigences énoncées dans la directive d’exploitation peut être considéré comme une violation du Code de conduite de BMO et pourrait entraîner des mesures disciplinaires ou un congédiement […]Note de bas de page 30.

[19] De son côté, l’appelant reconnaît avoir fait traiter sa demande de prêt hypothécaire par une employée relevant de lui et avoir ainsi contrevenu aux politiques et aux procédures de l’employeur, de même qu’au code de conduite des employésNote de bas de page 31. Il fait valoir qu’il faut tenir compte du contexte dans lequel les gestes reprochés ont été commis.

[20] Le représentant de l’appelant explique que l’appelant ne nie pas avoir contrevenu au code de conduite.

[21] Je considère que la perte d’emploi de l’appelant résulte des gestes qu’il a commis pour faire traiter sa demande de prêt hypothécaire par une employée qui relevait de lui.

[22] Je dois maintenant déterminer si les gestes reprochés à l’appelant constituent de l’inconduite au sens de la Loi.

Question no 2 : La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite selon la Loi?

[23] Je considère que l’appelant a agi de manière à perdre délibérément son emploi. La preuve au dossier démontre qu’il a commis des gestes représentant de l’inconduite au sens de la Loi.

[24] L’appelant soutient que les gestes qui lui ont été reprochés ne représentent pas de l’inconduite au sens de la Loi. Son témoignage et ses déclarations indiquent les éléments suivants :

  1. a) L’appelant et sa conjointe désiraient faire l’achat d’une nouvelle résidence. Vers la mi-février 2021, l’appelant a signé une offre d’achat à cet effet. À la suite de la signature de cette offre, il a présenté une demande de prêt hypothécaire. L’appelant voulait s’assurer que sa demande de prêt hypothécaire soit traitée rapidement ou dans le temps requis. Il souligne qu’à la fin de l’hiver 2021, étant donné le contexte de la pandémie de COVID-19Note de bas de page 32, il y avait « surchauffe immobilière ». Il était difficile de trouver une résidence et d’avoir accès à un service auprès des institutions financières. Le manque de personnel, les délais de traitement et le contexte particulier du marché immobilier l’ont incité à faire le choix le plus logique, étant donné les circonstancesNote de bas de page 33 ;
  2. b) Il a d’abord présenté sa demande à une spécialiste hypothécaire de la succursale où il travaillait. C’était une collègue de travail dont il n’était pas le supérieur immédiat. Elle n’était donc pas une de ses subordonnées. L’appelant lui a demandé de traiter sa demande de prêt hypothécaire, tout en sachant la réponse qu’elle allait lui donner, car elle était débordée de travail. Il souligne que le contexte prévalant à cette période faisait en sorte qu’il y avait une demande énorme pour le traitement de prêts hypothécaires. Après lui avoir dit qu’elle ne pouvait pas traiter sa demande d’hypothèque puisqu’elle était débordée, la spécialiste lui a suggéré d’aller voir un des conseillers de sa propre équipe. Ce que l’appelant a faitNote de bas de page 34 ;
  3. c) À la succursale où il travaillait, une seule conseillère, parmi les quatre conseillers travaillant sous son autorité, était accréditée pour faire des prêts hypothécaires. Il a donc présenté sa demande de prêt hypothécaire à cette conseillèreNote de bas de page 35 ;
  4. d) La conseillère ayant traité cette demande a contacté la conjointe de l’appelant pour l’aviser que celui-ci allait revenir à la maison lui faire signer des documents. L’appelant affirme qu’il s’agit d’une pratique légale, pourvu que le conjoint soit informé par le conseiller qu’il aura des documents à signer. L’appelant a donc apporté les documents à la maison pour que sa conjointe les signe. Il soutient qu’il n’aurait pas pu faire une demande de prêt hypothécaire à l’insu de sa conjointe comme l’employeur l’a affirmé dans l’une de ses déclarations à la CommissionNote de bas de page 36. Il souligne que pour un prêt hypothécaire, il verrait difficilement un conjoint présentant une telle demande, à l’insu de sa conjointe, se retrouver ensuite devant un notaire en l’absence de cette dernière. Les deux conjoints doivent être présents et doivent être identifiésNote de bas de page 37 ;
  5. e) Il reconnaît avoir contrevenu au code d’éthique et aux politiques de l’employeurNote de bas de page 38. Il indique qu’il était au courant de la politique en vigueur chez l’employeur et qu’il ne l’a pas respectée. L’appelant explique que bien qu’il existe une politique chez l’employeur concernant son « infraction », beaucoup de demandes de prêts se font entre collègues ayant un lien hiérarchique entre eux, étant donné le manque de personnel et le contexte de la pandémie de COVID-19Note de bas de page 39 ;
  6. f) Il fait valoir que sa demande de prêt hypothécaire a été faite sans aucune arrière-pensée. Aucune pensée malveillante, pression indue ou motivation n’a été exercée à l’endroit de la conseillère ayant traité sa demande pour manipuler ou l’inciter à ne pas respecter les normes et procédures en vigueurNote de bas de page 40. En aucun moment, il n’est intervenu dans le processus d’analyse de sa demande de prêt hypothécaire. Il n’aurait pu intervenir dans la décision concernant sa demande de prêt hypothécaire, même s’il avait voulu le faire puisque les documents fournis avec sa demande sont vérifiésNote de bas de page 41. Les règles en vigueur et les procédures de vérification en place relativement à ce type de demande sont tellement efficaces qu’il ne peut aucunement y avoir de manipulation. Il serait difficile de vouloir manipuler une personne ou le système, car tout est vérifié ;
  7. g) Concernant l’accès à sa demande de prêt qui lui est reproché, l’appelant explique que la conseillère ayant traité son dossier avait un problème technique. L’appelant a alors utilisé sa propre demande pour vérifier si le problème technique avait été résolu. Il fait valoir que même s’il avait voulu voir l’état de sa demande, il n'aurait rien pu faire dans son dossier parce celui-ci faisait l’objet d’une vérificationNote de bas de page 42 ;
  8. h) Chaque année, il signe le code de conduite des employésNote de bas de page 43. Du temps lui est alloué pour prendre connaissance de ce documentNote de bas de page 44. Ce document contient plusieurs pages, et prendre le temps de lire chacune d’elles pourrait prendre plusieurs heuresNote de bas de page 45. Bien qu’il reçoive une formation annuelle sur la conformité et l’éthique, il ne peut retenir toute la matière s’y rapportantNote de bas de page 46 ;
  9. i) La question se rapportant au remboursement des frais de notaire ne réfère pas à une directive du code de conduite des employés. Il ne s’agit pas d’une norme ou d’une procédure spécifique. Il s’agit d’une prérogative de la VPR. C’est elle qui accorde ou autorise le remboursement des frais de notaire pour les clients et les employés. Il s’agissait d’une nouvelle directive de la VPR en poste. L’appelant affirme que pour les employés, ces remboursements sont acceptés « d’office ». Il souligne que beaucoup de frais de notaire ont été remboursés par les directeurs et que par la suite, une demande d’autorisation était présentée. L’appelant explique qu’il en était ainsi parce que dans le processus de négociation pour obtenir un prêt hypothécaire, les clients sont exigeants et veulent avoir une réponse rapide à leur demande ;
  10. j) Bien que dans la lettre de fin d’emploi, l’employeur indique qu’il avait autorisé le remboursement de ses propres frais de notaire sans avoir obtenu l’autorisation de VPRNote de bas de page 47, cela signifie qu’il n’avait pas reçu l’autorisation « préalable » de la part de cette dernière, pour obtenir ce remboursement, comme celle-ci le demandait. Cette autorisation « préalable » n’a été donnée par personne. Il affirme avoir obtenu cette autorisation vers juin ou juillet 2021, soit plusieurs mois après l’acceptation de sa demande de prêt hypothécaire et après que la transaction ait été effectuée. Il savait que la VPR allait lui donner cette autorisation ;
  11. k) L’appelant affirme que ce n’est pas lui qui a autorisé le remboursement des frais de notaire. Il en a fait la demande. Il souligne ne pas avoir « pris 750,00 $ dans la petite caisse ». Cette demande a été signée par deux autres personnes. Pour avoir droit à ce remboursement, un document spécifique doit être rempli. Dans son cas, ce document a été rempli au nom de sa conjointe. L’appelant ne voulait pas que la personne traitant ce dossier, soit une représentante du service à la clientèle de la succursale où il travaillait, ait accès à son dossier ou à son « profil », étant donné qu’il travaille à l’intérieur de cette succursale. Il ne pouvait signer lui-même ce document ;
  12. l) Dans sa déclaration du 23 décembre 2021 à la Commission, l’appelant indique avoir autorisé le remboursement des frais de notaire, alors qu’habituellement, c’est la VPR qui l’autorise. Il précise alors que puisque la VPR autorise toujours ce genre de frais et qu’elle était très occupée, il a cru bien faire en autorisant son propre remboursementNote de bas de page 48 ;
  13. m) À la suite de l’obtention de son prêt hypothécaire, l’appelant a informé la VPR qu’il était passé par une employée qui relevait de lui pour faire traiter sa demande. L’appelant affirme qu’à la suite de sa discussion avec la VPR, celle-ci lui a envoyé un courriel dans lequel elle lui a expliqué que la prochaine fois qu’il aurait une demande personnelle à présenter, de ne pas la faire traiter par un employé relevant de lui, mais par quelqu’un avec qui il n’avait pas de lien de subordination. L’appelant lui a répondu qu’il allait se conformer à cette demande. Il ne peut retracer le courriel que lui a envoyé la VPRNote de bas de page 49 ;
  14. n) Il ignorait qu’il serait congédié en raison des gestes qu’il a posésNote de bas de page 50. C’est seulement après avoir été informé par sa supérieure (VPR) qu’il a constaté la gravité de son gesteNote de bas de page 51. L’appelant dit ne pas savoir ce qui s’est passé « à l’interne » et pourquoi il y a eu un changement ayant fait en sorte que l’employeur a fait une enquête sur son dossier. Lorsqu’un enquêteur et la VPR l’ont rencontré pour lui poser des questions, il ne s’attendait à ce que cette rencontre porte sur son dossier, étant donné la discussion qu’il avait préalablement eue avec cette dernière ;
  15. o) L’appelant a d’abord été suspendu avec traitement du 10 au 16 août 2021 et son congédiement lui a été annoncé le 17 août 2021Note de bas de page 52. Le 23 août 2021, l’employeur lui a adressé une lettre de fin d’emploiNote de bas de page 53.

[25] Le représentant de l’appelant fait valoir les éléments suivants :

  1. a) Les gestes reprochés à l’appelant ne représentent pas de l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 54. Avant de déterminer s’il s’agit d’une inconduite, il faut analyser la gravité de la situation ;
  2. b) Le représentant fait valoir que « […] L’inconduite, qui rend l’employé congédié inadmissible au bénéfice des prestations de chômage, existe lorsque la conduite de l’employé montre qu’il néglige volontairement ou gratuitement les intérêts de l’employeur »Note de bas de page 55. L’appelant n’avait pas l’intention de nuire à l’employeur ;
  3. c) Les quatre critères utilisés par la Commission pour analyser un cas d’inconduite (ex. : un incident spécifique est survenu, la conduite a eu un effet réel et négatif sur l’employeur, la conduite a contrevenu à la relation employeur-employé, la conduite était volontaire et/ou intentionnelle de la part de l’appelant)Note de bas de page 56 ne démontrent pas que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite ;
  4. d) Objectivement, les gestes reprochés à l’appelant n’ont pas entraîné un aspect négatif pour l’employeur. L’employeur va « empocher » les intérêts du prêt hypothécaire consenti à l’appelant. C’est un client de plus, ce n’est pas négatifNote de bas de page 57 ;
  5. e) Même si le code de conduite indique : « N’utilisez pas vos fonctions ou votre lien avec BMO pour en tirer profit […] »Note de bas de page 58, il n’y a pas eu de profit dans le cas de l’appelant. Il a suivi le processus de demande de prêt hypothécaire ;
  6. f) Bien que la Commission indique qu’il y a « évidence que le prestataire [l’appelant] a pris l’argent de la BMO, un montant de 750,00 $, afin de payer ses propres frais de notaire »Note de bas de page 59, les remboursements des frais de notaire des employés étaient acceptés « d’office » ;
  7. g) Le représentant fait valoir que la déclaration de l’employeur selon laquelle l’appelant « aurait pu faire signer le document par n’importe qui à l’insu de sa conjointe et ainsi obtenir un prêt à son nom à elle »Note de bas de page 60 n’est pas crédible.

[26] Dans le présent dossier et en fonction de la preuve présentée, je considère que les circonstances liées au congédiement de l’appelant démontrent qu’il a délibérément choisi de perdre son emploi. Son congédiement résulte de gestes délibérés de sa part.

[27] L’appelant reconnaît avoir contrevenu aux procédures et aux politiques de l’employeur de même qu’au code de conduite auquel il était assujetti.

[28] Je suis d’avis que l’appelant pouvait prévoir qu’en y contrevenant il pouvait être congédié.

[29] Les dispositions prévues au code de conduite de même qu’au document portant sur la directive d’exploitation de l’employeur, précisent toutes deux que si un employé y déroge ou y contrevient, il s’expose à des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiementNote de bas de page 61.

[30] Bien que l’appelant fasse valoir qu’il n’a eu aucune intention malveillante en posant les gestes qui lui ont été reprochés et qu’il faut prendre en considération le contexte dans lequel ils se sont produits, il demeure que c’est en toute connaissance de cause qu’il a dérogé aux procédures et politiques en vigueur chez l’employeur et au code de conduite.

[31] Il avait la possibilité d’éviter d’être congédié en respectant les procédures et les politiques, de même que les dispositions du code de conduite.

[32] Bien que l’appelant fasse également valoir qu’il n’a « pas pris 750,00 $ dans la petite caisse » pour se rembourser les frais de notaire en lien avec l’achat de sa résidence et qu’il a obtenu le remboursement de ces frais, il ne démontre pas qu’il avait obtenu l’autorisation préalable de sa VPR pour effectuer ce remboursement.

[33] Je trouve d’ailleurs contradictoires les explications données par l’appelant sur ce point.

[34] En effet, lors de l’audience, il explique que personne n’a donné d’autorisation « préalable » pour le remboursement des frais de notaire. Il précise que la VPR lui a donné une autorisation à cet effet vers juin ou juillet 2021, soit plusieurs mois après l’acceptation de sa demande de prêt hypothécaire et après que sa transaction d’achat ait été effectuée. Il précise ce n’est pas lui qui a autorisé le remboursement de ces frais, qu’il n’a pas signé de document à cet effet et que cette demande de remboursement avait été faite au nom de sa conjointe.

[35] Toutefois, dans sa déclaration du 23 décembre 2021 à la Commission, l’appelant donne une explication plus claire lorsqu’il affirme avoir cru bien faire en autorisant son propre remboursement pour ses frais de notaire, alors qu’habituellement, c’est la VPR qui donne cette autorisation. Il précise alors avoir agi de cette manière parce que la VPR autorise toujours ce genre de frais et qu'elle était très occupéeNote de bas de page 62.

[36] J’accorde plus de poids à cette déclaration. Elle est très explicite. De plus, cette déclaration correspond aux renseignements fournis par l’employeur dans la lettre de fin d’emploi de l’appelant indiquant que celui-ci a autorisé le remboursement de ses propres frais de notaire pour une somme de 750,00 $, sans avoir obtenu l’autorisation de sa VPRNote de bas de page 63.

[37] L’argument de l’appelant selon lequel la question du remboursement des frais de notaire ne relève pas d’une directive du code de conduite des employés et qu’il s’agit d’une prérogative de la VPR, ne change rien au fait qu’il a dérogé à une demande légitime de l’employeur.

[38] Sur ce point, l’employeur lui reproche d’ailleurs d’avoir fait traiter la transaction par une employée relevant de lui et d’avoir utilisé le nom de sa conjointe pour « dissimuler » le fait qu’il remboursait ses propres fraisNote de bas de page 64.

[39] Je souligne que le document intitulé « Gestion des conflits d’intérêts touchant les employés – Directive d’exploitation »Note de bas de page 65 précise qu’afin d’éviter tout conflit d’intérêts potentiel, apparent ou réel, un employé n’a entre autres « pas le droit de traiter ou d’autoriser des transactions ou des dépenses, d’octroyer un crédit […] afin d’en retirer des avantages pour lui-même, des membres de sa famille immédiate »Note de bas de page 66.

[40] Même si l’appelant explique qu’à titre de directeur de succursale, il avait aussi autorisé le remboursement de tels frais pour des clients de la succursale où il travaillait, l’employeur précise dans la lettre de fin d’emploi qu’il lui a adressée, qu’une telle pratique n’était pas non plus autoriséeNote de bas de page 67.

[41] Le représentant fait valoir que les critères énoncés par la Commission pour analyser un cas d’inconduiteNote de bas de page 68 ne démontrent pas que les gestes reprochés à l’appelant représentent de l’inconduite. Il souligne que ces gestes n’ont pas eu d’impact négatif pour l’employeur puisque celui-ci va pouvoir continuer de bénéficier des intérêts du prêt hypothécaire consenti à l’appelant.

[42] Je considère que les arguments du représentant sur ce point ne font pas la démonstration que l’appelant a respecté les exigences de l’employeur concernant les procédures et politiques en place ou se rapportant au code de conduite des employés.

[43] Il en est de même de l’argument de l’appelant selon lequel il a utilisé sa propre demande de prêt pour vérifier si un problème technique qu’aurait rencontré, selon lui, la conseillère ayant traité cette demande avait été résoluNote de bas de page 69.

[44] La preuve au dossier indique aussi que chaque année, l’appelant consacrait du temps pour prendre connaissance du contenu du code de conduite et signait ce document démontrant son engagement à le respecterNote de bas de page 70.

[45] Dans ce contexte, l’argument de l’appelant selon lequel ce document contient plusieurs pages et que faire la lecture de toutes les pages pourrait prendre plusieurs heures ne peut être retenu en sa faveur.

[46] Je considère qu’en contrevenant aux procédures et politiques de l’employeur, de même qu’au code de conduite des employés, l’appelant a consciemment choisi d’ignorer les normes de comportement que celui-ci avait le droit d’exiger à son endroit. L’appelant a passé outre une exigence fondamentale liée à son emploi.

[47] En résumé, je considère qu’en faisant traiter sa demande de prêt hypothécaire par une employée relevant de lui, l’appelant a posé des gestes ayant un caractère conscient, délibéré ou intentionnel et pouvant être associés à de l’inconduite.

[48] J’estime que l’appelant a été congédié en raison d’actes qu’il a posés de manière volontaire et délibérée.

[49] Je suis d’avis que dans le cas présent, la Commission s’est acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe de démontrer si les gestes posés par l’appelant représentent de l’inconduite.

[50] La Cour nous informe que la Commission doit prouver l’existence d’éléments de preuve démontrant l’inconduite d’un prestataireNote de bas de page 71. 

[51] La Commission a prouvé que l’appelant a intentionnellement perdu son emploi.

[52] J’estime que la preuve recueillie par la Commission démontre que l’appelant n’a pas respecté les procédures et les politiques en vigueur chez l’employeur et qu’il a enfreint le code de conduite des employés. L’appelant aurait pu continuer d’occuper son emploi en respectant ces procédures, ces politiques et les dispositions de ce code de conduite.

[53] La Cour nous indique aussi qu’il doit être établi que l’inconduite a constitué la cause du congédiement du prestataireNote de bas de page 72.

[54] Je suis d’avis que le lien entre les gestes posés par l’appelant et son congédiement a été démontré.

[55] La preuve démontre que le fait que l’appelant n’ait pas respecté les procédures et politiques de l’employeur, de même que le code de conduite des employés représente la cause réelle de son congédiement. L’employeur explique avoir congédié l’appelant pour cette raison. L’appelant indique avoir été congédié pour ce même motif.

[56] Selon la Loi, la raison du congédiement de l’appelant est une inconduite.

Conclusion

[57] Je conclus que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[58] En conséquence, la décision de la Commission de l’exclure du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 22 août 2021 est justifiée.

[59] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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