Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 485

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (443450) datée du 24 décembre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Candace R. Salmon
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 5 avril 2022
Personnes présentes à l’audience : S.O.
Date de la décision : Le 21 avril 2022
Numéro de dossier : GE-22-308

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi, puis congédiée en raison de sa propre inconduite (c’est‑à‑dire parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a valu d’être suspendue et congédiée). Par conséquent, la prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’employeur a suspendu la prestataire parce qu’elle ne respectait pas sa politique de vaccination contre la COVID-19. L’employeur a dit à la Commission que la prestataire a enfreint sa politique en refusant de se faire vacciner. Il a par la suite mis fin à son emploi pour cause d’inconduite.

[4] La prestataire soutient qu’elle a été congédiée illégalement en raison d’une politique qui ne respecte pas les droits du personnel. Elle précise aussi que la politique de vaccination n’était pas en place lorsqu’elle a été embauchée et qu’elle ne fait pas partie de sa convention collective.

[5] La Commission soutient que la suspension et le congédiement de la prestataire étaient des conséquences de la même action, c’est-à-dire refuser de se conformer à la politique obligatoire de l’employeur. Elle précise que l’acte de la prestataire était volontaire et délibéré, et que la prestataire savait qu’elle pouvait perdre son emploi en refusant de se conformer à la politique, mais qu’elle a tout de même choisi de le faire.

Question que je dois examiner en premier

La prestataire n’était pas présente à l’audience

[6] L’audience était prévue pour le 18 mars 2022. Le 15 mars 2022, la prestataire a demandé au Tribunal de reporter l’audience à une date après le 29 mars 2022. Après avoir examiné sa demande, j’ai ajourné l’audience. Celle-ci a été reportée au 5 avril 2022, selon les disponibilités de la prestataire. Toutefois, la prestataire ne s’est pas présentée.

[7] Une audience peut avoir lieu en l’absence de la partie prestataire si elle a reçu l’avis d’audienceNote de bas de page 2. J’estime que la prestataire a reçu cet avis parce qu’elle a fourni au Tribunal une adresse courriel le 24 janvier 2022 et a accepté de communiquer par courriel. Le Tribunal a envoyé le dossier d’appel, dont l’avis d’audience, à cette adresse courriel. En plus d’avoir reporté l’audience selon les disponibilités de la prestataire, le Tribunal lui a envoyé un rappel par courriel.

[8] Lorsque la prestataire ne s’est pas présentée à l’audience, j’ai demandé au Tribunal de lui téléphoner à nouveau et de lui demander si elle avait l’intention d’y participer. Une personne du Tribunal a appelé la prestataire le 5 avril 2022, mais n’a pas pu la joindre et lui a laissé un message sur sa boîte vocale. En date de la rédaction de la présente décision, le Tribunal n’a reçu aucune autre communication de la prestataire.

[9] Comme je suis convaincue que la prestataire a reçu l’avis d’audience, l’audience a eu lieu à la date prévue, mais sans la prestataire.

Questions en litige

[10] La prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite? Est-elle admissible aux prestations d’assurance-emploi?

Analyse

[11] Je dois trancher deux questions. Premièrement, je dois décider pourquoi la prestataire a été suspendue de son emploi, puis congédiée. Deuxièmement, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

[12] Dans le cas présent, la prestataire semble d’abord avoir été suspendue de son emploi le 1er octobre 2021Note de bas de page 3, puis congédiée le 1er novembre 2021. Si je conclus que la prestataire a fait preuve d’inconduite, le moment où elle a été suspendue et congédiée devient pertinent.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[13] J’estime que la prestataire a été suspendue de son emploi, puis congédiée, parce qu’elle a refusé de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. La prestataire ne conteste pas ce fait.

La raison du congédiement de la prestataire constitue-t-elle une inconduite au sens de la loi?

[14] La prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi le 11 octobre 2021. Elle a déclaré avoir travaillé dans le domaine des soins à domicile du 3 juillet 2018 au 1er octobre 2021. Elle a ajouté qu’elle était en congé en raison de la politique de vaccination de son employeur.

[15] Selon le relevé d’emploi, la prestataire était coordonnatrice des soins et ne travaillait plus depuis le 1er octobre 2021 en raison de sa suspension. Le 3 novembre 2021, l’employeur a dit à la Commission que le gouvernement avait exigé que toute personne travaillant dans un établissement de soins de santé se fasse vacciner. Il a précisé que le 2 septembre 2021Note de bas de page 4, le personnel a été avisé qu’une politique de vaccination obligatoire serait mise en place. Le personnel avait jusqu’au 14 septembre 2021 pour se faire vacciner ou pour fournir un document à l’appui d’une exemption.

[16] L’employeur a déclaré que la prestataire n’a fourni aucun renseignement sur son statut vaccinal. Le 15 septembre 2021, il lui a envoyé une lettre précisant qu’elle avait jusqu’au 30 septembre 2021 pour se faire vacciner. Autrement, elle ne pourrait pas continuer à travailler. La prestataire n’a fourni aucun document à l’appui d’une exemption ou confirmant sa vaccination. On lui a donc imposé une période de congé à partir du 1er octobre 2021. On lui a dit qu’elle avait un mois pour se faire vacciner ou pour fournir un document à l’appui d’une exemption. Sinon, elle serait congédiée le 1er novembre 2021.

[17] L’employeur a confirmé que la prestataire n’a pas suivi la politique de vaccination. Par conséquent, il a mis fin à son emploi le 1er novembre 2021.

[18] Le 3 novembre 2021, la Commission a communiqué avec la prestataire. Celle-ci a déclaré que les renseignements de l’employeur étaient exacts et qu’elle avait été congédiée pour ne pas avoir suivi la politique de vaccination. Elle a ajouté qu’elle n’avait aucun document à l’appui d’une exemption médicale ou de tout autre type d’exemption.

[19] La Commission a jugé que la prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. Elle a donc été exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Le 16 novembre 2021, la prestataire a demandé que la décision de la Commission soit révisée. Elle a déclaré avoir été congédiée illégalement en raison d’une politique qui ne respecte pas les droits du personnel. Comme elle a cotisé au programme d’assurance‑emploi pendant plusieurs années, elle a ajouté qu’elle a le droit, en tant que citoyenne canadienne, de recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[20] La Commission a discuté avec la prestataire le 22 décembre 2021. Elle a examiné toutes les lettres de l’employeur à l’intention de la prestataire et a confirmé que celle-ci n’avait pas nié avoir reçu les lettres et qu’elle n’était pas en désaccord avec le résumé que la Commission en avait fait. La prestataire a déclaré qu’elle avait choisi de ne pas se faire vacciner pour des raisons personnelles. Elle a aussi présenté une demande d’exemption précisant que c’était sa décision personnelle de ne pas se faire vacciner et que cette obligation ne faisait pas partie de son contrat de travail. Elle a confirmé à la Commission que son refus de suivre la politique de vaccination n’était pas lié à un problème médical ou à une raison relative aux droits de la personne.

[21] La prestataire a réitéré que la politique de l’employeur [traduction] « allait à l’encontre » de sa convention collective. La Commission lui a demandé en quoi la politique violait sa convention. La prestataire a répondu qu’elle ne souhaitait pas faire de commentaires et que la Commission pouvait elle-même consulter sa convention collective. La Commission a précisé que la prestataire était responsable de fournir la preuve sur laquelle elle voulait s’appuyer et que si elle décidait de ne pas le faire, une décision serait rendue sur la foi du dossier et selon ses déclarations et celles de son employeur. La prestataire a dit qu’elle ne comprenait pas pourquoi cela était nécessaire, parce que les actions et la politique de l’employeur étaient illégales et qu’elle avait le droit de toucher des prestations d’assurance-emploi.

[22] Le 24 décembre 2021, la Commission a rendu la décision de maintenir sa conclusion selon laquelle la prestataire avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. La prestataire a fait appel au Tribunal le 24 janvier 2022.

[23] Dans l’avis d’appel, la prestataire précise que la politique de l’employeur va à l’encontre de sa convention collective parce que la vaccination n’était pas obligatoire et ne constituait pas une exigence liée à l’emploi lorsqu’elle a été embauchée en 2018. Elle ajoute que la convention collective fait seulement référence à la vaccination antigrippale. En effet, la convention précise que le personnel a le droit de refuser toute vaccination requise et énumère les options et les conséquences de cette décision.

[24] La prestataire soutient qu’il n’est pas logique qu’elle puisse refuser de se faire vacciner en vertu de cet article de la convention collective, mais qu’elle ne soit pas autorisée à le faire dans le cas de la COVID-19.

[25] Le 2 septembre 2021, l’employeur a déclaré qu’une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 prenait effet immédiatement. Selon la politique, tout le personnel devait être complètement vacciné contre la COVID-19 et fournir une preuve de vaccination, à moins d’une raison médicale ou d’un motif lié aux droits de la personne valide auquel cas un document à l’appui d’une exemption était nécessaire.

[26] L’employeur a envoyé une lettre à la prestataire le 16 septembre 2021. Il a réitéré que sa politique de vaccination obligatoire contre le COVID-19 était en vigueur et que la prestataire n’avait ni fourni de preuve de vaccination ni demandé d’exemption. L’employeur a précisé que la prestataire avait jusqu’au 30 septembre 2021 pour confirmer son statut vaccinal sur une page Web sécurisée. Sinon, elle serait soumise à des mesures disciplinaires progressives pouvant aller jusqu’au congé sans solde ou au congédiement.

[27] L’employeur a écrit à la prestataire le 24 septembre 2021. Il a confirmé qu’elle avait demandé d’être exemptée de la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 pour des motifs liés aux droits de la personne. L’employeur a dit avoir examiné sa demande et avoir jugé que la prestataire ne satisfaisait pas aux critères permettant de l’exempter, car les raisons qu’elle avait invoquées à l’appui d’une exemption n’étaient pas fondées sur un motif prévu par le Code des droits de la personne de l’Ontario. Dans sa lettre, l’employeur a aussi rappelé à la prestataire qu’elle avait jusqu’au 30 septembre 2021 pour fournir une preuve de son statut vaccinal. Sinon, elle serait soumise à des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congé sans solde ou au congédiement.

[28] Le 1er octobre 2021, l’employeur a écrit à la prestataire pour l’informer qu’elle ne respectait pas sa politique. La lettre précise que la prestataire a enfreint la politique de l’employeur. On lui a donc imposé une période de congé sans solde à partir du 1er octobre 2021. La prestataire resterait en congé sans solde jusqu’à ce qu’elle fournisse une preuve de vaccination ou qu’elle soit congédiée.

[29] L’employeur a fait un suivi le 1er novembre 2021 en envoyant une lettre pour confirmer que la prestataire ne s’était pas conformée à sa politique de vaccination. La prestataire a donc été congédiée sur-le-champ.

[30] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être volontaire. Autrement dit, la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque volontaireNote de bas de page 6. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la partie prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle a voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 7.

[31] Il y a inconduite si la partie prestataire savait ou avait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 8.

[32] Il est clair que la prestataire savait qu’elle pouvait perdre son emploi si elle refusait de se conformer à la politique de l’employeur. L’employeur le lui a dit à plusieurs reprises. Malgré tout, la prestataire a décidé de ne pas se faire vacciner, ce qui va à l’encontre de la politique. Elle n’a fourni aucune raison médicale ni aucun motif lié aux droits de la personne à l’appui d’une exemption. Elle n’a donc pas été exemptée de la politique de l’employeur.

[33] Dans l’avis d’appel, la prestataire précise que son employeur a violé sa convention collective en mettant en place une politique de façon unilatérale. C’est une question qu’il vaut mieux laisser à une commission ou à un tribunal du travail. La Cour suprême du Canada a rendu une décision sur la question de savoir si une politique de sécurité en milieu de travail est raisonnable et sur ce qui doit être pris en compte pour rendre une telle décisionNote de bas de page 9. Je ne suis pas un arbitre d’une commission de travail. La prestataire devrait présenter ses arguments sur la convention collective et la violation potentielle à une autre juridiction.

[34] J’ai le pouvoir de rendre une décision sur la demande de prestations d’assurance‑emploi de la prestataire. Il est clair que la prestataire a refusé de se conformer à une politique de l’employeur et que sa conduite a entraîné son congédiement. Son employeur a mis en place une politique de vaccination contre la COVID-19, et elle savait qu’elle pouvait perdre son emploi si elle ne la respectait pas. Comme la prestataire a volontairement refusé de s’y conformer, j’estime que la Commission a prouvé que les éléments juridiques liés à une inconduite existent dans le cas présent.

[35] Je juge aussi que la prestataire a été suspendue de son emploi le 1er octobre 2021, puis congédiée le 1er novembre 2021 en raison d’une inconduite. Par conséquent, elle est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi entre le 1er octobre 2021 et le 31 octobre 2021 et exclue du bénéfice des prestations à partir du 1er novembre 2021.

[36] Je remarque que la prestataire a précisé lors de la révision qu’elle devrait être admissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a cotisé au programme. Je ne suis pas d’accord. Même si elle a cotisé au programme d’assurance‑emploi, cela ne lui donne pas automatiquement le droit de recevoir des prestations. La Loi sur l’assurance-emploi est un régime d’assurance et, comme dans le cas d’autres régimes du genre, les parties prestataires doivent remplir certaines conditions pour obtenir des prestationsNote de bas de page 10. Dans le cas présent, la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle ne satisfait donc pas aux exigences pour recevoir des prestations.

Conclusion

[37] L’appel est rejeté. Je conclus que la prestataire a été suspendue de son emploi, puis congédiée en raison de sa propre inconduite.

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