Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 620

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Parties demanderesse : A. S.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 21 avril 2022 (GE-22-308)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 11 juillet 2022
Numéro de dossier : AD-22-348

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a travaillé dans le domaine des soins à domicile du 3 juillet 2018 au 1er octobre 2021. L’employeur l’a d’abord suspendue, puis congédiée, parce qu’elle ne respectait pas sa politique de vaccination contre la COVID-19. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a conclu que la prestataire a été suspendue, puis congédiée en raison d’une inconduite. Elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après révision, la prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire a été suspendue après avoir refusé de suivre la politique de l’employeur. Selon elle, la prestataire savait que l’employeur risquait de la suspendre dans ces circonstances. La division générale a conclu que la prestataire a été suspendue, puis congédiée en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Elle soutient qu’elle a droit à l’autonomie corporelle et à la liberté de choix. Elle affirme que la politique de vaccination était illégale et allait à l’encontre de son contrat de travail. Elle soutient aussi que la forcer à se faire vacciner est une violation de ses droits constitutionnels.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait permettre à l’appel d’être accueilli.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire a-t-elle soulevé une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait permettre à l’appel d’être accueilli?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social énumère les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs susceptibles de révision sont les suivantes :

  1. a) la division générale n’a pas offert une audience équitable;
  2. b) la division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher, ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. c) la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante;
  4. d) la division générale a commis une erreur de droit dans sa décision.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est une première étape que la partie prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui dont elle devra s’acquitter à l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, la partie prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur susceptible de révision. Autrement dit, elle doit établir qu’une erreur susceptible de révision peut avoir été commise et peut permettre à l’appel d’être accueilli.

[11] Ainsi, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins l’un de ces motifs confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

La prestataire a-t-elle soulevé une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait permettre à l’appel d’être accueilli?

[12] La prestataire soutient qu’elle a droit à l’autonomie corporelle et à la liberté de choix. Elle affirme que la politique de vaccination était illégale et allait à l’encontre de son contrat de travail. Elle soutient aussi que la forcer à se faire vacciner est une violation de ses droits constitutionnels.

[13] La prestataire a travaillé dans le domaine des soins à domicile du 3 juillet 2018 au 1er octobre 2021. Lorsque le gouvernement a exigé que toute personne travaillant dans un établissement de soins de santé se fasse vacciner, l’employeur a mis en place une politique qui est entrée en vigueur le 2 septembre 2021. Toutefois, la prestataire ne s’y est pas conformée.

[14] La division générale devait décider si la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison de son inconduite.

[15] La notion d’inconduite ne prévoit pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[16] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de sorte que cette suspension serait injustifiée, mais bien de savoir si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension et son congédiement.

[17] Compte tenu de la preuve, la division générale a conclu que la prestataire a été suspendue parce qu’elle a refusé de se faire vacciner, comme l’exige la politique de l’employeur en réponse à la pandémie. La prestataire a été informée de la politique mise en place par l’employeur pour protéger la santé et la sécurité de tout le personnel sur le lieu de travail et a eu le temps de s’y conformer. La prestataire a volontairement refusé de le faire. C’est ce qui a directement entraîné sa suspension et son congédiement. Elle savait ou aurait dû savoir que son refus de suivre la politique pourrait mener à une suspension et à un éventuel congédiement.

[18] La division générale a conclu selon la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi que le non-respect délibéré de la politique d’un employeur est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 1.

[20] La prestataire soulève aussi l’argument que la politique de l’employeur allait à l’encontre de son contrat de travail et violait ses droits constitutionnels.

[21] Je ne constate aucune erreur susceptible de révision commise par la division générale lorsqu’elle a déclaré qu’elle devait trancher la question de l’inconduite uniquement dans le cadre des paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[22] Je suis bien conscient que la prestataire peut chercher à obtenir réparation en s’appuyant sur une autre loi si une violation a eu lieuNote de bas de page 3. Cela ne change pas le fait qu’au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été suspendue, puis congédiée en raison de son inconduite.

[23] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire n’a pas signalé d’erreur susceptible de révision concernant la compétence ou le manquement à un principe de justice naturelle de la part de la division générale. Elle n’a pas soulevé d’erreur de droit ni de conclusion de fait erronée que la division générale pourrait avoir tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[24] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[25] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

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